LES TEMPLIERS



L'Histoire est une conspiration permanente contre la vérité
(Joseph de Maistre)


« L'Occident ne pouvait être dégénéré au point que Guénon l'a dit, puisque Guénon, justement, était là pour le dire. Et que le seul but de tous ses constats d'apocalypse était que l'Occident se relève, ou plutôt, se retrouve. Ce qu'il est venu signifier par-dessus tout, c'est la perte de transcendance du monde occidental, chute de plomb qui date du début du XIVème siècle. »
(Henry Montaigu, René Guénon ou la mise en demeure)


« Il y a un mot qui fut mis en honneur à la Renaissance, et qui résumait par avance tout le programme de la civilisation moderne : ce mot est celui d’« humanisme ». Il s’agissait en effet de tout réduire à des proportions purement humaines, de faire abstraction de tout principe d’ordre supérieur, et, pourrait-on dire symboliquement, de se détourner du ciel sous prétexte de conquérir la terre... la Renaissance et la Réforme, qu’on regarde le plus souvent comme les premières grandes manifestations de l’esprit moderne, achevèrent la rupture avec la tradition beaucoup plus qu’elles ne la provoquèrent ; pour nous, le début de cette rupture date du XIVe siècle, et c’est là, et non pas un ou deux siècles plus tard, qu’il faut, en réalité, faire commencer les temps modernes »
(R. Guénon, La Crise du Monde Moderne)


« Il ne paraît pas douteux que les Templiers aient possédé un « grand secret de réconciliation » entre le Judaïsme, le Christianisme et l’Islamisme ; comme nous l’avons déjà dit nous-même en une autre occasion, ne buvaient-ils pas le même « vin » que les Kabbalistes et les Soufis, et Boccace, leur héritier en tant que « Fidèle d’Amour », ne fait-il pas affirmer par Melchissédec que la vérité des trois religions est indiscutable… parce qu’elles ne sont qu’une en leur essence profonde ? »
(R. Guénon, Études sur la Franc-Maçonnerie et le Compagnonnage, tome 2)


« Notre temps de la Fin est à la fois tragique et passionnant. Mille signes d’Esperance et de Lumière s'offrent à ceux qui librement ont choisi la douloureuse « remontée ». Le temps de l'Eglise de Philadelphie et, combien plus encore, celui du Règne de l'Esprit Saint, verront enfin accomplir par ces « hommes libres » le grand rêve templier d’Unité de l'espèce humaine. »
(Jean Phaure, Le Cycle de L'humanité Adamique)




Tu n’as pas besoin, homme, de traverser les mers, de pénétrer dans les nuages, de franchir les Alpes.
Je t’assure, tu n’as pas grand chemin à faire : tu n’as qu’à rentrer en toi-même, pour y rencontrer Dieu.
(Bernard de Clairvaux)





Si le nom de « Dulcinée » est encore présent dans l'inconscient collectif, tout comme, à un niveau moindre, le verbe « dulcifier » (le prénom Dulcinée vient du verbe « dulcifier », adoucir), personne ne sait plus qui furent les « Dulcinites ». Il s'agissait des membres d'une secte hérétique vaudoise du XVIème siècle qui se réclamaient de Dulcin (Fra Dolcino) ; ce dernier, influencé par Joachim de Flore, prêchait la venue du règne du Saint-Esprit. Clément V, le Pape qui devait être, quelques années plus tard, coresponsable de la condamnation des Templiers, fit traduire Dulcin devant les tribunaux de l'Inquisition. Dulcin mourut sous la torture, en 1307, et ses restes furent brûlés. Ce fut en cette même année 1307 qu'eurent lieu les premières arrestations de Templiers.

