PERSE ET HINDOUS


« Des papillons sont amoureux d'une bougie et décident de l'approcher. Les timides reviennent déçus, n'ayant senti que l'odeur de la cire. Le plus passionné la serre de si près, dans ses ailes palpitantes qu'il s'enflamme, DEVIENT LA BOUGIE ELLE-MÊME.
Jamais plus le papillon ne reviendra de son aventure. »
(Légende persane)



« Un adolescent tourmenté par la connaissance de Dieu vint frapper à la porte de l'Aimé. Une voix de l'intérieur demanda : Qui est là ? Le jeune homme répondit : C'est moi. La voix dit alors : Cette maison ne peut abriter les deux ensemble. Et la porte resta close. Alors l'adorateur s'en alla dans la solitude, il jeûna et pria. Un an après, il revint et frappa de nouveau à la porte et la voix du Bien-Aimé demanda encore : Qui est là ? Et l'homme répondit : C'est toi ! Et la porte s'ouvrit. »
(Apologue du Poète Djelaleddin Er-Rumi)


« A l’interrogation de l’âme émerveillée, demandant « qui donc es-tu ? » à la jeune fille qui s’avance à l’entrée du Pont Chinvat et dont la beauté resplendit plus que toute autre beauté jamais entrevue au monde terrestre, elle répond : « Je suis ta propre Daênâ », – ce qui veut dire : je suis en personne la foi que tu as professée et celle qui te l’inspira, celle pour qui tu as répondu et celle qui te guidait, celle qui te réconfortait et celle qui maintenant te juge, car je suis en personne l’Image proposée à toi-même dès la naissance de ton être et l’Image voulue enfin par toi-même ; j’étais belle, tu m’as faite encore plus belle ».
(Henry Corbin)


« Quand j'atteignis le fond de moi, il n'y eut plus ni Toi ni moi ! »
(Svâmi Gnânânanda)



« Ainsi retourne au Dieu des origines de l'homme et le monde, dans l'accomplissement d'une Loi unique, dans l'Amour, qui, de tous les êtres fait un seul Être essentiel, une seule Nature immanente, une seule pensée vivante. »
(Th. Darel)


De même que Fatima, fille du prophète Mohammed, a pour surnom Zohra ou Zahra, qui est le nom de la planète Vénus, qu'on appelait Isthar dans l'ancien Orient, de même dans le persan moderne, le terme « Nahid » désigne à la fois la planète Vénus et le surnom de l'ancienne divinité « Ardui-Souria-Anaïta » dite « Anahita ».
« Ardui » est le diminutif de Arduina, grande Déesse celtique qui donna son nom à une région de la Gaule-Belgique : la forêt des Ardennes, formant la région nord de Médiomatrice.




« Si les Occidentaux reconnaissaient que tout n’est pas forcément à dédaigner dans les autres civilisations pour la seule raison qu’elles diffèrent de la leur, rien ne les empêcherait plus d’étudier ces civilisations comme elles doivent l’être, nous voulons dire sans parti pris de dénigrement et sans hostilité préconçue ; et alors certains d’entre eux ne tarderaient peut-être pas à s’apercevoir, par cette étude, de tout ce qui leur manque à eux-mêmes, surtout au point de vue purement intellectuel. Naturellement, nous supposons que ceux-là seraient parvenus, dans une certaine mesure tout au moins, à la compréhension véritable de l’esprit des différentes civilisations, ce qui demande autre chose que des travaux de simple érudition (…)
« sauf des exceptions d’autant plus honorables qu’elles sont plus rares, il n’y a plus guère en Occident que deux sortes de gens, assez peu intéressantes l’une et l’autre : les naïfs qui se laissent prendre à ces grands mots et qui croient à leur « mission civilisatrice », inconscients qu’ils sont de la barbarie matérialiste dans laquelle ils sont plongés, et les habiles qui exploitent cet état d’esprit pour la satisfaction de leurs instincts de violence et de cupidité. En tout cas, ce qu’il y a de certain, c’est que les Orientaux ne menacent personne et ne songent guère à envahir l’Occident d’une façon ou d’une autre (…)
« Nous avons déjà fait allusion au rôle que pourrait jouer une élite intellectuelle, si elle arrivait à se constituer dans le monde occidental, où elle agirait à la façon d’un « ferment » pour préparer et diriger dans le sens le plus favorable une transformation mentale qui deviendra inévitable un jour ou l’autre, qu’on le veuille ou non. » (René Guénon)



AVANT-PROPOS
Il semble que la question des rapports de l’Orient et de l’Occident soit tout particulièrement à l’ordre du jour depuis quelques années, qu’elle se pose d’une façon de plus en plus pressante ; mais il semble aussi que presque tout ce qu’on écrit à ce sujet n’y apporte que bien peu d’éclaircissements.
Il faudrait d’ailleurs, avant tout, s’entendre sur une délimitation un peu précise des deux ensembles qu’on désigne par les noms d’Orient et d’Occident ; et cela est d’autant plus nécessaire qu’il se produit parfois d’étranges méprises. Ainsi, certains, dans ce qu’ils appellent l’Orient, font entrer la Russie, voire même l’Allemagne, qui est pourtant, qu’on le veuille ou non, un des pays les plus représentatifs de l’esprit occidental.
À vrai dire, il n’y a pas lieu de s’étonner de tout cela, car ce ne sont là que des exemples de la confusion qui règne actuellement dans tous les domaines, et dont on pourrait dire qu’elle constitue un des caractères dominants de la mentalité de notre époque.
Certains vont jusqu’à contester que la division même de l’humanité en Orient et Occident corresponde à une réalité ; et pourtant, tout au moins dans l’état actuel des choses, qui seul nous occupe présentement, cela ne semble pas pouvoir être sérieusement mis en doute. D’abord, qu’il existe une civilisation occidentale, commune à l’Europe et à l’Amérique, c’est là un fait sur lequel tout le monde doit être d’accord, quel que soit d’ailleurs le jugement qu’on portera sur la valeur de cette civilisation. Pour l’Orient, les choses sont moins simples : il est certain qu’il existe, non pas une seule mais plusieurs civilisations orientales ; mais il suffit qu’elles possèdent certains traits communs, et que ces mêmes traits ne se trouvent pas dans la civilisation occidentale, pour que la distinction de l’Orient et de l’Occident soit par là même pleinement justifiée. Nous rappellerons seulement, pour fixer les idées, la division générale que nous avons adoptée pour l’Orient, et qui, bien que peut-être un peu trop simplifiée si l’on voulait entrer dans le détail, est pourtant exacte quand on s’en tient aux grandes lignes : l’Extrême Orient, représenté essentiellement par la civilisation chinoise ; le Moyen Orient, par la civilisation hindoue ; le Proche Orient, par la civilisation musulmane. Il convient d’ajouter que cette dernière, à bien des égards, devrait plutôt être regardée comme intermédiaire entre l’Orient et l’Occident (1), et que beaucoup de ses caractères la rapprochent même surtout de ce que fut la civilisation occidentale du Moyen Âge ; mais, si on l’envisage par rapport à l’Occident moderne, on doit reconnaître qu’elle s’y oppose au même titre que les civilisations proprement orientales auxquelles il faut donc l’associer à ce point de vue.
C’est là, précisément, ce sur quoi il est essentiel d’insister : l’opposition de l’Orient et de l’Occident n’a tout son sens que s’il s’agit spécialement de l’Occident moderne, car cette opposition est beaucoup plus celle de deux esprits que celle de deux entités géographiques plus ou moins nettement définies ; et, à certaines époques, au Moyen Âge notamment, l’esprit occidental ressemblait fort, par ses côtés les plus importants, à ce qu’est encore aujourd’hui l’esprit oriental, bien plus qu’à ce qu’il est devenu lui-même dans les temps modernes. Il s’est donc produit, au cours des derniers siècles, un changement considérable, qui va même jusqu’à un véritable renversement, dans la direction donnée à l’activité humaine, et c’est dans le monde occidental exclusivement que ce changement a eu lieu.
La « civilisation » moderne étant le résultat direct de la mentalité des peuples anglo-saxons, nous ne saurions trop mettre en garde contre toutes les contrefaçons qui ne représentent que des idées tout occidentales et modernes, masquées sous des vocables orientaux détournés de leur sens (2).
Par conséquent, lorsque nous disons esprit occidental, en nous référant à ce qui existe présentement, ce qu’il faut entendre par là est proprement l’esprit moderne.
Aller plus loin dans la compréhension effective des civilisations orientales suppose donc une réforme complète de la mentalité moderne, puisque c'est dans celle-ci que réside l'élément d'opposition qui rend une telle compréhension impossible. Et cette réforme doit avoir pour conséquence naturelle un rapprochement avec l'Orient.
(R. Guénon, Terrain d'entente entre l'Orient et l'OccidentRecueil)
La supériorité matérielle de l’Occident moderne n’est pas contestable ; personne ne la lui conteste non plus, mais personne ne la lui envie. Il faut aller plus loin : ce développement matériel excessif, l’Occident risque d’en périr tôt ou tard s’il ne se ressaisit à temps, et s’il n’en vient à envisager sérieusement le « retour aux origines », suivant une expression qui est en usage dans certaines écoles d’ésotérisme islamique. De divers côtés, on parle beaucoup aujourd’hui de « défense de l’Occident » ; mais, malheureusement, on ne semble pas comprendre que c’est contre lui-même surtout que l’Occident a besoin d’être défendu, que c’est de ses propres tendances actuelles que viennent les principaux et les plus redoutables de tous les dangers qui le menacent réellement. Il serait bon de méditer là-dessus un peu profondément, et l’on ne saurait trop y inviter tous ceux qui sont encore capables de réfléchir.
(René Guénon, La Métaphysique orientale)
(1) « Le monde occidental, depuis des temps qui remontent encore plus loin que le début de l’époque dite historique, et quelles qu’aient été les formes traditionnelles qui l’organisaient, avait d’une façon générale toujours entretenu avec l’Orient des rapports normaux, proprement traditionnels, reposant sur un accord fondamental de principes de civilisation. Tel a été le cas de la civilisation chrétienne du Moyen Âge. Ces rapports ont été rompus par l’Occident à l’époque moderne dont René Guénon situe le début beaucoup plus tôt qu’on ne le fait d’ordinaire, à savoir au XIVème siècle, lorsque, entre autres faits caractéristiques de ce changement de direction, l’Ordre du Temple, qui était l’instrument principal de ce contact au Moyen Âge chrétien, fut détruit : et il est intéressant de noter qu’un des griefs qu’on a fait à cet ordre était précisément d’avoir entretenu des relations secrètes avec l’Islam, relations de la nature desquelles on se faisait d’ailleurs une idée inexacte, car elles étaient essentiellement initiatiques et intellectuelles. » (Michel Vâlsan)
(2) La Franc-Maçonnerie est d’origine hébraïque (les Mystères de Jérusalem), tous les mots de passe sont des vocables hébreux, ses légendes sont tirées de l’histoire du peuple d’Israël. Cependant, Joseph de Maistre, dans « Mémoire au duc de Brunswick » (1782), précise ceci : « Tout annonce que la Franc-Maçonnerie vulgaire est une branche détachée et peut-être corrompue d’une tige ancienne et respectable. ». « C’est bien ainsi qu’il faut envisager la question, confirme René Guénon qui ajoute qu'on a trop souvent le tort de ne penser qu’à la Maçonnerie moderne (ou « Maçonnerie spéculative »), sans réfléchir que celle-ci est simplement le produit d’une déviation, et d'une dégénérescence au sens d’un amoindrissement consistant dans la négligence et l’oubli de tout ce qui est « réalisation » du point de vue initiatique. Les premiers responsables de cette déchéance, à ce qu’il semble, ce sont les pasteurs protestants, Anderson (*) et Desaguliers, qui rédigèrent les Constitutions de la Grande Loge d’Angleterre, publiées en 1723, et qui firent disparaître tous les anciens documents (Old Charges) de l’ancienne « Maçonnerie opérative » sur lesquels ils purent mettre la main, pour qu’on ne s’aperçût pas des innovations qu’ils introduisaient, et aussi parce que ces documents contenaient des formules qu’ils estimaient fort gênante. Ce travail de déformation, les protestants l’avaient préparé en mettant à profit les quinze années qui s’écoulèrent entre la mort de Christophe Wren, dernier Grand-Maître de la Maçonnerie ancienne (1702), et la fondation de la nouvelle Grande Loge d’Angleterre (1717). Cependant, ils laissèrent subsister le symbolisme, sans se douter que celui-ci, pour quiconque le comprenait, témoignait contre eux aussi éloquemment que les textes écrits, qu’ils n’étaient d’ailleurs pas parvenus à détruire tous, puisqu’on connaît une centaine de manuscrits sur lesquels ils n’avaient pu mettre la main et qui ont échappé à la destruction. Voilà, très brièvement résumé, ce que devraient savoir tous ceux qui veulent combattre efficacement les tendances de la Maçonnerie actuelle, bien qu'il y a eu ultérieurement une autre déviation dans les pays latins, celle-ci dans un sens antireligieux, mais c’est sur la « protestantisation » de la Maçonnerie anglo-saxonne qu’il convient d’insister en premier lieu. ». De plus, René Guénon, dans son ouvrage « Initiation féminine et initiations de métier, Études Traditionnelles », nous fait remarquer que dans la Franc-Maçonnerie moderne, nous trouvons l’existence d'une « Maçonnerie mixte », ou « Co-Masonry », comme elle est appelée dans les pays de langue anglaise, qui représente tout simplement une tentative de transporter, dans le domaine initiatique lui-même qui devrait encore plus que tout autre en être exempt, la conception « égalitaire », si chère au monde moderne, qui, se refusant à voir les différences de nature qui existent entre les êtres, en arrive à attribuer aux femmes un rôle proprement masculin, et qui est d’ailleurs manifestement à la racine de tout le « féminisme » contemporain. Et Robert Ambelain de conclure : « Ce nouveau rite allait lancer la FM sur une nouvelle voie... qui tendrait à saper certaines valeurs qui font la dignité de l'homme, par l'athéisme, le matérialisme, le laxisme menant à l'amoralisme désagrégateur. » (La Franc-Maçonnerie oubliée).
(*) « Pour en revenir à Anderson, un journal, en annonçant sa mort en 1739, le qualifia de « très facétieux compagnon », ce qui peut se justifier par le rôle suspect qu’il joua dans le schisme spéculatif et par la façon frauduleuse dont il présenta sa rédaction des nouvelles Constitutions comme conforme aux documents « extraits des anciennes archives » ; A. E, Waite a écrit de lui qu’« il était surtout très apte à gâter tout ce qu’il touchait » ; mais sait-on que, à la suite de ces événements, certaines Loges opératives allèrent jusqu’à prendre la décision de n’admettre désormais aucune personne portant le nom d’Anderson ? Quand on songe que c’est là l’homme dont tant de Maçons actuels se plaisent à invoquer constamment l’autorité, le considérant presque comme le véritable fondateur de la Maçonnerie, ou prenant tout au moins pour d’authentiques landmarks tous les articles de ses Constitutions, on ne peut s’empêcher de trouver que cela n’est pas dépourvu d’une certaine ironie… » (R. Guénon, Études sur la Franc-Maçonnerie et le Compagnonnage, tome 2)


La meilleure façon d'être européen est de s'intéresser à l'Orient :
Il s’agit non d’imposer à l’Occident une tradition orientale, dont les formes ne correspondent pas à sa mentalité, mais de restaurer une tradition occidentale avec l’aide de l’Orient


LES IRANIENS
RÉVOLUTION RELIGIEUSE EN PERSE
Un intérêt puissant s'attache à l'histoire des anciens Perses.
« Ancêtres de la race Aryenne, dont nous sommes les descendants, ils ont joué un rôle immense dans l'évolution religieuse de l'humanité. Les Ecritures saintes ont fait de leur pays, l'antique Iran, le berceau de l'humanité. »
Nous n'admettons pas ces fables, mais nous affirmons cependant que cette race a eu une influence considérable sur la première civilisation humaine. Nous avons à en chercher la source.
On nous parle beaucoup des migrations de la race Aryenne qui aurait envahi l'Ouest et le Sud-Est, peuplant une partie de l'Asie Occidentale, l'Europe presque entière, et atteignant jusqu'aux Iles Britanniques et à l'Irlande, dont le nom signifie : Terre des Ires ou Aryas.
Mais aujourd'hui que la grande rectification de l'Histoire est commencée, nous savons que ce n'est pas du Sud qu'est venue la lumière, c'est du Nord. Et nous savons aussi, comme l'explique l'Origine végétale (1), que les nations sont toutes autochtones, la terre ne s'est pas peuplée par des émigrations, il n'y a pas eu d'homme primitif créé par la volonté d'un Dieu Créateur dans un endroit donné, l'humanité est sortie de la terre végétale, par voie d'évolution, dans tous les pays en même temps (Voir l'article intitulé Nos véritables origines).
Donc il faut abandonner la théorie des émigrations de peuples. Mais si les hommes ne se sont pas déplacés en masse, ce qui a circulé, c'est l'idée, c'est la pensée créatrice qui a fait naître des religions et des civilisations.
C'est cela que nous avons à étudier, et nous allons encore ici trouver bien des surprises, c'est-à-dire des explications qui renversent totalement les vieux mensonges historiques auxquels on s'était habitué.
On raconte qu'à une époque reculée, dont on ne saurait fixer la date, mais que l'on place entre 3.000 et 2.500 ans avant notre ère, le pays d'où sort le fleuve Amou ou Djihoun (autrefois Oxus) était habité par des tribus Gynécocrates.
Il existait plusieurs groupes, qui, à des époques diverses, se répandirent dans deux directions opposées : un groupe s'en alla vers l'Est, descendant dans la vallée de l'Indus et plus tard dans celle du Gange, où il se mêla aux indigènes pour former le peuple Hindou ; l'autre groupe se répandit sur le plateau qui s'étend de l'Indus à la mer Caspienne et à la plaine de l'Euphrate et du Tigre.
Au VIème siècle avant notre-ère, les tribus de ce groupe avaient acquis l'hégémonie sur les autres et leur donnèrent son nom, d'où l'appellation d'Aryas qui désigne les Hindous et les Perses, dans les livres de l'Inde. On dit Airyas dans les livres de la Perse. Il existait entre ces deux peuples une grande analogie de langue et de croyances.
Deux groupes de tribus se formèrent et devinrent le « nord-iranien » et le « sud-iranien ». C'est du Nord-Iranien que vient l'A-Vesta. Dans le système chronologique des Perses, on donne 3.000 ans de durée au régime gynécocratique, pendant lequel « le monde a demeuré en paix ». En effet, tant que dura la théocratie féminine, aucune révolution politique ne se produisit, le calme régna partout, la vie était heureuse et occupée ; l'agitation commença avec l'ambition de l'homme, et c'est après les premiers schismes que l'on vit des aventuriers, mus par un orgueil funeste, secouer l'autorité morale de la Mère et se jeter dans la voie de la rébellion et du crime. Ce fut environ 20 siècles avant notre ère que cette révolte commença avec Belochus à Babylone, Pradyota aux Indes.
(1) « L'Évolution de l'homme et des animaux, histoire positive du développement primitif démontrée par le développement embryonnaire. 1er fascicule » (1888)

LE LIVRE SACRÉ DES PERSES
Le Livre sacré des anciens Iraniens est l'Avesta, un ouvrage d'une importance capitale.
Il était totalement inconnu de l'Europe pendant le Moyen Âge.
C'est Anquetil-Duperron qui le fit connaître à la France. Il partit de Paris en 1755 et, après toutes sortes d'aventures, y revint en 1762 avec les manuscrits qu'il avait obtenus des Destours (docteurs) Darobs et Kaous.
Ce ne fut pas sans peine qu'il trouva les possesseurs des livres fameux qu'il cherchait. Les derniers sectateurs, obligés d'émigrer après la destruction de leur religion par les Arabes au VIIème siècle, étaient allés se réfugier dans la presqu'île de Guzerate, sur la côte occidentale de l'Inde. Ils avaient, naturellement, emporté avec eux leurs Ecritures, qu'ils gardaient précieusement et secrètement, c'est-à-dire qu'ils ne les communiquaient pas au peuple ni aux ennemis de leur religion.
Ce fut à grand peine qu'Anquetil-Duperron parvint à obtenir d'eux que les livres lui soient communiqués. Mais ils refusèrent de livrer les manuscrits et consentirent seulement à les dicter. Ces anciens Mazdéens sont connus, aujourd'hui, sous le nom de Parsis ou Guèbres. Les livres qu'Anquetil a pu trouver et traduire sont :
1°. Le Yaçna le plus ancien.
C'est une collection de documents liturgiques composée d'invocations et de litanies, des prières accompagnées d'offrandes. On y trouve cinq Gâthâs ou hymnes. Le tout en 72 chapitres nommés Hâs.
(Les gâthâs sont rédigés dans un dialecte différent de celui des autres livres. Burnouf les considère comme les plus anciens morceaux de l'Avesta).
2°. Le Visperad, ou connaissance de tout.
C'est encore un recueil d'invocations et de litanies. Il est divisé en 27 kards ou portions. C'est le plus étendu des trois.
3°. Le Vendidad, qui veut dire « donné contre les dews », livre écrit dans la période de réaction contre les femmes.
Les Destours (Docteurs) récitent par cœur le Vendidad tout entier.
Il y avait aussi une collection de prières et de formules liturgiques de date plus récente : le Korda Avesta ou Petit Avesta.
La traduction d'Anquetil fut jugée mauvaise par William Jones et Eugène Burnouf.
Du reste, il avait été induit en erreur par le Destour parsi qui lui avait dicté le livre et n'y avait mis que ce qu'il avait voulu
Et puis, l'Avesta étant déjà une œuvre altérée, il ne fallait donc plus s'attendre à y trouver « le livre primitif ».
La première traduction française de l'Avesta qui soit considérée comme authentique est due à Monseigneur de Harlez, professeur à l'Université de Louvain. Elle parut à Liège en 1875 et 1877 (trois volumes).
L'auteur en a publié, en 1881 une édition revue qui forme le tome V de la Bibliothèque Orientale.
L'histoire de l'A-Vesta est celle de tous les livres sacrés de l'antiquité ; tous ont eu le même sort parce que leur auteur était une femme, une Déesse qu'on a voulu cacher, et la science que ces livres contenaient exposait des Vérités dont on ne voulut plus quand la Direction de la Religion passa au pouvoir des Prêtres.
L'A-Vesta fut donc altéré dans la suite des temps.
Aussi, pour la clarté de ce qui va suivre, il est nécessaire d'expliquer le titre du livre et d'allumer la lumière sur son auteur, jusque-là, inconnu.

LE TITRE DU LIVRE
Anquetil avait traduit l'expression Zend-Avesta, qui sert de titre au Livre, par « Parole vivante », « Parole de vie ». Il croyait que Zend signifiait vivant, et Avesta parole.
Après lui, on a cru longtemps que Zend désignait la langue primitive.
D'après Burnouf, zend désigne non une langue, mais un livre. Il dérive de zan (connaître) et veut dire « explication, commentaire, paraphrase ». Il sert à désigner la traduction pehlvi de l'Avesta : Avistah va zend, qui signifie « la loi et son commentaire », la loi et sa traduction, pourrait-on dire.
Quant au mot Avesta, les Parsis le remplacent par Dîn (loi), en zend daîna d'après Burnouf. Le mot parole est Mathra. On dit « la parole d'Ormuzd ».
Les Parsis disent de la parole primitive « langue de Mathra », langue de l'Avesta, langue céleste, c'est-à-dire langue créée et parlée par la primitive Divinité.
Notre explication à nous est différente.
Nous remontons plus haut que les traducteurs et les interprètes pehlvis, et nous trouvons ce qu'ils ont ignoré ou ce qu'ils n'ont pas voulu dire. C'est que A-Vesta, d'abord, doit s'écrire en deux mots : A, article, Vesta, nom de la grande Déesse, qui représente l'Esprit symbolisé par le feu.
C'est parce que le titre du livre a cette signification que les prêtres parsis l'ont supprimé et remplacé par le mot Dîn.
Zend A-Vesta voudrait donc dire : Livre de la connaissance de l'Esprit de la Déesse Vesta ou de la Parole Divine.

L'AUTEUR DE L'A-VESTA
Les savants modernes nous disent tous qu'on n'est d'accord ni sur le lieu ni sur le temps où le Mazdéisme parut, ni même sur le nom du législateur sacré.
Il suffit de comparer sur ces divers points la doctrine de Spiegel, Eranische Alterthumskunde, et celle de James Darmesteter, Ormuzd et Ahriman et surtout l'introduction au Zend-Avesta (Annales du Musée Guimet, T. XXI).
Cela n'est pas étonnant. On a caché le nom de l'auteur comme on a caché le titre du livre. Mais nous pouvons facilement le retrouver.
La Perse fut appelée au début Airiana, dont on a fait Eran, puis Iran, l'ancien nom du pays.
Dans l'A-Vesta, on énumère 15 localités excellentes créées par Ahura-Mazda (le principe du Bien), et la première s'appelle Airyana Vaêja (1). C'est de ce mot Airiana que viendra, le nom Airyas, puis Aryas, donné aux Hindous et aux Perses.
Donc on trouve dans le premier Fargard du « Vendidad » l'énumération de « quinze lieux excellents » créés par Ahura-Mazda (la Divinité Femme).
Comment un Dieu cosmique aurait-il créé des tribus sur la Terre ?
Ces colonies sont :
Airyana Vœja ;
Sougdha,
Mourou ;
Bakhdhi ;
Niça, etc..
La plus occidentale est Varena au nord de la Médie, la plus orientale est Hapta Hendou.
Diodore de Sicile parle du législateur des Arianiens. Dans les anciens livres sanscrits, on les appelle Aryas ; dans ceux de la Perse, Airyas.
C'est du nom Airyana qu'est venu le mot Airya, qui désigne le peuple qui suit sa législation.
De tous ces faits nous concluons que l'auteur de l'A-Vesta, qui a donné au pays sa religion, sa législation et son nom, s'appelait Aryane.
Et nous retrouvons ce nom dans la mythologie grecque qui nous dira que, pour se conduire dans le dédale de la science, il faut « le fil d'Ariane », c'est-à-dire la connaissance de l'A-Vesta.
(1) L'endroit que, dans le Vendidad, on désigne sous le nom de Airyana Vaêja et où naquit le législateur originel est appelé, dans la littérature Pourânique, Shvêta Dvîpa, Mont Mérou, demeure de Vishnou, etc., et dans la Doctrine secrète on l'appelle simplement la terre des Dêvas sous la Direction de leur chef, les Esprits de cette planète (Doc. Sec., t. III, p. 8).
G. de Roisel dans « Études anté-historiques : les Atlantes » écrit également : « Les livres zends parlaient même de la terre heureuse par excellence, du continent occidental, actuellement disparu, d'où la grande civilisation avait répandu ses bienfaits. « J'ai créé, dit Ormuzd à Zoroastre, un lieu de délices et d'abondance. Elle se nomme Eériene Veedjo ; et elle surpassait en beauté le monde entier, tant qu'il peut s'étendre. Rien ne fut jamais comparable aux charmes de cette terre de délices... Le premier séjour de bénédiction et d'abondance que j'ai créé, moi Ormuzd, fut Eériene Veedjo ! » »

LES LIVRES PERDUS
Les Perses assurent qu'avant Alexandre les livres sacrés étaient au nombre de vingt-et-un. Ils en conservent la liste détaillée.
Ces vingt-et-un « nosks » (1) traitent de toutes les sciences théogoniques. En voici les titres avec l'indication du sujet traité dans chacun :
Setoud-yesht (louange de la Divinité). Il traite de la nature de la Divinité et de celle des anges. « Culte de louange ». (Ne pas oublier que, dans les temps théogoniques, la Divinité, c'était la Femme vivante).
Setoud-gher (celui qui loue). De la prière, de la pureté, des œuvres, etc.. « Ce qui cause du profit ». (Le culte primitif rendu à la femme par l'homme.)
Vehesht-Mansré (la céleste parole). De la foi. « Loi excellente ». (Il s'agit de la Vérité révélée par la Femme, devant laquelle elle veut que l'homme s'incline sans discuter.)
Bagh (bonheur). Ce livre s'occupe de ce que renferme la loi et de son vrai sens donné par le Dieu (donc la Déesse) grand et saint (Bag veut dire Dieu). (Ceci nous fait savoir que, dans l'Avesta comme dans le Sépher, une Loi était formulée et on lui donnait déjà un sens altéré.)
Douazdah Hamast (les douze choses entières). Le sujet est le secours. Ce livre parle du peuple méchant, du monde supérieur, du monde inférieur, de tout ce que la Divinité a fait dans le Ciel (Domaine de l'Esprit), sur la terre, etc.. ; il traite encore de la résurrection, de la voie large, de la création (Dâmdâd).
Nader (l'excellent, le rare). C'est un traité d'astronomie.
Padfem (les animaux). Il est question des animaux qu'il est permis ou défendu de manger, de leur cuisson (Pâtchâm), etc.. 
Reteshtai (des militaires, des chefs). Traité de l'autorité, de l'obéissance, des sujets, des juges, etc.. (Ratoushtâiti, souveraineté).
Beresht (exécution des ordres ou supériorité). Ce livre parle des juges, examine leurs actions, leurs volontés, etc.. (Barish, direction).
10° Kesesrob (l'agréable parole). C'est un traité de l'esprit, de la science, de l'intelligence.
11° Veshtasp-sah. C'est l'éloge du règne de Veshtasp. On y parle de sa conversion.
12° Khesht. Traité de la connaissance de la Divinité, de l'obéissance due aux rois, de la rémunération de la loi (Dâdâk).
13° Sefand (excellent). Roule (rouleau) sur la science nécessaire aux hommes saints (spent).
14° Djeresht (il fait). Fait connaître les causes de ce qui regarde l'homme et des divers états, ce qui est droit (Tchirast).
15° Baghan-yesht (l'Yesht du Bienheureux). Contient l'éloge du peuple des Dieux (donc des Déesses) et des anges, de l'homme qui s'approche de la Déesse et la remercie de ses bienfaits : c'est le culte des Divinités (Bagân-yast).
16° Nyarem (je ne cherche pas mon bien particulier). C'est un traité des biens et de la manière de les employer.
17° Asparom (le livre par excellence). Traite des œuvres extraordinaires produites par les Nereugs ; fait connaître l'homme de la loi, ordonne des pénitences pour que le Juste dans ce monde soit délivré.
18° Davaseroudjed (qui donne le dernier remède). Secours, connaissance de l'homme et des animaux, ce qu'on doit leur donner (médecine).
19° Askarem (je découvre, déclare). Traité des jugements, des ordres, de l'obligation d'apprendre la meilleure ordonnance des lois.
20° Vendidad (donné pour éloigner le dev). Apprend à l'homme à se garantir des œuvres mauvaises d'Ahriman, de l'impureté, etc.
21° Hâdokht (les Hâs puissants). De la manière de faire des œuvres pures, etc.
(1) « Les préceptes religieux et sociaux du Mazdéisme n'ont d'autre but que de faire triompher le souverain bien, et d'opérer la rédemption. Composé de deux racines galliques, le mot « Nackas » en zend (« Nosks » en pehlvi) résume ces deux idées, et rend admirable la pensée qui a présidé à la composition de ces livres.
« Nac, Nagt, Nacht, signifie la négation, le non être, l'obscurité ; au figuré le fini ou le mal. Les flamands écrivent encore indifféremment Nagt ou Nacht pour désigner la nuit. « Kas de Kassen » signifie chasser, repousser, faire fuire dans le but de détruire. Chasser la nuit, dissiper les ténèbres, c'est faire triomper la science, la lumière. « Nagt-Kars, ou comme le prononce un des plus vieux patois flamands, « Nachtkas », signifie encore chandelle de nuit. » (G. de Roisel, Études anté-historiques - les Atlantes)

ARYANE DANS LA MYTHOLOGIE
Quand les Grecs feront leur mythologie, qui a pour but de cacher le rôle de la femme, ils diront qu'Aryane était fille de Minos, que dans le Labyrinthe de Crète Thésée se serait égaré sans le fil d'Aryane (c'est-à-dire la Science). Ce qui prouve bien que le Labyrinthe, c'est le symbole de l'erreur, de la parole de mensonge des imposteurs qui sont venus tout embrouiller en supprimant le rôle des femmes et en substituant des Dieux mâles aux antiques Déesses.
Dans les Mystères, la danse des jeunes Crétoises imitait les détours du Labyrinthe (1).
Dans l'Iliade (chant 17), nous lisons : « Vulcain sur l'armure qu'il prépare pour Achille a gravé des épisodes divers ». L'un représente « un chœur semblable à celui que, jadis, dans la vaste Cnosse Dédale forma pour Ariane, à la belle chevelure. Des jeunes gens et des vierges attrayantes se tenaient par la main, frappant du pied la terre, etc.. » ; ils forment des danses, des quadrilles, etc..
Une autre légende, non moins mythologique, dit que le héros Thésée avait abandonné Ariane, malgré sa promesse de la placer sur le trône d'Athènes, mais que Bacchus la consola en l'épousant et lui donna une couronne d'or qui devint, plus tard, une constellation.
Voilà des idées bien masculines...
A Rome, on donne le nom de Libera (celle qui libère) à Vénus, à Proserpine, et à Ariane. Et Bacchus, par imitation, se fait appeler Liber.
Le mot Liberté désignait une divinité féminine allégorique représentée par une femme vêtue de blanc, tenant d'une main un sceptre, et de l'autre un bonnet (qui devint le bonnet phrygien), et ayant près d'elle un joug rompu. Le nom Libertrites donné aux Muses semble bien indiquer que c'est par la science des grands Livres sacrés que la femme s'est libérée de la première domination de l'homme.
L'Aryane grecque serait la reine Arètès consacrée comme Déesse. Elle est citée par Bachofen qui dit qu'Eusthate considère son histoire comme une fable. Donc on la discute.
Au Vème siècle, les Mages (prêtres) font une révision de certaines parties de l'A-Vesta et racontent les luttes de sexes au point de vue masculiniste. Cela s'appelle « le combat de Vistaçpa avec Areiat-Açpa ou Arjaçp ». Ce nom Areiat, donné à la femme, semble dériver d'Aryane avec la terminaison at ou et ou eth qui ridiculise les Déesses.
Aryane, selon la fable, chevauche le Léopard qui a sur elle le pouvoir de la suggestion. De tout cela, il est resté le « Lamento d'Aryane ».
(1) Le labyrinthe crétois était le palais de Minos. On peut comprendre la raison pour laquelle le parcours du labyrinthe tracé sur le dallage de certaines églises, au Moyen Âge, était regardé comme remplaçant le pèlerinage en Terre Sainte pour ceux qui  ne pouvaient l'accomplir ; Il faut se souvenir que le pèlerinage est précisément une figure de l'initiation, de sorte que le « pèlerinage en Terre Sainte » est, au sens ésotérique, la même chose que la « recherche de la parole perdue » ou la « queste du Saint Graal ».


« dans l'Orient, il y a une sagesse profonde que l'Occident ne sait pas apercevoir... l'Orient possède une vérité qui peut s'accorder avec la vérité des plus hautes traditions occidentales »
(R. Guénon cité par Paul Chacornac dans « La vie simple de René Guénon »)



DIANA SURNOM D'ARYANE
Les Parsis remplacent souvent le mot A-Vesta par le mot Dîn qui signifie Loi en zend (Dîn fait Dîna et Diana), et l'expression Daena A-Vesta serait synonyme de Diana.
Diana a donc signifié la Loi avant d'être le surnom d'une Déesse. (Comme la loi d'Israël, Ha-Thora, est devenue le surnom de la Déesse Hathor qui en fut l'auteure).
La loi d'Ahoura, « l'esprit Lumière de Diana », paraît constituer le fond du Vendidad.
Diodore de Sicile assure que Diane était singulièrement honorée chez les Perses et que ces « barbares » célébraient encore de son temps, en son honneur, les mêmes mystères dont elle était l'objet chez les autres nations.
Déjà le nom d'Aryana signifiait jour, lumière ; si on le décompose, on trouve que la terminaison ana signifie ancien et que c'est pour cela qu'elle représente la « lumière ancienne », la science primitive.
Souvent le mot Aryane est remplacé par le mot Ariadne (1).
Pourquoi ?
Nous avons dit que cette histoire allait nous réserver des surprises et que nous allions voir la lumière descendre du Nord. En effet, Ariadne est une corruption du nom de la Déesse celtique Arduina qui donna son nom aux Ardennes (2).
Sa statue retrouvée nous la représente avec sa biche et son chien, comme la Diane des bords du Tibre. Arduina était la patronne des chasseurs chez les Eburons (pays de Liège). Elle avait dans le voisinage du Hélion (la Meuse) une chapelle où chacun des affiliés apportait le tribut marqué pour chaque pièce de venaison (Cailleux, Origine celtique, p. 152).
Quand on a mis les Déesses dans le Ciel, Ariadne a été représentée par la Couronne boréale, appelée aussi couronne d'Ariadne.
On sait que Diane était adorée à Bubaste dont elle était la grande Déesse.
Et ceci prouverait que ce ne furent pas les Hindous d'abord qui furent Aryens, ce furent les Septentrionaux.
La grande Déesse Nehal-Ennia, qui joue un si grand rôle en Occident, est aussi appelée Diana.
La terre Occidentale était appelée le royaume de Nili, c'est-à-dire de Nehal.
D'autres noms ont été rapprochés de celui d'Aryane, notamment celui d'Arthémise.
M. Cailleux fait venir l'Arthémise persique de Herta-Misse, qui serait devenue Artaei. Et il ajoute : « Arthémis serait le nom de la Sibylle de Delphes, appelée aussi Daphné, nom donné aussi à Diane. Arthémis serait une variante du nom de la reine Arètès ».
On nous parle aussi de La fontaine d'Aréthuse où coulait la source sacrée, dans une île de la mer de Sicile (Ogygie). Ce serait encore le souvenir de la même Déesse.
(1) Ariadne ou Ariagne, de ARI, supérieur et GNA, origineconnaissance
(2) Les Bouddhistes ont dans la pagode de Jikadzé ou Shigatsé, ville proche de Tashilunpo (Petit Tibet), sept statues qui toutes s'appellent « Erdeni » (traduction de Arduina).