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Dans l'article précédent sur les Croisades, nous avons montré comment l'Ordre des Templiers fut fondé et comment, dès son origine, il se soumit à la souveraineté du Saint-Siège. Nous devons penser que cette soumission ne fut qu'une mesure de prudence, nécessaire dans un temps où l'on n'avait de sécurité qu'en s'abritant sous l'autorité de l'Église.
Mais nous voyons que l'Ordre des Templiers, aussitôt qu'il devient puissant, au lieu de suivre le dogme catholique, fait un retour complet vers l'ancienne religion théogonique et se constitue en société secrète.
A quoi faut-il attribuer cette conversion ? Est-ce l'austérité du régime, qui fait faire le serment de chasteté à des jeunes gens d'élite, qui par là les ramène à la saine raison ? Est-ce une influence étrangère ?
On prétendit que ce changement était dû à l'influence des Ismaélites, qui avaient reparu en Orient et s'étaient reconstitués en société. En Syrie, on trouvait leur secte florissante en 1326. Ils ne disparurent jamais complètement, du reste, et l'on trouve encore, à notre époque, quelques sectes dont ils sont l'origine.
Des relations intimes unirent les Ismaélites et les Templiers (1). Ils avaient la même organisation, la même hiérarchie de grades, le même costume blanc et rouge. Ils professaient la même doctrine et vouaient la même haine à l'erreur que le Catholicisme et l'Islamisme représentaient : l'adoration d'un Dieu unique, mâle, et, pour protester contre ce dogme, les Templiers avaient une Divinité féminine représentant l'ancienne Déesse porte lumière, la Vénus-Lucifer. Ils enseignaient que c'est Lucifer, « l'Esprit », qui est l'organisateur de l'Univers, le Grand Architecte qui met toutes choses à leur place et crée l'ordre.
C'est le mauvais principe, son contraire, représenté par l'homme fourbe, qui crée le désordre en se déclarant Dieu et en se faisant adorer et obéir (2).
Ils avaient pour emblème un aigle double, blanc et noir, représentant les deux Principes, bon et mauvais, qui règnent dans le monde.
Vénus-Lucifer (la Femme) est l'Être par excellence, c'est Elle que l'homme doit adorer ; toute adoration du principe mâle conduit l'homme à la sodomie morale et physique, considérée comme le plus honteux des crimes.
Toutes les vertus naissent de l'obéissance au bon Principe, tous les vices naissent de l'obéissance au mauvais Principe.
Le retour à la Femme est toujours un retour à la Sagesse ; mais il excite toujours la rage envieuse des hommes pervertis, qui veulent faire régner le mal.
L'éternelle Sagesse, la Raison universelle, la lumière de l'Esprit est en même temps la loi du cœur ; elle rend l'amour sacré, elle en fait un culte en l'épurant. C'est dans ce culte seulement que l'homme trouve la Vérité absolue, qui est le souffle divin de l'Esprit féminin, qui le purifie quand il en reçoit l'effluve.
Sans cette Sagesse, tout est chancelant. Elle élève l'homme et le rend digne d'adresser son hommage à la Divinité.
La devise des Templiers était : « Valeur et charité ». Ils juraient de punir le crime et de protéger l'innocence.
La croix qu'ils portaient était celle des anciens preux de Germanie, dite croix de Saint-André, non celle des Catholiques.
Maintenant que nous connaissons les doctrines des Templiers, nous comprenons que le but de leur voyage en Palestine était, non d'affranchir le Saint-Sépulcre de la domination musulmane, mais de relever le Temple de David, d'édifier la « Jérusalem nouvelle », et cette idée, qui inspira les Chevaliers du Temple, restera dans le monde comme une aspiration sourde, sécrète, lointaine...
(Rappelons que la reine Daud, dont on a changé le sexe, est devenue le roi David.)
On n'admettait, dans l'Ordre du Temple, que des hommes d'élite d'une réputation intacte, d'une probité sûre, ceux que leur fidélité, leur zèle, leur fermeté, mettaient au-dessus du vulgaire, ceux, enfin, qui, dégagés de tous préjugés, de toute crainte, s'élevaient au-dessus des erreurs du temps, au-dessus de l'opinion des masses, au-dessus de la fausse science des empiriques qui attendent tout des sens.
Ils étaient spiritualistes dans le sens le plus élevé et le plus vrai du mot, c'est-à-dire qu'ils attendaient tout de la pensée abstraite, qui seule peut atteindre à la connaissance des vrais principes et percer le voile sombre qui dérobe aux hommes les secrets de la Nature.
Les Chevaliers du Temple remplissaient le même rôle que les Époptes des anciennes sociétés, qui étaient placés à côté des Prêtresses dans les « Mystères » pour les protéger et les venger.