LA THÉOCRATIE FÉMININE DANS L'A-VESTA
L'Avesta nous fait reconnaître dans Ahoura-Mazda un principe d'antériorité sociale et de suprématie morale. Sa parole véridique, sa révélation, est l'honover (la vérité). Elle enseigna la première science. Plus tard, quand l'erreur, le mensonge entra dans le monde avec son ennemi Ahriman, elle le confondit par sa parole de Vérité. Lorsqu'au commencement Ahoura-Mazda eut prononcé une fois ce saint, ce fort honover, les membres d'Ahriman furent brisés de frayeur ; elle le prononça deux fois, Ahriman tomba sur ses genoux ; elle le prononça vingt-et-une fois, Ahriman fut abattu et lié pour la durée du premier âge. (Ce sont les vingt-et-un livres dont se compose l'A-vesta.)
L'honover se confond perpétuellement et s'identifie avec l'Arbre de la vie, « le hom qui éloigne la mort ».
Ahoura-Mazda est le principe de la vie et de la science. De ce nom, les Perses modernes ont fait Ormuzd.
Burnouf dit : « En Perse, on donnait le nom de Ahura non seulement à Ormuzd, mais aussi à tous les Amschaspands ou esprits-purs et même aux puissances d'un ordre inférieur (c'est-à-dire ayant la pureté constitutionnelle du sexe féminin).
« Ce mot Ahura vient de Ahu, la vie, et de la terminaison d'adjectif ra. Il signifie qui a ou qui donne la vie, celui qui est un principe de vie pour soi-même ou pour les autres (la Mère). C'est le mot védique Asura ; les Asuras sont devenus des diables cornus chez les Indiens. » (Burnouf, Science des Religions, p.170).
Nous savons, par les prières qu'on adresse à Ahura-Mazda, que cette Divinité ne peut être qu'une femme. Parmi les plus anciennes parties de l'A-Vesta se trouve la prière Airyana ichya.
C'est Ahoura-Mazda qui dit : « Je suis celle qui suis ». Les prêtres ont mis celui pour celle.
Le mot Ahoura ou Asura, qui veut dire « vivant d'une vie spirituelle », est un mot que l'on retrouve à chaque instant dans l'histoire de l'antiquité, d'abord comme un titre glorieux, puis comme une ironie, une expression railleuse, quand les hommes se révoltent contre l'esprit féminin.
« Asura » (1) paraît avoir une origine sanscrite, c'est d'abord un titre de noblesse ; on l'écrit Ashoura ou Ahoura. Il semble se confondre à l'origine avec Aishah (la femme). En Assyrie, Ashur et Asherah en dérivent.
Ce nom servit à faire la désignation du grand continent asiatique : Asie, « Terre des Déesses ».
Chez les Iraniens, on mettait « Ahoura » devant les noms propres, comme aux Indes on mettait Dêvi ou Çri. Dans le persan moderne, nous trouvons que « Ahoura » est devenu « houri » ; en arabe, « houria ».
C'est du mot Asura que l'on fit Assyrie, puis Syrie.
Nous retrouvons, plus tard, le mot altéré devenu en grec « Seiren » dont on a fait sérénité, autre titre de noblesse, puis en latin Sirena, qui reste toujours un titre de supériorité féminine.
Et si nous continuons à suivre ces altérations, nous allons voir que Sirène est devenu Irène.
Le nom de Mazda (grande) est presque toujours précédé de « Ahoura ». On dit « Ahoura-Mazda » et par contraction Ahou-ramazda, qui dans la langue vulgaire devient Oromaze, lequel se transforme encore et finit par devenir Ormuzd.
(1) Dans son livre Le symbolisme de la Croix, René Guénon précise ceci : « On trouve le serpent enroulé, non seulement autour de l’arbre, mais aussi autour de divers autres symboles de l’« Axe du Monde », et particulièrement de la montagne, comme on le voit, dans la tradition hindoue, dans le symbolisme du « barattement de la mer ». Ici, le serpent Shêsha ou Ananta, représentant l’indéfinité de l’Existence universelle, est enroulé autour du Mêru, qui est la « montagne polaire », et il est tiré en sens contraires par les Dêvas et les Asuras, qui correspondent respectivement aux états supérieurs et inférieurs par rapport à l’état humain ; on aura alors les deux aspects bénéfique et maléfique suivant qu’on envisagera le serpent du côté des Dêvas ou du côté des Asuras.
« On peut rapporter ces deux aspects aux deux significations opposées que présente le mot Asura lui-même suivant la façon dont on le décompose : asu-ra, « qui donne la vie » ; a-sura, « non-lumineux ». C’est dans ce dernier sens seulement que les Asuras s’opposent aux Dêvas, dont le nom exprime la luminosité des sphères célestes ; dans l’autre sens, au contraire, il s’y identifient en réalité (d’où l’application qui est faite de cette dénomination d’Asuras, dans certains textes vêdiques, à Mitra et à Varuna) ; il faut bien prendre garde à cette double signification pour résoudre les apparences de contradictions auxquelles elle peut donner naissance. »


LE CULTE DE VESTA
Le culte de Vesta, c'est la religion de l'Esprit symbolisée par le Feu Sacré, Et qu'est-ce que le Feu Sacré ? C'est l'Agni, le feu purificateur, l'amour sacré, source de la vie et de la pensée, qui confère à la femme la sagesse devant laquelle il faut s'incliner.
C'est cette connaissance qui est la base de l'unité religieuse des races aryennes, qui proclament hautement que toutes les vertus du sexe féminin se résument dans un mot : l'Amour.
Le foyer domestique en est le centre. C'est de là qu'ont rayonné les grandes religions de la terre. C'est pour cela qu'on représente le culte de Vesta comme une manifestation intime d'abord et réduite à une famille, dans laquelle une Mère, source de l'amour divin, est la manifestation vivante de l'esprit.
Burnouf dit : « Agni, le feu de l'amour, est omniscient, connaît les origines, les races divines, les hommes et leurs secrets ».
C'est cette connaissance des réalités qui fait de la Mère le temple sacré qu'on vénère. Mais le culte de Vesta franchira les limites de la primitive famille pendant que le premier groupe, s'élargissant, deviendra ce que, en Grèce, on appelait une phratrie, réunion de frères vivant en commun sous l'autorité spirituelle d'une Mère, qui sait et qui enseigne.
Ces petites sociétés devinrent des tribus ; les tribus devinrent des cités. Et en même temps que s'agrandissait le groupement, s'amplifiait le prestige du Feu sacré, c'est-à-dire de l'Esprit divin, qui n'a jamais cessé de rayonner partout où il y eut une Mère.
Chaque Cité avait sa Déesse-Mère et son foyer sacré (temple, collège, église), qui était regardé dans ces temps bienheureux comme la partie essentielle et vitale de la cité tout entière, celle dont la conservation importait principalement au salut de la collectivité.
A Rome, la tribu prend le nom de Curie et adopte le culte de Vesta à une époque que nous ne pouvons pas préciser, mais qui devait être fort antique, puisque la tradition donnait une Vestale pour mère à Romulus.
On trouve à Rome l'institution du collège des Vestales et plusieurs temples dédiés à Vesta dans des temps très reculés. De plus, on conserve dans ces temples ce qu'on appelle le Palladium, c'est-à-dire la science du Livre sacré, comme un dépôt qui doit être religieusement gardé et honoré.
Ainsi donc la famille primitive organisa la Société tout entière à son image ; partout elle introduisit ses institutions, elle pénétra tout de son esprit ; ce qui est une grande leçon sur la force des sentiments de la vraie famille, celle qui se groupe autour du foyer sacré de l'Esprit divin.
Burnouf dit encore : « Agni est conçu comme le sein maternel ».
Tant que les primitives idées religieuses conservèrent quelque force, la nécessité d'un foyer commun s'opposait à toute extension démesurée de la cité. C'est ainsi que la Grèce entière resta sous le régime maternel jusqu'à son asservissement.
En second lieu, de même que la famille reconnaît une autorité absolue dans la Mère, la cité conserva toujours dans son régime intérieur quelque chose de l'autorité morale de l'Esprit.
Mais le dualisme humain suivait sa double évolution. Il y eut des hommes qui considérèrent la science et surtout la morale comme tyrannique et oppressive de leur liberté. Et c'est ce qui introduisit dans la primitive famille un esprit de défiance et d'exclusion à l'égard de ceux qui perdaient la foi et le respect et qu'on considérait alors comme des étrangers. Aux yeux des fidèles, c'était un ennemi (hostis) ; ainsi l'appelle le plus vieux monument qui a été conservé de la tradition romaine : la loi des douze tables.
La religion du foyer, le culte de Vesta, a fait la force de la Société ancienne matriarcale, elle a été la source des institutions qui ont fait vivre l'humanité, elle a dicté une loi morale qui montrait la différence des deux natures masculine et féminine et établissait les lois sociales sur cette différence, donnant à la fille le foyer, c'est-à-dire le domaine où sa mission maternelle devait s'accomplir. Si bien que toute la constitution de la famille antique peut être rattachée au culte de Vesta.
C'est cette continuation du rayonnement de l'Esprit que représentera l'entretien du Feu sacré, qu'aucune femme ne doit laisser éteindre en elle.
De cette idée naîtra un enseignement donné par des femmes consacrées au culte de Vesta, les Vestales, qui doivent préserver l'Esprit de Vérité de toute contagion étrangère ; c'est pour cela qu'on leur défend de subir la suggestion mensongère des hommes qui suivent la voie de l'erreur.
Et ceci nous explique l'origine de l'idée de sainteté attachée à la Virginité.
Frederica Bremer dit (Hertha, p. 19) :
« Dans les temps anciens, on croyait qu'il y avait quelque chose de grand et de profond dans la Femme, qui ne pouvait se développer qu'autant qu'elle restait seule. Alors les femmes étaient prêtresses. Cette croyance est maintenant perdue ».

SABEISME
Mais si les femmes rejettent la domination de l'erreur, elles veulent cependant l'obéissance aux lois de la nature, et la première loi qui s'impose à elles, c'est la maternité.
La réglementation des unions est un grand chapitre de la religion naturelle. Chez les Iraniens, comme dans toutes les autres contrées, une loi morale fixe la discipline des unions. Pour éviter les abus dont les femmes ont tant souffert dans la période antérieure, les unions ne seront permises qu'un jour par semaine, et s'effectueront dans un endroit consacré.
« La pureté de pensée, la pureté de parole, la pureté d'action sont indispensables pour rejoindre les Dêvas », disait l'ancien A-Vesta ; et il ajoutait : « Avoir le plus haut idéal devant soi et s'efforcer incessamment de s'y élever ».
Ce haut idéal, c'est la communion des esprits et des cœurs.
Il était recommandé aux fidèles d'être purs de corps et d'âme, pour se présenter devant la Déesse.
Ils observaient la loi, qui semble avoir été générale, de la consécration hebdomadaire, c'est-à-dire l'abstinence pendant les six jours de la semaine, le septième étant donné à la Déesse.
C'est ce septième jour, appelé Sabbat, sabado ou sapta, qui donne son nom au culte des anciens Iraniens.
Les Sabéens avaient donc l'habitude de se purifier une fois par semaine pour se présenter à la Déesse, et les ablutions sont appelées sobba (abluo, laver, purifier).
De sobba on fera Sabéens, mot qui servira à désigner ceux qui observent cette coutume. C'est ainsi que le mot Sabéisme servira à désigner la religion de l'A-Vesta.
C'est de sobba qu'est venu le mot sabbat, jour consacré à la Divinité, et aussi sabado (samedi en espagnol).
Mais on en fait dériver aussi le mot Sabæus, encens, ce qui nous ramène à l'idée du culte.
Du reste, le caractère sacré de cette rencontre va être le fond même de la morale religieuse.
On donne le nom de Saba à une ville de l'Arabie Heureuse où les unions se faisaient, et nous trouvons une nation scythique d'origine iranienne appelée Saca. Là, la terminaison du mot est modifiée, et cela va nous servir à expliquer l'origine d'une expression devenue universelle ; c'est le mot sacré qui signifie à la fois caché et sanctifié.
« Pas de sacrifice sans prière et sans préparation spéciale », disait-on.
En effet, le jeune homme qui veut se rapprocher de la Déesse qu'il aime, se purifie d'abord, c'est-à-dire se livre à des soins corporels afin de paraître « plus agréable à la Divinité ».
Cette purification qui précède le « sacrifice » sera réglée par les rites qui expliquent avec grands détails les soins de propreté que les religions primitives imposaient. C'était la première condition pour s'approcher de la Divinité.
La seconde était un état de sainteté appelé qods ; ce qui veut dire que moralement il devait se rendre digne d'Elle. C'est cet état que les prêtres prétendent donner par la confession.
Après ces conditions remplies, l'homme implorait la charité divine. Et si nous cherchons l'origine de ce mot, nous la trouvons dans la racine ghar, un mot aryen, qui signifie Désir, amour, ce qui charme, ce qui brille, et aussi corps gras ou onctueux.
Voilà bien des significations dont on sent facilement l'enchaînement. Enfin, de cette même racine ghar, nous verrons, se former un verbe grec dont le sens est se réjouir et qui servira à faire le mot eucharistie.
Il y a donc une parenté étymologique entre charité et charistie (eu signifie bien), et tous deux expriment le désir, l'amour.
Le sacrifice, tel qu'il était compris dans les religions primitives, signifiait : « ce que l'homme et la femme sacrifient de leur être pour faire la vie de l'enfant ».
Le sacrifice masculin était donc différent du sacrifice féminin tant au point de vue physiologique et chimique qu'au point de vue moral.
Si nous remontons aux étymologies, nous voyons que le mot primitif qui désigne le sacrifice, hu, signifie projicere, libare. Il est dérivé de havis, homa, que l'on traduit par « beurre clarifié ». C'est la sécrétion masculine.
Plus tard, le homa deviendra hôtra, dont on fera hostia. On appelait le sacrificateur hôtar, celui qui verse. On appelait l'organe qui produit la sécrétion guhû, que dans le Dictionnaire de M. Pictet on traduit naïvement par cuiller qui sert aux libations. Enfin on appelait ahâva, vase pour verser, l'endroit où la libation était projetée. Dans le Rig-Véda, les offrandes liquides sont appelées havis, agya, sarpis, sôma, drapsa, etc..
On appelait aussi le sacrifice Adhvara, mot qui veut dire en sanscrit : « ce qui ne doit pas être troublé ou interrompu ».
La racine su, en zend hu, s'applique dans les Védas et l'Avesta à l'action d'extraire par la pression le suc de l'Asclépiade, pour en composer le sôma ou haôma, la liqueur sacrée offerte aux Déesses, et personnifiée elle-même (par les masculinistes) comme une Divinité.
Toute la symbolique antique est dissimulée derrière des mots à double entente qui, dans leur acception familière, se rapportent à la nourriture. Ainsi on dira : « Les humains (hommes) se nourrissent des fruits de la Terre, les Divins (femmes) ne mangent pas, leur nourriture est céleste ». Pour comprendre ceci, il faut savoir que manger signifie projicere. On nous dit aussi, à propos du mot libation, que c'est une cérémonie religieuse qui consiste à remplir un vase de vin ou de lait, qu'on répandait après y avoir goûté.

LA SCIENCE DE L'AVESTA
Justin parle des Iraniennes en les appelant « les Prêtresses du soleil », parce que la cosmologie faisait l'objet d'un enseignement donné dans leurs Mystères.
Dans leurs temples se trouvaient des sphères évidées composées de cercles d'or qui tournaient au lever du soleil.
On les voit encore à Oulam, où les Guèbres ont un temple (Rabbi Benjamin).
La traduction nous parle des huit principes attachés à chacune des sphères. L'A-Vesta les appelle des Amschaspands. Ce sont les principes de vie qui forment le septénaire, (les Elohim des Hébreux). Les prêtres ignorants les ont appelés les sept cieux et ont dit que c'était sept manières de voir le ciel suivant les sept positions que la terre a occupées.
En réalité, ce sont les principes chimiques qui donnent leur couleur aux astres incandescents et forment autour des planètes des zones colorées que l'arc-en-ciel nous révèle (voir l'article sur la Cosmogonie). Il est bien évident que l'aspect du ciel change pour ceux qui l'observent suivant la place qu'ils occupent sur la terre, puisque dans l'hémisphère austral on voit des étoiles qu'on ne voit pas dans l'hémisphère boréal.
Dupuis, dans son Origine de tous les cultes, nous parle d'un temple de Ceylan dans lequel on représente les sept corps actifs de l'Univers. (Voir Dupuis, Origine de tous les cultes, p. 31).
Dans le même ouvrage, il est parlé des Arrakanas, qui ont un temple élevé à la Lumière, sous le nom de temple des atomes du soleil.
Donc, on savait que la radiation solaire est atomique. Bien plus, on connaissait ses propriétés chimiques, puisque dans l'A-Vesta il est dit : « Les astres qui sont germes de l'eau, germe de la terre, germe des astres ».
Tout cela est en concordance parfaite avec la science que nous reconstituons.
Mais, comme partout, la Cosmogonie fut confondue avec la vie psychique, quand les Prêtres cachèrent dans leurs Mystères la loi des sexes.
Alors on mêla, avec l'intention d'égarer les esprits, le Feu Sacré de la Déesse, la lumière de son Esprit, qui avait été symbolisée par le Soleil, avec le feu physique dont parlait la Cosmographie.
Les Mages confondirent volontairement le symbole moral avec la représentation physique.
Cependant, quelques-uns disent qu'ils n'adorent pas le Soleil, mais qu'ils adorent celui dont la tente est dans le Soleil.
Le Soleil reste le symbole de l'Esprit, du feu sacré, pour les plus savants, mais celui qui sera ainsi représenté prendra le sexe masculin, naturellement.
C'est Persée qui masculinisa la Perse en y apportant la Magie noire. Alors, tout devint absurde et incohérent. Qu'on en juge :
C'est M. Charma, dans un ouvrage intitulé La Perse (p. 478), qui va nous dire ceci :
« Le feu sacré sera soigneusement entretenu ; on ne manquera pas d'y verser des parfums a la dernière prière du jour, c'est-à-dire à minuit ; que jamais une goutte d'eau ne l'éteigne. Lorsqu'un incendie s'allume, les fidèles jettent dans les flammes des pierres, des tuiles, de la terre. Ils coupent la charpente des maisons, et obligent le feu à s'étouffer en quelque sorte lui-même sous les ruines dont il se couvre, mais ce n'est pas avec de l'eau qu'ils se permettraient de l'éteindre. Le souffle de l'homme est impur ; pour ne pas souiller le feu devant lequel on prie, on ne s'en approche jamais sans se couvrir les narines et la bouche d'un linge double de 6 à 7 pouces carrés, qu'on attache derrière la tête avec le cordon qui y tient. Le linge s'appelle Penom. On n'éteint pas sa lumière comme nous le faisons, en la frappant de son haleine, mais en agitant l'air avec sa main ou avec un éventail ».
D'autre part, Strabon nous dit :
« A quelque Dieu qu'un Perse sacrifiât, il commençait avant toutes choses par adresser des prières au feu sacré éternel, que les Mages entretenaient sur un autel près duquel ils prononçaient des paroles mystiques et entonnaient des chants sacrés ».
Parmi ces paroles mystiques, il y avait celle-ci : « Seigneur feu, nourris-toi » (formule conservée par Maxime de Tyr).
Mais cette grande religion qu'on appelle « Religion astrale », « Religion solaire ou héliaque » enseigne encore d'autres vérités, notamment ceci : Deux grandes causes règnent dans l'univers, Zervane et Akéréné.
Akéréné, l'espace sans limite, c'est l'Ether universel (sans limite) appelé par les Hindous Akâsha, d'où on a fait Akarana, état inactif de la substance universelle.
Nous l'appelons l'Ether-Azote, parce que les modernes ont appelé « azote » ce que l'antiquité appelait éther.
Quant au principe appelé Zervane, « le temps sans borne », c'est la force éternelle représentée par la radiation des astres incandescents. C'est la cause des causes, celle qui régit l'Univers, dirige toute la physique cosmique, et crée la vie en fécondant le principe passif, l'Akéréné, la présubstance primordiale.
On trouve dans le Sharistha que lorsque la puissance suprême (Zervane) organisa la matière de l'Univers, elle envoya sa volonté sous la forme d'une lumière éclatante, façon incompréhensible d'exprimer que la radiation, qui est la force, fait la lumière.
Cette puissance cosmique engendre l'« Etre absolu dans l'Excellence », la Divinité terrestre Ahura-Mazda, accompagnée d'autres types immortels, les Ferouers ou Fravashis, qui sont des Esprits incarnés dans des corps mortels. Ceci vient de l'altération des textes.
Il ne faut pas entendre par là que les esprits peuvent, être séparés des corps. L'esprit, en nous, est le résultat de la somme totale de notre influx nerveux. Quand on a dit qu'il était immortel, on a entendu par-là que la somme de vie qu'il représente n'était pas diminuée par les actes sexuels. C'est pour cacher cette loi qu'on a inventé un Esprit immortel existant hors de nous.
D'altération en altération, les conceptions primitives arrivent à représenter des idées qui n'ont plus aucun rapport avec la Vérité simple qu'elles ont exprimée au début.
Ainsi, M. Hanway nous dit : « Le trône de Dieu est dans le Soleil, disent les Perses, de là leur vénération pour cet astre ».
Les Perses ne voulaient pas qu'on personnifiât les dieux depuis qu'on avait mis dans l'ombre le nom de la Grande Déesse Vesta. Alors on créait pour les remplacer toutes sortes de figures bizarres.
M. Charma nous dit : « Le temps sans borne et le temps limité nous sont parfois représentés par les livres saints sous la figure d'un oiseau ».
En général, on regardait les oiseaux comme les interprètes de la Divinité parce que, fendant les airs, ils paraissent monter de la terre au ciel, ou descendre du ciel sur la terre. A Babylone, les Mages en nourrissaient quelques-uns, qu'ils tenaient enfermés dans des cages d'or et qu'ils appelaient langues, ou même langue des Dieux (La Perse, p. 455).
C'est l'origine des langues de feu, parce que la langue a la forme de la flamme, ou parce que la radiation solaire parle à l'esprit en le vivifiant, comme la langue parle à l'oreille.
Et c'est ainsi qu'on arrive à confondre la puissance spirituelle de la Déesse vivante avec la puissance physique du Soleil. Comme en même temps on changeait les noms, on arriva à faire une mythologie sans fondement.
Ainsi on nous dit que : Ormuzd, l'Asura des temps primitifs, est le premier des Amschaspands. Mais au-dessus de ce dieu personnel et vivant, agent suprême de la création (maternelle) et ordonnateur du monde (elle est dite : grand architecte), se trouve l'être absolu et impersonnel (le soleil) dans l'unité duquel tous les êtres vivants et Ormuzd même se résolvent.
Cette dernière phrase, qui indique une vérité, nous montre comment on a mêlé la vérité et l'erreur.

L'ORIGINE DES ÊTRES ORGANISÉS
La Genèse naturelle opérée par le Principe de Vie qui règne dans l'Univers, est racontée dans l'Avesta. Mais la rédaction que nous en avons date d'une époque relativement récente et à été révisée par des prêtres qui ont confondu Ormuzd avec Zervane, la Déesse avec la radiation solaire, parce que ces deux principes sont générateurs, mais de façons bien différentes.
Zervane, la force cosmique, crée le germe de la vie à la surface terrestre (voir l'article « La Vie »). Ormuzd, la Femme, la renouvelle, la perpétue. Elle est dite « le corps des corps » (le corps qui engendre les corps) ; mais comme elle est en même temps « la grande lumière, la grande intelligence », on la confond avec le Soleil, et comme l'organisation sociale émane d'Elle, on dit que « l'Univers est son émanation ».
Pour comprendre l'antiquité, il faut savoir faire la part de l'exagération et surtout de la confusion faite entre la Divinité terrestre et le principe cosmique.
Donc on attribue à Ormuzd ce qui vient du Soleil et on dit : « En trente jours (30 époques), Ormuzd, secondé par les Amschaspands (1), produisit trente espèces d'arbres fruitiers qui crûrent sur la Terre comme le cheveu croît sur la tête de l'homme.
« En 80 jours, moi, Ormuzd, aidé des Amschaspands, j'ai bien travaillé, j'ai donné les animaux.
« Les premiers animaux passèrent, sans prendre aucune nourriture, mille jours et mille nuits (transition entre la vie végétale et la vie animale). Ce temps expiré, ils se mirent à boire de l'eau, ensuite ils mangèrent des plantes ».
Apparition de l'homme :
« En 75 jours, moi, Ormuzd, aidé des Amschaspands, j'ai bien travaillé, j'ai donné l'homme.
« Le premier homme, Kaïomortz, avait la peau blanche, le teint brillant, et des yeux avec lesquels il regardait en haut ».
Ceci indique la station renversée de l'arbre qui donne aux yeux la position uranoscope, que gardent certains animaux inférieurs, tels les céphalopodes.
La peau blanche et brillante, c'est l'écorce décortiquée.
« De sa semence, après 40 ans, sortit un arbre à 15 feuilles ».
C'est-à-dire 15 bourgeons axillaires, cinq pour chacun des trois centres végétatifs : la tige médiane et les deux ramifications latérales. C'était donc un arbre ramifié en quinconce (les botanistes appellent ainsi l'arbre qui donne cinq feuilles dans un tour de spire, à l'extrémité des branches), d'où nos cinq doigts.
« Cet arbre qui portait pour fruits 10 espèces d'hommes, figurait par chacun de ses fruits deux corps (mâle et femelle) disposés de manière que l'un avait la main dans l'oreille de l'autre. (C'est-à-dire tournés l'un vis-à-vis de l'autre, allusion grossière des prêtres).
« Ces corps étaient si étroitement liés qu'on ne voyait pas quel était le mâle, quelle était la femelle. Lorsque le premier de ces groupes eut quitté entièrement sa forme d'arbre pour prendre celle d'homme, l'âme, qui avait été créée avant le corps, s'y mêla ; Meschia et Meschiané naquirent. »
Il est impossible de trouver une affirmation plus catégorique de l'origine végétale.
L'origine aérienne est affirmée dans cette phrase :
« Hommage à la terre, la sainte femelle qui porte l'homme ».
Ailleurs et plus tard, nous voyons l'origine végétale affirmée d'une autre manière : on immole en l'honneur de Mithra un taureau ramifié comme l'embryon qui repasse par les formes végétales et dont la queue porte des fleurs et des fruits.
C'est ainsi qu'un grand nombre de monuments en gardent le souvenir dans des bas-reliefs qui représentent l'animal immolé.
Dans le Bundehesh, les sexes sont différenciés par leurs fonctions ; le Féminin qui sécrète les ovules est « l'arbre de toutes les semences s'élevant dans le courant sacré de l'Océan ».
L'autre, le mâle, est « le blanc Haôma qui distille l'ambroisie ».
La restitution, des corps à la matière universelle, qui les remet en circulation, est ainsi annoncée, toujours dans le Bundehesh (Ch. XXXI : extrait) :
« Par la volonté d'Ormuzd, les éléments rendront ce qu'ils ont repris au corps qu'ils avaient une première fois formé ; de la terre reviendront les os, de l'eau reviendra le sang, des arbres les poils et les cheveux, et la vie reviendra du feu comme à la création des êtres.
« Les plantes, en sortant des mains d'Ormuzd, n'avaient ni peau ni épines ; la liqueur que l'homme en exprimait était toujours salutaire. Depuis l'arrivée de l'ennemi, une foule d'arbres ont couvert leur tissu d'une épaisse enveloppe ; ils blessent par des pointes aiguës, dont leur écorce est armée, le doigt qui les approche, et mille sucs mortels découlent de leur sein.
« Aux plantes vénéneuses et épineuses se joignirent les bêtes malfaisantes, les Khasfesters. Voici venir, entre autres : le scorpion, le crapaud, la couleuvre, le loup, la mouche, la sauterelle, la fourmi, le lézard. Ces animaux ne nuisent pas seulement pendant leur vie, ils sont funestes même après leur mort. (Ils laissent dans le monde des venins. Tout ceci est symbolique ; les hommes méchants étaient comparés aux animaux nuisibles parce qu'ils causaient la même horreur.)
« L'homme avait été mis dans ce monde pour être le « roi du temps » et combattre les Dews. Cette sainte mission fut d'abord fidèlement remplie. Cependant, les deux premiers âges du monde, mesurés par l'agneau, le taureau, les gémeaux, le cancer, le lion et l'épi, s'étaient écoulés. La balance paraît, Péétiarch se lève. Meschia, le père du genre humain, cède, aux artifices du serpent infernal. »
C'est l'homme qui est tenté par la passion funeste symbolisée par le Serpent.
Si l'homme était resté dans la vie végétale, il aurait été le « Roi du Temps », puisque la vie végétale, dans des conditions favorables, n'a pas de bornes ; c'est la synthèse organique indéfiniment prolongée. Mais il devait arriver au mouvement qui donne les caractères de l'animalité et plus tard à la reproduction qui divise l'âme de l'homme et la rend mortelle, faisant entrer dans le monde le principe du mal.
(1) Les sept Amschaspands ont été à l'origine les sept forces cosmiques qui régissaient l'univers, les principes chimiques générateurs des couleurs et des vies formant un septénaire. Dans la deuxième période religieuse, celle du magisme des Prêtres, on en a fait des intelligences célestes, sept archanges, qui personnifient les sept vertus de la Divinité, qui la rendent sainte. Leur nom Ameshâ-çpenta signifie saint, immortel. Ces vertus sont souvent citées dans l'A-Vesta. Ce sont :
- Vohou-mano...Le Bon Esprit
- Acha...La Sainteté
- Kchatra...La Puissance
- Armaïti...La Sagesse
- Haourvatât...L'Intégrité
- Ameretât...L'Immortalité
- Sraosha...Le guide, le protecteur 

LES MONTAGNES DE CAF
C'est dans les montagnes de CAF que se réfugièrent les femmes poursuivies et persécutées ; elles ont une histoire légendaire. Ces montagnes, célèbres dans l'antiquité, appelées montagnes de CAF ou de DAMAVEND, sont devenues le Caucase même, elles s'étendent de la Mer Noire à la Mer Caspienne.
C'est dans les défilés de ces montagnes qu'eurent lieu les batailles des Amazones. Toutes les guerres avec les Dives ont leur théâtre près de ces montagnes, sur les rives de la Mer Noire, c'est là que se trouve le Thermodon.
Quand les faits primitifs furent dénaturés pour justifier le règne de l'homme, on cacha l'histoire réelle sous des fables, et voici ce qu'on raconta pour remplacer la tradition des premiers Perses :
« Surkage, fameux Dive, du temps d'Adam, régnait sur les montagnes de CAF ; il défendit à ses sujets de molester les enfants de Seth (ce sont, semble-t-il, les Péris), et ce dernier leur donna Rucail son frère, versé dans toutes les sciences, pour l'éclairer et gouverner ses Etats ».
On voit clairement que cette légende a été faite par la caste sacerdotale pour justifier l'usurpation de l'homme et sa prétention d'enseigner les sciences et de régner, mais il règne d'abord comme un frère à côté d'une sœur qui vient lui prêter son appui.
Une autre légende bien connue est celle de Prométhée (l'homme) qui déroba le feu du Ciel et qui, suivant Hésiode, le conserva dans la tige d'une plante nommée férule dont la mœlle se consume lentement et où le feu couve et brûle sans endommager l'écorce. Symbolisme transparent du feu des passions. Faut-il faire remarquer que cette tige appelée férule est le linga des Hindous ?
Prométhée vécut aux environs de cette montagne du Caucase, résidence des femmes (la mère de Prométhée s'appelait Airia), et c'est là qu'il est enchaîné (par les passions). C'est que le pays des Fées, des Dives ou des Péris est appelé Schadukian, nom qui veut dire plaisir ou désir (BAILLY, Lettre sur l'Atlantide p. 170). On y avait mis le paradis terrestre des Perses. Pour les Orientaux, les Montagnes de Caf devinrent le pivot du monde ; la légende dit qu'elles sont posées sur une pierre et que, quand on l'agite, cela fait trembler la Terre. Cette pierre est une émeraude et les rayons qu'elle réfléchit font la couleur azurée du Ciel. Des débris de ce pivot du monde viennent toutes les richesses (toutes les sciences).
Plusieurs dictons sont restés dans les langues orientales, tels ceux-ci :
« Lorsque le soleil parut sur les Montagnes de Caf ».
Ce soleil qui parut, c'est évidemment l'Esprit féminin ; nous en concluons que c'est là qu'étaient réfugiées les femmes qui enseignaient l'Avesta.
On dit aussi « depuis Caf jusqu'à Caf », ce qui veut dire d'une extrémité de la Terre à l'autre. Autrement dit, Caf résume tout. Dans le langage symbolique de l'époque intermédiaire (1), on dira qu'il faut passer, pour y arriver, un très grand espace de pays ténébreux où le soleil ne porte point la lumière (c'est le monde des conquérants masculins).
Nul homme n'y peut aborder s'il n'est conduit par une intelligence supérieure, par quelque Fée ou Génie ; et l'on ajoute perfidement : « c'est là que les Dives ont été reléguées lorsque l'homme fut créé par Dieu pour prendre l'empire du monde ». (Herbelot, pp. 230 et 231).
Ces montagnes restèrent longtemps l'objet du respect des hommes, et le lieu où l'on rendait un culte à l'Etre suprême.
Les Chinois, les Indiens vénéraient les montagnes de Caf et y faisaient des pèlerinages, suivant le témoignage de M. Dauville.
Nous trouvons encore une autre tradition concernant le Caucase, c'est celle qui nous le représente comme étant le rempart de Gog et de Magog. Or, Gog, c'est l'homme ; Magog, c'est la Femme (2). Mais, à cette époque de lutte, l'homme est d'un côté de la montagne, la femme de l'autre. Et la montagne qui les sépare est si haute qu'il fallait 17 jours pour faire parvenir, à dos de chèvres, les denrées nécessaires à la subsistance des Dives, c'est-à-dire pour monter au sommet de la montagne et descendre sur le versant opposé où était le pays de Magog.
Diodore de Sicile nous raconte aussi le combat des Dives contre les hommes ; il nous les montre combattant Jupiter (c'est-à-dire ses partisans) de leur citadelle du Caucase et lançant sur Jupiter des rochers pour le tuer. Hercule vint au secours de Jupiter qui, en reconnaissance de ses services, lui donna le nom d'Olympien (Diodore, T. II, p. 35). Ce sont les guerres de Moïsasor et celles de Briarée contre Jupiter. (Se rappeler que le mot Moïsa signifie Muse dans le dialecte éolien).
Nous voyons dans ceci un fait à constater : c'est que le premier ennemi de La femme, c'est L'usurpateur de son droit maternel, qui veut mettre Jupiter à la place de Déméter, c'est le prêtre, et l'homme qu'il appelle à lui pour l'aider et dont il se fait un allié, c'est l'homme fort, le guerrier, Hercule.
(1) On en dira autant du Mont Mérou. Sur le Mont Mérou le soleil ne se couche pas.
Ceux qui ignorent que le Soleil est ici le symbole de l'Esprit ont cru que le Mont Mérou était situé au pôle puisque le Soleil ne s'y couche pas.
(2) Gog et Magog, Gin et Magin, Tchin et Matchin, sont des dénominations du couple humain.
C'est de ce Tchin qu'on a fait le nom de la Chine ; mais le nom de la race Mongole vient de Magog.
On assure que la particule Ma signifie en deçà, et on conclut que cela voulait dire en deçà des montagnes, alors qu'il s'agit d'une idée morale. Ma signifie Mère, en celtique il indiquait d'abord « ce qui dépasse », au-delà ; c'est par opposition masculiniste qu'on dira en deçà.
Magog a formé les mots Mage, Majesté, Magister, Magistrat, Magda (grande), que nous retrouvons dans Matmat (les grands). Magda a fait Magnitude, Magnificence, Magnanimité.
La défaite du pouvoir féminin par le peuple fut appelée démagogie.

LES AMAZONES
La mythologie nous dit qu'Euristée imposa pour neuvième travail à Hercule de lui apporter le baudrier de L'Amazone Hippolyte. Le héros traversa le Pont Euxin et alla chercher les Amazones dans un lieu nommé Témiscite (Thémis-Cité) sur les bords du Thermodon ou de la mer Caspienne ; c'est là, dans les pays qui séparaient la Perse du Caucase, qu'habitaient les Amazones.
Diodore nous renseigne sur ces femmes guerrières, habitantes des rives du Thermodon, et nous parle de leur souveraine, la Reine Orythrie (Orythie ou Orythya), célèbre par sa valeur et sa vertu.
« Sa gloire était grande, dit-il, elle soumettait les peuples les uns après les autres, faisait des hommes captifs des esclaves et les employait aux travaux les plus bas ».
Ceci semble une appréciation partiale.
Elle voulut venger ses sœurs qui avaient été insultées par Hercule et par Thésée.
Les Amazones de Scythie n'étaient pas moins célèbres. Diodore de Sicile nous parle aussi des Amazones d'Afrique et nous dit qu'elles étaient plus anciennes que celles d'Asie qui subsistaient encore au temps du Siège de Troie.
Ces anciennes Amazones régnaient dans une île appelée Hespérie, parce qu'elle est située au couchant du lac Tritonide. Ce lac était voisin de la montagne d'Atlas.
Diodore de Sicile nous dit (ou on lui fait dire ; T. I, p. 435) que les Amazones attaquèrent les Atlantides et les soumirent, et qu'elles furent aussi en guerre avec les Gorgones dont Méduse fut la reine ; ce qui est invraisemblable. Malgré cela, suivons-le :
« Toutes ces femmes guerrières habitaient l'Afrique. Myrine, la reine des Amazones, partit avec son armée de femmes, elle traversa l'Afrique, alla en Egypte, s'en alla attaquer les Arabes, soumettre la Syrie, et ensuite s'avança vers le Taurus ou le Caucase où se trouvaient ses sœurs, les Amazones d'Asie. »
Le même historien nous les montre revenant en Afrique, et c'est là que sont vaincues, par Hercule, les Gorgones et les Amazones (1). (C'est la lutte des Oies contre les Pygmées. L'oie était le symbole masculin, les Pygmées représentaient, les petites femmes.)
Pour terminer cette histoire des Dives, il faut, faire remarquer que lorsqu'elles ont disparu comme peuple, elles n'ont plus existé que dans les vieilles légendes qui en ont fait des êtres surnaturels, mais cela n'empêche pas qu'elles eurent une réalité historique. Bailly le constate dans ses lettres sur l'Atlantide, il dit : « Les Dives, les Péris, Les Fées, furent une race humaine, mais une race séparée par un long intervalle de temps, une race vue à travers un voile et dont l'idée, longtemps vivante dans Le souvenir, a été exagérée ou par la crainte, ou par l'amour.
« Les Fées et les Génies sont restés dans l'ordre des choses naturelles. Aujourd'hui la raison nous éclaire ».
Plus tard, les fées furent vaincues et leur action supprimée du monde ; mais l'homme qui s'était habitué à leur appui voulait encore chercher leur esprit dans les souvenirs du passé ; il les chercha dans l'invisible, et alors on créa les esprits errants dans le monde.
L'homme vainqueur, sentant sa faiblesse, sa dépendance, s'apercevait que le monde est gouverné par quelque chose de meilleur que lui ; ce sentiment intérieur est à la base des religions, il a dirigé l'imagination des hommes, qui ont donné naissance à différents êtres, à différentes espèces d'esprits, suivant qu'ils étaient plus grossiers ou plus éclairés, et finalement en ont fait des âmes libérées des corps, des âmes immortelles, dans le sens qu'ils donnèrent à ce mot ; ce furent des esprits voltigeant autour d'eux, des lutins, des lémures.
Chez les Romains, on appelait larves les âmes des méchants, celles des bons étaient des lares qui gardaient, dans cette existence surnaturelle, les qualités de la fée réelle ; elles restaient les gardiennes, les protectrices, les génies bienfaisants ; il fallait les consulter, les invoquer, les prier, quand on sentait le besoin d'une vie meilleure que celle que l'homme conquérant, brutal et inintelligent, avait instaurée.
(1) Cuna en Amérique et en Europe signifie « femme » ; Cuna (en guarani, en Scandinave) devient en grec Gyne ; de Gore-cuna on a fait Gorgone.

LE PAYS DES AMAZONES
Lors de la grande émigration de la colonie voyageuse des féministes, dans les contrées vierges où elles allaient dresser leurs tentes, ces femmes emportèrent les sciences et les arts sauvés du naufrage (c'est ce qui, dans la légende du déluge, est représenté, c'est-à-dire remplacé, par des animaux vivants).
Et ceci explique que dans la grande révolution contre les femmes, alors que les hommes parcouraient toute l'Europe pour détruire leurs villes, ils trouvèrent seulement à l'Orient de la Baltique une nation imprenable, une invincible résistance. La Déesse des Estoniens avait là ses fidèles dévoués, établis pour pousser en avant la propagande féministe contre l'ennemi, dit Tacite. « Ils portaient l'image du sanglier pendue à leur cou, c'est pourquoi du mot sus ils furent appelés Suiones, et du mot boar (sanglier) ils reçurent plus tard le nom de Borusses dont nous avons fait Prusse. »
Le nom Amazone que prirent ces femmes était une altération de Ahura-Mazda, qui devint d'abord Oromaze, puis Ormuzd. C'est d'Oromaze qu'on a fait Amazone, mot qui signifiait « Sectatrice d'Ahura-Mazda ». Leur pays s'appelait « Pont Axin » ; il devint « Pont Euxin ». Les hommes en firent la Mer Noire parce que c'était le rivage féminin. C'est parce que les Amazones ont conservé « la science » que l'on nous dit que la Bactriane a été le centre de la primitive religion.

LE CENTRE PRIMITIF DE LA « RELIGION »
La prétention de faire venir les religions de deux centres asiatiques, les pays de Sugda et Bâgdhi, qui sont La Sogdiane et la Bactriane, vient de ce que la Bactriane était le pays de l'Arie.
(Lucien parle des Mages de l'Arie ; c'étaient les anciennes Magiciennes).
Il est curieux de constater que Balkis, appelée reine de Saba, porte un nom qui semble avoir été donné à la montagne des Balkans en même temps qu'à la Bactriane. C'est d'autant plus curieux que c'est de ce mot Saba qu'on a fait le titre de la religion Mazdêenne, le Sabéisme, et que Balkis était surnommée Maqeda, corruption de Magda dont les Iraniens ont fait Mazda (mot qui signifie grande) (1).
(1) Chez les Mages en Perse, résidait à Balk une cheffesse appelée Maqeda et connue dans l'histoire sous le nom de Balkis ou Reine de Saba.
Balkis a fait Balkan (Cailleux, p. 116). Maqeda semble un dérivé de Mazda (grande). Saba serait devenu Saga, magicienne, enchanteresse (d'où sagacité, sage, sagesse).
En réaction, nous trouvons qu'Osiris arrive chez les Ethiopiens, c'est-à-dire chez les couchis de la Zélande, avec un loup (le loup se dit zab en phénicien), qui se nomme Makedo.
Les masculinistes font de Balkis l'incarnation du mal, une sorcière malfaisante.


ANDROCRATIE ORIENTALE
Quand l'homme eut vaincu le pouvoir féminin, il nous, raconta lui-même son histoire, qu'il fit glorieuse, mettant le mérite dans le triomphe de la force sur l'esprit.
Les monarques de l'Orient prirent le nom de Salomon ou Soliman (l'homme seul). Ce fut le nom générique des vainqueurs de la femme, on en compte jusqu'à 72.
Les montagnes de Caf renfermaient une galerie bâtie par un géant nommé Argenk, où se trouvaient les statues de ces 72 Soliman. Ils étaient représentés sous des figures souvent fort étranges, les uns avaient des têtes d'éléphant, de buffle, de sanglier, d'autres avaient plusieurs têtes, d'autres de multiples bras. Canoun ou Fanoun était la capitale, de ces Soliman. Ceux dont les noms sont conservés sont au nombre de neuf (imitation des neuf femmes de génie auteurs des Livres sacrés, dont on a fait les neuf Muses.)
Une inscription dit : « Je suis Soliman Hak-Ki ».
C'est en ajoutant ce nom aux neuf autres que Bérose compta dix générations mâles avant le déluge. Caiu-marah (Caïn) fut le premier de leurs rois, le premier qui préleva un tribut sous prétexte qu'il les avait retirés des cavernes où ils habitaient ; il leur fit bâtir des maisons et des villes, il inventa les étoffes pour les substituer aux peaux de bêtes dont on se couvrait, et il inventa la fronde pour se défendre.
Mais toutes ces inventions existaient depuis longtemps dans la Gynécocratie, et nous savons assez que ce furent des femmes qui fondèrent les villes, qui, du reste, portaient toujours le nom de leur fondatrice.
Pour continuer ce système d'usurpation, on attribua au roi Huschenk un livre intitulé « La Sagesse éternelle ».
Les expéditions militaires de ce roi sont décrites dans une espèce de roman mêlé de surnaturel. Et l'on nous dit que les Dives, « que le diable, avait chassées aux extrémités de la Terre, mais qui subsistaient toujours étaient cantonnées dans les montagnes où elles amassaient des trésors ».
La vérité, c'est que c'est le peuple féroce des géants qui avait la soif des richesses et des conquêtes, et qui portait la guerre partout où il passait, dévastant tout sur son passage.
Thaha-murath, petit-fils de Huschenk, fut le 3ème roi de Perse. Il fut nommé Div-bend, le vainqueur des Dives, dont il était l'ennemi redoutable ; il les poursuivait, les combattait partout et, après les avoir vaincues il les tint enfermées dans des grottes souterraines. (Herbelot, Bibliothèque orientale, p. 464).
Naturellement, on attribua à Thaha-murath tout ce que les femmes vaincues par lui avaient fait, telle la fondation des villes de Babylone, Ninive, Amida, Diarbeck, etc., mais l'histoire ajoute qu'on ne sait pas si c'est vrai.
Son histoire est mêlée de surnaturel. On lui donne comme monture un oiseau surnommé Simorg-anka et qu'on appelait « le grand oiseau ».
De là le sceau des rois de Perse orné de deux grandes ailes.
Cet oiseau, qui imite la colombe d'Istar et celle de Vénus, a déjà les dons du Saint-Esprit, il possède toutes les langues, il est omniscient.
C'est la copie du Phénix des Phéniciens. Le roi se sert de cet oiseau pour se transporter sur les montagnes de Caf, où il secourt les Péris, où il vainc le géant Argenk, le géant Demrusch qui tenait prisonnière Mergian Péri (la Fée Mergiane). Mergian semble être la traduction de Myriam.
Giamschad, le frère du roi Thaha-murath, ou son neveu, lui succéda. On lui attribua la fondation de la ville d'Esthekar ou Persépolis.
Ce prince, après avoir régné 700 ans (!), se crut immortel et voulut avoir les honneurs divins. En punition il fut détrôné et il passa 100 années à parcourir le monde, tel le Juif errant. (Partout on retrouve les mêmes légendes). Les Orientaux lui donnaient le nom de Dhulcarnein qui signifie « aux deux cornes » ; c'est l'épithète des conquérants « qui ont subjugué les deux extrémités du monde, l'Orient et l'Occident ». (On ne sait pas si ce personnage n'est pas le même que Feridoun). Après lui, Alexandre eut le même surnom ; il fut le second vainqueur de l'Asie dans la mémoire des Orientaux.

(L'orgueil d'Alexandre était tel qu'il se donna les cornes d'Ammon ; de là son surnom : le Scander aux deux cornes ; en arabe Al-Scander, d'où Alexandre)
Depuis que « le diable eut relégué les Dives dans les montagnes de Caf et de Darnavend », on considéra ces montagnes comme les prisons universelles (1).
(1) Chacune de ces montagnes a son histoire particulière dont la tradition s'est perpétuée en Russie. Au début du XXème siècle, les femmes que les Russes appelaient des sorcières connaissaient ces légendes et les enseignaient. C'est parce qu'elles connaissaient les anciennes luttes de sexes qu'on les vouait à la haine publique, afin d'empêcher qu'elles soient écoutées.
Dans les Mille et un jours, tableau des mœurs et des croyances orientales, on appelle les hommes conquérants des génies malfaisants, des Afrits. De là est venu le mot affreux, et on en a fait Afrique, quand ce pays fut conquis par eux.
Les Afrits sont enchaînés dans les entrailles de la Terre comme Prométhée est enchaîné sur le Caucase. Il est facile de comprendre qu'il s'agit de l'enchaînement des passions et que c'est cela qui rend l'homme affreux.


Le règne de l'homme commence en 716, dans l'histoire réelle.
Le premier roi s'appelle Déjocès. Puis la Perse est érigée en empire par Cyrus, qui renverse les Mèdes (535). Ce monarque se fait appeler Christ, nom qui lui donna l'autorité d'un fondateur de religion. Après lui, Darius fait faire de grandes inscriptions (521-485).
L'homme, prenant les deux pouvoirs masculin et féminin, identifia le chef religieux avec le chef politique, et tout l'empire de Cyrus, de Darius et de Xercès eut un sacerdoce organisé monarchiquement.
Le magisme des Perses est un système politique, comme le brahmanisme des Hindous.
Burnouf dit (Science des Religions, p. 275) :
« L'Avesta ne contient la religion primordiale qu'à la condition d'être dégagé des éléments monarchiques que la politique indo-persane y a introduits. »
Toutes les religions masculines, du reste, vont être un mélange de politique, de fanatisme et de superstitions.
Mais comme jadis les règles de la Religion primaient les lois et les constitutions politiques des hommes, cela créa un prestige factice dont bénéficia le nouveau sacerdoce masculin qui se forma.


LE NOUVELLE FORME RELIGIEUSE CHEZ LES IRANIENS
Fabre d'Olivet, dans son livre « L'Etat social de l'homme », p.280, nous donne une explication de l'origine de la révolution religieuse chez les Iraniens, qui, sans être exacte, nous éclaire cependant ; il dit : « En ce temps-là, les Hindous orthodoxes, nom que prenaient les masculinistes, effrayés des succès des féministes et voyant leur empire morcelé s'écrouler à l'extérieur, mirent tous leurs soins à défendre du moins le centre, en y ramenant toutes leurs forces. Les Yonijas (féministes) furent déclarés impies, anathématisés et bannis à perpétuité. Tout commerce fut interdit avec eux ; il fut défendu aux Hindous, non seulement de les recevoir, mais encore de les aller trouver dans leur propre pays. La couleur rouge qui leur servait d'enseigne fut regardée comme abominable. Les Brahmes durent s'abstenir de jamais rien toucher qui portât cette couleur, et le fleuve Indus fut désigné comme la limite fatale que nul ne pouvait franchir sans encourir l'anathème. Ces mesures rigoureuses donnèrent lieu à un schisme, les partisans de l'égalité des sexes. Un Iranien nommé Zerodoscht ou Zoroastre prétendit qu'on s'était trompé en conservant les deux principes cosmogoniques, Ishwara et Prakriti, comme principiants et possédant l'un la faculté mâle et l'autre la faculté femelle ; qu'il fallait au contraire les regarder comme principiés, tous les deux mâles, tous les deux émanés de l'Eternité-Wodh ; mais l'un agissant dans l'esprit comme principe du bien et l'autre dans la matière comme principe du mal ; le premier Ormuzd, le génie de la lumière, et l'autre Ahriman, le génie des ténèbres. Parmi les peuples qui habitaient au-delà du Gange, un autre théosophe, non moins audacieux, FO-HI (1), prétendit que le premier schisme des Pallis avait pris naissance dans un malentendu et qu'on l'eût facilement évité si l'on eût examiné que les facultés sexuelles avaient été mal posées sur les deux principes cosmogoniques, Ishwara et Prakriti, ou l'esprit et la matière, que c'était Prakriti (ou la matière) qui possédait la faculté masculine fixe et ignée, tandis qu'Ishwara (ou l'esprit) possédait la faculté féminine, volatile. En sorte que, selon lui, les Phéniciens n'étaient point schismatiques en mettant la matière avant l'esprit, mais seulement en lui attribuant des facultés opposées à celles qu'il a (2).
« La caste sacerdotale, voyant plus loin qu'eux-mêmes dans les conséquences de leurs propres idées, les rejeta et les condamna également, ce qui détermina une guerre civile qui aboutit à la séparation de l'Iran. Ce peuple prit le nom de Parthes, Parses ou Perses, du nom Paradas que les Hindous leur donnaient par dérision. Leurs divers législateurs théocratiques prirent successivement le nom de Zoroastre. »
Ceci nous montre que la préoccupation de l'époque était de déclarer l'égalité des sexes, c'est-à-dire de supprimer les privilèges naturels du sexe féminin ; et de là à un autre genre d'inégalité, celle qui consacre des privilèges donnés à l'homme, il n'y a qu'un pas, qui fut vite franchi puisque la Divinité suprême devint un être du sexe masculin. La confusion qui devait en résulter, dès lors, entre le féminin et le masculin au point de vue psychologique, intellectuel et moral, est résumée dans le petit dialogue suivant, que nous a conservé un ancien auteur :
« En ce temps-là, dit-il, Ahriman ou le génie du mal, s'apercevant que les hommes excédés désertaient ses autels, alla vite trouver Oromase ou le génie du bien, et lui dit : « Frère, assez longtemps nous avons été désunis. Réconcilions-nous et n'ayons plus qu'une seule chapelle à nous deux.
« Jamais, dit Oromase, bien avisé. Que deviendraient les pauvres humains s'ils ne pouvaient plus distinguer le bien d'avec le mal ? »
Et, en effet, il n'y eut jamais fusion, mais confusion entre les deux principes.
Alors, les sectateurs du principe mâle, ne pouvant pas fondre les deux sexes en un, supprimèrent le féminin, et Ahura-Mazda, tout en gardant ses attributs, prit le sexe mâle, monta au ciel, où bientôt on le confondit avec la force cosmique qui règne dans l'univers. Quant à l'homme réel, Angrô-Maïnyous (l'ogre), son nom devint Ahriman et, sous cette nouvelle forme, il apparaît comme un principe du mal, sans sexe, régnant dans un lieu de tourments créé pour l'isoler de la Terre et le loger dans un royaume ténébreux.
Ahura-Mazda, devenu Ormuzd, n'est donc plus le principe féminin ; c'est un principe cosmique mâle et surnaturel.
Ces idées nouvelles amenèrent une scission profonde et une guerre civile parmi les Iraniens. Les partisans de l'ancien régime Théogonique ayant été vaincus, quittèrent la Bactriane et allèrent se fixer dans l'Inde et dans d'autres pays ; les sectateurs du régime nouveau gardèrent la Bactriane et les pays voisins.
C'est-après cette révolution que la Divinité des Perses fût représentée sous une forme masculine, entourée des grandes ailes qui symbolisaient l'Esprit féminin. On donna à ce nouveau Dieu la barbe de l'homme, mais on lui laissa la robe de la Déesse.
(1) « Il importe de dire dès maintenant que Fohi n’est ni un homme ni un mythe, mais la désignation d’un agrégat intellectuel, comme fut ailleurs Hermès et Zoroastre. » (Matgioi, La Voie Métaphysique, p.10)
« « Fohi » est la raison sociale d’une école métaphysique, et de quelques siècles de la pensée humaine. » (La Voie Métaphysique, p.13)
(2) Fo-Hi s'éloigna, suivi de ses partisans, et s'établit sur les bords du Hoang-Ho, qu'il nomma « Fleuve jaune » à cause de la couleur jaune qu'il prit pour enseigne, tant pour se distinguer des Hindous orthodoxes que pour n'être pas confondu avec les Phéniciens. Il rassembla quelques hordes de Tatars errants, anciens débris de la race jaune, et leur donna sa doctrine, fort ressemblante par le fond à celle de Zoroastre. Selon lui, les deux principes principiés sont Yn, le repos (la femme), et Yang, le mouvement (l'homme), tous deux issus d'un seul principe appelé Taï-Ki, le premier moteur. Les deux principes Yn et Yang donnèrent naissance au troisième principe médiateur (le prêtre), appelé Pan-Kou, l'être universel. Fo-Hi signifie Père de la vie.

ZOROASTRE
C'est donc le premier Zoroastre (Zarathustra) qui fut le promoteur de la révolution religieuse chez les Iraniens et le fondateur du sacerdoce masculin.
A moins, cependant, que des Prêtres obscurs n'aient créé la légende de Zoroastre pour donner à leur nouvelle institution un fondateur entouré d'un prestige presque divin.
En effet, l'existence de Zoroastre (ce personnage qui a quatorze apparitions destinées sans doute à copier les incarnations de Vishnou) est légendaire aucun fait historique ne l'a jamais confirmée, elle est restée enveloppée d'obscurité, quoiqu'il soit devenu un des prophètes les plus célèbres parmi ceux qui ont attaché leur nom à une religion (1).
Aussi les auteurs de l'antiquité et les orientalistes modernes n'ont jamais pu fixer l'époque à laquelle il avait vécu.
(1) « Il faut remarquer que le nom de Zoroastre désigne en réalité, non un personnage particulier, mais une fonction, à la fois prophétique et législatrice ; il y eut plusieurs Zoroastres, qui vécurent à des époques fort différentes ; et il est même vraisemblable que cette fonction dut avoir un caractère collectif, de même que celle de Vyâsa dans l’Inde, et de même aussi que, en Égypte, ce qui fut attribué à Thoth ou Hermès représente l’œuvre de toute la caste sacerdotale. » (R. Guénon, La Crise du monde moderne, p.9)

LA MORALE DE ZARATHUSTRA
Toute la morale de Zoroastre est basée sur le système hypocrite qui consiste à prendre dans l'ancienne religion les idées féminines et à les donner comme des idées nouvelles émanées de l'esprit de l'homme, tant qu'il s'agit d'idées générales. Mais lorsqu'il s'agit des questions morales, c'est-à-dire des relations de l'homme et de la femme, la préoccupation constante de l'instinct masculin apparaît ; l'idée dominante qui vient de lui et qu'il met dans sa loi, c'est d'obliger la Femme à se livrer à lui.
Ainsi, « une des fautes les plus graves dont une fille peut se rendre coupable, c'est de rester volontairement vierge.
« Lorsqu'une fille est nubile, elle est en droit de se présenter devant son père, son frère, ou celui qui est chargé d'elle, et de lui demander un mari. Si ses parents repoussent obstinément sa prière, ils commettent un crime dont ils auront longtemps à se repentir ».
Nous prenons cette citation dans la Philosophie orientale de M. Charma (p. 482), et elle nous suggère des réflexions qu'on pourrait adresser à tous les traducteurs modernes : c'est que, d'abord, la femme ne dépend pas encore d'un homme, père ou frère, puisque les anciennes coutumes de la Gynécocratie ne sont pas encore détruites, mais seulement attaquées ; il faudra des siècles pour les remplacer. Ensuite, le « mariage » et par conséquent le « mari », c'est-à-dire l'union exclusive avec un seul homme, ne peuvent pas encore, à cette époque, être légalisés ; c'est le système que l'on tend à introduire, mais qui n'est pas encore accepté et ne le sera qu'avec le Droit romain et le Catholicisme.

LE CULTE DE LA NOUVELLE RELIGION
LA MAGIE
L'histoire nous dit que c'est le second Zoroastre qui créa la magie ; ce qui semble vouloir dire que c'est à une seconde génération de prêtres que l'on doit cette création.
Les Mages sont des hommes qui prétendent faire des choses extraordinaires ; ils s'entourent de mystères, créent un surnaturel exubérant qui, une fois les limites de la Nature franchies, s'égare dans toutes les aberrations ; ils cherchent à étonner les esprits simples, qui aiment le merveilleux, et se prétendent doués du pouvoir de faire agir des forces occultes ; ils invoquent les morts, les font parler ; ils prétendent commander aux éléments ; ils veulent conjurer les tempêtes, faire pleuvoir, suspendre la marche des maladies ; ils vont jusqu'à prétendre transformer, pour un temps, l'homme en animal. Ils ont avec eux toute la gamme des fous et s'adonnent à toute la variété des miracles.
Cette manifestation de la mentalité masculine, qui a existé dans tous les temps, répond à une loi psychique : Quand l'âme de l'homme descend par suite des appels de la vie sexuelle, quand son esprit devient inquiet et instable, ne comprend plus la valeur des actes à accomplir, au lieu de prendre une décision, il imite les autres.
Quand il prend la place de la Femme, il imite la Femme. C'est ce que, dans les temps modernes, nous avons appelé la réflexion sexuelle ; dans l'antiquité, cela s'appelait « spéculation », de spéculum (miroir).
Mais, ne comprenant pas ce qui émane de la pensée féminine, ne connaissant pas la limite de cette pensée, qui lui semble infinie, son imitation est maladroite, elle est outrée, il va au-delà, s'égare parce qu'il se met dans le domaine des choses qu'il ne peut pas comprendre.
L'enseignement des Magiciennes reposait sur la puissance de leur esprit qui leur faisait connaître les lois de la Nature sans s'égarer dans un sens ou dans l'autre. Cela s'appelait « la Magie blanche ». Le Mage qui veut l'imiter tombe tout de suite dans le miracle (de l'ancien français MIRAIL = miroir), en cherchant à sortir de sa nature pour s'élever jusqu'à celle de la Femme ; il dépasse les bornes de la puissance humaine. Cela s'appelle « la Magie noire ».
« La Magie véritable, dit Plotin, c'est l'amour avec la haine, son contraire.
« Maya (la Femme) est la pensée de L'homme, tendant au dehors, s'y dirigeant ; c'est L'effort de cette même pensée pour acquérir une forme extérieure, une réalité, c'est l'intensité du désir ».
Dans la traduction latine de la Bhagavad-Gîtâ, G. Schlegel, quand il a à reproduire le terme sanscrit « Maya », l'accompagne toujours, entre parenthèses, du mot Magia (Mage ou Maje vient de Maya).
La Maya, la Femme-Mage, a le pouvoir de diriger la pensée masculine qui rayonne sur elle, dans l'amour et même en dehors de l'amour.
Mais la Magie noire ne fut longtemps considérée que comme une manifestation du mauvais Esprit.
Dans le chapitre XIX du Vendidad, Angrô-Maïnyous (Ahriman) dit à Zoroastre : « Maudis la loi sainte et tu obtiendras le bonheur ».
Ahriman dispute les hommes à Ormuzd et parvient à en gagner beaucoup. C'est alors que la Femme dit : « Moi qui suis Ormuzd, qui suis le juste juge, je marchais dans ma grandeur ; la couleuvre m'aperçut : alors cette couleuvre, cet Ahriman plein de mort, produisit contre moi neuf, neuf fois neuf, neuf cents, neuf mille, quatre-vingt-dix mille ennemis ».
Quelquefois on donne à ce chef des mauvais génies une figure humaine, un serpent est enroulé autour de son corps, portant la tête en avant. Nous le soyons aussi personnifié par une mouche. Sous cette forme, l'esprit du Mal court à travers les productions d'Ormuzd, « il brise entièrement le monde vers le midi ». Pour peindre aux regards l'auteur de la « mauvaise loi », l'esprit de trouble et de désordre, les anciens livres de la Perse renversaient les lettres dont se compose son nom ; on ne pouvait rendre plus sensible la différence qu'on voulait rétablir entre Ormuzd et Ahriman, l'esprit du Bien qui élève, l'esprit du mal qui abaisse.
Ce renversement était déjà dans le triangle symbolique qui représente les deux sexes. Il est aussi dans les cartes du Tarot (imitées par nos cartes à jouer) où deux individus Sont juxtaposés l'un la tête en haut, l'autre la tête en bas.
La Franc-Maçonnerie a gardé ce symbole.
Comme le monde spirituel, le monde matériel est pur ou impur selon qu'il vient d'Ormuzd ou d'Ahriman, de la Femme ou de l'Homme.
La religion des Mages renverse toutes les idées reçues, toute la science acquise.
Les Dêvas ne sont plus du Ciel, mais de la Terre. Elles deviennent les Dews ou Darvanda et les Péris dont on fait des démons, des agents du mal, les ministres d'Ahriman, ses attributs. Elles sont maintenant en opposition avec les bons esprits personnifiés par les Amschaspands, les Izeds et les Fervers, qui sont les ministres d'Ormuzd ou ses attributs.
Les inquiétudes, les ennuis, les vaines terreurs et tous les petits maux de la vie proviennent des Péris, Les petits Dieux du mal, car Le mot Dieu (de Dêva) ne désigne plus le bien, mais le mal.
Les Dews inférieurs sont appelés Daroudis.
Il existe sept grands Dews, grands Dieux ou grands Démons.
Mais, si le nom change, les attributs restent ceux de l'ancien esprit du mal, tels qu'ils étaient définis dans la primitive religion. Ce sont :
ESCHEM. Le Dew de la colère et de l'envie, le plus puissant des Dieux impurs, l'auteur de la mauvaise loi. On l'oppose à Serosch.
ASCHMOGH. Qui connaît la loi pure et refuse de la pratiquer.
APEVESCH. Qui s'efforce d'enchaîner dans les airs la rosée bienfaisante (ce qui primitivement voulait dire : qui veut empêcher l'exercice de la sexualité féminine).
VAZIRESCH. Qui obsède les corps morts (les vampires).
NESSOSCH. Qui s'en empare.
DAVESCH. Le Dew de l'erreur et de la séduction.
DJÉ. Celui de l'impureté qui souille le monde et corrompt tous les germes que la terre porte dans son sein.
On représente encore le mal par d'autres Divinités :
ADER. L'impur, qui divise les hommes.
SAVEL. Le violent.
NEKAËL ou NÂOUGHES. Le Dew qui anéantit, le destructeur.
TARIK et ZARETH. Le corrupteur.
Les Mages, pour se donner de l'autorité, avaient besoin de s'appuyer sur les Rois. Aussi les Perses, comme tous les peuples, mêlèrent la politique à la religion. Pour parodier les Reines-Mages, ils eurent des Rois-Mages.
C'est ainsi que les hommes faisaient servir la puissance sacerdotale qu'ils se donnaient à l'établissement du pouvoir qu'ils prenaient et dont ils se servaient contre l'ancien régime gynécocratique.
M. Charma, dans son livre intitulé La Perse, nous dit : « La première personne de l'Etat, dans l'ancienne Perse, c'était le Roi. Le Roi tient son pouvoir d'Ormuzd ou des Izeds, ses ministres. Un feu particulier l'anime, il est sur la terre ce que Brahman est au Ciel. Le bon Roi protège et nourrit le pauvre. Le Roi lumineux et heureux est celui à qui sont données l'action et la parole, deux grandes choses par lesquelles les mortels deviennent grands. La loi de Zoroastre sera la règle constante de sa conduite, l'âme de ses conseils. Puisse l'union être plus étroite encore entre la province et son chef qu'entre l'époux et l'épouse, le frère et le frère, le père et le fils. »
La royauté était héréditaire. Dieu seul, à ce qu'il semble, retire aux monarques l'autorité que seul il leur a conférée. Avant que le Roi ne montât sur le trône, les Mages, qui avaient présidé à son éducation, l'admettaient dans leurs rangs, peut-être même le plaçaient-ils à leur tête. Darius se nomme leur chef.
Le premier soin des Prêtres, quand ils triomphent, est d'écrire l'histoire. C'est par eux que nous savons que Ninus fut le premier conquérant de la Perse, celui qui détruisit la dynastie appelée Mahabad, « la grande Sagesse », et, pour donner une sanction à cette conquête, ils nous disent que Sémiramis fut avec lui, que, trahissant la sainte cause du régime Théogonique, elle fut une zélée sectatrice du gouvernement mâle, qu'elle se fit appeler Sémi-ramis, qui signifie « l'éclat de Ram », ce Ram  (1) qui fut l'usurpateur hindou de la puissance féminine ; ils disent aussi qu'elle prit pour insigne une colombe blanche (le blanc étant le symbole du masculinisme).
Nous n'en croyons rien, nous savons assez comment on met de son côté ceux qui ont joué un grand rôle dans le monde, pour donner du prestige à la cause que l'on défend. Ce système a toujours existé, il dure encore, et il est impossible de rien comprendre à l'histoire si on n'en tient pas compte.
(1) Egalement connu sous le nom Ramachandra ; c'est ce Ram celtique que les Hindous appellent Râma, le grand perturbateur et usurpateur du régime féminin en Asie (les disciples de Ram étaient appelés Ramsès en Egypte) ; c'est lui que le Tibet, la Chine, le Japon et les immenses régions du Nord de l'Asie honorent sous le nom de Lama. Il est connu sous le nom de Fo, de Pa, de Pa-pa (monarque paternel) ou de Pa-si-pa (Père des pères). C'est lui qu'en Perse on a appelé Giam-Shyd (Djamchid) et dont on a fait le premier monarque du monde.

LES SOUFIS
Parmi les sociétés secrètes gardant la tradition sacrée de l'Avesta (livre sacré des anciens iraniens), nous trouvons les Soufis, ordre célèbre et vénérable.
La doctrine des Soufis affirme la psychologie divine, l'Unité de la Réalité, l'omniprésence et l'immanence de l'unique (unique Divinité féminine qui est partout où il y a des hommes, puisqu'elle est la Mère).
Cette doctrine proclame qu'on peut atteindre sa connaissance par l'amour et la dévotion. Elle recommande la méditation.
Mais en attendant, les frères Soufis, comme Empédocle, répètent des phrases prononcées par les Prêtresses qui disaient : « Je suis la Déesse elle-même ».
Eux disent : « Je suis Dieu lui-même ». C'est toujours la confusion des sexes.
D'après le professeur Inayat-Khan, le mot soufi viendrait du mot arabe « saaf » qui signifie pur. Nous croyons qu'il vient plutôt du mot Soffet qui signifie sage (1).
Les Soufis prêchent le renoncement aux vanités de ce monde, ils tuent en eux tous désirs se rapportant aux passions, comme les Cathares du Moyen Âge. Ils allient leur philosophie à la poésie et à la musique.
La plupart des grands poètes arabes ou persans appartiennent à leur ordre. L'un d'eux, Saâdi, qui fut prisonnier des Croisés, est l'auteur du Gulistan (Jardin des Roses). Avicenne fut affilié à l'ordre, Averroès aussi, et nous faisons remarquer que leurs deux noms commencent par Avé, nom divin chez les Israélites.
Ce détail a dû être remarqué car, par réaction, on a fait de Avi-cenne - Ïbn-Sina ; de Ave-rroès - Ibn-Roschd.

ORIGINE DU SOUFISME
On trouve l'origine de cet ordre dans la « Loge Blanche » ou Agartha de l'Asie Centrale.
En 1922, il a été découvert un mouvement moderne de résurrection de la science de l'Avesta.
Le promoteur de ce mouvement est un Persan, le Dr Hanish, qui habitait les Etats-Unis et y propagea la doctrine régénérée sous le nom de Mazdaznan. Une revue était publiée sous ce titre en France. Nous pouvions y lire les lignes suivantes (n° de juillet août 1922) :
« Il y a plus de neuf mille ans, la race blanche reçut ses dons divins par la personne d'Aïnyahita (Ardvi Soura Sevista Anahita d'après l'Avesta).
« Environ deux mille ans plus tard, Zoroastre (Zarathoustra), recueillit les perles dispersées d'Aïnyahita, et les rendit à son peuple sous une forme nouvelle. Après lui, de nombreux hérauts proclamèrent la vérité et transmirent la lumière divine de génération en génération.
« Des Perses, la doctrine passa aux Grecs ; Aristote, Pline, Hermippos et d'autres historiens de l'antiquité confirment que le plus précieux de la philosophie de Pythagore, etc., provenait de Zoroastre qui avait vécu, selon eux, plus de cinq mille ans avant Socrate.
« Plutarque identifia l’Aïnyahita de la philosophie de Mazda avec l'Anaïtis de la mythologie persane et grecque et la Diane des Romains. Dans les différentes mythologies, Aïnyahita était représentée sous divers noms, comme la Déesse de la régénération, de la chasteté, de la pureté ; comme la protectrice de l'innocence, la Déesse immaculée et puissante, dispensatrice de santé, endurance, force, vie et jeunesse éternelles. Elle est considérée comme la mère de la race blanche, l'incarnation de l’Amour et de la Sagesse, l'active promotrice de la culture aryenne.
« L'apparition en Europe d'une traduction de l'Avesta, le livre sacré des anciens Perses, provoqua un tourbillon de controverses et de calomnies, dont le résultat fut, tout simplement, que les cercles-instruits l’étudièrent avec d'autant plus d'attention.
« Malgré tous les efforts contraires, l'Avesta ne put être étouffé, mais renaquit de l'oubli, au milieu de tant de difficultés, il est vrai, que de lui aussi on peut dire : « Il n'y avait point de place dans l'auberge ». Mais la « crèche » de la science nourrit le nouveau-né et le bon esprit d'Aïnyahita veilla sur lui. De même que tous les grands chefs, sages, prophètes et rédempteurs, continuent à vivre et à agir en esprit parmi nous, de même que leurs écrits et leurs testaments nous rappellent sans cesse le lien spirituel qui nous unit à eux, de même l'Avesta survivra à toutes les forces de ténèbres. Malgré tous les efforts contraires tendant à étouffer la doctrine Mazdayasnienne, point n'est besoin de craindre pour elle, car la Religion suprême est la Vérité.
« Bientôt le soleil de Mazdaznan se lèvera dans toute sa splendeur. »

TRANSFORMATION DU SYMBOLISME
LE FEU SACRÉ DE L'ESPRIT DEVIENT LE FEU PHYSIQUE
Le symbole le plus naturel et le plus ancien de la Divinité, c'est le feu, parce qu'il représente la lumière de l'Esprit.
Dans l'A-Vesta, il est dit : « Il y a un feu sacré qui donne la connaissance de l'avenir, la science et la facilité d'élocution. » C'est par ce feu qu'on explique l'éloquence extraordinaire de la Sibylle, sa parole inspirée, « logos ».
Evidemment, il s'agit d'une faculté de l'Esprit.
Mais comme elle est spéciale au sexe féminin, cela excita la jalousie des hommes inférieurs, et, quand ils prirent la direction de la religion, ils changèrent la signification du symbolisme.
Nous lisons dans le livre de M. Charma, La Perse (p. 457), ceci : « On figurait le feu originel, la lumière primordiale, par la flamme des Atesch-Gâhs, par le feu qui brûlait sans jamais s'éteindre dans toutes les maisons, sur toutes les montagnes.
« Un jour de bataille, le feu, qu'on appelait éternel et sacré, était porté devant L'armée sur des autels d'argent ; des Mages suivaient, chantant l'hymne national.
« Le feu était le véritable symbole de la puissance divine. Le Soleil étant le feu le plus parfait, Dieu semblait y avoir établi son trône. Aussi adorait-on la Divinité le visage tourné vers l'Orient. Le soleil que le Zend-Avesta appelle souvent un vigoureux coursier, monte quelquefois un cheval. Le plus ordinairement, il est emporté dans l'espace sur un char attelé soit de quatre chevaux, soit de deux chevaux, soit même d'un cheval unique ».
C'est donc, d'abord, une représentation symbolique d'une manifestation de l'Esprit divin féminin, du feu mystique, Agni, le feu purificateur. Et quoique toute femme le découvre en elle-même, on lui donne cependant un auteur, c'est Atharvan (d'où l'Athirsata des Rose-Croix), dont le nom indique le feu lui-même.
Le culte du feu avait été le centre d'une métaphysique savante et le point de ralliement des plus hautes conceptions de la vie et de la morale. Mais on avait dû le cacher dans les Mystères, ce qui fait dire à Mme Blavatsky dans Isis dévoilée :
« Le feu sacré de Zoroastre, ou l'Atash Behram des Parsis, le Feu Hermès, le Feu Elonès des anciens Germains, l'Eclair de Cybèle, la Torche flamboyante d'Apollon, la Flamme sur l'autel de Pan, le Feu inextinguible du Temple de l'Acropole et celui de Vesta, les Etincelles brillantes des coiffures des Dioscures et de la tête de Gorgone, du casque de Pallas et du bâton de Mercure, le Ptah-Ra des Egyptiens, le Zeus Cataïbate grec (celui qui descend) de Pausanias, les langues de feu de la Pentecôte, le Buisson ardent de Moïse, la colonne de feu de l'Exode et la lampe brûlante d'Abraham, le Feu éternel de « l'Abîme sans fond », les Vapeurs de l'oracle de Delphes, la Lumière sidérale des Rose-Croix, l'Akâsha des adeptes hindous, la Lumière astrale d'Eliphas Lévi, l'Aura nerveuse et Le fluide des magnétiseurs, l'od de Reichenbach, les forces Psychodes et Ecténiques de Tury, la Force psychique de Sergeant Cox et le magnétisme de quelques naturalistes, tout cela n'est que la terminologie variée des multiples manifestations ou des effets de la même cause mystérieuse et omni-pénétrante, l'Archée grecque ».
Voilà une énumération qui n'explique rien, aussi on se demande si Mme Blavatsky connaissait la science sacrée des anciennes Déesses.

IMITATION
LE FEU SACRÉ MIS DANS L'HOMME
Les « Filles du feu », les Vestales, devaient être imitées ; on en fait les « Fils du feu ».
Et du reste, à Rome, d'Agni, le feu sacré, on fait Agna (ascendance mâle).
Dans les ouvrages de Kabbale, qui sont des parodies des écrits féminins, comme le Zôhar, on décrit le « feu blanc caché dans la Risha Havurah », comme la Tête Blanche dont la volonté est cause que le Fluide ardent coule en 370 courants (quotidiens) dans toutes les directions de l'Univers. II ne fait qu'un avec « le serpent qui court en faisant 370 sauts », le serpent qui devient trois esprits lorsque l'homme divin habite dans l'homme animal ».
Déjà les Hindous obscènes ont dit : « Agni reçoit l'onction du soma ».
Le symbolisme primitif ayant été perdu, on continua à s'enfoncer dans des idées concrètes, et c'est ainsi que le feu de l'Esprit devint le feu physique obtenu par l'arani, instrument de bois d'où le feu se tire par frottement. Et le public ignorant dira : « les Mazdéens sont les adorateurs du feu », et on lira des explications ridicules comme celle-ci :
« Sous la 3ème dynastie pischdadienne, la doctrine des Mages et le culte du feu s'établirent dans la Perse. Un des princes de cette dynastie, Huscheng, ayant vu jaillir de deux cailloux L'étincelle sacrée, s'écria : « C'est la lumière de Dieu ; que le monde l'adore » (Charma, La Perse).
Et la grande religion des Iraniens, le culte de la Déesse Vesta et la connaissance de la Science suprême va devenir une religion astrale, une religion solaire ou héliaque, qui cherchera à remplacer la croyance première qui avait été répandue chez les Arabes, les Chaldéens, les Assyriens, les Hyperboréens, et jusque chez les Incas du Pérou. A Tahiti existe une corporation mystique appelée Aréïoïs, qui forme sept classes et qui a gardé les croyances des Aryaniens.

LA MAGIE DE ZOROASTRE
Les masculinistes modernes enseignent que la Magie se composait originairement des connaissances que Zoroastre avait acquises, soit par ses études, soit par ses voyages et surtout par le séjour qu'il fit dans les Indes, où il s'instruisit à l'école des Brahmines.
C'est le thème habituel de tous les romans de ce genre. De retour en Perse, Zoroastre aurait commencé à donner un enseignement à ses adeptes, disciples comme lui du culte du feu, symbole de l'Etre suprême.
Quant à la grande science de la Déesse Vesta, elle est réduite à des opérations appelées Magie, tenues secrètes et que l'on ne communique pas au vulgaire, parce que les femmes protesteraient.
En effet, elles avaient appelé Magie blanche la vraie science qui ne produit que de bons effets ; elles appelaient, dès lors, Magie noire ou goétie, celle des prêtres qui ne servait qu'à faire du mal.

LA PERSE AU IIIème SIÈCLE DE NOTRE ÈRE
Un certain Vologèse (1), descendant d'Arsace, avait ordonné de faire des recherches pour rassembler les fragments de l'Avesta échappés à la destruction et aux ravages d'Alexandre et des soldats romains, dans les contrées de l'Iran.
Ardéchir, premier Sassanide qui fonda le second empire Perse et régna de 226 à 240, chargea le destour (docteur) Tôsar de transporter dans sa résidence (Ctésiphon) tous les livres sacrés disséminés et prescrivit de n'accepter comme expression de La « connaissance » (la Gnose perse) et de la « sagesse » que les livres apportés par Tôsar et de rejeter ceux qui en différaient.
Quelle confiance pouvons-nous avoir dans le choix de cet homme ? Quelle était La valeur morale et intellectuelle sur laquelle il s'appuyait pour se poser ainsi en Maître ? Sa vie va nous le dire. Ardéchir avait tué les derniers des Arsacides, ses prédécesseurs ; il prenait le titre de « Roi des Rois » ; dans ses inscriptions, il s'intitule « le Divin Artakchatra (Artaxercès), de race divine, fils du Divin Roi Pâpak (Bâbek) » (2). Il se donne pour grand-père un prêtre Mazdéen ; il est zélé Mazdéen lui-même et accroît le pouvoir des Prêtres de Zoroastre. Les Arsacides, qu'il avait vaincus, furent traités avec mépris jusqu'à l'époque musulmane. On les appelait Moulouk al-théwaï (rois des tribus). Or les tribus représentaient l'ancien régime.
Le fils d'Ardéchir, Schah-pauhar ou Sapor 1er (240-271), fit faire un nouveau recueil des livres sacrés beaucoup plus étendu, embrassant les livres de Médecine, d'Astronomie, de Chronologie, etc.., disséminés dans divers pays. Il est bien évident que c'est dans ces remaniements que l'on effaçait les noms des femmes et mettait leurs œuvres sous un nom masculin. Sapor ordonna de réunir tout ce qui avait été trouvé de l'Avesta et de faire de tout une copie correcte que l'on déposa dans les archives de la capitale. Il fit traduire ces livres du dialecte nord-iranien au pehlvi.
Les Mages, encouragés par ce roi, achevèrent de transformer le culte primitif basé sur les lois de la Nature et en firent une Religion (au sens moderne du mot), dans laquelle de nombreuses cérémonies enchaînaient la liberté humaine. Il n'était pas un acte important dans la vie dont le Magisme ne se fût emparé et qu'il n'eût marqué de son empreinte. La naissance, le mariage, sous ses différentes formes, les soins de la sépulture, tout était réglementé. Le Magisme eut même la confession, qui devint la parodie de l'ancien aveu fait par l'homme à la femme. Elle se faisait devant les purs (ceux qui imitaient la pureté féminine) ou simplement devant un ministre du culte, et servait déjà à asservir les femmes qui voulaient bien se laisser dominer.
Les Parsis modernes et les Mithracos anciens, qui ne sont qu'une seule et même chose, ont tous les sacrements que nous verrons, plus tard, passer dans la religion chrétienne, jusqu'au soufflet de la confirmation. « Le prêtre de Mithra, dit Tertullien, (De Prœscriptione, c. 40) promet le pardon des péchés, au moyen de la déclaration ou confession, et du baptême ; et, si je me rappelle bien, Mithra marque ses soldats au front (avec le chrême ou Kouphi égyptien), célèbre l'oblâtion du pain, image de la résurrection. »
Les personnages qui interviennent dans les mystères, de Mithra portaient les noms des animaux des constellations, et la messe n'est autre chose que la célébration de ces mystères et de ceux d'Eleusis.
Le Dominus vobiscum est à la lettre la formule de la réception : Chonk, am, pak. Toutes ces cérémonies sont des parodies du culte primitif, celui que l'homme rendait à la Femme.
(1) Il y eut cinq Vologèse. Il est probable qu'il s'agit du premier.
(2) Cette inscription en pehlvi et en grec se trouve à Nakchi Roustnai. Elle fait partie d'un bas-relief qui représente le roi à cheval recevant un anneau (alliance) de la main d'un autre cavalier qui est le Dieu Ormuzd (voir la Perse de Dubeux, planche 6).

LA PERSE AU IVème SIÈCLE
Ce n'est pas seulement en Europe, c'est aussi en Asie que nous voyons le commencement de la folie se manifester.
Les Perses s'occupent de réviser leurs livres, afin d'y introduire les croyances nouvelles qui envahissent toutes les nations. Sapor II, qui se dit fils d'Ormuzd, fit faire une nouvelle collection des « Livres » réunis de toutes les parties de la terre. Ce travail, commencé en 309, dura jusqu'en 380. C'est le destour Aberdad Mârspendân qui fut chargé de « purifier » les paroles de Zoroastre, après les avoir comparées aux différentes croyances. C'est alors que les livres sacrés, furent divisés en 21 nosks.
Cette récension de l'Avesta fut en même temps sa transcription de l'original en écriture dite Zend, nouvellement adaptée à la langue sacrée.
Cet Aberdad était premier ministre de Sapor II. Son nom signifie : « protégé par le feu » (en pehlvi ôtarô pad ou ôtarô pâto). Ce surnom vient d'une légende.
Aberdad, qui faisait des miracles, voulut prouver la vérité de sa foi et pour cela fit verser sur sa poitrine du cuivre fondu sans en éprouver, le moindre mal. C'est dans le livre du Saint Vîraf (Ardaï Vîraf Nâmeh) qu'on lit cette légende.
C'est à ce même Aberdad qu'on attribue la composition du Khorda-Avesta, livre servant aux besoins religieux des laïques (comme nos livres de messe). On pouvait réciter les prières qu'il contenait, sans recourir au prêtre.
Dans cette nouvelle revision de l'Avesta, on trouve des idées modernes comme celle-ci : « Ahoura-Mazda déclare à Zarathoustra : Je me révèle à toi marié plutôt qu'au célibataire... Le père de famille est préférable à celui qui n'a pas d'enfants ». (Vendidad, IV, 138.140).
L'Ardai Vîraf qui écrivit l'histoire place une période de décadence après Aberdad et Sapor II, et un relèvement dû à lui-même, qui se fait appeler le Saint Vîraf. Partout les hommes emploient les mêmes stratagèmes. Ceux qui viennent embrouiller l'ancienne religion en y introduisant leurs idées fausses, prétendent être venus la réformer. Ardaï Vîraf modifia les cérémonies du culte, ce qui est toujours pour le prêtre la grande affaire.
On a confondu Vîraf avec Aberdad, à tort ; ce sont, paraît-il, deux imposteurs différents.
C'est par les sources parsies que nous connaissons ces faits (Voir Leblois, Les Bibles, Livre IV, p. 756). 