C'est ce rôle de vengeurs qui excita la haine contre les Templiers ; c'est de cela surtout qu'ils furent accusés par les Catholiques, car les outrageurs du Bon Principe, les ennemis de la Vérité, ce sont eux. C'est leur religion qui a jeté le blasphème dans le monde en montrant la Vénus-Lucifer, l'Astarté, l'Aphrodite, comme des symboles d'ignominie, alors que c'étaient des symboles de lumière.
Aussi les Templiers, qui savaient toute la haine dont les imposteurs sont capables, exhortaient leurs néophytes au courage, ils en faisaient des apôtres ardents, résolus, d'une volonté ferme dans le Bien, capables d'obéir aux ordres reçus sans hésitation ; c'était la condition rigoureuse de leur admission, et c'est cette admirable discipline qui fit la grande prospérité et la grande richesse de l'Ordre.
Le poignard des chevaliers ne devait jamais servir que pour des causes justes et légitimes ; ils étaient les chevaliers servants du Bon Principe, les champions de l'Éternel Indomptable, qui a préservé et préservera toujours le monde de la destruction à laquelle travaille incessamment le génie du mal. Ils devaient combattre le mensonge, le fanatisme et la superstition, détruire l'erreur, combattre les passions anti-naturelles, qui désolent l'humanité et que les fourbes représentent comme la vraie morale.
Leurs armes étaient la science, la Vérité. Pour y arriver, ils devaient prendre la vertu pour point d'appui. C'était donc un retour, à la vie de l'Esprit.
Les Templiers travaillaient à l'émancipation des peuples par la Religion du Bien, triomphant du Catholicisme, religion du mal, et de la royauté. Ils voulaient établir une République universelle et combattaient à la fois la Couronne et la Tiare, ces deux pouvoirs néfastes. Ils cherchaient à éclairer leurs victimes : la Femme, qui vit au milieu de ses bourreaux, toujours dupe ; le peuple, qui laisse vivre ses tyrans et ses despotes.
(1) « Le monde occidental, depuis des temps qui remontent encore plus loin que le début de l’époque dite historique, et quelles qu’aient été les formes traditionnelles qui l’organisaient, avait d’une façon générale toujours entretenu avec l’Orient des rapports normaux, proprement traditionnels, reposant sur un accord fondamental de principes de civilisation. Tel a été le cas de la civilisation chrétienne du moyen âge. Ces rapports ont été rompus par l’Occident à l’époque moderne dont René Guénon situe le début beaucoup plus tôt qu’on ne le fait d’ordinaire, à savoir au XIVème siècle, lorsque, entre autres faits caractéristiques de ce changement de direction, l’Ordre du Temple, qui était l’instrument principal de ce contact au moyen âge chrétien, fut détruit : et il est intéressant de noter qu’un des griefs qu’on a fait à cet ordre était précisément d’avoir entretenu des relations secrètes avec l’Islam, relations de la nature desquelles on se faisait d’ailleurs une idée inexacte, car elles étaient essentiellement initiatiques et intellectuelles. » (Michel Vâlsan ou Mustafâ 'Abd al-Azîz)
Cette rupture des liens traditionnels est véritablement la première cause de toute la déviation intellectuelle du monde moderne.
« après la destruction de l'Ordre du Temple, les initiés à l'ésotérisme chrétien se réorganisèrent, d'accord avec les initiés à l'ésotérisme islamique, pour maintenir, dans la mesure du possible, le lien qui avait été apparemment rompu par cette destruction » (René Guénon, Aperçu sur l'initiation)
(2) Les ennemis des Templiers ont ridiculisé la Femme-Esprit, qu'ils ont appelée le Baphomet, caricature qui la représentait sous la forme d'une femme à tête de bouc. Ils lui mettent un flambeau entre les cornes, puisqu'elle est porte-lumière, et sur la poitrine le caducée, les deux serpents enlacés qui représentent les deux pouvoirs qui ont écrasé la Femme, la couronne (le Roi) et la tiare (le Prêtre). Quelquefois, on lui met sur la poitrine une croix avec une rose au centre, l'emblème des Rose-Croix.
Bertrand Portevin, dans son ouvrage « Le démon inconnu d'Hergé ou le génie de Georges Rémi » (p. 297) rapporte également ceci : « Le déchiffrage récent du mot Baphomet par l'utilisation du code Ath-Bash de la kabbale hébraïque, donne un relief tout à fait inattendu à ce chef mystérieux et à notre petit portrait banal du héros de bande dessinée. Le chiffre Ath-Bash consiste simplement à inverser l'ordre des lettres de l'alphabet. Son nom découle du système utilisé en kabbale puisqu'il est composé à partir des lettres aleph, beth, shin et tav, les deux premières et les deux dernières lettres de l'alphabet hébreu. Ce mode de chiffrage, et donc de déchiffrage, appliqué au mot Baphomet donne tout simplement Sophia, la Sagesses ! »