LE MITHRIACISME
Qu'est-ce donc que le Mithriacisme ?
Une antique représentation du passage de la Déesse au Dieu Mithra, l'homme jeune à figure de femme, c'est la Déesse faite mâle, dans les premiers essais de substitution de sexe.
On n'ose pas encore faire un Dieu barbu, un anthropomorphe adulte ; on le prend jeune parce qu'il ressemble à la femme à cette période de la vie.
Mais ce n'en est pas moins un symbole de révolte, et son culte en atteste : le chien, le corbeau, le serpent sont près de lui dans les compositions artistiques qui lui sont consacrées.
On lui fait accomplir la grande œuvre de la Femme, l'immolation du taureau (symbole de l'homme fort, l'adversaire de la Femme).
Dans les monuments Mithriaques, le taureau immolé par Mithra est celui des légendes Zoroastriennes, celui qui entre dans la représentation des luttes de sexes de cette époque.
On y mêle le symbolisme astronomique de la Chaldée, représentant les 12 signes du zodiaque.
Déjà aux Indes, où Çiva représentait cependant le mauvais esprit, il s'était trouvé un parti masculiniste qui avait osé soutenir que c'était lui qui, pour racheter l'humanité, avait bu le calice jusqu'à la lie, après quoi il était descendu aux enfers où il était resté trois mois, au bout desquels il ressuscitait.
C'est ainsi qu'on arriva peu à peu à créer des dieux masculins auxquels on donnait toutes les perfections morales des Déesses dont ils prenaient le rôle et dont on cachait les noms, ne laissant subsister que le rayonnement brillant qui avait ébloui les peuples et qui désormais allait entourer la figure d'un homme.
Ces audacieuses substitutions se sont souvent produites, nous en sommes encore souvent les témoins.
Nous voyons, parmi nous, certaines personnalités qui s'élèvent par un côté, ou qu'une coterie d'amis élève, au-dessus du vulgaire. Le fanatisme dont ils deviennent l'objet les revêt de toutes les perfections et en fait des héros ; la foule, sur la parole de quelques admirateurs, souvent intéressés, rend son tribut d'admiration, sans cependant avoir rien vu, et l'histoire enregistre un héros ou un grand savant de plus.
Les Romains, qui ne connaissent pas les origines, appellent indifféremment Mithra perse ou chaldéen. Ils sont très ignorants de l'histoire des religions et acceptent facilement toutes les légendes. Aussi combien leurs renseignements sont peu sûrs !
Mithra se place au rang des Izeds (les génies féminins). On l'identifie avec le soleil, il est l'exagération de la puissance et de l'éclat de la Déesse, on le fait plus éclatant qu'elle, pour mieux l'imposer. Cependant, ce n'est pas d'emblée qu'on l'invente, il évolue lentement, son origine est humble. Il a été créé par Ormuzd qui l'a fait aussi grand que lui, c'est le Dieu-Fils égal au Père (Ormuzd, c'est Ahura-Mazda qui a changé de sexe). Il s'avance au-dessus de la montagne de Hara, précédant la course du soleil et survivant le soir à sa disparition ; il est à la fois l'aurore et le crépuscule, le jour et la nuit, l'homme et la femme. Il est « le Seigneur des vastes pâturages du ciel », depuis que la Déesse est comparée à la vache ; il distribue la richesse et la fécondité, imitant le rôle des grandes Déesses, Cérès et Déméter, qu'il prétend résumer. Comme elles, il combat les ténèbres et les œuvres de ténèbres (les erreurs). Quelle ironie ! Exagérant la faculté intuitive de la femme, sa voyance, on lui donne mille yeux et mille oreilles ; il sait, dit-on, le chemin des plus secrètes pensées. Donc il a la science de la Déesse qui sait les secrets des hommes. Il découvre comme elle et déteste le mensonge ; il est le Dieu de la vérité. Il garde les contrats et il est le garant de la parole divine ; il préside aux relations sociales, aux liens qui unissent les hommes et assurent la stabilité du foyer. Il est l'ami et le consolateur (1).
« Le pauvre, pratiquant la doctrine de Vérité, privé de ses droits (c'est la femme qui est ce pauvre-là), l'invoque à son secours, lui dont la voix, quand il se plaint, s'élève et atteint les astres.
« Il ramène à l'étable la vache emmenée captive (c'est encore de la femme qu'il s'agit) qui l'appelle à grands cris, comme le mâle chef du troupeau. Il est médiateur entre les hommes et médiateur entre les créatures et le créateur. Il préside aux sacrifices, comme le prêtre, et offre le premier (!) le hôma dans un mortier émaillé d'étoiles. (Telle est la transparente obscénité de ce culte). Après la mort, enfin, c'est lui qui aide les âmes à passer le pont fatal et pèse leurs actions dans les plateaux de sa justice. (Il écrit l'histoire à sa manière). II est le triple Mithra, Dieu du Ciel, de la Terre et de la Mort. »
(1) Nous empruntons une partie de cette relation à M. Gasquet, Le Culte de Mithra (Revue des Deux Mondes, avril 1899).

LES ÉTAPES DU CULTE DE MITHRA
Avant d'être un Dieu-mâle, un seul Dieu, Mithra a été un hermaphrodite. Accouplé à Anahita, il forme avec elle un couple divin, comme Hermès et Aphrodite, comme Istar et Mardouk, le Démiurge babylonien.
Artaxercès affecta d'immenses revenus à leurs temples et attacha au service de la Déesse des milliers d'Hiérodules des deux sexes, voués aux prostitutions sacrées.
Mais la folie qui met l'homme sur l'autel à côté de la Femme ne s'arrête pas là. S'étant habitué à se considérer comme la moitié de la Déesse, le « Demi-Dieu », il amplifie de jour en jour son rôle, si bien qu'à la fin il la rejette tout à fait, se croit un Dieu entier. Alors c'est la folie complète, il se donne tous les attributs de la femme, sa pureté, sa grandeur, et de cette usurpation se fait une sainteté.
Ecoutez ce que dit M. Gasquet à ce sujet : « Si donc, plus tard, dans les mystères de l'Occident, Mithra nous apparaît dégagé de toute promiscuité féminine, le plus austère dans son culte, et dans ses symboles de tous les dieux de l'antiquité, nous sommes conduits à conclure à une séparation violente du Dieu Perse d'avec sa conjointe, à une sorte de réforme puritaine qui ramène Mithra à la pureté des conceptions avestéennes. Cette réforme, nous n'en connaissons ni le temps ni le lieu ; elle s'opéra probablement sous la domination des successeurs d'Alexandre, au sein d'une de ces sectes qui, comme les Zervanistes unitaires (qui ne veulent plus qu'un Dieu), naquirent de la ruine du magisme ».
Anahita seule et sans son acolyte, après ce divorce des Dieux resta la Déesse-Nature, adorée surtout en Arménie, en Cappadôce, dans le Pont et la Cornagène.
Les inscriptions achéménides montrent Ormuzd qui plane dans les cieux, tantôt associé à Mithra (le Dieu-mâle), tantôt à Anahita (la Déesse). Mais dès lors il commence à s'effacer sans cependant disparaître, quoique Mithra soit de plus en plus identifié avec Le soleil par la foule.
Mithra se répand en Phrygie, il emprunte à Attis son costume sous lequel il figure sur les monuments, les braies flottantes serrées aux chevilles, la blouse et le bonnet phrygien. Il se confond avec Sabazius, le Dieu solaire « berger du troupeau céleste », divin berger qu'on retrouve dans tous les « divins-pasteurs » faisant un métier de femme pour imiter la Pastourelle. Dans la catacombe de Prétextat, un prêtre de Mithra et un pontife de Sabazius dorment unis fraternellement dans la tombe. C'est la solidarité des révoltés. Au IVème siècle, on voit la même union de Mithra avec le Dieu Men ou Lunus, qui ressemble de si près au Sin des Chaldéens, le Dieu-mâle de la lune.
Le pin, emblème d'immortalité, parce qu'il garde sa verdure en hiver, passe des vraies Immortelles à Mithra. On le voit figurer dans les accessoires du sacrifice Mithriaque.
Ce Dieu, cher aux hommes, devient la Divinité principale des pirates de la Méditerranée, que Pompée poursuivait dans leur retraite de Cilicie. C'est par eux qu'il se propagea. Les légions le rapportèrent de Tarse. Ce sont ces légions qui l'introduisirent à Rome. Le premier monument qui le signale est une inscription de Naples du temps de Tibère. Néron demanda à ses mystères l'expiation de ses parricides. C'était donc de l'époque assignée à Jésus.
Les religions masculines sont toujours sanguinaires au début. Le Mithriacisme, florissant sous Trajan, fut interdit par Hadrien à cause de la réputation de cruauté qu'avaient ses cérémonies. Commode se fit initier et commit un meurtre au cours des épreuves. Mais c'est surtout d'Aurélien que date l'extension, l'immense popularité de Mithra. Né en Pannonie d'une prêtresse du Soleil, élevé dans le temple, Aurélien est envoyé comme ambassadeur en Perse. Il lit dans le relief d'une coupe consacrée à Mithra, la promesse de son élévation future. Plus tard empereur, vainqueur de Zénobie, il transporte à Rome le Dieu solaire de la cité palmyrienne. Pour la première fois on lit sur les médailles avec l'emblème de l'Invictus « Sol Dominus Imperii Romani ». Sol et Mithra ne sont plus désormais qu'une même Divinité. C'est celle de Dioclétien et de Constance Chlore, celle aussi de Constantin, qui longtemps hésita entre Mithra et Jésus. C'est surtout le Dieu de Julien, voué dès sa jeunesse à Mithra, dont il fait le conseiller et le gardien de son âme.

LES GROTTES
C'est dans des grottes que l'on se cache pour célébrer ce culte mâle. Toutes les religions masculines commencent ainsi. Porphyre dit : « L'initiation mithriaque était donnée dans des grottes naturelles ou artificielles, semblables à celles que Zoroastre, le premier, consacra à l'honneur de Mithra, créateur et père de toutes choses (1) ». Or Zoroastre, qui, du reste, n'a jamais existé, est bien antérieur à l'introduction de la légende de Mithra.
L'objet de ces mystères est un ésotérisme qu'on ne divulgue pas. Ce qu'on raconte, c'est le voile dont on couvre ce qu'on veut cacher. On dit que l'initiation secrètement donnée avait pour objet d'expliquer aux hommes le sens de la vie (lequel ?), de calmer les appréhensions de la mort (de l'âme par le péché), de rassurer l'âme sur les destinées d'outre-tombe. Les hommes avaient donc été terrorisés à ce sujet. Enfin, on prétend l'affranchir de la fatalité de la génération par la purification du péché, casuistique qui embrouille à dessein l'antique vérité. Tout cela prépare le Catholicisme.
(1) Le professeur Westphal, de Montauban, s'est demandé, à propos d'une cave mithriaque des environs de Montpellier, si le culte de Mithra a disparu du folklore.

LES SYMBOLES
Comment est représenté Mithra ? On nous dit que :
« Il porte le glaive du Bélier, signe de Mars, et il est porté par le taureau, signe de Vénus ». Quel galimatias ! Vénus ayant pour signe le taureau, qui est le symbole de l'homme fort ! Mithra est debout sur le taureau dans le monument de la villa Alfieri, et Macrobe dit : « Le taureau porte le soleil ». Cet auteur avait oublié que le taureau était le symbole qui servait à représenter l'homme fort, mais inintelligent, dans toutes les religions antiques. D'abord symbole de force et de brutalité, il finit par représenter le Dieu solaire. Alors il féconde les vaches (les anciennes Déesses), devenues les nuées. Tous les grands Dieux mâles ont été symbolisés par le taureau : Jupiter, Bacchus, etc.

LA CHUTE DE L'AME MASCULINE
La loi de la chute qui entraîne l'homme dans la vie sexuelle et par là dans le néant, est ainsi racontée :
« L'âme, essence divine, libre de toute contagion matérielle, descend ou tombe d'elle-même, par l'appétence des corps, par un désir latent de volupté et par le poids seul de sa pensée terrestre, enivrée de miel, qui lui verse l'oubli de la lumière éternelle. Mais ce n'est pas d'un coup et brusquement qu'elle arrive à revêtir un corps de boue périssable. La chute est graduée. Celse la figurait par une échelle ou un escalier avec sept points d'arrêts où s'ouvrent autant de portes. Ces portes sont celles des planètes. A mesure que l'âme descend de l'une à l'autre, elle perd de sa pureté primitive et ressent des altérations de sa perfection première, elle éprouve autant de morts qu'elle traverse de mondes jusqu'à ce qu'enfin, de chute en chute, elle parvienne à celui qu'on appelle « le monde de la vie » (ce qu'exprime l'expression vulgaire « faire la vie », c'est-à-dire procréer). »
Cela s'appelle le dogme Mithriaque de la catabase, c'est l'histoire de l'évolution masculine. L'évolution féminine est racontée dans le dogme de l'anabase, qui montre l'âme suivant une route inverse et, de planète en planète, s'allégeant de la substance prêtée par chacune d'elles, se dépouillant successivement de tous les éléments de sa corporalité jusqu'à redevenir semblable à ce qu'elle était dans sa condition primitive et spirituelle.

PARODIE DU SACRIFICE DE L'AGNEAU
Le sang de l'agneau (de la Femme, pris symboliquement pour représenter sa vie sexuelle) sauve le monde.
On parodie cette idée et l'on dit : « Le sang du taureau (symbole de l'homme) sauve, et purifie. » Et l'on institue une cérémonie bizarre, l'usage du taurobole, baptême sanglant qui se recevait dans une fosse, à peine recouverte de poutrelles à jour. De la plaie de l'animal égorgé, la pluie rouge tombait, souillait le pénitent qui lui présentait son front, ses yeux, sa bouche, toute sa personne. On sortait de là renouvelé pour l'éternité, in aeternum renatus, et dans l'état de pureté première.
Mais cette folle interprétation d'un symbole renversé ne convainquait pas tout le monde. Firmicus Maternus (nom qui doit être un pseudonyme) dit à propos du taurobole : « Ce sang ne rachète pas, il souille qui le reçoit ».

ÉVOLUTION DE LA PRIÈRE
M. Gasquet dit : « Les sacrements des mystères supposent toujours une intervention magique. Il est des mots, des rites, des formules qui ont la faculté d'agir directement sur les dieux et de contraindre leur volonté (la prière des hommes contraignant la volonté des femmes). Peu importe que l'homme n'en connaisse ni le sens ni la raison. Les symboles font d'eux-mêmes leur œuvre propre, et les dieux vers qui ces symboles s'élèvent y reconnaissent d'eux-mêmes leurs images, sans avoir besoin de nous. C'est pourquoi il faut conserver les formes des prières antiques, n'y rien supprimer, n'y rien ajouter, car elles sont en connexité avec la nature des choses ».
Des choses naturelles, oui, mais des rêves surnaturels, non. La prière avait sa raison d'être au début de l'évolution religieuse, alors que la Divinité était la Femme vivante, mais, lorsque tout est embrouillé par le changement de sexe des dieux, la prière n'a plus de signification, puisque L'être à qui elle doit être adressée n'est plus là pour l'écouter.

LES LUSTRATIONS ET LEUR ÉVOLUTION
Tous les rites ont évolué dans le même sens.
On sait que toute l'antiquité a connu et pratiqué les lustrations. Elles étaient partout le prélude de l'« initiation ». La première journée des fêtes d'Éleusis leur était consacrée et un prêtre spécial y présidait. Apulée nous parle, dans sa description des mystères d'Isis, du bain de l'initié. Comme celui d'Éleusis, c'était un bain rituel destiné à procurer la pureté rituelle. Cette coutume avait sa raison d'être quand la communion était l'Union des sexes, mais elle n'a plus de sens quand on la supprime et la remplace par une initiation verbale.
Les Mithriaques pratiquaient les purifications par l'eau, par le feu, par le miel. Chacun de ces mots est un symbole.
Le miel, pour eux, est le symbole de la mort, et on l'oppose à celui de fiel, symbole de la vie.
En effet, le miel (le hôma), c'est l'amour qui est doux, mais qui tue l'homme. Sa réaction, c'est le fiel, la vie amère.

ÉVOLUTION DE LA PÉNITENCE
Tout ce que l'homme coupable pouvait dire à la Femme pour obtenir son pardon, il le dit maintenant à Dieu. L'aveu soulage la faute et allège le remords, mais rien ne peut l'effacer que le repentir parfait. Celui-ci suppose le sentiment intime de l'indignité du coupable, en présence de la puissance morale et de la bonté féminine.
Faites de la Déesse un Dieu, que signifie la Pénitence ? C'est au Dieu surnaturel que l'homme dit maintenant : « Mes péchés sont nombreux, le Seigneur dans la colère de son cœur m'a frappé, dans le ressentiment de son cœur le Dieu m'a abandonné. Je m'effraye, je succombe au chagrin, je suis accablé et ne puis plus lever la tête. Vers mon Dieu miséricordieux je me tourne et je gémis. Seigneur, ne rejette pas ton serviteur », etc.
Chez les Persans, la confession est une cérémonie religieuse qui s'adresse aux âmes des purs (les anciennes Déesses). Elle ne s'adresse pas encore au Dieu suprême et unique qui régnera dans les religions modernes.

ÉVOLUTION DE LA COMMUNION
Le Yaçna, qui nous explique longuement les péripéties de l'office mazdéen nous dit de la communion que sa partie principale réside dans la préparation et la consécration du hôma. On ne peut pas être plus obscène. « Ce hôma guérit tous les maux et procure aux femmes la fécondité ».
Cet office se termine par un repas, mais souvent le repas précède.
« Ce n'est pas, dit Plutarque, la qualité des vins ni l'abondance des viandes qui est l'essentiel dans ces fêtes et en constitue le bienfait, c'est la bonne espérance et la persuasion de la présence d'un Dieu favorable (une Déesse), qui répand sur nous ses grâces ». « Ce repas en commun établit un lien entre les participants et la Divinité au nom de qui il est offert ; c'est par là qu'il est un acte essentiellement religieux », dit M. Gasquet.
Quand on voulut cacher la signification de cet acte, l'onction faite avec le hôma changea de place. Ce ne fut plus dans le vase sacré qu'elle fut faite, mais sur le front. Le banquet fut remplacé par la sainte table.
« Nous savons par saint Justin que la communion mithriaque consistait dans l'oblation du pain et de l'eau, sur lesquels le Père prononçait quelques paroles. Elle devait ressembler aux agapes sacrées de la plupart des mystères, au breuvage du Cycéon à Eleusis, aux repas religieux des Esséniens ».
Puis on perd de vue la signification de l'onction et nous voyons dans l'Avesta qu'après que l'enfant nouveau-né (l'initié assimilé à un enfant qui renaît) est lavé avec soin, on approche de sa bouche le hôma terrestre, qui est le symbole d'immortalité, puisqu'il transmet la vie de génération en génération.

LE CLERGÉ
Les Mithriaques avaient des prêtres qui constituaient le clergé. On leur donnait les noms d'éperviers et d'aigles. Porphyre distingue parmi eux trois degrés de prêtrise :
- Les Pères,
- Les Pères du culte (Patres sacrorum),
- Le Père des Pères (Pater patrum), qui était le chef suprême de la religion.

LES MYSTÈRES DE MITHRA
Le Mehardjan ou le jour de Mithra, du mois Mithra, n'était d'abord qu'une fête qui se distinguait à peine entre les autres. Plus tard le Mehardjan, on ne sait trop comment, devint le point de ralliement autour duquel se rangèrent les doctrines et les croyances auparavant éparses.
Les mystères de Mithra, avec leurs 12 épreuves qui ne duraient pas moins de 80 jours, et dont quelques-unes pouvaient compromettre la vie, avec leurs sept degrés d'initiation, avec leurs cérémonies symboliques, avec leurs dogmes, leur liturgie, leur morale, en étaient venus à organiser une société, à constituer un monde. C'était tout un culte, toute une religion.
On appelait les initiés au 1er degré Corbeaux, au 2ème Griffons, au 3ème Soldats, au 4ème Lions, au 5ème Perses, au 6ème Héliodromes, au 7ème Pères.
Dans le Mehardjan, fête en l'honneur de Mithra, mais devenue tout un culte, on trouve en toutes lettres la confirmation et l'Eucharistie.
Les lignes de saint Justin sur ce dernier emblème ont été souvent citées :
« Nam Apostoli in commentariis suis quae vocantur Evangelia ita sibi mandasse Jesum tradiderunt. Hic est sanguis meus, ipsisque solis tradidisse ; atque id quidem et in Mithrae mysteriis ut fieret pravi daemones imitati docuerunt. » (Saint Justin Martyr, Apol. Quid est Eucharistia ? cap. 16).
Parmi les cérémonies usitées dans les Mystères Mythriaques, on en remarque trois principales :
1° Les ablutions qui précèdent les exercices du culte. Elles consistent en aspersions d'eau sainte que l'on répandait sur les initiés, comme le prêtre répand l'eau bénite sur les Catholiques, avant de commencer la messe. Ces ablutions paraissent, du reste, avoir été communes à tous les Mystères.
Donc, pour être admis à célébrer les fêtes de Mithra, on devait se régénérer par le baptême de l'eau, dans laquelle on se plongeait tout entier.
2° On se purifiait ensuite par le feu en traversant nu des brasiers enflammés. On devait ensuite se retirer dans le désert et s'y livrer à un jeûne rigoureux de cinquante jours. Venait après la flagellation qui durait deux jours.
3° En dernier lieu on faisait la cène, qui consistait en pain et en vin consacrés par les cérémonies saintes et qu'on distribuait ensuite aux assistants.
Les Daroums sont des petits pains non levés de la forme et du diamètre d'un écu de six livres et d'une ligne ou deux d'épaisseur. On en présente 2 ou 4 selon l'office qu'on célèbre ; le Daroum sur lequel on met un peu de viande cuite s'appelle Daroum frosesté, c'est-à-dire pain du vœu. On offrait aussi au Dieu des fleurs, des fruits, des graines odoriférantes, des parfums, de l'huile, du lait, des branches de hom et surtout le jus de cet arbuste, le Père hom (l'homme).
On accusa les disciples de Mithra de sacrifices humains.

L'INITIATION DE L'ENFANT
Jusqu'à cinq ans l'enfant vit avec les femmes, il n'est pas livré à l'homme. A cinq ans on le montre au père. De cinq à dix ans on fait son éducation physique, il monte à cheval, apprend à lancer une flèche. Mais on fait aussi son éducation morale, on lui apprend à dire la Vérité.
Vers dix ans l'enfant, fille ou garçon, revêtait le Kasti et entrait dans la société religieuse.
Vers 15 ans, lorsqu'il avait déjà fait le grand Gueti-Kherid, c'est-à-dire lorsqu'un prêtre avait pendant cinq ou huit jours célébré en son nom l'Izeschné, il était déclaré adorateur d'Ormuzd, Mazdeïesman. C'était la confirmation.
Les Parsis ont gardé l'ancien culte de la religion de Mithra. Voici ce que l'un d'eux nous dit lui-même : « Le Parsi n'est pas baptisé, mais de sept à dix ans a lieu une cérémonie correspondant à la première communion des autres religions, qu'on appelle « Navejot ». L'enfant est consacré Parsi ; il revêt pour la première fois la petite chemise de fine mousseline qu'on appelle « Sadra » et le cordon sacré qu'on appelle « Kasti » et qu'il devra porter toute sa vie. »

Le Mithriacisme, dans les dernières années de l'empire romain, se propagea avec rapidité et lutta d'influence avec le Christianisme. Même il s'en fallut de peu que ce fût cette doctrine qui obtînt la sanction officielle.
Des circonstances particulières ont fait changer le nom du dieu nouveau, mais, si la personne fut autre, la doctrine resta la même. C'est aux traditions de la Perse qu'on prit tout le fond de la nouvelle religion romaine qui n'eut rien d'original.
Déjà on célébrait la naissance de Mithra le 25 décembre, au fond d'une grotte solitaire, en compagnie d'un bœuf et d'un âne.
Chalcidius, philosophe de l'an 350, mentionne la venue des Mages vers un enfant qu'on disait Dieu ; il donne le récit de l'étoile des Mages à titre de poétique tradition. Il dit : « Il y a une autre histoire, plus digne de notre vénération religieuse, qui publie l'apparition d'une étoile, etc. ». Et Burnouf va plus loin, il énumère les emprunts faits par le culte nouveau à l'ancienne tradition ; il dit :
« Le Zend-Avesta renferme explicitement toute la doctrine des Chrétiens : L'unité de Dieu (de la Déesse). Le Dieu vivant, l'Esprit, le Verbe, le Médiateur, le Père principe de vie pour le corps, qui engendre le fils. La théorie de la chute, celle de la Rédemption par la Grâce (féminine). La cœxistence initiale de l'Esprit infini avec Dieu (la Déesse). La doctrine de la Révélation, de la foi, celle des bons et des mauvais anges, les Amschaspands (les bons), les Darvands (les mauvais) ; la désobéissance au Verbe divin présent en nous (c'est la femme qui dit cela). La nécessité du salut (pour l'homme) ».
Et, page 120, il dit encore :
« Le Christianisme est une doctrine aryenne (copiée de l'A-Vesta) et il n'a, comme religion, presque rien à démêler avec le Judaïsme (il en est l'opposé), il a même été institué malgré les Juifs et contre eux. C'est ainsi que l'entendaient les premiers Chrétiens qui l'ont défendu au prix de leur repos et parfois même de leur vie ».
Page 180, il dit : « Les dogmes chrétiens existaient avant l'époque de Jésus, incomplètement ou en secret chez les peuples juifs (Israélites), pleinement et ostensiblement chez les Perses. »
Page 217 : « C'est dans les hymnes du Véda et non dans la Bible que nous devons chercher la science primordiale de notre religion ».
Et le Véda, pour Burnouf, se rattache à l'A-Vesta primitif. (Burnouf, La Science des religions, p. 118).

L'A-VESTA PERSÉCUTE, DÉNATURÉ, ALTÉRÉ
L'A-Vesta tomba aux mains de ses adversaires. Ils en firent des versions qui en altérèrent l'esprit.
C'est pour cela que l'on croit que le livre a été fait en plusieurs fois ; il contient des parties plus anciennes les unes que les autres.
Au XIIIème siècle avant notre ère, on introduisit dans l'Iran les caractères cunéiformes syllabiques, et peut-être aussi l'écriture sémitique cursive, alors que commençait l'influence sémitique.
Au VIIIème siècle (avant notre ère), le véritable A-Vesta existait oralement. C'est toujours ce qu'on dit des livres supprimés. On ajoute qu'il fut mis par écrit au Vème siècle, mais on avoue qu'on ne sait pas s'il avait été déjà écrit avant cette époque. Il est probable que la première rédaction avait été détruite ou cachée.
On transcrivit un grand nombre de « Livres sacrés » dans la période des Achéménides ou du premier empire Perse, et, bien que l'écriture employée à cet usage soit inconnue, on croit qu'elle fut d'origine assyrienne.
Du temps des Sassanides, on trouve une traduction de ce livre en langue huzvâresch, qui rend le texte primitif obscur, d'autant plus que les traducteurs ne semblent pas posséder le zend très sûrement.
Quoique cette version soit loin d'être fidèle au sens donné, on la modifie encore par la suite.
Au IIIème siècle avant notre ère, les Grecs connaissaient des textes de l'A-Vesta d'une très grande étendue ; ils l'attribuaient à Zoroastre.
Burnouf dit : « Une traduction grecque du Zend A-Vesta courait de main en main plus de deux siècles avant Jésus ».
Darius fit faire deux copies de l'A-Vesta et les fit déposer, l'une dans le Trésor, l'autre dans les Archives de Persépolis.
La conquête d'Alexandre, puis les guerres des Romains et des Byzantins contre les princes de l'Iran, entraînèrent la destruction et la dispersion d'une quantité de manuscrits. Sous les Arsacides déjà, l'on commença à recueillir les fragments épars.
Donc on voulait faire disparaître tout ce qui racontait la gloire des temps gynécocratiques.
« La langue Zend, dans laquelle les livres de l'A-Vesta étaient composés, s'étant éteinte déjà vers le premier siècle de notre ère, on sentit le besoin d'une traduction dans l'idiome nouveau dit pehlvi, qui s'était constitué dans l'intervalle. Mais après cette traduction, dont l'époque précise est inconnue, les manuscrits originaux de l'A-Vesta furent transcrits dans un nouvel alphabet (vulgairement le Zend), dérivé de l'écriture dite pelhvi » (Leblois, Les Bibles, L. IV, p. 767).
Au IVème siècle de notre ère, Aberdad Mârspendân restaura l'A-Vesta, suivant les idées de son époque, évidemment.
Au VIIème siècle, les Arabes firent de nouveaux ravages dans la littérature sacrée des Perses. Ceux-ci se réfugièrent dans l'Inde, en emportant leurs manuscrits. Mais, à la fin du XIVème siècle, tous les manuscrits du Vendidad, Le seul qui restait de leurs livres sacrés, étaient perdus, ce qui obligea un de leurs Destours, nommé Ardeschir, de retourner en Perse pour s'en procurer un nouveau qu'il rapporta de Sistan, et c'est de ce dernier manuscrit que sortent toutes les copies actuelles du Vendidad existant dans l'Inde.
Ce livre, le seul conservé, faisait partie d'une collection qui en comprenait 21. On croit qu'il a dû sa conservation à ce qu'il renfermait les principes de la législation que les hommes avaient faite et qu'ils avaient intérêt à conserver ; c'est pour cela qu'il aurait été copié plus souvent que les autres (1).
Un auteur arabe, Masoudi, qui vivait au milieu du Xème siècle, prétend que les 21 livres remplissaient 12.000 peaux de vache.
Ce chiffre est évidemment très exagéré.
L'A-Vesta traduit par Anquetil ne renferme peut-être que la dixième partie de l'ouvrage tel qu'il existait au IIIème siècle avant notre ère. Dans sa forme actuelle, il a été compilé et fixé sous la dynastie des Sassanides, au IVème siècle de notre ère, avec les débris de L'ancien A-Vesta, perdu ou détruit sous les successeurs d'Alexandre. Il n'en subsiste que des fragments, dont quelques-uns remontent à une époque très ancienne. Il est écrit en langue Zend, qui est celle des inscriptions Achéménides, alors que du temps des Sassanides la langue usuelle était le pehlvi.
Burnouf s'aperçut bien vite que la traduction d'Anquetil était remplie d'erreurs, donc qu'elle ne pouvait pas servir à donner une idée du texte original. C'est alors qu'il entreprit de la refaire en se servant d'autres méthodes, qu'il expose dans son Commentaire sur le Yaçna, après avoir rendu hommage aux travaux et à la probité d'Anquetil qui, dit-il, « a eu le mérite d'avoir osé commencer une si grande entreprise et d'avoir donné à ses successeurs le moyen de relever quelques-unes de ses fautes, gloire immense qui doit être d'autant moins contestée par celui qui vient le second, que lui-même n'aura vraisemblablement, aux yeux de ceux qui, plus tard, s'occuperont du même sujet, que le seul mérite de les avoir précédés ».
Burnouf explique que la version d'Anquetil n'a été, faite que sur une traduction, que la connaissance du pehlvi ou huzvâresch disparut rapidement de chez les Parsis du Guzerate, et que, par conséquent, leurs traductions ne sont pas sûres. Mais, ajoute-t-il, il existe pour la critique deux sortes de moyens pour rectifier l'interprétation d'Anquetil, c'est-à-dire l'interprétation que les Parsis, avaient donnée à Anquetil : « le premier de ces moyens, c'est la tradition des Parsis eux-mêmes, puisée à une source plus ancienne que l'explication des maîtres d'Anquetil ».
Le second de ces moyens, c'est l'analyse approfondie du texte Zend « appuyée sur la comparaison de cet ancien idiome avec Les langues auxquelles il est le plus intimement uni ». Le sanscrit étant la langue qui possède le plus d'affinité avec le Zend, Burnouf se servit donc de la version sanscrite du Yaçna faite par Neriosengh. Cette traduction avait été faite sur la vieille traduction huzvâresch, qui avait elle-même altéré l'esprit de l'A-Vesta.
Or, nous savons aujourd'hui dans quel sens les altérations étaient faites, puisque c'est un fait général qui se produisit partout. On donne le sexe masculin à la Déesse primitive Ahura-Mazda ; on relègue cette Divinité devenue surnaturelle dans un Ciel imaginaire ; on cache le nom de l'auteur primitif de l'A-Vesta ; on essaye, mais en vain, d'attribuer la gloire de cette œuvre à un homme : Zoroastre, et on montre la femme comme asservie à l'homme dès L'origine du monde. En même temps, on cache soigneusement ce qui peut rester des anciennes Ecritures.
« Si L'on interroge les anciens auteurs sur les Ecritures sacrées du Mazdéisme, dit M. Leblois, il est fort possible que ce qu'ils nous en disent se rapporte à d'autres ouvrages qu'à ceux que nous possédons. »
Il est généralement admis que l'ensemble des anciens textes de l'A-Vesta était rythmé et que la plupart des vieux livres Zend étaient composés en vers. Ce poème, dans quelques passages, rappelle l'Iliade. Cependant, on n'a pu restituer tous les textes de l'A-Vesta en vers. Pour les Gâthâs seulement, ce travail a pu être fait, et Westphal, Roth, Mayr, sont arrivés à rétablir la métrique de ces cantiques.
Les manuscrits de l'A-Vesta actuellement connus en Europe sont conservés à Londres, Paris, Oxford et Copenhague.
(1) Le Vendidad énumère les localités excellentes créées par Ahura-Mazda. Leurs noms prouvent qu'elles remontent à une époque antérieure aux Perses et aux Mèdes.
En Perse, à la fin du XVIème siècle, on rédigea le « Zerdousht-Nameh » ou « Livre de Zoroastre ». Les Perses de l'Inde ayant perdu le manuscrit du Vendidad qu'ils avaient emporté (perdu ou détruit), un destour du nom d'Ardeshir leur apporta un manuscrit nouveau ; c'est de ce livre récent que procèdent tous ceux qui se trouvent aujourd'hui dans l'Inde.
En 1325, on fit une copie du Yaçna, le plus ancien manuscrit zend. Elle est conservée à Copenhague.

DÉCADENCE DE LA PERSE
Dans ce pays qui vit fleurir l'Avesta, qui eut une longue et splendide prospérité aux époques lointaines antérieures à la réforme de Zoroastre, combien la décadence de la race est profonde aujourd'hui !
C'est depuis la défaite des Ismaéliens, cette secte dont nous avons parlé, que la Perse perdit peu à peu son antique splendeur (Voir l'article intitulé Islamisme et Ismaéliens).
La Perse, après mille vicissitudes, qu'il serait trop long de narrer, tomba au XIVème siècle dans un état d'anarchie abominable. Une horde de Tartares, commandés par Timour-Leng, envahit le pays, qui ne put lui opposer qu'une vaine, et inutile résistance. Du moment où la force triomphe, elle doit triompher jusqu'au bout, et mettre au sommet le plus fort qui est le moins respectueux des droits d'autrui.
Les horreurs dont Timour se rendit coupable dépassent l'imagination. Il suffit, pour en donner une idée, de rappeler qu'ayant résolu de se venger des habitants d'Ispahan, en 1387, il ordonna à ses soldats de lui apporter un tribut de têtes humaines, et que, soixante-dix mille crânes sanglants ayant été ainsi déposés à ses pieds, il les fit entasser en pyramide comme un trophée de guerre.

LES SOPHIS
Un siècle s'écoula encore pendant lequel la Perse resta sous la domination des descendants du farouche conquérant mongol. Puis, en 1502, une race nouvelle, la race des Sophis, qui se disait héritière des anciens Ismaéliens, réussit enfin, avec son chef Ismaël, à reconstituer le vieil empire de Darius sous une dynastie nationale.
C'est à partir de ce moment, ou, pour mieux dire, c'est à partir du règne d'Abhas-Shah, le plus célèbre des princes de cette dynastie, que l'Europe occidentale commença à entrer en relations avec la Perse.
Abbas-Shah, qui occupa le trône de 1585 à 1628, eut, en effet, l'idée de charger deux gentilshommes anglais, sir Antony et sir Robert Sherley, de réorganiser son armée et de nouer en son nom des alliances avec la Chrétienté. Tous deux réussirent dans leur tâche, et peu après les Français, les Hollandais et les Anglais vinrent en assez grand nombre fonder des comptoirs à Gombroom.
Mais, un peu plus tard, le roi, craignant que les Portugais, qui étaient établis depuis longtemps déjà à Ormuz, ne devinssent pour lui des rivaux redoutables, résolut de les chasser de l'île, et, grâce à la complicité de la Compagnie britannique des Indes orientales, à qui il promit la moitié du butin et l'exonération de tout droit de douane pour ses importations, il put obtenir des vaisseaux et des canons en assez grande quantité pour mener à bien ses projets.
Malheureusement, sa conquête lui fut peu profitable, et Ormuz, auparavant si florissante, ne tarda pas à être désertée par le commerce.
Bref, après des événements plus ou moins malheureux, la Perse, qui avait retrouvé un moment son ancienne splendeur, fut encore une fois envahie par des hordes étrangères venant de l'Afghanistan et dont elle ne fut délivrée que vers 1730 par un aventurier de talent, Nadir-Kouli, qui, proclamé roi, porta ses armes victorieuses jusque dans l'Inde, où il s'empara de Delhi et des immenses trésors qu'il renfermait.
Mais les Persans n'étaient pas au bout de leurs peines, et, Nadir-Kouli ayant été assassiné en 1747, plusieurs années de sombre anarchie s'écoulèrent encore pour eux.

LA DYNASTIE KHAJAR
Enfin, en 1794, un chef de la tribu des Khajars, d'origine turque, Agha-Mohammed-Khan, réussit à s'emparer de la couronne et à fonder la dynastie qui règna jusqu'en 1925.
Son neveu Futhet-Ali-Shah lui succéda en 1797, et, malgré des revers assez considérables qui permirent aux Russes d'incorporer à l'empire moscovite plusieurs provinces de son royaume, à commencer par la Géorgie, il conserva le sceptre jusqu'à sa mort, en 1836, sans qu'aucun trouble intérieur se produisît.







LES HINDOUS



LA CÉLÉBRATION DE LA GRANDE DÉESSE 
(devîmahâtmyâ ) 
SARASVATYASHTAKAM (1)

Ô Sarasvatî, je t'invoque, Toi que vénèrent le Soleil et Rudra, Brahmâ, le grand-père des mondes et Vishnu, Toi qui es semblable à une masse compacte de santal jaune, telle le roi des éléphants entouré d'une myriade d'ermites.

Ô Sarasvatî, je t'invoque, infinité de joyaux rassemblés en une lumière qui ravit l'esprit, Toi semblable au disque radieux du soleil d'automne, brillante comme la neige ou encore le camphre, pur nectar de la lune.

Ô Sarasvatî, je t'invoque, Toi qui mènes celui qui aspire à la perfection vers la conscience unifiée de l'Essence suprême, Toi qui distilles l'amour à partir de la multiplicité des existences, Toi, le lotus d'or qui s'élève au-dessus de la poussière du monde.

Ô Sarasvatî, je t'invoque, Toi dont les différentes natures remplissent les mondes, Toi qui en de multiples atours descends dans le fleuve du temps , Toi qui es le refuge de ceux même qui sont dénués de jugement.

Ô Sarasvatî, je t'invoque, Lune de Shiva ointe d'une brillance sans origine, Toi qui ôtes la grande peur qui naît des sens et de leurs objets, Toi qui fais briller les joyaux et les diadèmes des dieux.

Ô Sarasvatî, je t'invoque, Toi qui es invoquée dans l'angoisse qui est comme la moelle de l'océan du devenir, Toi qui es cette force qui se diffuse dans toutes les directions, Toi qui es plus pure encore que la pureté sans tâche.

Ô Sarasvati, je t'invoque, Toi la loi qui imprègne tous les désirs de l'esprit, Toi qui façonnes le discernement qui mène au but suprême (2), Toi, le ferme soutien que servent les dieux et leurs puissances. 

Ô Sarasvati, je t'invoque, Toi aux innombrables qualités, Toi qui apaises la crainte, Toi le chemin véridique qui mène hors de l'orgueil, ce fardeau imposé par les trois gunas, Toi le refuge semblable à un trône de lotus parfumé.
(1) Invocation à Sarasvati, la shakti de Brahmâ.
(2) Paramârtha : « libération, union intime avec le Dieu »
(revue trimestrielle Vers la tradition, n°116, p16)




L'importance du rôle joué par le Principe-Mère dans les premières conceptions des Hindous explique le respect religieux dont fut entourée la Femme au temps des Védas et de l'ancien Manou.




L'INDE PREMIÈRE EPOQUE
La vie primitive aux Indes comme partout, représente le premier âge de l'humanité, l'enfance, l'adolescence, la première jeunesse.
Les enfants de cette grande famille humaine pratiquaient l'agriculture, ils avaient de nombreux troupeaux qu'ils faisaient paître dans de vastes plaines. C'était la grande vie, simple et naturelle. C'est là, sous un beau climat, au milieu d'une splendide végétation que se déroulèrent les premières scènes du drame humain.
On vit en s'aimant, la discorde n'est pas née. Les hommes sont des frères.
Ce qui commande, c'est la Loi éternelle qui avait appris que l'« Esprit » naît chez la Dêva (la Femme), pendant qu'elle avance dans son évolution. C'est pour cela que son nom signifie « Lumière ».
C'est pour expliquer les lois de la Nature, aperçues spontanément par l'Esprit de la Dêva, que fut composé le grand livre sacré de l'Inde, le Véda.