LE PROCÈS DES TEMPLIERS
Cet Ordre était devenu puissant : les Templiers possédaient dans toute la Chrétienté plus de 10.000 châteaux-forts ; les chevaliers étaient au nombre de 15.000, sans compter les frères servants et les affiliés. On disait que les Templiers et leurs hommes-liges étaient les agents occultes de l'Orient.
Le roi Philippe le Bel, connu pour sa sordide avarice, enviait leurs biens, en même temps qu'il craignait leur puissance. Là est la cause des accusations portées contre eux. Philippe, pour se justifier, prétendit avoir reçu d'étranges révélations d'un Templier apostat appelé Noffodei. On cherchait à provoquer des témoignages contre eux, et ces actes de lâche complaisance se produisent à toutes les époques.
Le 14 octobre 1307, le roi ordonna l'arrestation des chevaliers du Temple pour les déférer au tribunal du grand inquisiteur de France. Le Grand-Maître, Jacques de Molay, vieux et brave gentilhomme de Franche-Comté, était venu sans défiance d'outre-mer avec ses amis et les trésors de son Ordre.
Frappé de stupeur, le pape Clément V hésite et veut attendre la convocation d'un Concile. Philippe se lasse des tergiversations du pape et envoie le 14 septembre, à tous les sénéchaux et baillis du royaume, l'avis de se tenir prêts en armes pour le 12 octobre suivant, avec des lettres closes qu'ils ne doivent ouvrir, sous peine de mort, que dans la nuit du 12 au 13 du même mois. Le 12 octobre, il invite même Jacques de Molay à tenir le poêle aux funérailles de sa belle-sœur et feint de lui témoigner quelque affection. Mais, le lendemain, le Temple est envahi par une troupe conduite par Nogaret, et le vénérable Jacques de Molay est arrêté avec cent-quarante chevaliers.
Paris s'émeut à la nouvelle de cette arrestation, mais la France est bientôt saisie de stupéfaction et d'horreur en apprenant les infamies dont le roi accuse les Templiers. Arrêtés et dégradés, ces chevaliers furent interrogés et répondirent avec une certaine fermeté. Mais on voulait les trouver coupables ; pour cela, on fit déposer contre eux un jeune homme dont la raison était chancelante et dont la faiblesse d'esprit se prêtait à toutes les dénonciations. La déposition qu'il fit contre les Templiers lui fut-elle dictée, ou devons-nous y voir un fond de vérité mal comprise par une mentalité inférieure ?
Ce jeune homme, qui s'appelait Jacques de Troyes, n'était entré dans l'Ordre que depuis trois ans et demi ; cependant, il avait obtenu la dignité de sénéchal de la maison de Villiers, près Troyes. Il était âgé de 24 ans quand il comparut, le 9 mai 1310, à Sainte-Geneviève dans la chapelle de Saint-Éloi. Il se présenta pauvrement vêtu, la tête et la barbe rasées, et raconta quand et comment il avait été reçu dans l'Ordre.
Mais, au lieu de voir dans cette institution les grands principes qui en étaient la base, il n'avait remarqué qu'un détail de la cérémonie d'initiation, détail qui, peut-être, avait été pris dans son imagination. Voici ce qu'il raconta :
« Conduit par mon père, par ma mère et par beaucoup d'amis, qui restèrent à la porte, je fus introduit dans une chambre où se trouvaient Raoul de Gisy, Ponsard son neveu, un Bourguignon nommé Milon, Simon de Provins, prêtre, et quelques autres, dont je ne me rappelle plus les noms.
« A peine entré, le frère Raoul me déclare qu'il me faut renier le Christ, dont l'image était suspendue devant moi sur une croix. » Ceci est invraisemblable ; la cérémonie d'initiation était longue et compliquée ; ce point du rituel, s'il existait, ne pouvait pas être le début de l'initiation.
Il continue ainsi :
« A cet ordre, surpris et indigné, je refusai ; mais, à la vue d'une épée nue qui brillait à mes côtés, je fus saisis de crainte et reniai trois fois, de bouche et non de cœur, me disant : Je renie nostre Sire, puisque vous le voulez.