L'A-VESTA EST-IL ANTÉRIEUR AU VÉDA ?
Depuis que nous avons trouvé la véritable histoire de l'A-Vesta, la signification de son titre, son origine septentrionale probable, les noms divers donnés à son auteur (Arduina, Ariadne, Âryane, Diane, Anaïta), nous avons pensé que l'Avesta a dû précéder le Véda. Nous trouvons des rapprochements curieux à faire entre certains noms. Ainsi Sara-Swatî, l'auteur du Véda, semble s'appeler Sara, surnommée Swatî ou Vastî qui serait une forme dénaturée de Vesta. Et ce serait pour imiter le livre sacré des Iraniens, qui avait comme titre le nom de la grande Déesse Vesta, qui signifie la lumière de l'Esprit féminin, que le livre des Hindous aurait eu comme titre « La Dêva », signifiant également la lumière spirituelle vivante, mot composé des mêmes lettres que le mot Véda, mais placées autrement. Mais qui nous empêche de croire que cette disposition des lettres n'a pas été introduite dans la période masculiniste pour cacher la signification première du mot qui servait de titre au Livre sacré, qui aurait été, non le Véda, mais la Dêva ? C'est d'autant plus probable que ce mot va changer plusieurs fois de signification ; il sera d'abord féminin, puis neutre, puis masculin.
Rien d'étonnant dans ces substitutions de noms. L'histoire des religions en est remplie. On sait que les langues sacrées, lorsqu'elles furent au pouvoir des prêtres, furent transformées de manière à offrir un triple sens :
1° le positif ou vulgaire ;
2° le superlatif ou spirituel (c'est le sens ésotérique caché), et c'est le seul qui contienne la vérité.
C'est pour cacher la première vérité contenue dans ces Ecritures sacrées qu'on changea les langues, qu'on créa des grammaires et des subtilités de langage.
Mais tout cela est entouré d'obscurité. On a supprimé intentionnellement la chronologie, si bien que nous ne savons pas à quelle époque fut composé le premier Véda, le vrai, le seul sacré.
Mais certainement ce fut à une époque lointaine, puisqu'il fut la base d'une civilisation qui dura pendant le premier âge du monde : l'Âge d'Or. Et c'est alors que la société humaine se constitua, que se réalisèrent ses grandes inventions, ses grands travaux, et toutes ses grandeurs morales basées sur les lois sacrées de la Nature.
Dans une des incarnations de Vishnou, on raconte que le Véda fut enterré pendant le premier déluge, puis déterré, volé, puis restitué. Or ce premier déluge, c'est la grande persécution qui a bouleversé le monde plusieurs millénaires avant notre ère.
Certains auteurs nous disent que le Véda fut écrit 3.000 ans avant notre ère. C'est possible. Mais nous ne savons pas lequel parut le premier : l'A-Vesta ou le Véda.

LA RÉVOLUTION RELIGIEUSE AUX INDES
L'homme dominateur, ayant fait la conquête de l'Inde, y trouva des peuples primitifs, c'est-à-dire gynécocratiques, dont il fit ses esclaves ou qu'il chassa devant lui et dont, par la suite, il ne parla qu'avec dédain et mépris ; il en fit une race inférieure qu'il appela les Dasyous. Cet homme conquérant, c'est Ahriman, le mauvais principe formant des hordes masculines qui vont envahir graduellement l'Inde, la Perse, l'Afrique, l'Europe, exterminant les populations qu'il rencontrait au point de faire naître dans les pays conquis un monde nouveau de sang mêlé.
Si bien qu'après avoir été longtemps errants, ils finirent par se cantonner dans les anciennes nations en y formant de nouveaux groupes ethniques qui prirent les noms d'Hindous, Perses, Grecs, Latins, Germains et Slaves.
Cette invasion des hommes forts a été surtout une révolution morale puisque ces conquérants ont voulu faire régner leurs idées et leur morale masculines qui renversent les idées et la morale féminines.
Ce fut le commencement de l'âge noir.
Cependant, cette race orgueilleuse allait se déclarer supérieure et se donner à elle-même toutes les qualités.
C'est vers l'an 1000 avant notre ère que se produisirent les grandes émigrations qui transportèrent des émigrés dans la vallée de Saraswatî.
Ceux qui restèrent maîtres du pays changèrent complètement l'esprit de la Religion, ils en modifièrent la base fondamentale, c'est-à-dire les questions fondées sur la loi des sexes. L'homme conquérant cherche toujours à imposer les lois de sa physiologie et de sa psychologie ; mais le changement ne pouvait pas se faire brutalement ; il y eut partout une période de transition.
Les traités théologiques de l'époque des Brahmanes sont remplis de raisonnements destinés à prouver que l'homme est l'égal de la Femme, que le Dieu doit être mis à côté de la Déesse.
Cette période de l'égalité des Dieux dure peu, la réaction contre le Prêtre ébranle cette nouvelle croyance, alors elle change encore, mais non dans le sens de la vérité, dans le sens d'une nouvelle erreur : le symbolisme a introduit les astres dans les choses terrestres, c'est une comparaison d'abord, cela devient une croyance aveugle ensuite. L'homme s'est comparé au Soleil, il a grandi sa personnalité, l'a faite très haute et très vaste, plus qu'humaine, et cela pour atteindre l'altitude morale de la Déesse ; mais il dépasse la limite, ne sachant où s'arrêter ; le voilà plus qu'un homme, logé dans un Ciel surnaturel où il porte ses attributs mâles de générateur, il engendre d'en haut, en tirant le monde de sa propre substance, comme sur la Terre il tirait de lui le germe de vie. Il devient « Pradjâpati », le « maître des créatures », c'est-à-dire des Femmes, puisque tous les hommes prennent leur part de maîtrise.
Et c'est de ce personnage nouveau que les Brahmanes vont faire un Dieu, bien plus, le Dieu unique, impersonnel il est vrai, c'est-à-dire embrassant la collectivité des hommes, mais divinisant le sexe mâle, qui devient le créateur universel. Conception audacieuse qui sera copiée en Grèce par l'Apollon hellénique, mais qui tue la religion des Brahmanes en un temps très court, celui qu'il faut pour aller à l'excès, c'est-à-dire à l'athéisme du Bouddhisme, ou à la réaction féministe qui va se manifester dans le Vishnouïsme.
Brahma, qui régnait dans les cieux, était une force, une puissance cosmique, non un Dieu ; il ne devient Dieu que quand les Dêvâs montent au ciel et se confondent avec cette entité impersonnelle.
Il n'est d'abord ni féminin ni masculin, il est neutre, dans les plus anciens documents de l'Inde, on l'appelle Brahman (nominatif Brahma). Quand les Prêtres prendront le sacerdoce, ils mettront le mot au masculin : Brahman (nominatif Brahma), qui désigne le prêtre conjurateur, puis celui des officiants qui est chargé de veiller à la pureté des rites et de « guérir », car les prêtres se font toujours guérisseurs.
Les deux sens donnés au mot Brahma persisteront longtemps.
Mais « Brahma est Dieu » deviendra la formule des Prêtres, qui enverront la Divinité terrestre se reposer au ciel. Seulement le mot sera, dès lors, écrit au masculin, il perdra sa neutralité primitive.
Brahma-Dieu, c'est l'anthropomorphisme créé ; mais l'Hindou ne s'y arrête pas, il revient à l'humanité ; ce n'est qu'un thème à spéculation métaphysique, non une religion. Le Brahma masculin, c'est Pradjâpati agrandi, l'homme fait immense, devenu l'être suprême, créateur de l'Univers. (Pendant qu’on y est, pourquoi ne pas lui donner une puissance sans limites ?)
Il est « Père des créatures », reste une personne, mais divine, incommensurable.
Il ne ressemble plus au primitif Brahma, neutre, sans sexe, sans forme et sans attributs humains.
Le peuple a toujours ignoré Brahma, et, maintenant encore, il ne le connaît que comme un nom vénéré derrière lequel il ne voit rien de compréhensible, il ne l'adore pas comme les Catholiques adorent Dieu le Père. Ces subtilités théologiques ne pénètrent jamais dans les masses, qui continuent à voir, sur la terre, des hommes et des femmes tels que la nature les fait, et cela parce que dans les masses il y a toujours à côté de l'homme la femme. Les arguties des Brahmanes restèrent une doctrine d'initiés, propagée entre eux, comme dans les temps modernes tout ce qui se fait dans les milieux restreints où les femmes ne pénètrent pas.
Le surnaturel n'était pas dans les esprits. La Dêvâ était toujours la Déesse vivante, Vishnou, l'esprit féminin.
On ne comprenait pas encore cette glorification d'une ombre mise dans le ciel, d'un rêve imaginaire, représenté plus tard par des idoles étranges, presque toujours grotesques, étant données les conditions mentales et esthétiques de ceux qui les faisaient ; ce sera bientôt une explosion de folie traduite par le laid dans l'art comme par le faux dans les idées et par l'injuste dans l'ordre Social.

LES CASTES
La pierre fondamentale de l'ordre social dans l'Inde, c'est la division en castes.
La première origine des castes se trouve dans la primitive religion naturelle. Religion signifie relier, pour se relier, il faut observer les rapports mutuels des êtres différents : masculin et féminin ; violer cette loi en nivelant les sexes que la nature a faits dissemblables, c'est créer le désordre.
Primitivement, au-dessus des divisions masculines se trouvait le sexe féminin, sexe spirituel, sexe à part. C'est pour cela que l'on disait : les dêvas et les hommes, ce qui plus tard est devenu les dieux et les hommes.
Cette division si naturelle de l'humanité suivant les facultés de chacun avait donné tant de force à la primitive organisation sociale, qu'elle fut la base réelle du bonheur de tous, résumé dans ce beau titre : « l'Âge d'Or », et de la grande civilisation qui dura si longtemps et qui fut le fonds dans lequel toutes les nations ont puisé.
C'est la prétention à l'égalité qui germe dans le Cœur des envieux, des niveleurs, qui causa tous les désordres dont l'humanité eut à souffrir dans les temps d'erreurs et de despotisme.
« Le système des castes dura sans s'altérer pendant l'immense période de 50 siècles », dit Marius Fontane.
La première caste était celle des Dêvas. Toute femme y participait, parce qu'elle représentait le privilège de la nature féminine, et non des facultés spéciales. Cependant, au sommet de la caste divine étaient les grandes Déesses, puis les Prêtresses qui dirigeaient la vie morale, qui instruisaient les enfants, qui étaient les éducatrices, celles qui dirigent et éclairent la vie humaine.
C'est après cette séparation des sexes que les hommes sont divisés en trois catégories, qui représentent les degrés de l'initiation dans les anciens Mystères.

Première caste
Les Kshatriyas (ou Kshatras). C'est la première caste masculine : les chevaliers qui protègent les Dêvas. C'est la force qui soutient l'esprit en le faisant respecter.
On a dit à tort que c'est la caste des Guerriers ; elle a pu le devenir parce que les hommes sont doués d'un instinct batailleur, mais leur formation en caste eut d'abord comme but de défendre les Femmes, les Mères, les sœurs ; ils furent leurs protecteurs, ce qui est toujours le rôle le plus noble pour les hommes dans les nations vraiment civilisées.

Deuxième caste
Les Vaiçyas (marchands, cultivateurs). Cette caste comprend les hommes dont les facultés mentales ne sont pas très développées, ceux qui ne lisent pas le Véda, mais donnent leur vie au trafic, laissant à d'autres les préoccupations de la vie intellectuelle.

Troisième caste
Celle des Çoudras, qui sont des travailleurs qui font un travail manuel sans y employer d'intelligence ; ce sont des inférieurs qui ne peuvent qu'obéir et servir les autres, parce que les facultés supérieures de l'esprit leur manquent.
On considérait que, pour qu'il y ait de l'ordre dans la société, il faut que chacun reste dans sa caste. La caste féminine suppose l'Esprit divin, la science, la noblesse de sentiments, l'élévation des idées.
« On ne saura jamais combien les femmes constituent une aristocratie », dit Michelet.
On ne peut pas les mêler aux castes masculines.

La première division des hommes suppose l'action, la décision, mais la soumission à l'esprit divin dont on comprend l'étendue.
C'est cet homme-là qui lit le Véda. Nous le voyons ici rattaché à la Déesse par le cordon ombilical comme l'enfant est attaché à sa mère. La Déesse est sa Mère spirituelle, il a l'honneur de la servir, ce qui se reflète sur toute sa vie, qui est une manifestation chevaleresque de politesse, de prévenances et d'égards.
La deuxième division des hommes demandait, outre l'aptitude pour les affaires commerciales, la loyauté, la probité.
La troisième catégorie n'a besoin que de l'aptitude pour le travail.
Cette division sociale représente une loi réellement divine, c'est-à-dire érigée suivant la connaissance de la nature humaine.
C'est la science absolue, qui engendre la justice intégrale.
D'après cette loi, ce sont les Dêvas qui enseignent la science qu'Elles ont elles-mêmes déposée dans leurs Livres sacrés, Elles qui les expliquent, Elles seules qui exercent le sacerdoce. Elles pratiquent la médecine, Elles rendent la justice parce que la Femme supérieure, seule, sait où est le Bien et où est le Mal.

LES PARIAS ou CHÂNDÂLAS
En dehors de toutes les castes se trouvent les Parias, les rejetés, ceux qui, doués d'une mauvaise nature, se sont révoltés contre la Vérité, contre la justice, contre la Loi morale. Ce sont les avilis, ceux qui ont perdu le sens moral, ce sont les décastés de toute catégorie
On les tient à l'écart, leur présence est une souillure, ils sont mis au ban de la société.
On croit que les castes primitives sont descendues du Nord. La couleur moins foncée de ces peuples atteste une origine étrangère. Il est certain que, s'ils ont la même constitution que les races boréennes, c'est-à-dire le cœur à gauche, cela indique que leur formation végétale s'est accomplie dans l'hémisphère boréal. Les hommes de l'hémisphère austral doivent avoir le cœur tourné vers la droite, ils sont rares, cet hémisphère contenant plutôt des mers que des continents à l'époque de la genèse primitive.
On croit que les basses classes, les Parias, seuls, seraient des aborigènes, c'est-à-dire des dégénérés provenant d'une race antérieure en voie de disparition.
Cette croyance s'appuie sur le mythe indien qui chante l'arrivée des Dêvas et leurs victoires sur les habitants de l'Inde.
L'ancien poème hindou Mahâ-Bhârata nomme le pôle nord « Gutha » (gotha ou gothie) et prétend que les Dêvas en proviennent.
Les Dêvas divisèrent l'Inde en baillage de cent hameaux (1) (comme les Ases (2) divisèrent la Suède à leur tour)
Leur chefs ou cheffesses de ces baillages se nommèrent Foudgar aux Indes (Fodgar en Suède).
Le mythe partage le monde en sept zones du nord au sud.
La zone septentrionale se nomme « Thul ». En scandinavie, l'homme guerrier (le Kshatriya) est le « Skand ». La Déesse est « Swad-hâ » (d'où vient le mot Suède, croit-on).
Dans le Mahâ-Bhârata, la Femme occupe une place prépondérante dans le monde. C'est dans ce livre que le roi Doushyanta dit : « La Femme est l'honneur de la famille, c'est Elle qui lui donne ses enfants, la Femme est l'esprit vital de l'homme, Elle qui lui reste toujours fidèle, la Femme est la moitié de l'homme, la meilleure amie, la source de tous les bonheurs ; la Femme, avec sa parole aimable, est la compagne dans la solitude, la Mère des opprimés, le repos dans le voyage à travers le désert de la vie. ».
(1) Le mot « Palli » en sanscrit, qui veut dire les Pâtres, les Pasteurs, devient « Bailli » chez les Kaldéens, les Arabes, les Egyptiens, qui prononçaient difficilement le « P ». Ce nom, qui signifiait Gouverneur ou seigneur, représentait l'autorité morale de la Femme. C'est de Palli qu'on fit Pallois et Palais (Fabre d'Olivet, L'Etat social, t. I, p. 277).
(2) Le mot « As » signifie un prince et même un Dieu dans la langue primitive des Celtes. On le trouve, avec la même signification de Prince ou de Principe, chez les Scandinaves, les Étrusques et les Vasques. Les Romains se servaient du mot « As » pour exprimer une unité de mesure ou de poids. Nous l'appliquons encore aujourd'hui au premier nombre des dés ou des cartes. C'est de ce mot très antique que dérive le nom donné à l'Asie.

VIOLATION DES CASTES NATURELLES PAR LES BRAHMANES
Tant que les Etats ont été gouvernés par la hiérarchie naturelle, l'ordre a régné, mais le désordre a commencé quand des hommes ont pris les titres féminins et réclamé pour eux les honneurs et les prérogatives dus à la Dêvâ.
Le Brahmane va prendre sa place et imiter son autorité, à laquelle seulement il va ajouter la tyrannie et des formes inquisitoriales.
Il commande l'injustice et l'impose.
À propos de la révolte de la caste des Kshatriyas, René Guénon nous dit : « Un gouvernement dans lequel des hommes de caste inférieure s’attribuent le titre et les fonctions de la royauté est ce que les anciens Grecs appelaient « tyrannie » ; le sens primitif de ce mot est, comme on le voit, assez éloigné de celui qu’il a pris chez les modernes, qui l’emploient plutôt comme un synonyme de « despotisme » » (Autorité Spirituelle et Pouvoir Temporel).
La jalousie de sexe a été le premier ferment de désordre et de discorde. Et avec l'homme-femme la mascarade sociale a commencé.
La première caste, étant composée des femmes divines, possédait le Droit inhérent au sexe féminin : le droit de l'esprit.
C'est ce que la tradition appelait le Droit divin.
Vishnou, la femme-Esprit, est la première incarnation du Droit divin. Elle se déclare Déesse, dans le but de combattre ceux qui sont les ennemis des Dêvas, c'est-à-dire des femmes et de leurs droits sacrés. C'est la lutte de la force contre la raison qui commence, la lutte de l'ignorance contre la science.
Le Véda affirme l'immutabilité du sexe et de ses droits. II dit : « Tout être qui a reçu dès la création une fonction, l'accomplit fatalement à chaque réapparition du même sexe.
« Les qualités qui lui ont été spécialement réparties, la bonté ou la cruauté, la douceur ou la barbarie, le culte de la Vérité ou l'hypocrisie, vertus ou vices, d'elles-mêmes s'emparent de lui chaque fois.
« Ainsi que les saisons reviennent périodiquement prendre leur cours, de même les êtres animés exercent toujours les fonctions qui sont de leur nature (sexuelle). »
Ceci explique que la femme, à chacune de ses apparitions dans un corps vivant, reprend les qualités féminines.
Toute femme est femme, donc toute femme est divine, toute femme possède le Droit divin, c'est-à-dire féminin.
Mais aucun homme n'est femme, aucun n'a le droit de s'affubler de ce qui est le privilège, de l'autre sexe. Tout homme naît homme et ne sortira jamais de son sexe, il sera toujours en communion de facultés et d'instincts avec les autres hommes. Il n'y a donc pas des hommes divins et des hommes humains. Il y a l'homme et c'est tout. Ceux qui ont voulu se donner les caractères sacrés féminins ont été des imposteurs.
Le Principe divin n'est pas un fluide qu'on incarne dans un individu mâle ou femelle, c'est le résultat mental du fonctionnement physiologique qui est inhérent à la polarité sexuelle, immuable et irrévocable dans tous les êtres créés.
En vertu de leur instinct d'imitation, certains hommes, qui vivaient près des femmes, se sont si bien assimilé les idées féminines, les ont tant répétées inconsciemment, comme si elles, venaient d'eux, qu'après avoir dit nous, en parlant à Elle et de Lui, ils ont fini par dire moi, et se sont attribué, à eux seuls, les idées, les facultés, la psychologie, les prérogatives, les droits de la Femme, et cela en gardant cependant leur psychologie masculine, dont ils ne pouvaient pas sortir ; cela créait dans leur vie une contradiction qui a engendré une hypocrisie. Ils ont voulu, pour soutenir leur rôle, sembler chastes comme une femme, alors que pour être cela il faut une organisation physiologique féminine. Le droit féminin divin répondait à une idée éminemment scientifique, à une loi de nature, donc à une justice indéniable, il sanctionnait la suprématie de l'Esprit, qui ne peut pas descendre, mais au contraire tend à monter toujours.
Nous voyons déjà, à cette époque si reculée, une première tentative de transformation de l'idée-mère ; plus tard elle se compliquera de symbolisme, pendant qu'elle s'obscurcira et s'abâtardira. On adore toujours le Divin Féminin, mais à côté de l'être réel on va mettre un principe abstrait, parce qu'on perd la lucidité primitive qui avait permis de concevoir les réalités.
Cependant, la simplicité et la droiture de l'esprit populaire résistent à l'introduction d'un surnaturel incompréhensible, puis d'un Dieu-Homme, qui substitue une idée abstraite, métaphysique et fausse à la simple nature.
Les peuples, dans la première forme de leur croyance, mettaient la femme à part et au sommet ; les castes, alors, avaient une origine scientifique. Elles représentaient une idée de justice immanente.
Cependant, la justice devait être violée, et des hommes formant une caste à part, dite sacerdotale, allaient se déclarer supérieurs aux autres hommes parce qu'ils étaient les représentants de la Divinité.
On n'admettra pas les prétentions des prêtres, on en rabattra, mais il en restera toujours assez pour leur faire une auréole.
C'est ainsi que le Brahmane changea l'institution des castes, mettant la femme hors le monde, hors le droit, et se mettant à la place de celle qui était la Déesse. Alors, c'est lui qui représente la première caste, et les Kshatriyas la seconde, les Vaiçyas la troisième et les Çoudras la quatrième.

LA RÉVÉLATION PRIMITIVE CHEZ LES HINDOUS PAR LA DÉESSE SARASVATÎ
Le grand « Livre sacré » des Hindous, c'est le Véda. Il a pour auteur Sarasvatî, qui est dite Mère du Véda, Déesse de la sagesse et de la science.
Ce nom se décompose ainsi : Sara et Vâtch, ou Vish, qui est la racine du mot Vishnou, l'Esprit incarné dans la femme et dont la présence se manifeste, non seulement par la vie et les qualités du corps, mais aussi et surtout par celles de l'âme qui sont la pensée juste et l'action morale.
Vâk ou Vâtch (devenu en latin vox) signifie Logos ou Verbe. C'est la parole de Sarasvatî.
La Déesse qui écrivit le Véda est souvent appelée aussi Saraswata ; le mot swar, signifiant Ciel, lui donne une appellation céleste.
La pensée primitive dans l'Inde atteignit une splendeur incomparable. Longtemps vivante, longtemps féconde, elle a déposé, dans le cœur et dans l'esprit des générations successives, des idées qui furent l'origine de toutes les grandeurs de l'humanité, la source de l'atavisme de la jeunesse actuelle.
Sous l'ardent soleil de la vallée du Gange, au milieu des manifestations d'une végétation incomparable, la Nature dévoila ses lois, simples et éternelles, à la Déesse. La pénétration de son esprit comprit tout, la sincérité de sa parole communiqua à l'homme toute sa science.
Elle fut l'éternelle Mâyâ, c'est-à-dire l'éternelle révélatrice de la Nature (1).
Partout elle sonda les mystères du monde et de la vie et les révéla à ses dévots adorateurs.
« Leurs oreilles entendirent l'honneur de sa voix » (Ecclésiastique, XVII-II). Ils furent instruits par Elle de ce qu'ils devaient croire et faire, pour atteindre le but final de leur existence, le bonheur.
L'initiation primitive fut conservée intacte pendant des siècles ; elle constituait la smriti (la tradition), qui était transmise fidèlement à la postérité.
(1) Mâyâ Dourgâ signifie l'inaccessible, l'impossible à atteindre.

LE LIVRE SACRÉ
La science de l'Inde fut d'abord déposée dans le Véda, mot qui signifie « science suprême » (1).
Il fut plus tard divisé et forme aujourd'hui quatre livres :
1.Le Rig-Vèda.
2.Le Sâma-Véda.
3.Le Yadjour-Vèda.
4.L'Atharva-Véda.
Chaque partie est elle-même divisée en trois :
La Samhitâ (recueil).
Le Brâhmana (ce qui est relatif à la prière).
Le Soûtra (fil, lien, c'est-à-dire religion, union).
Les Védas sont composés de Çlokas, mot qui désigne la strophe de deux vers.
Ils sont écrits en sanscrit, idiome qui n'est plus parlé depuis vingt-deux siècles, mais que l'on a conservé comme langue sacrée et qui a toujours été employé comme langue littéraire.
Au IIIème siècle avant notre ère, le sanscrit n'était déjà plus parlé. Le mot sanscrit veut dire bien formé, parfait (2).
Comme tout ce qui date des temps théogoniques, cette langue est d'origine féminine. Elle fut abandonnée comme langue vulgaire lorsque le pouvoir féminin disparut, lorsque la Femme perdit la direction intellectuelle et morale de la société. Alors la langue changea, en même temps que les idées ; l'esprit masculin qui domina, créa une autre langue appelée prâcrit, qui veut dire « mal formé », ce qui indique une lutte dans la forme du langage comme dans les idées.
« Le sanscrit, au dire de tous les écrivains anglais qui l'ont étudié, est la langue la plus parfaite que les hommes aient jamais parlé. Elle surpasse le grec et le latin en régularité comme en richesse, le persan et l'arabe en conceptions poétiques. Elle conserve avec nos langues européennes une analogie frappante, qu'elle tient surtout de la forme de ses caractères qui se tracent de gauche à droite, et ont servi, selon l'opinion de W. Jones, de type ou de prototype à tous ceux qui ont été et qui sont encore en usage en Asie, en Afrique et en Europe » (Leblois).
La langue sanscrite avait été créée en même temps que la science de la Déesse et pour l'exprimer. En perdant cette science, on perdit, en même temps, le sens des mots, on ne comprit plus les idées abstraites exprimées par cette langue, qui est par excellence la langue des Femmes. Elle garde quelque chose de la forme naïve du langage des enfants ; les A y sont multipliés. (L'énonciation des lettres se fait en ajoutant a au son de la consonne, ba, ca, da, etc., au lieu de , , ).
Les Hindous actuels, qui apprennent par cœur tous leurs livres sacrés et peuvent réciter les 100.000 çlokas des Védas, avouent ne savoir de ces livres que les mots ou mantras, non l'esprit. Ils ont perdu le sens de leurs Écritures, parce qu'elles ne répondent pas aux idées issues de la mentalité masculine.
(1) La date des Védas est incertaine. Quelques auteurs, entre autres M. Jacobi, la placent 3.000 ans avant notre ère.
(2) Oscar Vignon, qui voit dans le Celte le langue-mère, dit : Sanscrit et Zend ne sont pas des langues, mais des titres d'ouvrages : « Cen-scrit », les cent écrits.

FALSIFICATION DU VÉDA
C'est de 1000 à 800 (avant notre ère) que les hymnes védiques furent réunis et mis en ordre. C'est ainsi qu'on appellera la révision des livres faite dans le but d'en éliminer ce qui n'était pas conforme aux nouvelles idées masculinistes qu'on voulait faire régner.
A ce moment-là, il n'y avait encore que trois Védas : le Rig, le Sâma, le Yadjour.
Le quatrième Véda, l'Atharva, est postérieur à cette époque (1).
C'est le commencement de la littérature masculine.
L'ensemble des livres, c'est le Védânta, mot qui signifie : explication des vérités.
Les Védângas sont un code qui contient tout ce qui a rapport aux sciences exactes, aux sciences naturelles, à l'astronomie, aux études grammaticales même. C'est en même temps le commentaire des Védas, le livre qui renferme les causes de toutes choses. C'est aussi un code des cérémonies religieuses. Tout cela ne fait qu'un dans la religion de Manou. Etre religieux, c'est être savant. « Dès sa naissance, le Brahme (le savant) a été placé à la tête de tout ce qui existe, il est le pivot de la société et le législateur souverain.
« De même que l'intellect domine la matière, que les êtres doués de raison sont supérieurs aux autres et que l'homme est le premier entre les animaux, le Brahme est le premier entre les hommes. »
On voit apparaître les Akhyanas (légendes), dont les parties métriques se trouvent déjà dans la dernière section du Rig-Véda.
Ce poème épique est attribué, comme toute l'ancienne littérature, au personnage mythique appelé Vyâsa, le classificateur.
Il est défendu au vulgaire de le lire. Cette crainte vient de ce que le livre de Saraswati fut alors si complètement dénaturé que le public, qui connaissait la tradition orale, n'aurait pas admis sa falsification.
La lecture des quatre Védas était interdite aux Çoûdras. Vyâsa en composa, en faveur de cette quatrième caste, un cinquième, nommé Baradam, où il mit tous les mystères de la religion indienne, et traita de la pratique de la vertu et des distinctions de chaque état.
Ce livre paraît n'avoir point échappé à l'injure du temps, disent les Hindous, ce qui veut dire qu'il a été détruit.
Si on demandait aux Brahmanes qui avait émis la doctrine antique qu' « ils faisaient découler comme d'un réservoir à mille canaux », ils répondaient que c'est Brahma lui-même qui avait composé le Véda, que les chantres humains qui l'avaient récité devant l'autel n'avaient été que des bouches dont il s'était servi pour le faire entendre aux hommes.
« Du feu, du soleil et de l'air il tira, comme règle suprême du sacrifice, les trois livres immortels du Véda, le Rig, le Yadjour, le Sâma, l'émanation de sa pensée révélée ».
Mais après cela on nous dit que Vâch, identique a Brahma, est appelé le Logos femelle, la parole mystique au moyen de laquelle la connaissance et la sagesse sont communiquées à l'homme. C'est pour cela que l'on dit que Vâch est entrée dans les Rishis.
(1) Les principaux livres sacrés de l'Inde, et les plus antiques d'entre eux, sont au nombre de quatre : le Rig-Véda, le Yadjour-Véda, le Sâma-Véda et l'Atharva-Véda. Le premier est un recueil d'hymnes, le second renferme des prières en prose, le troisième des prières destinées à être chantées, et le quatrième ne contient guère que des formules de consécration, d'imprécations et de sortilèges. Celui-ci-est le plus moderne des quatre.


VYASA LE CLASSIFICATEUR
Vyâsa, le compilateur des Védas, est, comme Zôroastre en Perse, comme Confucius en Chine, le masculinisateur des écrits sacrés.
(Vyâsa est un mot qui signifie sage dans les langues occidentales).
L'extrait des Védas fait par Vyâsa se nomme Védânta (1). Il est défendu au vulgaire de le lire. Cette crainte vient de ce que le livre de Sarasvatî fut alors complètement dénaturé. Ce sont les Prêtres, les Brahmanes, qui furent les auteurs anonymes de cette révision qu'ils attribuèrent à un personnage légendaire, sans réalité historique, derrière lequel ils se cachèrent. C'est de 860 à 800 que l'on peut dater l'origine du sacerdoce brahmanique aux Indes.
Dans la nouvelle rédaction des Védas se trouvent les « Lois de Manou », dans lesquelles on fait dire à cet antique législateur tout ce que les Brahmanes veulent qui soit dit pour établir leur sacerdoce et leur domination sur le peuple et sur la Femme. Ce système rétrospectif a été employé par tous les Prêtres, c'est le métachronisme, opération qui consiste à placer un événement dans un temps antérieur à celui où il est arrivé.
(1) Le mot Védas est un pluriel. Au singulier, on dit le Véda. L'ensemble des livres, c'est le Vedânta, mot qui signifie : Explication des Vérités.

L'INDE BRAHMANIQUE (VIème siècle)
C'est aux Indes que la réaction contre la Femme commença. C'est là que pour la première fois on osa déclarer qu'elle ne doit jamais faire sa volonté, mais celle de l'homme. Loi barbare, venant contraster avec le mot sublime de l'homme jeune qui avait dit à la Femme divine : « Que ta volonté soit faite et non la mienne ». Cela jeta l'Indienne dans un océan de douleur.
Ce siècle renferme d'importants événements. Dans tous les pays à la fois un ferment de révolte s'était produit et avait amené un changement profond dans le régime social et dans la religion. Partout, la caste sacerdotale s'emparait du pouvoir, le prêtre se dressait en face de la prêtresse et prétendait diriger le culte à sa place. Il érigeait des temples à de nouveaux dieux et dans ses temples enseignait un dogme sacrilège ou bouffon, qui n'était souvent qu'une altération grossière de la science primitive qu'il ne comprenait plus et à laquelle il mêlait toutes les fantaisies de son imagination, créant ainsi le surnaturel par un besoin d'exagération qui naît dans les cerveaux mal équilibrés.
L'histoire nous montre les phases diverses que traverse « l'erreur » à travers les cultes nouveaux ; on peut la suivre de siècle en siècle, car, à partir du VIème siècle (1), l'histoire est ouverte et un grand nombre d'auteurs sont venus tour à tour y inscrire les fastes du régime masculin, sous ses deux formes : sociale et religieuse.
Ce siècle est une date fatale dans l'humanité. C'est le point de départ de la plus grande révolution qui se soit produite dans le monde, le premier pas vers l'abîme. Cette date marque l'ère de mensonge, de crime qui durera si longtemps et qui laissera dans les cerveaux humains une tare ineffaçable. Dès ce moment, le sombre esprit du mal va régner sur la terre. L'homme, en supprimant la direction, morale de la femme, se crut libre de suivre toutes les impulsions de son instinct, que la raison féminine entravait. Ce fut le règne de la force. Il donna libre cours à ses passions brutales, despotiques, sanguinaires. On vit partout se produire des actes de cruauté, de bestialité, de débauche justifiés par les cultes nouveaux ; des tueries de tous genres, soit qu'on les appelle « des sacrifices », soit qu'on les appelle « des guerres ». En même temps commençait la terreur des faibles.
Ce fut le début de l'âge de fer. Il y eut un déchaînement général des passions dans le monde entier. La volonté de l'homme s'élevait au-dessus de toute loi morale et prétendait tout dominer. On ne reconnaissait plus d'autre autorité que la force.
Cet état de choses amena chez les vaincus un profond découragement qui succéda à la période des reproches violents, des cris de douleur et des lamentations qui s'étaient produits dans le siècle antérieur.
Cependant, un immense désir de voir cesser l'horrible désordre régnait sur la Terre. Dans l'Ezour-Védam, ouvrage écrit par un Brahme, Vyâsa dit :
« Le siècle où nous vivons est le siècle malheureux du péché. La corruption est devenue générale. C'est une mer sans bornes qui a tout englouti. A peine voit-on surnager un petit nombre d'âmes vertueuses. Tout le reste a été entraîné. Tout a été corrompu. Enfoncé moi-même dans cet océan d'iniquité dont je ne découvre ni les bords, ni le fond, je ne puis manquer de périr comme eux. Tendez-moi donc une main sécourable et en habile pionnier retirez-moi de cet abîme, pour me conduire heureusement au port ».

(1) « Il ne semble pas qu'on ait jamais remarqué comme convient l'impossibilité presque générale où se trouvent les historiens d'établir une chronologie certaine pour tout ce qui est antérieur au VIème siècle avant l'ère chrétienne. », précise René Guénon dans une note de bas de page (Le Roi du Monde, p.30)

LE BRAHMANE RÈGNE ET FAIT SES LOIS
Vers 600, les Hindous se livrent à un nouveau travail de revision des Livres sacrés. Sous prétexte d'expliquer les termes obscurs du Rig-Véda, on en fait un remaniement qui forme une collection de quatre chapitres appelés Nigama ou Nigamanas.
Vers cette époque aussi, les Brahmanes commencent à faire les lois. C'est le début de la littérature juridique. Ils appuient leur orthodoxie masculine sur la force brutale qu'ils appellent la force légale, et qui devient une affreuse intolérance. On voit apparaître d'abord les Dharma-Soûtras, qui seront suivis plus tard des Dharma-Çâstras, « Livres de la Loi ».
Les Soûtras sont des livres qui contiennent des données grammaticales et juridiques qui achèvent de reviser les anciens textes ; c'est le rituel scientifique de l'Inde masculinisée.
La publication de ce livre s'étendra du VIème au IIIème siècle.
Les Soûtras se divisent en Çraouta-Soûtras (organisation des cérémonies et des sacrifices) et en Grihya-Soûtras, concernant les cérémonies domestiques ou familiales à l'occasion de la naissance, du mariage, etc. Ce sont les sacrements.
C'est un fait nouveau dans l'histoire que l'homme fasse des lois, qu'il les écrive, qu'il les impose.
Jusque là, c'est lui qui a été soumis aux lois naturelles révélées par la Femme, aux lois morales formulées par Elle. Dès ce siècle, nous allons voir la Nature méconnue et la morale violée ; le Prêtre, devenu puissant, va imposer à la Femme ses caprices qui, deviendront des lois.
Ce système jette la Femme dans un océan de douleurs. Se souvenant du passé, de sa puissance perdue, de sa morale violée, elle met son espérance dans une réapparition de la puissance féminine, qu'elle considère comme devant infailliblement se produire, et ce désir, qu'elle exprime sans cesse, devient une idée régnante, une préoccupation des esprits consultant l'horizon pour chercher à y apercevoir la salvatrice attendue, la Femme qui reviendra, nouvelle Krishna, pour rapporter la vérité et reprendre la direction morale des nations.
Cette fermentation perpétuelle de l'esprit féminin éveille chez le prêtre usurpateur, chez l'homme s'affirmant par la tyrannie, une crainte incessante de se voir démasqué et renversé. C'est ce qu'exprime symboliquement l'épée de Damoclès, toujours suspendue sur la tête des tyrans (1).
L'évolution du pouvoir sacerdotal s'était accomplie aux Indes comme chez les autres peuples. Le Brahmane avait été, d'abord, le prêtre domestique reçu dans la maison de la Dêvâ pour la servir et la défendre.
(Cette expression domestique vient de domus latin, dôma grec, qui signifie maison ; c'est l'homme qui habite la maison de la femme. Il est bien certain qu'il devait y avoir un mot en sanscrit pour exprimer la même idée).
Ses fonctions étaient d'abord limitées, il était le messager, l'intermédiaire chargé de faire exécuter les ordres de la maitresse (Içwara). Il se couvrait de sa protection, s'appuyait sur l'autorité qu'il recevait d'elle, il présidait aux solennités du culte, mais un jour il la trahit, fait prévaloir sa volonté, devient son maître. C'est ainsi que peu à peu c'est lui qui arrive à représenter l'autorité morale, qu'il tient d'elle, cependant, car c'est elle qui l'a initié à la connaissance des mystères de la science.
Cette habitude de la Dêvâ, de la Brahmine, d'avoir près d'elle un Prêtre, s'est perpétuée ; le prêtre, c'est l'amant, mais tous ne sont pas fidèles et dévoués.
Quand le Brahmane s'empare du sacerdoce, il embrouille les idées reçues, les présente sous une forme nouvelle, se fait rendre les hommages que l'on adressait jadis à la Dêvâ, exige des offrandes, se donne des privilèges, et appuie tout cela sur des raisons fantasques puisées dans l'erreur du surnaturel naissant ; son orgueil grandit, trouble son esprit à tel point qu'après avoir imité la Déesse dans son autorité, après lui avoir pris son costume, ses allures, son langage, il se déclare Dêva lui-même, c'est-à-dire Dieu.
D'abord, les Brahmanes ont le pouvoir temporel et ce sont les Prêtresses qui ont le pouvoir spirituel. Et cela dura longtemps, jusqu'à la séparation des castes, qui est postérieure à l'époque des hymnes reconstituées du Véda. C'est le temps de l'institution politique du Brahmanisme, qui change d'abord l'orthodoxie religieuse.
C'est de 850 à 800 que l'on peut dater l'origine du sacerdoce brahmanique aux Indes. Après deux siècles, il devint une institution politique dans laquelle la religion fut introduite comme partie intégrante, parce que sous le premier régime théocratique la religion dirigeait le monde. Mais l'homme changea cette cause primordiale en y introduisant un élément politique qui répond à ses facultés masculines.
(1) On connaît la légende qui résume cette idée : Damoclès, courtisan de Denys le tyran, qu'il vantait constamment, fut invité un jour par lui à un banquet. Il aperçut au-dessus de sa tête une épée suspendue par un crin de cheval. Il comprit alors la crainte qui empoisonnait le bonheur du tyran.


LA LUTTE DES DIEUX
La femme avait affirmé une seule divinité : Vishnou. Le Brahmane vint qui, retournant tout ce qu'elle avait fait, affirma, lui aussi, un seul Dieu : l'homme.
Mais la substitution fut lente. On continua longtemps à croire aux anciennes Déesses, puis on arriva à les confondre avec les nouveaux Dieux, on créa les couples divins, et dans le couple, bientôt, la femme disparut et l'homme resta seul. C'est ainsi que s'ébranlait la puissance féminine, qu'elle fondait, absorbée dans celle du Dieu mâle.
Pour éviter les contestations, on arriva à supprimer toutes les personnifications humaines dans la Divinité ; on consentit à supprimer le Dieu-homme, à la condition de supprimer aussi la Déesse, et on résuma tous les anciens Dieux dans un « Dieu unique » qui est, d'abord, Brahma, « l'essence de la prière ». Plus tard il deviendra Brahma, la source de tous les êtres et l'âme de la Nature.
C'est ainsi que, ayant gardé l'habitude de la prière (ces habitudes sont tenaces), les prêtres s'adressent maintenant « au ciel », qui ne les entend pas, non plus à la Déesse qui les entendait. La prière devient une imitation de l'élévation de l'esprit féminin vers le ciel, mais la Femme qui s'élève vers la puissance solaire, ou qui s'absorbe dans la contemplation de la Nature, ne l'implore pas. Le prêtre, qui n'a pas les mêmes facultés, ne comprend pas qu'il y a une différence entre elle et lui. Lui qui sent sa faiblesse et a toujours besoin de secours, envoie sa Supplique au principe cosmique, comme s'il l'entendait ; cela devient un rêve, une illusion trompeuse. « Le Dieu qu'on invoque dans un hymne, dit Victor Henry, est toujours le plus grand, sinon même, pour un temps, le Dieu unique. Le chantre qui l'exalte ne lui connaît pas de rivaux, à lui seul il emplit le ciel et la terre, à lui seul il a accompli les exploits dont la race a bénéficié. Est-ce simple hyperbole ? Est-ce déjà un genre de concept de l'unité primordiale qui dominera la Théosophie postérieure ? Quoi qu'on en pense, l'hénothéisme, si bien nommé et défini par Max Muller, s'il n'est pas le Monothéisme, y prépare et y conduit par une pente insensible et sûre » (Les Dieux du Brahmanisme).
C'est à cette époque qu'apparaissent les plus anciennes Oupanishads. C'est dans ces écrits que l'on a dit à l'homme : « Insensé qui crois que tu es toi ! Insensé qui ne sais pas que tu es moi, que je suis toi, et que tous deux et tout ce qui est, nous sommes Brahma, et que rien n'est que Brahma ».
En fondant le Brahmanisme, les hommes instituèrent le système des castes, qui est un classement des hommes, un classement masculin qui ne comprend pas les femmes.
C'est une façon de remplacer l'ancienne division naturelle, celle qui ne divisait l'humanité qu'en deux moitiés : les Dêvâs et les hommes.
De grandes précautions furent prises pour préserver les Ecritures révisées de la critique des mécontents. Ce fait seul, qui se produisit partout, révèle la supercherie des rédacteurs.
Actuellement encore, les Livres sacrés sont tenus secrets, par pure tradition ; personne n'est admis à les examiner dans les temples, on craint l'indiscrétion des savants et l'on redoute toujours vaguement la vengeance des femmes.
Les membres de la caste des Brahmanes sont chargés par les lois religieuses de la conservation et de l'interprétation des Védas. Suivant l'une de ces lois : « La Science Divine, abordant le Brahmane, lui dit : « Je suis ton trésor, conserve-moi, ne me communique pas à un détracteur ; par ce moyen, je serai toujours pleine de force ....» Celui qui, sans en avoir reçu la permission, acquiert par l'étude la connaissance de la Sainte Ecriture, est coupable de vol des textes sacrés et descend au séjour infernal ».
Ces menaces nous révèlent la crainte que les imposteurs ont toujours eue de voir leurs supercheries découvertes. Mais elles n'ont pas empêché les savants de déchiffrer les textes, pas plus qu'elles n'ont empêché certaines femmes d'en comprendre la signification qu'on a pris tant de soin de leur cacher.
Après cela, nous ne nous étonnons plus de voir que les Brahmanes ont écrit dans le livre révisé de Manou (XI,-84) : « Dès sa naissance un Brahmane est Un objet de vénération, même pour les Dêvas, et ses décisions sont une autorité pour le monde ».
C'est par ce système affirmatif qu'il établit sa puissance.
Le rôle que les Brahmanes avaient pris auprès de la femme-Reine, rôle d'intermédiaires intéressés, ils prétendent le prendre auprès des rois quand le pouvoir masculin se forme ; alors nous voyons les Brahmanes se représenter eux-mêmes comme des hommes nécessaires. Un hymne du Rig-Véda dit : « Le roi que précède un Brahmane demeure en sûreté dans sa maison, il trouve toujours une nourriture abondante, les peuples s'inclinent d'eux-mêmes devant lui.
« Invincible, il obtient les trésors de ses ennemis et de ses amis. Les Dêvas protègent le roi libéral envers le Brahmane qui a recours à lui.
« Dans quelque détresse qu'un roi se trouve, il doit bien se garder d'irriter les Brahmanes en prenant leurs biens ; car, une fois irrités, ils le détruiraient sur le champ avec son armée et ses équipages, par leurs imprécations et leurs sacrifices magiques.
« Qui pourrait ne pas être détruit après avoir excité la colère de ceux qui ont créé, par le pouvoir de leurs imprécations, le feu qui dévore tout, l'océan avec ses eaux amères, et la lune dont la lumière s'éteint et se ranime tour à tour ?
« Quel est le prince qui prospérerait en opprimant ceux qui, dans leur courroux, pourraient former d'autres mondes, et changer les Dieux en mortels ?
« Quel est l'homme, désireux de vivre, qui voudrait faire du tort à ceux par le secours desquels, au moyen de leurs oblations, le monde et les Dieux subsistent perpétuellement, et qui ont pour richesse le savoir divin ?
« Instruit ou ignorant, un Brahmane est une Divinité puissante, de même que le feu consacré ou non consacré est une puissance divine.
« Doué d'un pur éclat, le feu, même dans les places où l'on brûle les morts, n'est pas souillé et il flambe ensuite avec une plus grande activité pendant les sacrifices, quand on y jette du beurre clarifié.
« Ainsi, lorsque les Brahmanes se livrent à toutes sortes de vils emplois, ils doivent constamment être honorés, car ils ont en eux quelque chose d'éminemment Divin » (Manou, IX, 313-314).
Voilà la puissance des Dêvas donnée au Brahmane qui en recule les limites jusqu'au surnaturel.


L'ÉVOLUTION RENVERSÉE
La préoccupation des Brahmanes est de faire croire que leur règne apporte le bonheur à l'humanité. Ils renversent audacieusement l'ordre dans lequel les quatre âges déjà écoulés avaient été classés : Âge d'Or, âge d'argent, âge d'airain, âge de fer, et, d'accord, du reste, avec les prêtres de tous les pays, ils déclarent que l'Âge d'Or est celui de Dionysos et d'Osiris, que c'est le règne de l'homme qui est le règne heureux, que c'est celui de la femme qui a été malheureux ; et ils vont le prouver en représentant cette époque passée sous le jour le plus sombre.
Voici comment ils intervertissent les lois de l'évolution morale. Nous citons ici Fabre d'Olivet (Etat social de l'homme, p. 100) :
« Le système des Brahmes est conforme à celui des mystères égyptiens, d'où les Grecs avaient tiré les leurs. Le Satya-Youga, qui répond aux premiers âges, est celui de la réalité physique. Suivant ce qu'on dit dans les Pourânas, c'est un âge rempli de catastrophes effrayantes, où les éléments conjurés se livrent la guerre, où les Dêvâs sont assaillies par les démons, où le globe terrestre, d'abord enseveli sous les ondes, est, à chaque instant, menacé d'une ruine totale. Le Trêta- Youga, qui le suit, n'est guère plus heureux. Ce n'est qu'à l'époque du Dwâpara-Youga que la terre commence à présenter une image plus riante et plus tranquille. La sagesse, réunie à la valeur, y parle par la bouche de Râma et de Krishna. Les hommes écoutent et suivent leurs leçons. La sociabilité, les arts, les lois, la morale, la religion fleurissent à l'envi. Le Kali-Youga, qui a commencé, doit terminer cette quatrième période par l'apparition même de Vishnou, dont les mains armées d'un glaive étincelant frapperont les pécheurs incorrigibles. »
Nous voyons dans ceci l'intention des Brahmanes de faire tourner à leur profit les idées de régénération qui partout fermentaient dans les esprits. Mais cette idée d'une résurrection de ce qu'ils ont vaincu et supprimé est le démenti de leurs affirmations.
Si leur règne avait été heureux, on n'attendrait pas sa fin comme une délivrance, il durerait éternellement.

INSTITUTION DES MYSTÈRES
Les lois de la nature expliquées sans détour par les Déesses, avec la naïveté d'une âme jeune éprise de vérité, avaient soulevé la colère des hommes.
La différence des sexes était, pour quelques-uns d'entre eux, une révélation terrible ; ils ne voulurent pas y croire et se révoltèrent contre la nature et contre la femme qui en dévoilait les lois.
Mais la vérité a tant de prix que, lorsqu'elle est connue, elle s'impose à l'esprit et le domine avec une telle force qu'on ne peut plus renoncer à la faire connaître. C'est pour assurer sa propagation que l'on continua, dans le secret, l'enseignement des doctrines que les Déesses avait enseignées ouvertement.
Ce sont ces doctrines initiales qui firent l'objet de l’initiation, qui est la connaissance de l'enseignement initial.
Et ce fut l'origine des Mystères qui se perpétuèrent depuis, qui devinrent universels, et servirent de base à toutes les religions en même temps qu'à toutes les sociétés secrètes de l'antiquité, que les sociétés modernes, maçonniques et autres, ont continuées.
Dans tous les Mystères on retrouve un fond commun d'idées, indiquant clairement une origine commune, ainsi qu'une grande pureté de doctrine cachée dans l'enseignement ésotérique des sages.
Cet enseignement renfermait d'une façon abstraite les vérités scientifiques que les femmes supérieures, les Déesses, avaient trouvées et formulées. Et c'est pour les préserver de l'oubli ou des altérations des hommes, qu'on créa les écoles secrètes.
Les hommes initiés étaient peu nombreux. C'étaient les élus, ceux dont la foi et la fidélité étaient à l’abri de la contagion du mauvais exemple.
Le sacerdoce féminin et les initiés formaient donc une société séparée dans le monde des ignorants. C'était une élite scrupuleusement choisie, une aristocratie de la science et de l'esprit qui se tenait éloignée des inférieurs, de ceux qui ne comprenaient pas et qui cherchaient incessamment à troubler la vie des femmes supérieures, à les entraver dans tout ce qu'elles voulaient entreprendre, à empêcher leurs travaux et leurs réunions par un langage qui révélait leur ignorance et leur grossièreté, ou simplement par une gaîté hors de propos.
Les rites étaient célébrés en secret, parce qu'il fallait se cacher des hommes dont on craignait les violences ou les railleries.
On avait, comme lieux de réunion, des cavernes souterraines, ou bien on se rendait dans de sombres forêts.
On ne livrait la vérité qu'à ceux qu'on en jugeait dignes, et c'est pour leur faire comprendre son importance qu'on les soumettait à des épreuves sévères.
Le lien que l'homme contractait avec ses initiatrices faisait de lui un homme-lige, l'homme lié par une alliance, il devenait un allié, était dit de bon aloi et entrait dans la légalité, dans le régime légitime.
Tous ces mots, liaison, lien, lige, aloi, loyal, obligation, obligeant, privi-lège, rallier et religion, viennent du vocabulaire de l'initié.
Cette obligation consentie par l'adepte, constituait le culte parfait. On ne lui imposait que trois choses : connaître, aimer, servir. « La nation des Justes, dit l'Ecriture, n'est qu'obéissance et amour ».
La naissance des religions fut, d'abord, cachée aux hommes, puisque c'était une société secrète, « un Mystère ». Elle était secrète parce qu'elle était persécutée, niée, entravée. Mais elle portait en elle le germe qui vivifie et qui tôt ou tard brille à tous les yeux, subjugue les esprits et devient tout-puissant !
Les démonstrations qu'on nomme des cérémonies constituèrent le culte extérieur qu'on voulait communiquer à tous.
Il fallait des cérémonies pour aider à comprendre, pour obliger les hommes à se recueillir et à créer, en eux, le culte intérieur.
Ces cérémonies étaient fort belles ; elles se faisaient avec une mise en scène splendide. Les lumières, les chants, les processions des religions modernes n'en sont qu'une mesquine continuation.
« Les mystères des anciens, dit M. Cailleux, étaient représentés par des jeux, des figures mimiques. A chaque fête, des troupes spécialement exercées retraçaient ainsi, dramatiquement, le sujet qui rassemblait les croyants. Ces bandes héréditaires se transmettaient fidèlement, de génération en génération, le rite sacramentel de ces représentations ; mais, plus tard, quand les mystères passèrent du delta des fleuves dans des Temples de marbre, et que, la religion se spiritualisant, on sentit que pour approcher des Divinités, il fallait des ministres purs et choisis, ces troupes négligées se dispersèrent peu à peu, mais elles n'ont jamais entièrement disparu. Les scènes religieuses dont elles avaient établi l'usage dans la foule formaient la principale partie du culte des anciens » (Origine celtique île la civilisation, p. 127).
Parmi les cérémonies d'initiation, se trouvait la représentation du grand événement qui avait jeté le deuil dans le monde, la lutte contre la Femme et sa défaite, sa mort sociale, suivie de sa résurrection désirée.

CE QU'ON ENSEIGNAIT DANS LES MYSTÈRES
AGNI - LE FEU SACRÉ
Donc la femme enseignait.
Mais pour enseigner il fallait avoir le Feu sacré. Il est donc important de savoir ce que l'antiquité désignait par ces mots mystiques, car le plus grand de tous les mystères est symbolisé dans Agni, le feu sacré.
Pour comprendre la signification des lois secrètes, il faut la chercher dans le naturalisme qui régna partout avant les temps brahmaniques. C'est la Nature même qui est le fond des croyances ; les premiers rites ne s'occupent que des réalités, que le symbolisme des prêtres est venu cacher et dénaturer. Mais avant le prêtre il y eut Maya, la Nature, et, comme elle est éternelle, nous pouvons à toutes les époques en retrouver les lois, elle ne périt pas, c'est le mensonge qu'on lui a substitué qui s'use et disparaît.
Agni représente le grand secret de la nature, féminine, il symbolise l'amour dans son acception sacrée et mystérieuse, il est la source de la vie universelle puisqu'il préside à l’ovulation, en même temps que la source de l'intelligence divine (féminine) qui résulte de l'œuvre sainte souvent appelée « le grand œuvre ».
Pour comprendre tout ceci, il faudrait dégager l'idée fondamentale, cachée dans le symbole.
Elle est intégralement expliquée à l'article qui est consacré à la psychologie sexuelle, c'est-à-dire à l'amour différent dans les deux sexes ainsi que rapidement étudiée à l'article intitulé « l'Amour ».
Le tort des hommes, c'est de se prendre toujours comme sujet d'observation, au lieu de s'appliquer à comprendre les différences psychiques que la physiologie de l'autre sexe engendre.
Un autre tort est de nier ce qui n'est pas en eux, c'est de s'exaspérer si dans le sexe féminin on leur montre les privilèges de l'injuste Nature, et c'est pour cela qu'on leur a caché la vérité.
Agni représente, en effet, un privilège formidable ; aussi la loi qu'il cachait, et qui était conservée dans le secret des sanctuaires, n'était révélée dans les « mystères » qu'aux initiés qui avaient subi une longue préparation pour la comprendre. C'était la doctrine fondamentale des Religions.
Si Agni a semblé divin, c'est parce qu'il désigne un attribut spécial aux Dêvâs. C'est le feu de l'amour dans son acception sacrée, l'amour qui élève et vient rayonner dans l'Esprit.
Ce symbole a eu deux interprétations, comme tous les symboles.
La première est celle qui représente sa signification originelle, la seconde celle que lui donnèrent les hommes par ignorance de la loi qu'il cache.
Dans la première interprétation, il n'est question que de la Femme. Dans la seconde, on y mêle l'Homme, mais c'est toujours un symbole sexuel et c'est une erreur des modernes de croire qu'Agni représente le feu matériel.
Burnouf trouve Agni dans toutes les significations, figurées : le feu de l’amour, le feu de l'Esprit, le feu sacré, le foyer domestique, le feu sur l'autel, la vie et la pensée, et il dit : « Sa naissance est mystique ».
Nous ne L'expliquerons pas davantage, nous en avons déjà trop dit ; ajoutons seulement que ce mystère est symbolisé par le Swastika

SYMBOLISME - LE LOTUS
Le symbolisme nous a conservé le Lotus, ou Lotos, comme symbole du sexe des Déesses. Il est souvent appelé le « Nymphéa Lotus », que l'on décrit en disant que « c'est la fleur qui produit un fruit délicieux ».
La fleur de lys joue le même rôle en Occident, elle est aussi la fleur sacrée.
Mme Blavatsky, dans la Doctrine secrète, T. II, p, 96, dit :
« Il n'y a pas de symbole ancien auquel ne soit attachée une signification profonde et philosophique dont l'importance et le sens augmentent en raison de leur antiquité. Tel est le Lotus.
C'est la fleur consacrée à la nature et aux Dèvâs. Elle est l'emblème de la reproduction spirituelle et physique. Dès la plus haute antiquité, elle était considérée comme sacrée par les Hindous Aryens, les Egyptiens, et après eux les bouddhistes. Elle a été vénérée en Chine et au Japon et adoptée comme emblème chrétien par les Eglises grecque et latine, qui en firent un messager, comme le font maintenant les Chrétiens qui l'ont remplacée par le Lys.
« Dans tout tableau de l'Annonciation de la religion chrétienne, l'archange apparaît à la Vierge Marie tenant à la main une branche de Lys. Cette branche, représentant l'idée de création et de génération, symbolise précisément la même idée que le Lotus que tient dans la main le Bodhisattwa qui annonce à Mahâ-Mâyâ, mère de Gautama, la naissance de Bouddha ».
Plus tard, les hommes prirent pour eux les symboles féminins dont ils ne comprenaient pas le sens, et l'on verra Osiris représenté avec la fleur de Lotus, comme le Saint Joseph des Chrétiens portera la fleur de lys quand on lui mettra dans les bras l'enfant Jésus, pour faire de lui l'image d'une femme.
Le Lotus a une signification mystique identique chez toutes les nations de la terre ; il est le symbole de la terre prolifique et le symbole du mont Mérou.
A propos du Lotus, Mme Blavatsky cite un manuscrit, qui dit :
« Le Lotus poussant dans les eaux du Nil avait la même Signification, son mode de croissance le rendait particulièrement propre à servir de symbole aux activités génératrices. La fleur du Lotus qui porte la semence pour la reproduction, après sa maturité, est rattachée, par son lien en forme de placenta, à la terre nourricière, ou bien les flancs d'Isis sont reliés, à travers l'eau des entrailles, c'est-à-dire à travers le Nil, par la longue tige en forme de corde, sorte de cordon ombilical. Rien ne saurait être plus clair que ce symbole, et, pour le rendre parfait au point de vue de la signification qui lui est donnée, on représente quelquefois un enfant assis dans la fleur ou en sortant.
(Origine du symbole représentant l'enfant sortant d'une rose).
C'est ainsi qu'Osiris et Isis, enfants de Kronos, ou du Temps sans fin, dans le développement de leurs forces naturelles, deviennent dans ce tableau les parents de l'homme, sous le nom d'Horus.
« Nous ne pouvons trop nous appesantir sur l'usage de cette fonction génératrice comme base d'un langage symbolique et en guise de langue scientifique artificielle. En réfléchissant à cette idée, on est amené de suite à méditer sur le sujet de la cause créatrice. On remarque que la nature, dans ses travaux, a façonné un merveilleux mécanisme vivant, gouverné de plus par une âme vivante dont le développement vital et l'histoire passée, présente et future, dépassent tous les efforts de l'intelligence humaine ».
Le même auteur (non cité) :
« C'est pourquoi l'emplacement des entrailles doit être considéré comme le lieu le plus sacré, le sanctum sanctorum et le vrai temple du Dieu vivant (la Déesse). Chez l'homme, le fait de posséder une femme a toujours été considéré comme une partie essentielle de lui-même, pour fondre deux êtres en un, et a été jalousement gardé comme sacré. La partie même de l'habitation ou de la maison habituellement réservée à la femme, était appelée penetralia (Le symbole antique a été perpétué dans les cérémonies des Catholiques, qui ont dans la messe l’Introït, le Saint des Saints, la Secrète, etc.), la partie secrète du sacrée, et c'est ce qui donna naissance à la métaphore du Saint des Saints et aux constructions sacrées inspirées par l'idée de sainteté des organes de la génération. La métaphore, poussant la description jusqu'à l'extrême, décrit cette partie de la maison, dans les Livres sacrés, comme se trouvant « entre les cuisses de la maison », et quelquefois l'idée est développée au point de vue architectural dans la grande ouverture des portes d'églises placées en retrait entre deux arcs-boutants ».
Si à ces organes, comme symbole d'agents créateurs, on peut attacher l'idée de l'origine des mesures, aussi bien que des périodes de temps, il est alors vrai que dans la construction des temples comme demeures de la Divinité, ou de Iehvah, la partie appelée le saint des saints, ou l'endroit le plus saint, empruntait son nom à la sainteté reconnue des organes générateurs considérés comme symbole de mesure (menstrues), aussi bien que la cause créatrice.
Chez les anciens sages, il n'existait ni nom, ni idée, ni symbole se rapportant à une cause première en dehors de l'humanité.
« La création est le fait de la Déesse humaine, vivante (1) ».
(1) Burnouf a publié, dans un livre intitulé « Le Vase sacré », l'histoire des légendes religieuses relatives au saint sacrifice.

LA SCIENCE PRIMITIVE CACHÉE DANS LES MYSTÈRES
L'Inde de cette époque nous a laissé une cosmogonie grandiose, la plus hardie des théories philosophiques, et qui a survécu, mais qui est en si grande opposition avec les conceptions mesquines de la science moderne, que peu de personnes la comprennent.
Nous y trouvons d'abord l'Espace qui n'est pas contenu, mais contient tout. C'est l'extension sans bornes.
Dans cet Espace est une substance primordiale, universelle, celle qui a servi de thème aux dissertations philosophiques de toutes les époques, dont l'alchimie parlait comme d'une chose mystérieuse. Elle est le fond de la Nature manifestée et, cependant, cette substance qui est tout, n'est rien pour nos sens.
On en parle sous divers noms dans toutes les cosmologies, on y fait allusion dans toutes les philosophies, c'est le Protée de la Nature, toujours fuyant et toujours présent. Nous la touchons sans nous en douter, nous la regardons sans la voir, nous la respirons sans en avoir conscience, nous l'entendons et la sentons sans avoir la moindre notion de sa présence, car elle se trouve dans chaque molécule ; en un mot, c'est le véhicule de tous les phénomènes. On appelle cette substance « Akâsha » en sanscrit.
C'est l'Azote (Æther-Azote), substance qui n'est pas seulement dans notre atmosphère, mais au-delà, mais partout, mais dans l'univers entier, sous des états de condensation ou de raréfaction qui dépendent du milieu dans lequel elle s'épand. Elle est dans les corps organisés et constitue le fond matériel de la substance vivante (Voir les articles sur la Cosmogonie et la Vie).
Au sein de cette substance s'agite et rayonne l’Upâdhi, l'élément-force, qui fait la vie, qui anime et féconde le grand souffle « source vivante de la vie », cause sans cause. C'est la radiation des astres incandescents, l'atome radiant émané des soleils et projeté, dans tous les sens, dans l'espace immense ; c'est l’Oxygène radiant que notre Soleil projette parce qu'il est son élément comburant.
Mais d'autres étoiles projettent d'autres éléments actifs comme lui.
Cette force est septuple dans les doctrines primitives. C'est-à-dire qu'il n'y a pas un seul élément radiant, l'oxygène, il y en a sept autres de couleurs différentes.
Les sept radiations colorées sont les « sept gouverneurs », les « sept constructeurs », les esprits, c'est-à-dire les forces qui guident les opérations de la Nature et dont les atomes animés se répandent partout (Ces éléments colorés, qui possèdent les mêmes propriétés que l'oxygène, sont : le soufre, le fluor, le chlore, le brome, l'iode, le tellure, et le sélénium.).
L'Oxygène solaire, Esprit de lumière, dont l'énergie est emmagasinée dans le soleil, est une force immense dont le pouvoir se manifeste par des phénomènes multiples et éternels.
Milton semble l'apercevoir quand il dit : « Radieuse effluence de radieuse essence incréée ».
Il n'y a, dans la Nature, ni repos ni cessation de mouvement.
Ce qui paraît du repos n'est que le changement d'une forme en une autre, et le changement d'état de la substance se fait en même temps que le changement physique.
La substance universelle « Akâsha » (l'azote), appelée dans l’antiquité Æther, et la radiation-force Upâdhi, sont l'alpha et l'oméga de l'Etre, les deux sources de l'existence absolue de la vie.
Platon dit de ces Principes : « ce qui compose et décompose les corps organisés ».
La matière se manifeste sous quatre états : solide, liquide, gazeux, radiant, représentés par la terre (solide), l'eau (liquide), l'air (gazeux), le feu (radiant).
De ces quatre états, l'ignorance des prêtres fera, plus tard, quatre éléments, et l'on arrivera même à les confondre avec les corps simples. Le même système de confusion se produira partout ; alors la radiation, au lieu d'être une force aveugle, deviendra une « pensée Divine », une « idéation ».
L'antiquité sacerdotale ou philosophique, qui altéra toutes les idées du monde primitif, appellera la substance impondérable l'Ether de l'espace et en fera l'attribut d'un Dieu ; cela deviendra le Pater Æther des Grecs et des Latins.
Virgile disait de Jupiter « Pater omnipotens Æther » et « Grand Æther » (Géorgiques, L. II, 325) pour dire qu'il est tout, qu'il occupe tout l’espace à lui tout seul.
Ces comparaisons de la puissance de l'homme avec les forces cosmiques devinrent des erreurs régnantes et firent perdre de vue la primitive explication des lois qui régissent la Nature.
L'homme était plus préoccupé d'affirmer sa puissance que de chercher ces lois.
Le Principe actif qui émane du soleil, l'Oxygène à l'état radiant, l'afflux spirituel, puisqu'il nous donne la vie et l'intelligence, pénètre le voile de la matière cosmique (de l'azote qui nous entoure) et tombe sur la terre comme une force radiante qu'un obstacle arrête.
Les Hindous l'appellent « Brahm », qui vient de « brih », qui veut dire mouvoir avec effort, épandre, croître, fructifier.
C'est l'énergie solaire que ce mot résume dans une onomatopée ; car il y a dans le mot « Brahm », prononcé avec force, une image de la puissance de la radiation solaire qui arrive, frappe et s'arrête.
Dans Brahma est personnifié le principe de vie : « Paramâtman », l'Etre, l'âme universelle qui pénètre tout, et dévoile un aspect de lui-même.
Brahma est le principe-Force émané des astres incandescents ; il fut connu depuis les premiers jours et expliqué sous une forme simple, mais sûre.
« Tout ce qui existe est émané de Brahma ; comme le fil sort de l'araignée, l'arbre de la semence, le feu du charbon, la rivière de la source, la vague de la mer, ainsi l'univers (les êtres) sort de Brahma qui a déployé sa splendeur ».
Brahma est une idée abstraite, non une figure, c'est pour cela qu'il n'a ni temple ni autel.
Le temple est fait pour s'abriter, se cacher, se réunir à l’autel pour déposer ou se reposer. Ce sont les objets du culte humain.
Brahma, la grande force qui émane du grand soleil, règne dans l'espace ; le ciel est son temple ; toute la terre, sur laquelle il se pose, est son autel.
Le peuple illettré ne le connaît pas aux Indes, il ne connaît que les Divinités humaines.
Voici quelques-uns des noms donnés à Brahma :
Adja : le non-né, l'Etre incréé.
Atmâbhoû : Qui est issu de lui-même.
Bhavântakrit : Qui fait la fin du monde.
Çambhoû : Le bienfaisant.
Çatadhriti : Ayant une solidité centuple.
Dhartri : Le créateur.
Dhrouva : Le ferme, le constant.
Djagatkartri : Le créateur du monde.
Droughana : Celui qui foudroie les arbres.
Hiranyagarbha : L'embryon d'or.
Lôkêçà : Le maître du monde.
Pradjâpati : Le seigneur des naissances.
Swayambhoû : Celui qui est issu de lui-même.
Viçwarêtas : La semence de tout.
Vidhâtri : L'ordonnateur.
Vidhi : L'ordre, le Destin.
Mais les soleils évoluent, ils s'allument et s'éteignent ; dans ces mutations, leur force radiante perd sa puissance, quoique l'élément comburant, actif, ne soit pas détruit, mais dispersé, incorporé dans de nouveaux composés chimiques. Cette loi de l'évolution des astres est représentée par les périodes d'activité et de repos de l'élément radiant, appelées les jours et les nuits de Brahma, les inspirations et les expirations du principe créateur.
On appelle « Manvantaras » les périodes actives de l'élément cosmique, qui féconde et anime la terre, et « Pralayas » ses périodes, de repos. La vie d'une planète est appelée un Pralaya solaire.
Des milliards d'années s'écoulent entre ce réveil d'un soleil et son inaction dans l'extinction, après laquelle doit survenir, pour nous, la grande nuit cosmique.
Le terme « Roue » est l'expression symbolique qui désigne un monde ou un globe. Les femmes primitives savaient que la terre est un globe tournant.

CRÉATION
Le livre des ordonnances de Manou (1) commence par l'histoire de la création ; il nous montre la nébuleuse planétaire entrant dans la période d'organisation lorsqu'elle commence à être fécondée par la radiation solaire (2).
C'est d'abord l'eau, ou un liquide quelconque, qui se forme par synthèse chimique (3), puis les germes multiples de vie.
Burnett, dans sa traduction, résume la création organique en ces termes :
« Ecartant les ténèbres, le soi-existant se manifesta et, voulant produire des êtres de son essence, ne créa d'abord que l'eau seule. (Le-soi-existant, c'est le principe actif qui émane des astres incandescents à l'état radiant au moment où ils s'allument).
« Dans cette eau il jeta de la semence, cette semence devint un œuf d'or (le germe primitif).
« Le soi-existant est qualifié de « ténèbres imperceptibles, sans qualités définies, indiscernables, inconnaissables ».
( La radiation des astres est invisible).
« Ayant habité cet œuf d'or pendant toute une année (une période), celui que le monde appelle Brahma brise cet œuf en deux, forme le ciel de sa partie supérieure et la terre de sa partie inférieure ».
Ceci est symbolique. La partie supérieure, c'est la tête, le divin ; la partie inférieure, c'est le sexe, l'humain. Longtemps, dans le symbolisme antique, le sexe féminin fut appelé « le ciel » et le sexe masculin « la terre ».
Cette histoire de la création a été traduite par Loiseleur Deslongchamps d'abord, puis par d'autres.
Voici une des dernières versions :
« Ce monde était dissous dans le non-être imperceptible, sans propriétés distinctes, ne pouvant tomber sous les sens, ni être imaginé par la pensée. C'était le sommeil de la Nature.
« Quand vint l'heure du réveil, celui qui existe par lui-même (le corps actif), qui n'est pas à la portée des sens extérieurs, développant sa nature avec les cinq éléments et les principes subtils, parut brillant de lumière, et sa présence chassa la nuit.
« Celui que l'intelligence seule conçoit, qui échappe aux sens, qui est sans partie visible, éternel, âme universelle, que nul ne peut définir ni comprendre, développa sa puissance ».
(1) C'est William Jones qui fit connaître à l'Europe le livre « Les Lois de Manou ».
(2) Ce qui prouve qu'elle existe avant l'incandescence du soleil. Voilà un fait qui renverse la théorie de Laplace sur la formation de la terre. (Voir l'article « Cosmogonie »)
(3) Nous expliquons comment dans l'article intitulé « La Vie »


APPARITION DES ÊTRES ORGANISÉS
L'ORIGINE DE L'HOMME
L'origine végétale de l'homme et des animaux aériens est affirmée dans toutes les Écritures de l'antiquité. Mais nous n'avons pas pu les consulter toutes, ni, surtout, rectifier les mauvaises traductions qui dénaturent les idées primitives. C'est par les traditions populaires que nous retrouvons surtout la science des premiers âges, quoique la forme merveilleuse ou miraculeuse que les prêtres lui ont donnée, plus tard, la rendent presque toujours extravagante.
Mais, si la forme est dénaturée ou exagérée par l'inventive imagination des hommes, le fond reste presque toujours vrai.
Voici ce que les traditions populaires de l'Inde nous disent de nos ancêtres primitifs.
Dans le Vishnou-Pôurâna, qui n'est qu'une réminiscence de la science lointaine des Hindous, la création des êtres organisés a sept manifestations.
Cela pourrait signifier qu'il y a eu sept créations réalisées sur des continents disparus (1).
Cependant, la description des sept créations nous montre plutôt des stades de notre vie phylogénique que des créations distinctes. A moins que par « création » on entende apparition des espèces.
La première création, l'auto-évolution primordiale de Mahâtattwa, l'âme universelle, est l'effet naturel d'une cause éternelle agissant activement. L'âme suprême, la substance omnipénétrante du monde (Sarvaga), étant entrée dans la matière (Prakriti) et dans l'esprit (Purusha), agita les principes changeants et immuables.
La seconde création, Bhûta, est celle des principes rudimentaires. On l'appelle « la création élémentale ». Bhûtâdi signifie « l'origine des éléments ».
Dans le Vishnou-Pourâna, c'est « la sensation d'être soi ».
La troisième création est la création organique ou création des sens.
Les trois premières créations s'occupent des développements de la nature indistincte, c'est la vie végétale.
La création fondamentale est celle des corps inanimés (les plantes sur terre, les mollusques dans l'eau).
« Les choses immobiles sont avant tout considérées comme primaires », dit Hall dans son commentaire.
« A la fin du dernier Kalpa, Brahma se réveilla après une nuit de sommeil et vit l'univers vide ».
(Brahma, c'est la radiation solaire de l'astre qui vient de s'éveiller, c'est-à-dire d'entrer en incandescence).
On nous montre alors Brahma recommençant une fois de plus les « sept créations » dans la seconde phase de l'évolution et renouvelant les trois premières sur le plan objectif.
Il y avait donc eu des créations antérieures, dues à l'action fécondante d'autres soleils que celui qui brille actuellement et qui commença sa vie active quand la terre, sa sœur cadette dans l'évolution des astres, avait déjà reçu la radiation féconde d'autres astres aujourd'hui disparus.
La quatrième création s'appelle Mukhya. C'est la vie végétale qui recommence.
Wilson, dans sa traduction, la représente faite de corps « inanimés », de choses sans mouvement, et il dit : « Tous les systèmes hindous considèrent les végétaux comme doués de vie ». Qui donc en doute ?
Mme Blavatsky trouve qu'il vaudrait mieux désigner les êtres animés et inanimés par les mots locomobiles et fixés ; elle dit : « La Mukhya est la création ou plutôt l'évolution organique du règne végétal » (Doc. sec, T. II, p. 191").
Durant cette période, les trois degrés des royaumes élémentals ou rudimentaires sont évolués. C'est dans cette période que se développe, ou plutôt se complète, la force nerveuse (2).
La cinquième création est celle des animaux sacrés, des bêtes muettes. Cette création précède celle de l'homme. C'est le réveil de la perception pour le végétal-humain, qui, à ce moment, a une existence qui n'est ni celle de la plante, ni celle de l'animal, mais qui tient des deux.
C'est durant cette période que se manifeste le « Grand Souffle » qui engendre le mouvement universel.
La sixième création, ou création Tairyagyonya, fut celle des animaux. On l'appelle création Urdhwasrotas, celle des prototypes « avec des os tendres », première race-mère des hommes.
La septième création montre l'évolution des êtres Arvâkirotas, qui est celle de l'homme-enfant, « l'homme de terre », rampant couché sur la terre comme l'enfant à sa naissance.
Une huitième création est la perception de nos relations avec le monde extérieur.
Ces premiers êtres ont une existence extrêmement longue. « Ces sages vivent aussi longtemps que Brahma », dit le Vishnou-Pourâna.
Il faut considérer le mot création comme indiquant les phases de l'évolution humaine qui se déroulent lentement en passant de la vie végétale à la vie animale, et cela pendant que les êtres qui lui sont inférieurs arrivent successivement à la vie animale.
Mme Blavatsky dit de l'arbre-ancêtre :
« Au commencement de leur existence, en qualité de glyphe de l'Etre immortel, l'arbre était renversé, ses racines prenaient naissance dans le ciel et émanaient de la Racine sans racine, de l'Etre intégral. Son tronc grandit et se développa, il projeta en tous sens ses branches luxuriantes. C'est pourquoi l'arbre Ashwattha de la vie et de l'être est décrit dans la Bhagavad-Gîtâ comme poussant avec les racines en haut et les branches en bas (chapitre XV).
« Ce n'est que lorsque ses branches pures eurent touché la boue terrestre du jardin d'Eden de notre race Adamique, que cet arbre fut souillé par ce contact et perdit sa pureté primitive » (Doc. sec, T. II, p. 129).
Ceci est du symbolisme fondé sur une idée mal comprise : le renversement. Mais il est curieux de constater que les auteurs des livres sacrés de l'Inde savaient que l'homme a une origine végétale et que, dans son développement primitif, l'arbre-ancêtre occupe sur la terre une station qui nous semble renversée, puisqu'il a l'extrémité céphalique en bas, l'extrémité caudale en haut.
En réalité, c'est l'homme qui s'est renversé lorsque, passant de la vie rampante de l'homme-enfant à une vie nouvelle, il se mit debout sur ses jambes.
Les premiers êtres créés par la Nature sont appelés Anapudaka, sans parents ou sans progéniteurs.
Dans le Vishnou-Pourâna (chap. V), livre relativement moderne, on trouve le souvenir d'une origine végétale, mêlé à des croyances plus récentes. C'est au lecteur à dégager la vérité de l'erreur. Voici ce qui y est dit :
Première création :
« La création plongée dans l'abstraction fut le monde quintuple (des êtres cinq fois plus grands) incapable de mouvement, sans intelligence ni réflexion, privé de perception ou de sensation, incapable de sentiment et dépourvu de notion. (C'est la vie végétale).
« Brahma considérant que cette première création était défectueuse, la création animale se manifesta.
« En voyant cette création qui était aussi imparfaite, Brahma médita et une troisième création parut. Les êtres ainsi produits étaient capables de recevoir du plaisir.
« Une quatrième création fit jaillir des êtres possédant en abondance la lumière de la science, affligés du mal et poussés à agir. Ces créatures ont la connaissance intérieure et extérieure et sont les instruments pour accomplir l'objet de la création (la reproduction) ».
Plus loin, il est reparlé de six créations :
Celle des principes rudimentaires, appelée création élémentaire (Tanmâtras, les espèces inférieures).
3° Celle de la forme modifiée de l'être, appelée Création organique des sens.
4° Celle des corps inanimés (les végétaux).
5° Celle des animaux.
6° Celle des Divinités.
Le lotus est l'emblème de la création naturelle, produisant les plantes d'abord et ensuite les animaux, les uns procédant des autres.
Cette fleur Divine a reçu le nom de Mère des Dieux et des hommes. Elle est dite « bien-aimée de Vishnou ».
Le professeur Dieterich de Heidelberg, parlant des coutumes populaires, a soutenu que les hommes ont vu à l'origine, dans la Terre, la mère de tous les vivants, la mère des hommes qui en viennent et qui y retournent.
(1) la philosophie ésotérique enseigne qu'après le premier trouble géologique qui se produisit dans l'axe de la terre, trouble qui se termina par l'écroulement au fond des mers du second continent tout entier, avec ses races primordiales, continents ou « terres » successifs, dont l'Atlantide était le quatrième, un autre trouble se produisit qui fut dû à ce que l'axe reprit son ancien degré d'inclinaison, aussi vite qu'il l'avait modifié, lorsque la Terre fut effectivement tirée des eaux, en haut.
(2) Voir dans l'article consacré à « Nos véritable origines », l'histoire du système nerveux. Les nerfs sensitifs commencent au début de la vie embryonnaire qui reproduit la vie végétale ancestrale, les nerfs moteurs commencent après trois mois et demi de développement. Ce sont eux qui complètent le système nerveux.


ORIGINE DES SEXES
Ici encore, une multitude de traditions servent à perpétuer les connaissances primitives dénaturées.
L'arbre primitivement hermaphrodite, Virâj, se sépare en deux et se recrée dans une de ses moitiés, dit la légende. C'est-à-dire que l'arbre monoïque devient dioïque. Cette moitié séparée est la femelle Vâsh ou Vish, qui va devenir créatrice de l'enfant.
Le nom de Vishnou vient de cette racine Vish (qui veut dire pénétrer).
La moitié masculine est Fohat, « celui qui pénètre ». On compare Fohat à l'énergie solaire vibrant dans le sein de la matière inerte, il la pousse à l'activité et dirige ses premières différenciations : c'est la fécondation.
Le grand attribut du principe de vie est de répandre, de s'épandre, de pénétrer, et celui de la matière universelle est de réunir, de collecter, de recevoir. Inconscients et non-existants lorsqu'ils sont séparés, ces deux principes actif et passif deviennent vie et conscience par leur réunion.
Ceci est tout à fait conforme à la science des sexes que nous expliquons à l'article « La Vie ». Le mâle donne le principe de vie, la radiation nerveuse identique à la radiation solaire ; la femelle donne le principe sanguin : la matière sans vie. Elle reçoit l'impulsion vitale du mâle dans la conjonction des sexes.
Une multitude de traditions populaires ont conservé aux Indes l'histoire de nos ancêtres primitifs.
L'une d'elles nous dit que, dans un séjour de bonheur et de calme appelé Chorian, croissait l'arbre de vie, Hom, ou Haom.
Ailleurs, on nous dit que sur le mont Mérou s'élevaient deux arbres représentant les hommes primitifs. Mais le premier arbre est hermaphrodite. Cet être embryonnaire vivant encore dans sa formé végétale, c'est le Yadjour-Véda blanc. Voici ce qu'en dit la légende :
« Lui ne goûtait aucun plaisir, de même que l'homme ne se réjouit pas quand il est seul. Il désira l'existence d'un autre et tout à coup il devint double, mâle et femelle ».
Adima et Héva se trouvent dans les Védas et représentent l'humanité primitive. Leur paradis est la délicieuse île Taprobane (Ceylan). Il leur était défendu de quitter leur paradis (c'est-à-dire leur pureté). Cette défense fut enfreinte à l'instigation d'Adima (non pas de Héva). Ils ne purent rentrer dans l'île (dans leur innocence) et furent condamnés à travailler, à lutter, mais ils reçurent la promesse d'une rédemption.
D'autre part, la légende raconte que :
« Le grand Esprit, s'étant posé sur un cotonnier, détacha de l'arbre quelques écorces qu'il laissa tomber dans un ruisseau et qui, par le contact de l'eau courante, se trouvèrent douées de mouvement et prirent la forme de tous les animaux.
« L'homme fut le dernier des êtres ainsi créés ; aussitôt qu'il parut, le grand Esprit le plongea dans un profond sommeil, et l'homme en s'éveillant trouva la femme à son côté ».
Ce récit qui, dans la forme que nous venons de citer, est absurde, n'en est pas moins l'affirmation de l'origine végétale.
Le grand sommeil, c'est la vie végétative.
Nous lisons dans les Védas :
« C'est ainsi que Brahma a établi, du végétal à l'homme et de l'homme à l'essence primordiale (la femme dernière apparue), la série des transmutations (c'est-à-dire des mutations ontologiques). Le monde périssable se renouvelle et se transforme sans cesse par la destruction.
« Lorsque le Brahmane jette, selon le mode prescrit, le beurre clarifié dans le feu des sacrifices, l'eau qui y est contenue à l'état de vapeur s'élève vers le soleil, du soleil elle redescend en pluie, de la pluie naissent les végétaux et des végétaux les créatures animés.
« Chacun des êtres créés acquiert la qualité de celui qui le précède, de sorte que plus un être est éloigné dans la série et plus il a de qualités ».
Le Karma, c'est l'atavisme, la somme de tous les actes du passé nerveux.


LES ÉTYMOLOGIES
Outre les textes, nous avons pour retrouver les idées primitives une autre méthode. C'est celle des étymologies.
Les langues très anciennes énoncent des vérités, dans la signification même des mots. Ainsi nous trouvons, en sanscrit, que les organes du corps, les membres, les téguments, etc., s'expriment par les mêmes mots que les organes correspondants, dans la vie végétale.
Le mot branche se dit en sanscrit Çakha, mot qui sert à désigner aussi le bras. Les branches de l'arbre sont les « bras » de l'arbre ; les bras de l'homme sont ses « branches ». En lithuanien le mot Ramka signifie aussi branche, bras et main.
Dans l'ancien slave, on trouve le mot Râka, qui a aussi cette double signification.
Le mot racine en sanscrit se dit Çapha ; il signifie une branche souterraine et, en même temps, un sabot d'animal (du cheval entre autres).
Nos bras, nos mains sont d'anciennes branches, d'anciennes racines.
L'écorce de l'arbre et la peau de l'homme s'expriment par le même mot « Kritti ». Ce mot s'applique surtout au bouleau, qui perd son écorce par une desquamation si connue.
En persan, trois mots servent à désigner l'écorce. Ce sont :
Carman, de la racine car (ambulare, qui s'en va, qui se desquame). Cira, haillon, lambeau détaché, d'où l'on fait Cîma, fendu, divisé.
De ces racines on fait Cartah, peau.
De la racine Cùr ou Kùr on fait Côlaka ou Carâka, enlever, dépouiller. Ces mots qui dérivent de racines qui signifient blessure (détruire, déchirer), nous font assister par l'esprit à l'évolution de l'enveloppe tégumentaire du corps des animaux, laquelle apparaît quand l'écorce qui la recouvre dans la vie embryonnaire est déchirée, détruite. Cette enveloppe qui reproduit les feuillets du liber de l'arbre a été appelée par la science moderne épitrichium.
En ancien slave, en russe, en polonais, la peau s'appelle encore Skora.
L'origine des sexes est annoncée en sanscrit.
De la racine Dri on fait Dar, diviser, fendre, voulant indiquer, sans doute, la division des sexes ; de là Dêvadârou, bois divin.
Est-ce la partie féminine de l'arbre divinisé ?
La croissance de l'arbre, ou plutôt son évolution, est appelée en sanscrit Roûksha, mot que l'on retrouve dans un terme gothique désignant l'arbre, et resté énigmatique pour les étymologistes, « rôhsns », qui veut dire « ce qui est avant », c'est l'arbre-ancêtre. On a traduit ce mot, qui indique quelque chose d'antérieur, par cour, vestibule.
Le tronc de l'arbre, qui devient le tronc de l'animal, est dit, en sanscrit kal, d'où Kalama (les Latins en font calamus, calmus, columna). Par une suite d'altérations, on arriva à faire de ce mot gestare et jerre. Conclusion : le tronc (de l'arbre) est en gestation, en travail pour faire l'animal.
Les Hindous vénéraient le Pippal, dans lequel ils voyaient l'origine de l'être supérieur, de Vishnou. Il en est souvent question dans les livres sacrés.
La Forêt, première demeure du genre humain, se dit en sanscrit Vana, mot qui veut dire aussi demeure (primitive demeure) et par extension maison.
De Vana on fait Vanadja, né dans la forêt.
L'arbre originaire du genre humain est appelé saptaparna, arbre à sept feuilles. C'est la feuille composée de l'acacia qui est ainsi désignée.
L'origine végétale des oiseaux, si curieuse à étudier, était bien connue des anciens Hindous, leur langue le prouve. On désigne en sanscrit, par le mot « parnin », l'arbre qui a des feuilles, celui de l'embranchement des monocotylédones, qui a toujours de très grandes feuilles.
(Cette distinction ferait supposer qu'à l'époque où fut formée la langue, les dicotylédones n'avaient pas, ou n'avaient plus, de feuilles, ou qu'elles étaient si petites qu'on les voyait à peine.)
De là on fait « Parna », qui signifie feuille, plume et aile.
Parnin signifie « arbre muni d'ailes ».
Le buteo frondoso est appelé Parna Parnin ; le lotus s'appelle Parnasi.
La racine par signifie faire avancer, faire passer (de la vie végétale à la vie animale).
Pattrin (de Pattra) veut dire aussi feuille et aile.
En zend, langue très rapprochée du sanscrit, par (aile, plume) fait parena, aile, paridan, voler, par, para, vol, parand, oiseau.
Tout cela vient de parnin, arbre qui a des feuilles.
Dans l'ancien slave, on retrouve pariti, prati, voler ; pero, plumes.
Et cet ancien Parnin des Hindous (arbre à feuilles), infiltré dans le latin, y devient parus, mésange.
De tout ce que nous venons de dire, il résulte bien clairement que les Hindous primitifs ont affirmé l'origine végétale de l'homme.
Les Prêtres, qui ont altéré les Ecritures, y ont introduit du merveilleux, mais, si la forme est dénaturée ou exagérée par l'imagination des hommes, le fond de la doctrine reste vrai.
Quand la primitive Hindoue reposait ses yeux sûr le spectacle de la nature, elle ne voyait pas seulement dans les plantes qui vivent à la surface de la terre de simples ornements de la création, elle y voyait les formes que sa propre existence avait traversées dans ses phases antérieures. Comprendre les arbres n'était pas un effort de son esprit, ses yeux avaient vu s'accomplir les modifications ontologiques des espèces vivantes.
Dans le parfum sauvage des forêts elle respirait l'ambiance de sa vie primitive, elle reconnaissait ses anciennes mutations et dégageait des murmures inarticulés de la vie végétale l'écho de ses vagues réminiscences qui se répondaient les unes aux autres jusque dans les profondeurs des cavernes sacrées.
L'histoire du monde végétal était sa propre histoire. A ce sentiment de solidarité entre toutes les phases de l'existence, liées entre elles par la série des mutations, il faut rapporter sans aucun doute le respect des anciens pour toute la nature. De quel droit l'Indien abattrait-il un arbre séculaire ? Cet arbre est un des langes de sa vie antérieure ; le déchirer, ce serait se détruire lui-même dans une de ses antiques manifestations sur le globes.


LES AGES DE L'HUMANITÉ D'APRÈS LE VÉDA
Les Hindous partagent la durée du monde en quatre âges (Yougas) :
1. Le Krita-Youga, qui a été (suivant Halhed) de 3.200.000 ans. La vie de l'homme alors était de 100.000 ans, et sa stature de vingt-et-une coudées (10 mètres 50 centimètres), la hauteur de l'arbre qui fut son état primitif. Cette mesure est restée celle de son canal intestinal (voir l'article consacré à Nos véritables origines).
2. Le Trêta-Youga, qui a été de 2.400.000 ans, et les hommes vivaient 10.000 ans.
C'est la première enfance que la Kabbale appelle « l'homme de terre », l'homme-enfant couché sur la terre.
3. Le Dwâpara-Youga, qui a duré 1.600.000 ans, et la vie humaine y fut réduite à 1.000 ans.
(La seconde enfance et l'adolescence).

4. Le Kali-Youga, c'est l'âge actuel, l'âge de ténèbres et de souillures qui doit subsister 432.000 ans, et la vie humaine y est bornée à 100 ans.
« Ne sommes-nous pas arrivés à cette époque redoutable annoncée par les Livres sacrés de l’Inde, nous dit René Guénon, « où les castes seront mêlées, où la famille même n’existera plus » ? Il suffit de regarder autour de soi pour se convaincre que cet état est bien réellement celui du monde actuel, et pour constater partout cette déchéance profonde que l’Évangile appelle « l’abomination de la désolation ». Il ne faut pas se dissimuler la gravité de la situation ; il convient de l’envisager telle qu’elle est, sans aucun « optimisme », mais aussi sans aucun « pessimisme », puisque, comme nous le disions précédemment, la fin de l’ancien monde sera aussi le commencement d’un monde nouveau. » (La Crise du monde moderne, p.14)
Le commencement de cet âge de ténèbres est placé à 3.101 ou 3.102 avant notre ère (1).
La durée de ces âges nous semble considérablement exagérée (2).
A côté de l'interprétation géologique et paléontologique des âges de la terre, une interprétation morale a été donnée des quatre âges védiques.
Krita-Youga, « Age de l'action accomplie », c'est-à-dire la période où tout ce qui doit être pratiqué l'était pleinement.
Ceci est le grand mystère de la vie sexuelle de Vishnou, caché dans les âges suivants.
L'âge où la justice, comme dit Manou, « se maintenait ferme sur ses quatre pieds ». Il n'y avait alors ni Dieux ni démons. Le Véda est unique, c'est-à-dire non encore distingué en Rig, Sâma et Yadjour. Vishnou, l'âme de tous les êtres, était blanc.
« L'âge Krita était celui où régnait la vertu éternelle. Il n'y eut, pendant toute la durée de ce Youga, ni maladies, ni perte de sens (folie) ; il n'y avait alors ni malédiction, ni pleurs, ni orgueil, ni aversion, ni guerre, combien moins la paresse, ni haine, ni improbité, ni crainte, ni même souci, ni jalousie, ni envie... » (Traduction de M. Foucher).
Trêta-Youga, « Age des trois feux sacrés ». C'est la période où commencent les sacrifices. La justice perd un pied. Les hommes offrent leur culte à des formes visibles (les femmes Déesses) ; Vishnou devient rouge, éveil de l'amour.
Dwâpara-Youga, âge qui suit les deux précédents. La justice perd un second pied, c'est-à-dire ne subsiste plus qu'à moitié. Le Véda devient quadruple et les cérémonies du culte se divisent. Vishnou passe au brun (moralement, c'est-à-dire devient impure dans l'esprit des hommes).
Kali-Youga, « Age de discorde », c'est la période actuelle, où il ne reste plus qu'un pied à la justice. Les prescriptions des Védas ne sont plus observées, les bonnes œuvres et les sacrifices sont négligés, et Vishnou est devenu noir (coupable et condamné, c'est-à-dire calomnié).
Le devoir, la cérémonie, le sacrifice et la conduite suivant les Védas s'éteignent, on voit circuler dans le monde les calamités des temps, les maladies, la paresse, les péchés, la colère et sa suite, les soucis, la crainte et la famine. Ces temps arrivés, la vertu périt de nouveau. La vertu n'étant plus, le monde périt à son tour ; avec le monde expiré meurent encore les « Puissances divines » qui donnent le mouvement au monde. Tel est cet âge Kali, qui a commencé il y a longtemps.
Ces quatre époques forment un grand âge. Mille de ces réunions font un jour de Brahma, et quatorze Manous régnent dans cet intervalle (3).
A la fin du règne de Brahma arrive une dissolution de l'univers, lorsque les trois mondes (les trois parties du Monde, l'Asie, l'Afrique, l'Europe), la terre et les régions de l'espace sont consumés par le feu.
Nous expliquons à l'article Cosmogonie cette fin bien réelle des planètes.
Lorsque les trois mondes ne sont plus qu'un immense océan, Brahma, qui est un avec Nârâyana, rassasié de la destruction de l'univers, dort sur son lit de serpents.
Le « Jour de Brahma » (qui est l'existence d'un soleil) est encore désigné par le terme de Kalpa, qu'il faut se garder de confondre avec celui de Youga.
Le Mahâ-Youga, ou période de quatre Yougas, est la millième partie d'un Kalpa.
Le Kalpa, ou « Jour de Brahma », mesure une seule période de l'existence de l'univers. Dans la conception des Hindous, une telle période est suivie d'une autre égale en longueur, appelée « Nuit de Brahma », où l'univers reste dans l'état de dissolution (c'est la période cométaire, l'extinction lente d'un soleil), Brahma restant plongé dans le sommeil. A son réveil, un nouveau Kalpa commence pour faire place à une nouvelle nuit, et ainsi de suite.
Un jour de Brahma est rempli par les règnes successifs de quatorze Manous. Chacun de ces règnes forme une période dite Manvantara. Les quatorze Manvantaras coïncident avec mille Mahâ-Yougas ; chaque Manvantara comprend, à peu près, soixante-et-onze périodes de quatre Yougas.
Dans le Kalpa présent, six Manvantaras sont déjà écoulés. On trouve dans les lois de Manou le nom des six personnages qui, durant ce temps, ont « dirigé le monde ».
Le Manou actuel est le Rishi Satyavrata, surnommé Vaivaswata, « fils du Soleil » (de Vivaswat, le Soleil).
La fin du monde actuel est ainsi annoncée dans les Védas :
A la fin du Kali-Youga, la Divinité descendra vengeresse et consommatrice ; le cheval blanc de la mort et de l'initiation complète, appuyant son quatrième pied sur la terre, donnera le signal de la fin du monde. En dernier lieu, Vishnou descend elle-même sur la terre pour y venir chercher les âmes pures, juger l'univers et abattre le vieil arbre dépouillé de son fruit.....
Vishnou reste paisible, plongée dans un sommeil divin, jusqu'au moment où, se réveillant, elle reforme un monde nouveau où elle régnera au milieu des élus.
La dégénérescence de l'humanité est constatée par les Védas dans les versets suivants :
« Le premier âge se distingue par le culte général de l'Etre suprême (la Théogonie), le second par l'accomplissement des sacrifices, le troisième par l'acquisition de la richesse, le quatrième par l'égoïsme et la dissipation ».
C'est bien là la progression décroissante des facultés morales et mentales des hommes qui dirigent le monde. D'abord l'idée pure, la science ; ensuite l'idée altérée, cachée ou symbolisée ; en troisième lieu l'intérêt, l'égoïsme, les jouissances matérielles en dehors de toute idée élevée.
Ce quatrième degré est celui qui règne actuellement parmi les hommes qui ne sont pas encore régénérés par la Nouvelle Science. Cette diminution de l'intelligence est en relation avec la diminution de la durée de la vie. Cette dégénérescence ne s'est pas effectuée rapidement dans l'individu, mais lentement dans la race.
Manou dit encore : « La vie, le bonheur, la souffrance, les vertus et les vices sont, dans ce monde, proportionnés à la durée des âges ».
Ceci est rigoureusement vrai, puisque les individus vivent d'autant moins longtemps qu'ils occupent les échelons les plus bas de l'échelle zoologique ; la longueur de la vie augmente avec l'augmentation de l'intensité sensitive qui génère l'intelligence. Les hommes qui usent leurs facultés nerveuses dans les plaisirs abrègent leur vie, ceux qui les emploient à l'étude la prolongent. (Voir l'article sur la psychologie et loi des sexes)
« Dans les âges suivants, la justice, par l'accroissement des richesses et de l'égoïsme, est obligée de lutter avec le vol, le mensonge et la fraude ; le bien diminue d'un quart sur la terre ».

C'est l'âge de la décadence. L'Âge d'Or n'a duré que le temps qu'a duré la chasteté de l'homme. Par sa vie sexuelle, il est entré dans une voie de décadence qui n'a fait que s'accentuer et a mené les races à la folie qui engendre l'état sauvage et, finalement, l'extinction définitive.
« À la suite des époques qui virent naître et mourir des civilisations, des races, des continents, la terre actuelle tout entière, avec ses civilisations périmées, ses races qui n'en sont plus tant elles sont abâtardies, ses croyances cristallisées dans des formes de foi s'excluant les unes les autres, ne voit-on pas cette terre qui est la nôtre fournir la preuve flagrante d'une fin qui appelle un recommencement ? » (Th. Darel, L'Expérience Mystique et le Règne de l'Esprit, p.27)
(1) Fréret l'a fixé dans ses recherches chronologiques au 16 janvier 3.102. Kali signifie, en sanscrit, tout ce qui est noir, ténébreux, matériel, mauvais. De là le mot latin Caligo, et le mot français Gali matias ; matias vient du grec et veut dire discours. Les dynasties primitives gynécocratiques, dites impériales, s'éteignirent mille ans après le commencement du Kali-Youga, environ 2 000 ans avant notre ère. Ce fut à cette époque que l'Inde se divisa en plusieurs souverainetés indépendantes.
(2) Le temple d'Eléphanta, dans l'île d'Eléphanta, fut construit, dit-on, par Ellou ou Ella qui régnait dans le Dwâpara-Youga, il y a huit mille ans. (Dictionnaire d'architecture de Bosc, au mot Indienne architecture).
(3) Rappelons que le mot Manou veut dire « Intelligence législative », qui préside sur la terre d'un déluge à l'autre. Les Hindous admettent l'apparition de quatorze Manous. Nous sommes arrivés au septième. On croit que le Manou des Hindous a été copié par le Minos de l'île de Crète.


KRISHNA
Krishna est une des premières illustrations de l'histoire. Comme tout ce qui est très lointain, elle est entourée de nébulosités créées par les historiens des différentes époques ; mais, à travers toutes les fables, toutes les excentricités mêlées à ses légendes, nous apercevons une personnalité réelle qui a joué un grand rôle dans l'histoire de l'Inde, comme, du reste, dans l'instauration de la religion universelle, puisque toutes les religions postérieures copièrent, plus ou moins, celle des Hindous. Nous allons donc chercher à dégager cette personnalité réelle des voiles dont on l'a entourée pour la cacher.

LES DOCUMENTS
Deux espèces de documents nous font connaître Krishna :
1° Le livre qui émane de cette personne elle-même ;
2° Ceux qui lui ont été consacrés à différentes époques par une multitude d'auteurs.
Il est bien évident que le plus intéressant des documents, c'est celui qui renferme la parole même de cette Divinité. Celui-là, c'est le dialogue que nous avons sous le titre de Bhagavad-gitâ, entre Krishna et son disciple Arjouna, qu'elle instruit.
Ce dialogue est intercalé dans le Mahâbhârata qui contient l'histoire des luttes de sexes entre les fils des Kourous ou Kaurava (masculinistes), qui sont 100 et ont un chef aveugle (symboliquement), et les fils des Pândous ou Pândava (féministes), qui sont cinq, parmi lesquels Arjouna.
Les fils des Pândous, par les artifices de Douryodana, furent bannis de la capitale de l'Hindoustan. Les exilés, après une suite d'aventures, reviennent avec une puissante armée pour venger l'affront qu'ils avaient reçu et soutenir leurs droits à l'Empire, basé sur la prérogative de la Mère, de la Femme qui, quoique venue à la vie humaine après l'homme (c'est-à-dire étant la plus jeune des deux frères primordiaux), avait régné jusque là à cause de l'incapacité de l'homme, personnifié par Dhritarâshtra.
C'est à ce moment du récit que se place l'épisode relaté dans la Bhagavad-gîtâ.
Le nom de Bhagavat, donné à Krishna, vient de Bhagavatî (celle qui possède toutes les perfections divines). Arjouna est son favori en même temps que son disciple.

LE LIVRE CACHÉ PAR LES BRAHMANES
Les Brahmanes prétendent que la Bhagavad-gîtâ contient tous les grands mystères de leur religion.
Mais ce livre fut longtemps tenu soigneusement caché par eux, parce que, disaient-ils, ils ne voulaient communiquer les mystères de leur doctrine à aucun étranger, jusqu'au jour où M. Hastings, gouverneur général des établissements anglais dans le Bengale, devint possesseur du Code des Indiens, en corrompant quelques Brahmanes, en même temps qu'il ridiculisait leur mystérieuse réserve. C'est alors qu'une traduction en anglais fut faite par M. Charles Wilkins, laquelle, peu de temps après (en 1787), fut traduite en français par M. Parraud.
Ch. Wilkins se mit en rapport avec les Brahmanes, auxquels il était arrivé à inspirer confiance, et qui lui donnèrent sur la Bhagavad-gîtâ des renseignements aussi faux qu'intéressés.
Le livre ayant été altéré dans le passé par des hommes qui y avaient mis ce qui les intéressait, les Brahmanes expliquèrent au traducteur que le principal but de ces dialogues était de renverser tous les cultes qui avaient régné jadis afin d'établir la dernière doctrine prêchée par les Brahmanes, c'est-à-dire que, suivant le système de tous les prêtres, ils voulaient voir dans ce livre la confirmation de leur enseignement.
Un peu de réflexion montre la fausseté de ce raisonnement. D'abord Krishna, qu'ils font remonter à 4 ou 5.000 ans, n'aurait pas pu renverser les différentes doctrines religieuses, puisque, à cette époque reculée, il n'en existait aucune ; elle n'aurait pas, non plus, fait triompher le Brahmanisme, puisqu'il ne devait naître que bien des siècles après (vers 800 avant notre ère), et c'est lui qui allait renverser la religion naturelle que Krishna avait instituée.
Donc, tous les renseignements donnés par les Brahmanes sur la Bhagavad-gîtâ sont faux. C'est pour cela qu'on a tant discuté autour de ce petit livre, dont on a supprimé les passages les plus importants, en les remplaçant par des interpolations brahmaniques, ce qui a créé cette obscurité qui règne dans tous les livres altérés, où les interpolations apparaissent comme des plaques de couleur sombre sur un fond d'or. Le traducteur anglais, qui a compris cela, dit : « Le lecteur voudra bien excuser l'obscurité de quelques passages et la confusion des pensées qu'il trouvera dans l'ouvrage, tel qu'il est présenté. C'était au traducteur à écarter cette obscurité et cette confusion ; c'est ce que nous avons tâché de faire dans les notes, mais, comme nous n'ignorons pas qu'elles ne suffisent pas encore pour lever entièrement le voile du mystère, nous prions le lecteur de nous permettre de faire remarquer, pour notre justification, que le texte même n'est qu'imparfaitement entendu par les plus savants Brahmanes d'aujourd'hui et que, quelque petit que soit l'ouvrage, il a eu plus de commentaires que nos livres saints. Nous ne les avons pas totalement négligés, mais, comme ils sont souvent plus obscurs que le texte qu'ils prétendent éclaircir, nous avons cru qu'il valait mieux laisser ces passages difficiles à la sagacité des lecteurs ». (Préface du traducteur anglais, reproduite dans la traduction française de M. Parraud, page 22).
Maintenant, ouvrons le livre, dans la traduction faite sur la traduction anglaise, bien entendu, la première parue en Europe et la plus exacte. (Nous rectifions seulement l'ortographe des noms sanscrits.)

BHAGAVAD-GÎTÂ
Ce petit livre contient 18 lectures. Etudions-les :
Dans la première, intitulée « Affliction d'Arjouna », nous voyons le chef du parti masculiniste, Dhritarâshtra, demander à Sanjaya ce que font les deux armées rassemblées dans les plaines de Kouroukshetra pour le combat.
Sanjaya répond en énumérant ceux qui forment la puissante armée des Pândous (féministes), il cite les noms de vaillants princes et de grands guerriers, « et l'audacieux Outtamaujas et les enfants de Krishna, fille de Droupada, tous grands guerriers ».
Donc, voici un renseignement intéressant sur Krishna. Cette personnalité n'est pas parmi les hommes qui combattent, mais elle est la mère de fils qui sont des guerriers.
On parle ensuite des préparatifs du combat qui va avoir lieu.
« Krishna et Arjouna étaient debout sur un char magnifique, ils sonnèrent de leurs conques qui étaient d'une forme céleste. Le prince de Kaçi, à l'arc redoutable, Çikandi, Drishtadhyumna, Virâta, Sâtyaki au bras invincible, Droupada et le fils de sa royale fille Krishna, avec les autres chefs et nobles, firent aussi retentir leurs conques. »
Donc, voici un fait acquis. Krishna est la « fille royale de Droupada. » Elle a des fils qui combattent à ses côtés, elle a près d'elle un disciple favori, Arjouna ; ils sont sur un char en vue des deux armées, et Arjouna, regardant les adversaires en présence, ne voit de tous côtés qu'aïeuls, oncles, cousins, précepteurs, fils, frères, proches parents et amis intimes. « Quand j'aurai détruit mes parents, pourrai-je encore prétendre au bonheur ? Oh ! Krishna, de quel plaisir pourrons-nous jouir si nous les détruisons, quoiqu'ils soient de vrais tyrans ? Le désir de régner va nous faire exterminer notre propre sang » (1).
Lecture II — Dans cette deuxième lecture, Krishna explique à Arjouna que le devoir de l'homme est de combattre pour la bonne cause, que sa faiblesse folle est indigne d'un homme, qu'elle est honteuse, contraire au devoir, et la source du déshonneur.
Arjouna toujours indécis répond :
« Dis-moi sincèrement ce qu'il faut que je fasse. Je suis ton disciple, instruis-moi de mon devoir, puisque je suis sous ton inspiration ».
Cette phrase nous montre la dépendance morale de l'homme avant l'âge de la révolte.
Dans la réponse de Krishna, les Brahmanes ont interpolé leurs doctrines philosophiques modernes sur l'immortalité de l'âme, ce qui est choquant, dans un paragraphe qui commence par ces mots : « J'ai toujours été (ce qui veut dire : j'ai toujours été ce que je suis, la Maîtresse), ainsi que les Princes de la terre (les Déesses), et nous ne cesserons jamais d'être ».
La phrase ainsi comprise est logique dans un livre comme le Mahâbhârata qui s'occupe d'une lutte de sexes. Ce sont ces mots : J'ai toujours été, que les Prêtres font servir à la confirmation de leur théorie de l'immortalité de l'âme.
Mais Krishna ajoute : « Jette seulement les yeux sur les devoirs de la tribu ». Il s'agit évidemment de la tribu matriarcale (il n'y en a pas d'autre à cette époque), et la tribu d'Arjouna, c'est celle dont la royale Krishna est la Mère. On a aussi altéré ce passage, entendant par tribu les quatre castes sociales qui furent créées plus tard par les Brahmanes ; mais les interpolateurs sont si maladroits que, pour qu'on n'ignore pas la supercherie, l'interpolateur a ajouté : « Ton jugement est fondé sur les doctrines spéculatives du Sânkhya-Çâstra », doctrine bien postérieure à Krishna.
Après cela reparaissent les principes de sagesse éternelle contre les jouissances passagères, mondaines ou charnelles que l'homme cherche, et Krishna rappelle à son disciple la science divine exposée dans le Véda ; elle lui dit : « Que personne n'ait pour motif de l'action l'espérance d'une récompense.
« Cherche un asile dans la sagesse seule ; quand ta raison aura surmonté l'indigne faiblesse de ton cœur, alors tu parviendras à toute la science qui a été, ou qui est, digne d'être connue. Tu acquerras cette égalité d'âme qu'on appelle Yoga (2). Quand par une étude assidue ton entendement sera fixé immuablement dans la contemplation (l'étude de la Nature), c'est alors que tu obtiendras la vraie sagesse ».
Et Arjouna répond :
« A quelle marque, ô Krishna, distingue-t-on un homme sage et ferme qui est fixé dans la contemplation ? » (La raison supérieure).
Réponse de Krishna :
« Celui-là est vraiment confirmé dans la sagesse qui écarte tous désirs qui entrent dans son cœur, qui est content de lui-même, et qui est heureux en lui-même. Il est étranger à l'inquiétude, à la crainte et à la colère. Sa sagesse est confirmée lorsque, semblable à la tortue, il peut retirer tous ses membres (3) et les détourner de leurs fonctions accoutumées. L'homme affamé perd tout autre objet, excepté celui de ses désirs. Les passions tumultueuses entraînent avec violence le cœur même de l'homme sage qui fait effort pour les réprimer.
« L'homme inspiré, qui met en moi sa confiance, peut les dompter et devenir heureux. L'homme qui a soumis ses passions est en possession de la vraie sagesse. L'homme qui se livre à ses passions sensuelles éprouve un grand trouble ; de ce trouble naît une violente agitation ; de cette agitation naît la colère ; de la colère vient la folie, la perte de la mémoire ; de la perte de la mémoire la perte de la raison, enfin de la perte de la raison la perte de tout (4).
« L'homme d'un esprit docile qui jouit des objets des sens, en soumettant à sa volonté toutes ses facultés, et en se gardant libre d'orgueil et de méchanceté, obtient le bonheur suprême. Dans ce bonheur, il trouve l'exemption de toute inquiétude, et, son esprit étant ainsi dans le calme, la sagesse se présente à lui de tous côtés. L'homme qui néglige ces vérités n'a point la sagesse ou le pouvoir de la contemplation. Celui qui est incapable de penser n'a point de repos. De quel bonheur peut jouir celui qui n'a point de repos ? Le cœur qui suit l'impulsion des passions entraîne la raison comme les vagues emportent la barque au milieu de l'Océan en furie. Celui-là donc qui peut réprimer toutes ses passions dans leurs mouvements déréglés, est doué de la vraie sagesse. Celui qui, réprimant toute concupiscence de la chair, marche sans désirs déréglés, modeste et libre d'orgueil, obtient le bonheur. C'est là la divine dépendance.
« L'homme qui met ainsi sa confiance dans l'Etre suprême (5) ne peut errer. »
Lecture III. — Dans ce chapitre, Krishna explique à Arjouna la suprématie de l'esprit sur les sens, et lui montre que l'exercice de l'entendement est supérieur aux autres. Elle dit : « Dans ce monde, il y a deux doctrines : celle du Sânkhya ou science abstraite, qui est l'exercice de la raison en contemplation, et celle de la pratique ou exercice des devoirs moraux et religieux ».
Ces deux doctrines répondent aux facultés des deux sexes.
La femme est contemplative, l'homme est actif. De là est venue cette idée altérée : la femme passive, l'homme actif. On la comprendrait mieux si l'on disait : la femme pense, l'homme agit.
Ensuite, Krishna aborde la question de la multiplication (génération), et donne à Arjouna des conseils sur le culte que l'homme doit rendre à la Femme. Elle dit :
« Souvenez-vous des Dêvis, afin que les Dêvis se souviennent de vous. Aidez-vous l'un l'autre, et vous parviendrez à la souveraine félicitée. Les Dêvis, étant honorées dans votre culte, vous accorderont la jouissance de vos désirs. Celui qui jouit de ce qui lui est accordé par les Dêvis et ne leur en offre pas une partie est semblable au voleur ; celui qui ne mange que ce qui reste des offrandes sera purifié de tous ses péchés.
« Celui qui ne prépare des aliments que pour lui, mange le pain du péché ».
Tout ceci est exprimé par un symbolisme obscur pour les non-initiés, mais renferme une leçon donnée aux hommes par une femme pour assurer l'harmonie et la réciprocité de leur union.
Or, ces préceptes sont plus importants qu'on ne croit et ont toujours constitué un chapitre du Code des lois morales dans les anciennes religions. Et Krishna ajoute : « Ceux qui, avec une ferme croyance et libres de péchés, suivront constamment ma doctrine, seront sauvés même par les œuvres ; et sache que ceux qui, la méprisant, ne suivent pas mes conseils, s'écartent de toute sagesse et sont privés de raison. »
Et Arjouna répond :
« Par qui, ô Krishna, l'homme est-il porté à commettre de mauvaises actions ? Il semble qu'il est poussé, contre sa volonté, par quelque force secrète ».
Krishna dit : « Apprends qu'il y a une concupiscence ou une passion ennemie (de l'homme), fille du principe charnel, sans cesse agissante et pleine de péchés, par laquelle le monde est enveloppé comme la flamme est enveloppée par la fumée, le fer, par la rouille, le fœtus par ses membranes. L'entendement de l'homme est obscurci par cet ennemi irréconciliable, sous la forme de désir, lequel porte avec lui le ravage comme un feu dévorant et se laisse difficilement apaiser ; c'est dans les sens, dans le cœur et dans l'entendement qu'il se plaît surtout à commander. Par leur moyen, il obscurcit la raison et assoupit l'âme. Tu dois donc, avant tout, vaincre tes passions et soumettre ce dangereux destructeur de la sagesse et de la science.
« On admire les organes, mais l'Esprit est bien plus admirable. L'entendement est au-dessus de l'esprit, et qui est au-dessus de l'entendement ? C'est l'Etre ».
Tout ceci est de la psychologie féminine et, en l'absence d'autres preuves, suffirait pour révéler le sexe de Krishna.
Nous arrêtons ici ces citations qui nous semblent suffisantes pour faire comprendre la loi morale de cette Déesse donnée à l'homme dans la Bhagavad-gîtâ.
(1) On raconte que, dès que les Hindous s'aperçurent de l'indiscrétion du traducteur anglais qui avait fait connaître le sexe de Krishna, ils envoyèrent en Europe une mission chargée de rechercher les volumes imprimés de cette traduction et de la traduction française et de les détruire. Il faut croire que tous n'ont pas été trouvés.
(2) Yoga Le sens propre de ce mot est fonction ou union (avec l'esprit féminin, Dêvî). Il est aussi employé pour signifier une application de corps et d'esprit ; mais dans cet ouvrage il est ordinairement employé pour exprimer l'application de l'esprit aux choses spirituelles.
Le mot Yogi, qui signifie « homme dévot », est un de ses dérivés. Le mot dévotion, pris seulement pour la pratique des devoirs religieux et la contemplation de la Divinité (la Déesse), rendra le sens de l'original et les mots dévots et dévoués, ses dérivés.
(3) La tortue est représentée, dans le symbolisme antique, comme ce qui soutient le monde. On ne comprendrait pas ce symbole sans cette explication donnée par Krishna, qui nous montre qu'on en fait l'image de la chasteté parce qu'elle sait retirer ses membres.
(4) Note du traducteur français à propos de la folie générée par les excès sexuels de l'homme :
« A la remarque de M. Wilkins sur ce mot (folie), nous allons joindre celle de M. Halhed, traducteur anglais du Code des Gentoux, qui en fera mieux sentir la vraie signification :
« La folie dont il est question ici ne doit pas se prendre dans le sens que ce mot présente dans notre langue, comme une qualité négative, ou un manque total de sens, mais comme une espèce de léthargie, de stupidité, ou une absence d'esprit, dans laquelle la volonté n'est pas entièrement passive. Il semble que ce soit une maladie particulière à l'Asie, car nous ne trouvons pas de terme pour en exprimer l'idée précise dans les langues de l'Europe. Elle opère quelquefois comme un violent accès de crainte, pendant lequel l'homme qui en est attaqué parle d'une manière absolument disparate et contraire à ses opinions, à sa connaissance et à sa croyance, et l'on peut même ajouter à son intention ».
(5) Suprématie se rend par çrî qui se met devant le nom des Déesses.

HISTOIRE ET LÉGENDES CONCERNANT KRISHNA
Pour établir l'histoire de Krishna, nous avons quelques faits qui nous ont été conservés dans ses légendes. Mais ce qui est intéressant, c'est le grand mouvement suscité par cette femme remarquable et qui fit le fond d'une multitude de légendes que les vieilles Ecritures nous ont conservées en leur donnant une forme altérée.
Les faits historiques se résument en ceci :
Elle vécut vers l'an 3.000 avant notre ère ; quelques-uns croient qu'elle était venue du pays des Celtes ; les Brahmanes disent qu'elle naquit à Madoura, dans le sud de l'Hindoustan, 4.800 ans avant notre ère. Si on antidate sa naissance, c'est parce que les Brahmanes employèrent cette supercherie pour se donner à eux-mêmes une haute antiquité, puisqu'ils ont introduit leur doctrine et mentionné leur existence sacerdotale dans le dialogue de Krishna et d'Arjouna.
Cette Déesse, qu'on appelait Iça-Krishna, et aussi Çri-Krishna (1), fut persécutée et mourut en croix. Sur les murs du temple de Madoura, on voyait une peinture qui représentait Krishna crucifiée.
D'après les Pourânas (livre masculinisé), elle était vénérée sous le nom de Bon Pasteur et de Dieu sauveur.
Angada, l'homme méchant qui a fait crucifier Krishna, est maudit par la divinité et condamné à parcourir le monde comme une ombre errante, tel le Juif errant, maudit par la Femme chez les Israélites.
C'est cet événement qui donna naissance à la vieille tradition de Caïn et Abel (Habel la femme, Caïn l'homme), parce que son sacrifice a plus de valeur que le sien. (Ceci est un symbole.)
Et c'est justement la doctrine de Krishna exposée dans la Bhagavad-Gîtâ qui contient cette histoire du sacrifice différent dans l'homme et dans la femme, par suite de la polarité inverse des sexes.
C'est donc bien l'enseignement de Krishna qui suscita la jalousie sexuelle de Caïn.
Le nom de Krishna voulait dire « entier », « complet » ; on lui donna la même signification que l'Ecole Pythagoricienne donnera au mot individu (qui n'est pas divisé par la vie sexuelle). C'est sur cette loi du sexe féminin qu'on appuya le dogme de l'unité divine : « Dieu est un », parce que la Déesse garde l'être en soi, ne le divise pas, pour le donner à la génération.
Un poème épique, le Mahâbhârata, chante les exploits de Krishna contre les parties méridionales de l'Inde et la conquête de l'île de Ceylan. Il parle aussi de son ennemi Hanoumat (Hanuant, Hanuman), être moitié dieu et moitié singe, ainsi que de son armée composée de la même espèce de créatures.
Il est bien évident que ce sont des hommes qui sont ainsi désignés par les femmes, et qui garderont plus tard le nom d'humanité dérivé de celui de leur chef Hanoumat. Avant cette époque, la race dont nous faisons partie s'appelait « la race divine », de Dêvâ, la femme.
Krishna était considérée comme un sage infaillible, comme la vraie Divinité. Sa révélation donnée dans la Bhagavad-Gîtâ est regardée comme l'évangile de l'Orient. On appelle « un chant divin » cet enseignement donné par une femme qui explique à son disciple le néant du monde et des hommes, le néant de tout ce qui n'est pas l'Etre en soi, l'Etre suprême, la Femme-Esprit, c'est-à-dire elle-même, puisque c'est en elle qu'elle a contemplé la grande loi de la Nature qui régit les sexes.
Au lieu du Linga et de la Yoni qui avaient servi d'emblèmes jusque-là aux partis masculiniste et féministe, Krishna prit pour emblème l'ombilic, cicatrice du cordon ombilical qui relie l'enfant à la Mère, dont elle fit le symbole d'un lien moral. Ensuite, se plaçant sur le plan spirituel et non plus sur le plan sexuel, elle renonce aux couleurs blanche et rouge que les deux partis arboraient, et qui étaient les couleurs sexuelles, et prend pour drapeau le bleu, couleur du ciel, qui va désormais représenter l'Esprit.
Et le nom de Krishna signifiera « bleu céleste ». C'est l'origine des draperies bleues dont on habillera les Déesses, jusques et y compris la Vierge Marie.
On donne aussi à Krishna le nom de Cœruleus, qui veut dire « bleu foncé ». Plus tard, mêlant le rouge sexuel et le bleu spirituel, on en fera le violet qui restera la couleur du sacerdoce.
Cependant, certaines écoles masculinistes appelleront Krishna « le noir », par vengeance, parce que Rama, le principe mâle, était appelé le noir par les féministes.
(1) Du celtique Kyrie, où les Déesses sont appelées Val-Kyries.
Krishna, symboliquement, c'est Nârâyana, le « Soi », l'Universel, et Arjouna c'est Nara, le « Moi », l'individuel.


KRISNA, HUITIÈME INCARNATION DE VISHNOU
Krishna était considérée comme une des plus brillantes incarnations de Vishnou (l'Esprit féminin).
On lui éleva partout des temples, dans l'Inde, et elle était surtout vénérée par les femmes.
La légende dit qu'un envoyé céleste avait annoncé à Dêvakî, sa mère, qui était fille d'un Râja de Madoura, que, tout en restant vierge, elle mettrait au monde un enfant qui serait grand parmi les hommes. Kansa, roi de Madoura, tyran cruel et jaloux, voulut faire mourir la jeune fille. Celle-ci se réfugia chez un vieux serviteur de la famille, Nanda, gardien en chef de nombreux troupeaux, qui la tint cachée dans une grotte. C'est là que naquit Krishna, l'enfant divin, environné d'une lueur soudaine et salué par le chœur des anges. Pour se débarrasser de cet enfant, le tyran fit tuer tous les nouveau-nés du pays.
C'est cette fable qui a été copiée dans la légende de l'enfance de Jésus, qu'on fait naître dans une étable parmi des bœufs et des bergers, au milieu de prodiges à peu près semblables, sans oublier la méchanceté d'Hérode qui ordonne le massacre des innocents.
Et la légende ajoute :
Krishna porte sur le front la marque de la secte de Vishnou.
Brahmâ et Çiva le reconnaissent pour maître, Indra (une autre Déesse), son rival même, se prosterne devant lui.
Ceux qui ont entouré, plus tard, son nom de ces légendes, ont cru la grandir en lui attribuant des miracles : Krishna étudie les livres sacrés, ressuscite les morts, redresse les bossus, tue les démons, etc., etc. (Voir Krishna et sa doctrine, par Théodore Pavie, Paris, 1852). Or, ce personnage était tout simplement une grande femme, auteure d'un livre qui expliquait une grande loi de la Nature.
Ce que nous savons de son livre, la Bhagavad-Gîtâ, prouve qu'elle pensait et parlait en femme.
C'est parce qu'elle s'est attardée à expliquer la loi des sexes, montrant l'éternelle pureté féminine, l'intensité spirituelle de la Femme qui augmente au lieu de décroître, dans son amour toujours pur, qu'on l'appelle Agni, le feu purificateur, et que les esprits malins qui prennent tout à rebours profitent de ce qu'elle parle de la loi qui régit la vie sexuelle pour la représenter comme recevant l'onction du soma (symbolisme outrageant).

KRISHNA DANS LES POURÂNAS
Les Pourânas, poème sacré des Hindous, chantent la gloire de Krishna et relatent son histoire, mais avec l'exaltation et l'inexactitude de ce genre d'écrits. On en fait un Dieu. Cependant, au chapitre VII, Krishna est une mère dont on a tué les enfants et, dans sa douleur, elle dit à Arjouna, son favori, d'aller la venger. Ce n'est pas ainsi qu'un Dieu agirait, surtout à une époque où l'enfant n'appartient qu'à sa mère et où le père est inconnu.
Les Pourânas sont au nombre de 18. Chaque Pourâna contient cinq parties :
1° La création ;
2° La destruction ;
3° Le renouvellement ;
4° Les avatars ;
5° La généalogie et l'histoire.
On dit dans ce livre : « Krishna dont la gloire est aimable ». Ailleurs, on parle du « Lotus des pieds de Kari ». (Kari est le petit nom de Krishna.)
(1) Du celtique Kyrie, où les Déesses sont appelées Val-Kyries.

VISHNOU
Rédemptrice de l’humanité
D'après le système du Brahmanisme, il y a pour le monde des époques de destruction et de renouvellement. A ces époques qui, dans le passé, sont au nombre de 9, il faut l'intervention d'une Déesse pour sauver l'Univers. Or ce monde a dû son salut à Vishnou, qui a fait son apparition sur la terre 9 fois ; ce sont les incarnations de Vishnou.

LES AVATARS OU INCARNATIONS DE VISHNOU
Les incarnations de l'Esprit féminin, Vishnou, étaient appelées des avatars. Ces apparitions venues de temps à autre rapporter au monde « la Vérité absolue », ce sont les apparitions sur la Terre des grandes Déesses, auteurs des Livres sacrés.
Elles étaient attendues dans les temps de trouble, désirées dans les époques d'injustice.
Ces apparitions n'étaient pas des Esprits incarnés comme l'entendent les spirites, mais des natures féminines mieux douées que les autres, des femmes plus grandes que la généralité, dans lesquelles la mesure commune de l'intelligence était dépassée.
Il a été énuméré les 9 révélatrices dans notre introduction. Ce qu'il faut ajouter, c'est que leurs noms et leurs multiples surnoms servent à désigner des personnages mythologiques, telles, les grandes Déesses qui furent les grandes femmes des temps primitifs, celles qui avaient révélé les lois de la Nature et organisé la vie sociale. « Un avatâra au sens le plus élevé et le plus complet, dit M. A. Barth, n'est pas une apparition passagère de la Divinité, encore moins la procréation, par l'union d'un Dieu et d'une mortelle, d'un être en quelque sorte intermédiaire ; c'est la présence mystique et en même temps réelle de l'Etre suprême dans un individu humain, qui est à la fois vraiment Dieu et vraiment homme ». (Les religions de l’Inde, pp. 101-102.)
Si, au lieu du mot « homme », nous disons « Femme », nous sommes dans la réalité absolue. Mais les hommes, ayant mis leur orgueil à supprimer la Femme, nous ont caché les grandes personnalités féminines qui se sont manifestées et les ont remplacées par des êtres surnaturels ou par tous les imposteurs qui se sont donnés comme des dieux (1). L'antiquité savait que l'esprit de l'homme s'éloigne en vieillissant de la vérité et se met en opposition avec l'esprit féminin qui suit une autre orientation.
C'est cette divergence, qui amène l'homme à nier tout ce qui émane de la pensée abstraite du cerveau féminin, et c'est son audace dans la négation qui arrive à intimider la Femme.
Alors le monde tombe dans l'obscurité, la lumière disparaît, et l'homme, sans guide spirituel, devient de plus en plus le jouet de son imagination ; si bien que si la femme ne venait de temps en temps lui rendre la Vérité, elle disparaîtrait à jamais du monde. On croyait donc à la nécessité de l'intervention personnelle et directe de la Divinité, la Dêvâ, pour rétablir le Bien.
On dit que Vishnou s'est incarnée 500 fois, et cela paraît impossible ou miraculeux aux auteurs qui voient dans Vishnou un Dieu suivant la conception moderne ; mais, quand on sait que Vishnou est le symbole de l'esprit féminin, on comprend très bien qu'il peut y avoir eu un grand nombre de femmes supérieures venues à différentes époques restituer la Vérité.
Ce fait si simple a été raconté de mille manières extravagantes par des auteurs qui ne voulaient plus comprendre ce qu'était la Dêvâ. Pour eux, Vishnou devient d'abord un homme (puisqu'ils sont hommes et jugent tout d'après eux), mais un homme surnaturel. L'explication de ses incarnations devient alors grotesque et absurde, d'autant plus que l'on prend à la lettre les anciens symboles dont on ne comprend plus le sens.
(1) Pour les Bouddhistes, les incarnations de Vishnou sont des hommes, sur leurs temples on trouve dix hommes alignés pour les représenter, les 9 connues plus une nouvelle (attendue), représentée par Brahma devenu un homme !!!

LA 10ème INCARNATION DE VISHNOU
La dixième et dernière incarnation de Vishnou aura lieu à la fin de l'âge présent. Il fera son apparition montée sur un cheval blanc, et armé d'un cimeterre étincelant pour la punition éternelle des méchants.
Ce dixième avatar est l’incarnation de Kalki (Kalkinavatâra).
On lit dans le Vishnou-Pourâna (IV, XXIV) :
« Lorsque les pratiques et les institutions enseignées par les Védas auront cessé et que l'âge Kali sera près de sa fin, une portion de l'être divin descendra sur la terre. Il naîtra sous la forme de Kalki, doué de huit facultés surnaturelles. Par son irrésistible puissance, il détruira tous les Dasyous (brigands) et tous les hommes iniques. Il rétablira la justice sur la terre.
L'esprit de ceux qui auront vécu à la fin de l'âge Kali sera réveillé et deviendra aussi transparent que le cristal. Les hommes transformés par les vertus de cet âge seront comme la semence d'une humanité nouvelle et engendreront une race qui obéira aux lois du Krita-Youga. Ce temps viendra lorsque le soleil et la lune se rencontreront avec la planète Brihaspati dans la constellation Tishya (littéralement « heureux », « de bon augure »).
C'est le nom donné à une station lunaire.
Le Bhâgavata-Pourâna dit simplement : « Lorsque, vers le crépuscule de ce Youga (l'âge Kali), les rois ne seront plus que des brigands (Dasyous), le maître du monde (nom donné autrefois à la Femme, Içwara), naîtra de Vishnou-Yaças, sous le nom de Kalki (Gloire de Vishnou).
« Les auteurs des Pourânas, dit Lassen, espéraient que l'âge d'or serait rétabli par un fils de Brahmane, dont le nom « gloire de Vishnou » est significatif, puisqu'il indique que ce rétablissement glorifiera cette Divinité (la Déesse). On représente Kalki portant en main une épée terrifiante (la flambe de l'archange Michel, symbole de la parole qui perce), et suivi du cheval blanc (que l'on retrouve dans l'Apocalypse). Les Brahmanes disent que lorsqu'il frappera la terre de sa jambe droite, la période actuelle sera close. »

LE ÇIVAÏSME (De 500 à 200)
Nous assistons à la transformation des anciennes Divinités Védiques, à la substitution des dieux mâles aux Dêvâs par le peuple qui se laisse entraîner par les instincts les plus bas de la nature humaine.
Cela divise le pays en Vishnouïtes (les fidèles de la Déesse), qui occupent l'Est et règnent dans les régions orientales du Gange, et en Çivaïtes (les adorateurs du sexe mâle), qui règnent dans l'Ouest et occupent la région du haut Gange. Les sectateurs de Çiva l'adorent tantôt comme le principe de la génération, tantôt comme le principe de la destruction. Il a l'aspect d'un Dieu terrible et menaçant. On lui donne une femme, Bhâvanî, qui est en même temps sa sœur, et qui est honorée sous la forme de Kâlî, Déesse des enfers.
Roudra, le hurleur, devient le génie de la fertilité, le dieu qui apporte la croissance et le bonheur. Çiva le destructeur devient le plus puissant des dieux, le dieu suprême des masculinistes. Pour les masses perverties, Çiva est le principe qu'on adore parce qu'on le redoute, il est le puissant par le mal qu'il fait, on le flatte parce qu'on le craint. On se tait parce qu'il permet le mal, cela suffit aux âmes basses.
Çiva fut, d'abord, le cannibale aux crocs sanglants, l'homme bestial, mais il se grandit lui-même quand il voit ses suiveurs le justifier, peu à peu il monte, il escalade le ciel : le voilà Dieu.
Alors, oubliant son origine, on fait de cette nouvelle divinité Un thème à méditations. L'idole impure deviendra le dieu des hypocrites ; quand après toutes les débauches le vieux Brahmane, renonçant au cynisme, deviendra un homme austère, quand, devenu vieux, il ne découvrira plus son sexe à la porte des temples, Çiva deviendra son patron. Ce rigide ascète, alors, n'affichera plus ses vices, il les niera, ou les donnera à la Femme. Lui, en perdant le sens moral, se fait saint, et Çiva est son Dieu. Il se livre à des macérations d'une savante barbarie pour affirmer sa pureté, à laquelle on ne croit pas, car il épouvante ; ce qu'il ne peut effacer, ce sont les caractères de sa dégénérescence. Les naïfs seuls, ou les imbéciles, l'appellent saint, et l'appellent Père. Ce Çiva, dans lequel les femmes avaient vu une apparition fougueuse et effroyable de l'homme pervers, devient pour les masses ignorantes le doux père nourricier, qui va remplacer la Mère ; il n'est plus le dieu des grossiers appétits, il devient au contraire l'incarnation du renoncement et de la vie spirituelle. C'est la folie qui commence.
Pour imposer Çiva, Dieu de la mort, on disait : « Puisqu'il peut nous faire mourir, c'est lui qui nous fait vivre, il est donc le seul Dieu ». On le craignait, tandis que la Déesse, on ne la craint pas parce qu'elle ne tue pas.
Le culte de ce nouveau Dieu, c'est la sorcellerie, la magie noire. Les Prêtres tenaient leurs assises dans les cimetières et les places d'exécution ; là ils célébraient d'horribles mystères où le cynisme se mêlait à la cruauté, ils officiaient avec la complicité des revenants et des vampires, se mettant sous les auspices de la destruction universelle.
Puis le commerce s'en mêlait, on vendait la puissance aux naïfs, ou le moyen de produire, par des incantations, la ruine des ennemis. On pratiquait des envoûtements magiques (1).
C'est dans les Védas révisés que Çiva veut dire « Propice », titre imité des Euménides grecques, dont le nom change alors de signification : elles deviennent des furies quand l'homme est fou. Cela crée deux aspects faisant voir les hommes et les femmes suivant qu'on exprime la Vérité ou le Mensonge. Il en résulte des dieux à double face, une réelle, l'autre empruntée ou imputée. En réalité, Çiva, c'est le Roudra des temps védiques, l'homme malfaisant et cruel, le farouche Roudra dont les flèches portent au bout du monde, qui répand tous les fléaux, disent les femmes, qui dispense tous les remèdes, disent les hommes, qui en font le médecin, le mage, le sorcier.
Çiva s'appelle Bhâva, « l'existant », à l'imitation de la Déesse qui avait dit : « Je suis ce qui est ».
Il s'appelle aussi le cornu ou l'archer. Il est hideux, ses traits grimacent et son corps se disloque en une danse farouche et convulsive où s'entrechoquent les chapelets de crânes qui parent ses membres velus. Il enfile des crânes pour compter ses crimes, comme la Dêvâ enfile des bagues pour compter ses amants. Elle compte ses actes de vie, il compte ses actes de mort, et c'est de cette numération que naîtra l'origine du chapelet.
Dans Çiva, l'implacable destructeur, l'homme ne veut pas se reconnaître, il s'ignore sous cet aspect, mais la femme le connaît mieux, elle sait ce qu'il est, elle l'a vu et le reconnaît lorsqu'il est objectivé dans le Dieu du mal.
Le Çivaïsme a ses temples. C'est la pagode hindoue avec ses monstres et ses dieux multiples, ses labyrinthes, construits pour mieux se cacher, et ses cryptes, imitant celles des premiers temples. Ces pagodes sont des constructions gigantesques qui affirment la puissance de l'idée religieuse pervertie. Elles sont couronnées par le dieu-mâle (plus tard le Bouddha), cette caricature de la Divinité, qui, immobile, les mains jointes, les yeux fermés comme pour mieux méditer, parodie la Déesse. La religion mâle a aussi des danseuses sacrées, pour amuser les hommes. Les jeunes Indiennes qui dansaient à demi-nues devant les pagodes s'infligeaient des souffrances cruelles et raffinées, comme pour satisfaire les instincts sadiques des partisans du Çivaïsme. Aux rites obscènes se mêlent des rites sanglants.
Les Yogis et les Fakirs vont tout nus et s'appellent eux-mêmes les gens vêtus de l'air, cynisme qui révoltait tout le monde, et que la Grèce devait imiter. Puis, comme contraste, on voit des ascètes violant les lois de la Nature pour faire croire à leur vertu. Ils inventent la sainteté de la douleur, les tortures volontaires des gymnosophistes, qui se sont renouvelées chez les Chrétiens.
C'est aux Indes que la réaction contre la Femme commença. C'est là que pour la première fois on osa déclarer qu'elle ne doit jamais faire sa volonté, mais celle de l'homme. Loi barbare, venant contraster avec le mot sublime de l'homme jeune qui avait dit à la Femme divine : « Que ta volonté soit faite et non la mienne ». Cela jeta l'Indienne dans un océan de douleur, et c'est alors qu'elle dit : « Il n'y a de profit à naître qu'autant qu'on est libre. Pour ceux qui sont asservis, qu'est-ce que la vie, sinon la mort ? » (Hitôpadêça, II, 21). C'est sur les bords du Gange que la jalousie de l'homme la poursuit, même après qu'il est mort, et qu'on lui fait un devoir, ou un honneur, de s'enfermer dans le tombeau de son époux défunt et d'y mourir avec lui.
La jalousie posthume de l'homme lui fait une gloire anticipée de la fidélité extra-mondiale.
Çiva, en s'élevant jusqu'au rang divin, prend les caractères féminins, peu à peu il se débarrasse de son apparence brutale, et, comme tous les candidats aux honneurs divins, il s'affine ; dans le bronze que représente cette figure, c'est presque une femme.
(1) Un drame du Moyen Âge, Madhava et Malati, nous révèle quelques-unes de ces immondes pratiques.

LITTÉRATURE DES ÇIVAÏTES
Dans le Mahâbhârata, on trouve des passages qui relèvent Çiva au rang suprême, en le confondant avec Vishnou :
« Dieu des Dieux, Mahâdêva au cou bleu, qui portes la djatâ (chevelure nattée), je reconnais en toi la première des causes, Dieu auguste aux trois yeux. Dieu, la voix des Dieux, toi de qui ce monde est né, tu es invincible dans les trois mondes aux hommes, aux Asouras et aux Dêvas. Adoration à Çiva sous la forme de Vishnou, à Vishnou sous la forme de Çiva » (Vana-Parva, V, 1625-1627, traduction Fauche, T.III, p. 205). Voilà les deux sexes fondus en lui.
Pendant qu'ils glorifient Çiva, qu'est-ce que les prêtres masculinistes vont faire de la Déesse Vishnou ? Ils la ridiculiseront, la transformeront. Ce sont les subtilités cléricales qui commencent. Voici ce qu'ils disent :
« Vishnou, c'est la pensée. Or, la pensée n'étant pas séparée de la vie, c'est l'énergie pénétrante de Vishnou qui devient le principe même de la génération des êtres vivants et plus tard des incarnations ».
Donc, voilà l'Esprit féminin descendu sur le plan sexuel.
Pendant ce temps-là, Çiva, qui fut d'abord Roudra, le redoutable destructeur de la vie, finit par devenir Çiva Mahâdêva (grande Déesse). Quelle ironie !
Tous les titres glorieux pour la Femme dans la première religion deviennent des expressions de mépris ou de haine dans la seconde forme religieuse.
La Dêvâ n'est plus la Déesse, c'est le mauvais esprit, le Diw.
Mais cette religion noire et sinistre fait horreur aux âmes élevées qui n'y voient que la glorification du néant, et qui restent fidèles à Vishnou, la Déesse ; c'est toujours elle qui dispense ses dons avec ordre et mesure.
Les Çivaïtes ont laissé un atavisme et une tradition. Cela a produit dans les temps modernes une épouvantable secte, les Thugs ou étrangleurs qui, vers le milieu du XIXème siècle, ont jeté la terreur dans l'Inde entière. Ces sectateurs prétendaient être agréables à cette affreuse divinité, Çiva, en diminuant autant que possible le nombre des vivants.
Nous avons des chants qui révèlent les luttes ardentes des deux partis, les Vishnouïtes et les Çivaïtes, des chants de guerre et de victoire, des chants relatant des actes héroïques, et annonçant définitivement la défaite des faibles, parmi lesquels se trouvent les Dravidas, tribu noire, les Aryas de la vallée de l'Indus, et les tribus blanches de la vallée du Gange.
Les vainqueurs sont appelés Ek-wander (peuple égaré, peuple errant, tourbillon). C'est de ce mot wander que vient vent, ventus.
Leur chef s'appelle Scander. On l'appelle souvent le Scander aux deux cornes. Nous avons vu que, en ajoutant l'article arabe al au mot Scander, on a l'origine du nom Al-exandre.


ORIGINE DE LA PHILOSOPHIE HINDOUE
L'évolution mentale avait amené un véritable chaos dans les esprits ; toutes les croyances primitives étaient dénaturées ou niées. Et alors on vit apparaître des hommes qui prétendirent tout expliquer. Remettant en question toutes les lois de la Nature, Ils les adaptèrent à la mentalité masculine, mélangeant les vérités premières à des erreurs secondaires. C'est cela que les historiens appellent « la philosophie » (1).
Aux Indes, c'est Çankarâchârya qui introduit ce genre de recherches ; il fonde des Mathas, ce qui veut dire des Ecoles philosophiques.
Son système est un compromis. Il amène l'exotérisme hindou à s'harmoniser, dans la pratique, avec la sagesse religieuse ésotérique. Il laisse aux peuples les anciennes Divinités, mais les explique philosophiquement, c'est-à-dire embrouille la question par des sophismes nouveaux. Pour expliquer la Divinité, il eût suffit de rétablir la loi des sexes. C'est parce qu'on veut la nier qu'on multiplie les explications de l'idée confuse qu'on substitue à la vérité simple. Cette philosophie tâchait de concilier le régime nouveau avec ce qu'il y avait de particulièrement indéracinable dans l'esprit des Hindous.
C'est au Vème siècle avant notre ère que les Ecoles philosophiques se fondent. Leur résultat est d'ouvrir Une voie nouvelle aux interprétations des hommes qui ont pour but de supprimer la Femme, sa science et son influence dans la vie sociale, en justifiant cet ostracisme par des affirmations mensongères.
Deux Ecoles se produisirent :
L'une spiritualiste, enseignant l'unité divine et sa spiritualité résumée dans Brahma, la puissance cosmique, qui hérite par ce système de tous les attributs féminins, en même temps que de la puissance morale de la Déesse. Et on va loin pour justifier ce système, on arrive jusqu'à nier l'existence du monde visible, on ne voit dans les anciennes Divinités que des apparences. Mâyâ n'est plus une réalité, c'est une illusion. On reprend à la Femme sa Divinité pour en doter une entité abstraite, éloignée, peu gênante, et assez complaisante pour prendre le sexe mâle quand cela convient à l'homme.
« Au principe spirituel primitif Içwara, qu'il ne comprend plus, il substitue sa propre personne », dit Fabre d'Olivet. Il renverse l'évolution humaine qui, partie du soleil, aboutit à lui, il la fait évoluer de lui au soleil. C'est lui qui a tout fait, ou, du moins, c'est un être comme lui. Voilà l'Anthropomorphisme créé, voilà l'homme divinisé, et, à chaque instant, nous verrons des hommes, plus audacieux que les autres, se déclarer « Dieu » ; nous verrons les autres hommes croire à cette Divinité-là, et s'efforcer de l'imposer aux autres.
Quand l'homme se croit assez éclairé pour raisonner, s'il ne possède que des demi-lumières intellectuelles, et que ses connaissances physiques le portent à tirer des conséquences de certains principes dont il ne peut pas apercevoir là fausseté, sa déviation est inévitable : il devient athée ou il change le dogme.
Le second système qui apparaît, c'est le matérialisme. Il insiste sur la réalité des êtres et du monde, rejette Brahma qu'il ne comprend pas, du reste ; il affirme la matière, mais nie l'Esprit (qui est en la Femme), et les Dêvâs qu'il ne veut plus comprendre parce que ce sont des créatures extra-masculines ; il limite le monde à l'homme et nie ce qui le dépasse.
Ces deux écoles se partagèrent longtemps les esprits. Cependant, sous le roi Vikrama, on vit se produire une renaissance de la littérature sanscrite ; de nouvelles Ecoles philosophiques se fondèrent ; alors les ouvrages intitulés Oupanishads donnèrent naissance à plusieurs systèmes, dont six sont admis comme orthodoxes, disons classiques. C'est de cette littérature que sortira, plus tard, la philosophie bouddhique, quand le Bouddhisme s'élèvera jusqu'à être un système philosophique.
Vers 400, un auteur appelé Yâska écrivit le Niroukta, livre grammatical donnant (ou plutôt prétendant donner) l'explication des termes obscurs des Védas, réunis dans le Nigama.
C'est certainement cet auteur qui dénatura le sens des mots sous prétexte de les expliquer. Alors, on vit naître une exégèse, c'est-à-dire une recherche du sens réel des mots.
Les Ecritures, une fois révisées définitivement, furent enseignées aux enfants qui passaient plusieurs années à les apprendre par cœur. C'était un devoir religieux, nul ne devait s'y soustraire sous peine de dégradation. Et il faut bien remarquer que c'est toujours quand la Vérité est altérée, cachée, quand l'erreur triomphe, qu'on en impose l'étude à la jeunesse

(1) « Mais, d’autre part, on vit bientôt apparaître quelque chose dont on n’avait encore eu aucun exemple, et qui devait, par la suite, exercer une influence néfaste sur tout le monde occidental : nous voulons parler de ce mode spécial de pensée qui prit et garda le nom de « philosophie » ; et ce point est assez important pour que nous nous y arrêtions quelques instants. » (R. Guénon, La Crise du monde moderne, p.10).

BOUDDHISME
Au milieu des luttes philosophiques, un mouvement social se produisit, qui ne fut d'abord qu'une révolte contre le pouvoir Brahmanique et contre la division sociale établie par les prêtres à leur profit.
Ceux qui furent les premiers auteurs de ce mouvement appartenaient aux castes inférieures et, comme tels, mettaient dans leur révolte plus de passion, plus de violence que n'en avaient mis les Brahmanes, dont l'usurpation avait plutôt été basée sur la ruse, les raisonnements faux.
Ce furent, pour l'Inde, des temps troublés tout à fait comparables à ceux de la décadence romaine. Ils se produisirent du reste à l'époque où la décadence commençait partout.

LA DOCTRINE BOUDDHIQUE
Le Bouddhisme n'a rien inventé, il s'est contenté de prendre la doctrine Védique et de la dénaturer.
Le Bouddhisme est caractérisé par sa négation de « Dêva », et cela parce que Dêva, c'est la femme. Or la religion, c'est le lien moral qui unit l'homme à la femme. C'est pour cela que le Bouddhisme n'a pas la prétention d'être une religion, mais seulement une philosophie.

LES DEUX ÉGLISES
Ce qui caractérise l'erreur, c'est la division des croyances.
Ce qui caractérise la Vérité, c'est l'Unité, Il n'y a qu'une Nature, donc il n'y a qu'une Vérité, mais il y a une multitude de façons d'exprimer le surnaturel, il prend toutes les formes que l'on veut c'est pourquoi les religions fausses sont toujours hérissées de systèmes qui sont souvent contradictoires.
Au lieu de demander ce qu'enseigne le Bouddhisme sur une question donnée, il faut demander ce qu'enseigne là-dessus telle Église, telle école bouddhique.
Chacune argutie, à sa manière.
A peine né, le Bouddhisme se divisa en deux Églises : celle du Nord et celle du Sud.
L'Eglise bouddhique du Sud garda le système fédéraliste des Métropolitains. En Asie il fut représenté par les Grands-Prêtres, indépendants les uns des autres.
L'Eglise bouddhique du Nord fut gouvernée monarchiquement.
Elle avait un pape absolu, chef unique et infaillible : le Dalaï-Lama, ou Talé-Lama.
Le Lamaïsme emprunta tous les éléments du Çivaïsme, tels que la croyance aux esprits, la réincarnation, l'exorcisme, la Magie ; puis aussi le chapelet de 108 grains (chapelets de crânes dans le Çivaïsme) (1).
Il garde la formule de six syllabes :
Om mani padmê hoûm
(Béni soit le joyau dans le lotus)
(1) « Dans l’Inde, le chapelet shivaïte est composé de 108 grains ; et la signification première du chapelet symbolise la « chaîne des mondes », c’est-à-dire l’enchaînement causal des cycles ou des états d’existence. » (René Guénon, Le Roi du Monde)

L'ESPRIT DU BOUDDHISME
L'histoire de la littérature sacrée du Bouddhisme est un chapitre de l'histoire de l'évolution mentale du Prêtre. Parti de ce commencement d'aberration qui caractérise le mauvais sentiment qu'on appelle la Misogynie, ce ne fut, d'abord, qu'une expression de révolte, une manifestation d'orgueil, c'est-à-dire un renversement des sexes et, de là, un renversement de la morale.
Le but du Bouddhisme, d'après eux, était de « transporter tous les êtres de l'océan de douleur et de mort à l'autre rive, à la délivrance, au Nirvana (1) ».
(1) Ce mot veut dire délivrance. Les femmes l'avaient adopté pour désigner la délivrance du pouvoir oppressif de l'homme

LE NIRVANA
Le mot Nirvana veut dire « délivrance », salut.
C'est la paix désirée par la femme souffrante, c'est son espérance, son aspiration continuelle. Faisant de son désir une réalité, elle annonce que bientôt viendra « le Messie », qui rendra à la société troublée la paix des premiers jours.
Mais les prêtres, qui s'assimilent toutes les idées féminines en les masculinisant, font de ce Messie un homme, et c'est ainsi que le Bouddha (caricature de la Divinité, parodie de la Déesse) est représenté apportant au monde « la délivrance »
Dans la légende de Poûrna, on fait dire à Bouddha : « Va, Poûrna, délivré, délivre ; arrivé sur l'autre rive, fais-y arriver les autres ; consolé, console ; parvenu au Nirvana complet, fais que les autres y parviennent comme toi ».
De quoi donc est-il venu délivrer la femme, ce Bouddha ? Est-ce de la tyrannie et des caprices de l'homme ?
Mais c'est, au contraire, à partir de ce moment que la Femme n'est plus rien, que l'homme est tout, car le but principal du Bouddhisme est de supprimer son action de la société, de soustraire l'homme à son influence, de briser le lien qui l'attachait à elle.
C'est pour cela que les Bouddhistes durent chercher une autre signification au mot Nirvana. Pour eux, cela devint : « L'affranchissement de la douleur par l'expérience, ou la voie, c'est-à-dire les moyens donnés par le Bouddha pour affranchir l'humanité ». Des mots ! des mots !... mais pas d'idées.
Quoi qu'il en soit, dans toutes ces religions se retrouve la prétention de faire mieux que les femmes, d'être plus vrais, plus savants, plus légitimes, et tout cela appuyé sur le despotisme qui impose la foi, cette autre caricature de l'adhésion que la femme demandait à la vérité qu'elle enseignait, mais sans l'imposer. Aucun régime féministe n'a créé une inquisition.
C'est dans les religions les plus antiféministes que le sacerdoce masculin s'est constitué de la façon la plus solide. C'est le système de défense des hommes.
Burnouf dit (Science des religions, p. 68) : « Il n'y a pas de système social où l'ordre des Prêtres ait été constitué suivant une hiérarchie plus solide que dans les trois religions modernes, le Mahométisme, le Catholicisme et le Bouddhisme ».

L'INDE AU COMMENCEMENT DE NOTRE ÈRE
A peu près 80 ans avant notre ère, le parti Bouddhiste fut entièrement vaincu et l'ascendant des Brahmanes tout à fait rétabli. Mais ce parti avait la vie dure, il revint au monde quoique mutilé.
Vers l'an 100 de notre ère, après le concile convoqué par Kanishka, la doctrine bouddhiste du Nord entra dans une ère nouvelle. A cette époque, le célèbre religieux Nâgârdjouna fonda l'école du Grand Véhicule qui embrassa de nouveaux domaines.
Les religieux Bouddhistes portaient le nom d'ascètes ou de Bhikshous (mendiants) ; ils vivaient réunis en communautés (Sanghas), dont chacune avait le droit de confesser, d'absoudre, d'ordonner, etc. Les présidents de ces communautés étaient appelés « anciens ». Burnouf dit de la littérature que l'on vit surgir alors : « Les ouvrages de la nouvelle Ecole portent le caractère d'une grande décadence intellectuelle et morale. Ils forment la dernière partie, et non la moins étendue, du code sacré du Nord » (Burnouf, Science des religions).
C'est au IIème siècle que Pânini composa sa célèbre grammaire connue sous le nom de Pâniniya. Elle passait pour avoir été inspirée par Çiva.

L'INDE AU TROISIÈME SIÈCLE
Le Bouddhisme révolutionnaire et démocratique commençait à s'imposer.
Un homme d'origine plébéienne, Andracottos selon Plutarque, Sandracottos, suivant d'autres (en sanscrit, Chandragoupta), l'aïeul du grand Açoka, dont nous allons parler, était parvenu au trône malgré l'hostilité des classes élevées et s'était fait reconnaître comme roi de Pataliputra, la moderne Patna.
Le roi Açoka, issu de cette révolte, envoya des missionnaires voyager dans toutes les contrées ; ils allèrent partout et c'est ainsi que se répandit l'idée démocratique qui, alors, était le drapeau de la révolte contre l'ancien régime, c'est-à-dire contre l'autorité légitime de la Femme. Il était, en même temps, le symbole de la religion nouvelle qui introduisait dans le monde le surnaturel (les foules aiment le mystère), la haine de la Déesse et la révolte contre la science qu'elle avait enseignée. C'est cette Révolution qui créa aux Indes le grand mouvement de la séparation sociale des sexes. Il eut comme résultat la création, partout, de couvents où les hommes vivaient entre eux et qui furent bientôt suivis de la création de couvents où les femmes vivaient entre elles.
Açoka, vers 250, fit graver des inscriptions, et on nous dira que ce sont les premiers documents écrits de l'Inde. Ces inscriptions nous laissent un témoignage de l'orgueil de l'homme.
Aucune des grandes femmes qui avaient régné avant cette époque n'eut l'idée de faire écrire sur la pierre son histoire glorieuse, aussi toutes restent-elles cachées dans l'ombre des temps primitifs de l'Inde.
Sous le roi Açoka, le Bouddhisme devint la religion régnante, et le Bouddhisme, c'est le règne de l'homme, la religion renversée.
Aussi, à ce moment, il se fait dans la société hindoue une révolution littéraire. L'ancienne littérature, qui avait gardé l'empreinte de l'esprit féminin, fut abandonnée et remplacée par une littérature nouvelle qui était l'expression de la pensée masculine.
L'usage de l'écriture ne s'établit qu'avec le Bouddhisme et pour le propager. La littérature féminine avait été orale ; celle des hommes (les Védas furent d'abord des hymnes non écrits) fut écrite, ce qui assura sa propagation. On dirait qu'ils avaient peur que leurs idées et leurs erreurs n'arrivassent à se perdre ; du reste, s'ils mirent tant de précautions à les propager, c'est qu'elles étaient surtout « leur justification », puisqu'ils avaient pris tous les pouvoirs de la femme. Ils considéraient aussi leurs livres comme la glorification de leur sexe, alors que c'était au contraire la mise en évidence de leurs idées troublées, de leurs erreurs, et de leurs fausses interprétations des vérités primitivement révélées par les Dêvâs.
Mais le peuple, moins savamment hypocrite que les Brahmanes, garda plus longtemps ses croyances ; il resta fidèle à ses « Dêvâs ». Il fallut bien longtemps pour qu'il consentît à changer leur sexe.

LA DÉCADENCE INDIENNE AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE
Les Hindous actuels sont arrivés à l'impuissance morale ; c'est une masse inerte et, dans la majeure partie des populations de l'Inde, sans initiative et sans énergie. Le peuple est devenu superstitieux, adonné aux pèlerinages et demandant à des Dieux imaginaires le bonheur et la prospérité que les primitives Dêvas lui donnaient. Comme ses Dieux ne lui répondent pas et que le malaise social s'accentue, ils ont recours au suicide qu'ils considèrent comme l'acte suprême de la religion.
Les femmes sont tristes et découragées.
Diderot, dans ses Mélanges, nous a fait connaître la plainte d'une femme indienne à un missionnaire jésuite. Elle dit (Mélanges de Littérature, p. 644) :
« Plût à Dieu qu'au moment où ma mère me mit au monde, elle eût eu assez d'amour et de compassion pour épargner à son enfant tout ce que j'ai enduré et tout ce que j'endurerai jusqu'à la fin de mes jours ! Si ma mère m'eût étouffée en naissant, je serais morte ; mais je n'aurais pas senti la mort, et j'aurais échappé à la plus malheureuse des conditions. Combien j'ai souffert ! Et qui sait ce qui me reste à souffrir jusqu'à ce que je meure ?
« Représente-toi bien, Père, les peines qui sont réservées à une Indienne parmi ces Indiens. Ils nous accompagnent dans les champs, avec leur arc et leurs flèches. Nous y allons, nous, chargées d'un enfant qui pend à nos mamelles, et d'un autre que nous portons dans une corbeille. Ils vont tuer un oiseau ou un poisson. Nous bêchons la terre, nous, et, après avoir supporté toute la fatigue de la culture, nous supportons toute celle de la moisson. Ils reviennent le soir, sans aucun fardeau ; nous, nous leur apportons des racines pour leur nourriture, et du maïs pour leur boisson. De retour chez eux, ils vont s'entretenir avec leurs amis ; nous, nous allons chercher du bois et de l'eau pour préparer leur souper. Ont-ils mangé, ils s'endorment ; nous, nous passons toute la nuit à moudre le maïs et à leur faire la chicha, et quelle est la récompense de nos veilles ? Ils boivent leur chicha, ils s'enivrent ; et quand ils sont ivres, ils nous traînent par les cheveux, et nous foulent aux pieds. Ah ! Père, plût à Dieu que ma mère m'eût étouffée en naissant ! Tu sais toi-même si nos plaintes sont justes. Ce que je te dis, tu le vois tous les jours. Mais notre plus grand malheur, tu ne saurais le connaître. Il est triste pour la pauvre Indienne de servir son mari comme une esclave, aux champs accablée de sueurs, et au logis privée de repos ; mais il est affreux de le voir, au bout de vingt ans, prendre une autre femme, plus jeune, qui n'a point de jugement. Il s'attache à elle. Elle nous frappe, elle frappe nos enfants, elle nous commande, elle nous traite comme ses servantes ; et au moindre murmure qui nous échapperait, une branche d'arbre levée !... Ah ! Père, comment veux tu que nous supportions cet état ? Qu'a de mieux à faire une Indienne, que de soustraire son enfant à une servitude mille fois pire que la mort ? Plût à Dieu, Père, je te le répète, que ma mère m'eût assez aimée pour m'enterrer lorsque je naquis ! Mon cœur n'aurait pas tant à souffrir, ni mes yeux à pleurer ! »
Il ne faut pas croire que, dans un pays où la Femme souffre tant, l'homme est heureux, loin de là. Les prêtres ont, du reste, érigé la douleur en dogme, ils enseignent que la souffrance est méritoire parce que c'est le contraire du plaisir et que, pour l'homme, le plaisir est attaché au péché, qui mène à la mort de l'âme. On sait jusqu'où va la folie des Bouddhistes qui croient à la sainteté de la douleur.
« Pour s'épargner les souffrances d'une autre vie, dit Fabre d'Olivet (L'État social, p. 331), les Bouddhistes résolus à ne plus revivre sur la terre ont outré les préceptes moraux de leur Prophète et, par un esprit de pénitence, porté l'abnégation de soi à un excès presque incroyable. Il n'est pas rare, aujourd'hui même, de voir des fanatiques de ce culte devenir leurs propres bourreaux et se dévouer à une mort plus ou moins douloureuse ou violente ; les uns se précipitent dans l'eau une pierre au cou ; les autres s'ensevelissent vivants ; ceux-ci vont se sacrifier à la bouche des volcans ; ceux-là s'exposent à une mort plus lente sur des rochers arides et brûlés par le soleil ; les moins fervents se condamnent à recevoir au cœur de l'hiver, sur leur corps entièrement nu, cent cruches d'eau glacée ; ils se prosternent contre terre mille fois par jour, en frappant chaque fois le pavé de leur front ; ils entreprennent, nu-pieds, des voyages périlleux sur des cailloux aigus parmi des ronces, dans des routes semées de précipices ; ils se font suspendre dans des balances sur des abîmes affreux, ils se font écraser sous les roues d'un chariot ou sous les pieds des chevaux… »
Mais les Femmes, quoi qu'on ait dit, ne comprennent pas ces théories qui n'ont de réalité que pour le sexe masculin, et Elles cherchent à réagir, provoquant dans les idées un mouvement inverse qui mène à une autre erreur.
Quand la Femme affirme la légitimité du bonheur, l'homme, appliquant à sa nature ce qu'Elle dit de la sienne, se jette dans toutes les joies malsaines qui le dégradent.
Nul doute, tout le désordre moral de l'Inde moderne est le résultat de sa religion, de cette inversion qui fit, durant tant de siècles, mettre le Dieu mâle à la place de l'antique Déesse, la Matière-force à la place de l'Esprit.
Quand le Bouddhisme, chassé de l'Inde, se répandit en Chine, et que Fo-hi vint de l'Occident apporter sa religion, sa science, ses arts, les Chinois le représentèrent sous la forme du serpent à tête humaine (l'esprit du mal) ; d'autres placèrent sur son front les deux cornes de Ram ; du reste, la doctrine masculiniste de Fo-hi n'avait été qu'une sorte de corollaire de celle de Ram avec laquelle elle s'était amalgamée. C'est ainsi que presque tous les anciens lamas étaient devenus bouddhistes.
Fo-hi voulait dire « Père vivant » ; il venait remplacer la « Mère vivante » qu'on opposait toujours aux Dieux sans vie des prêtres. Ce réformateur s'était fait appeler Bouddha, qui veut dire « Sagesse éternelle », alors qu'il n'avait apporté au monde qu'une des formes de la folie ; on l'appelait aussi Çakya, « l'être toujours existant », cachant dans ces expressions, devenues incompréhensibles, les anciennes croyances relatives aux Dêvas, ces anciennes Déesses, douées d'une vie sans déchéance. Toutes les anciennes vérités, couvertes de mille légendes, sont restées le fond symbolique des croyances ; les récits greffés sur ces faits se multiplièrent à l'infini et sont arrivés jusqu'à nous sous des formes multiples qui n'ont qu'un caractère commun ; c'est qu'elles donnent toutes le sexe masculin aux anciennes Déesses, la Femme ayant été supprimée du monde intellectuel par l'homme pervers qui a pris sa place
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« La notion de « principe féminin » n'est fondamentalement qu'une traduction du mot prakriti, une force qui se trouve dans la nature et dans toutes les formes de vie qui nous entourent, qui existe chez l'homme et la femme. Selon moi, l'essor du patriarcat moderne a eu tendance à mutiler le principe féminin dans toute sa plénitude, et a notamment tenté de le refouler complètement chez l'homme. Dans une certaine mesure, l’essor d'un type masculin de connaissance, de production et de domination a permis de détruire ce qui était essentiel à la société, aux hommes comme aux femmes. Heureusement, toutefois, que les patriarches qui s'imaginent gouverner des êtres dociles (les femmes et la nature) n'ont jamais réussi à éliminer tout à fait cette force vitale. Ils ont pu la déformer, l’étouffer, mais jamais la détruire tout à fait.
« Je ne peux m'imaginer que ces forces créatrices de la nature féminine puissent à nouveau s'épanouir et s'exprimer pleinement sans affecter aussi les hommes. Ils auront le choix entre deux solutions soit ils réagiront violemment vis-à-vis de l'insécurité et du sentiment de médiocrité que cet épanouissement fait naître ; soit, comme il faut le souhaiter, un nombre croissant d'entre eux se rendront compte de leur appauvrissement, et reconnaîtront le principe féminin comme une force créatrice qui fait passer l'éducation avant la domination, la survie avant la destruction, les valeurs d'expérience et le savoir empirique avant les abstractions et les grandes théories.
« Ce sont là des valeurs suffisamment universelles pour que les hommes les reconnaissent et les soutiennent. »
(Vandana Shiva, physicienne indienne, interview 1992)