« Non content de ces paroles, le Maître m'ordonna alors de fouler aux pieds une croix d'argent et de la couvrir de crachats. Je marchai donc sur cette croix, mais seulement sur les pieds du Christ, et crachai à quelque distance. Recevant alors le manteau de l'Ordre, le Maître me fit asseoir à terre en face de lui et me. fit jurer de ne rien révéler et d'observer les trois vertus de chasteté, de pauvreté et d'obéissance, de ne jamais tenir d'enfants sur les fonts et de ne rien offrir à la messe ; Mais, séduit par une femme, je suis sorti de l'Ordre un an avant l'arrestation, renvoyant l'habit et n'observant presque aucune des prescriptions. » Il ajoute que cette laide scène se renouvela à la réception de Jean Petitpars, dans la maison de Paysans (Payns), par Raoul et Ponsard de Gisy et Milon le Bourguignon.
« Je n'ai pas assisté aux chapitres, continue-t-il, mais, lorsqu'ils se tenaient à Paris, j'ai entendu dire que vers minuit apparaissait une tête qu'ils vénéraient, et que Raoul de Gisy possédait un démon par le conseil duquel il avait acquis prudence et richesse. N'osant rien révéler, lorsque ma mère me consulta pour faire entrer mon frère Pierre dans l'Ordre, je l'en dissuadai en lui disant que j'aurais préféré mourir d'une belle mort le jour de ma réception que de commettre ce que je vous ai avoué. »
Quoique faisant vœu de pauvreté, il reconnaît que les Templiers amassaient par toutes sortes de moyens et ne se confessaient qu'aux prêtres de l'Ordre, afin qu'aucun fait ne fût révélé. Les pratiques superstitieuses reprochées à ces chevaliers lui paraissent venir d'un Templier qui avait longtemps séjourné parmi les infidèles et qui, probablement, les avait empruntées aux Musulmans. Il avoue qu'il est sorti de l'Ordre, non point séduit par une femme, mais à cause des ignominies imposées à tout chevalier. Il paraît que Floriamont Dondedé et les notaires remarquèrent, ainsi que les commissaires, beaucoup d'hésitations et de loquacité dans ce jeune homme, car celui qui écrivit sa déposition ne put s'empêcher de le constater.
Eudes de Dampierre, interrogé le 22 décembre, avoue qu'il fut reçu dans la chapelle de la maison du Temple de Mesnil-Saint-Loup. Quoique prêtre, il reconnaît avoir obéi aux prescriptions honteuses de la réception. Mais, affligé de tels forfaits, il n'osait sortir de l'Ordre de peur d'être massacré.
Cependant, il raconte que l'évêque de Troyes, Jean de Nanteuil, visitant un jour la maison, il s'empressa de se confesser à ce prélat dans une chambre retirée. Mais, stupéfait, l'évêque ne voulut point l'absoudre et le pria de le suivre à Troyes, pour le dérober, sans doute, aux poursuites de ses frères.
On faisait confirmer ce fait par la déclaration de Garnier, du diocèse de Sens, qui s'enfuit un jour pour venir se confesser dans l'église des Frères Mineurs de Troyes, par celle de Pierre Picardi de Langres, qui serait venu également à Troyes se confesser, et par celle d'Humbert de Germillé, qui aurait avoué au curé de Bar-sur-Seine toutes les turpitudes des Templiers.
Tels sont les témoignages que l'on invoque. Par malheur pour les accusateurs, Ponsard de Gisy, commandeur de Payns, qui était le neveu de Raoul de Gisy, osa revenir sur les aveux faits en 1307 et nia tous les faits imputés aux Templiers ; il prétendit que ses frères et parents ne les avaient avoués que torturés par Florian de Biteri, prieur de Montfaucon, et par le Dominicain Guillaume Robert, ennemis acharnés des Templiers. Il rappela même que plusieurs chevaliers avaient déjà péri dans les tortures les plus affreuses, ajoutant que, quant à lui, s'il était torturé, il dirait tout ce qu'on voudrait (Procès des Templiers, t. I).
Philippe le Bel avait fait commencer les informations par le grand inquisiteur Guillaume de Paris, son confesseur et l'un de ses plus intimes confidents, et, dans toutes les provinces, les baillis et les sénéchaux eurent l'ordre d'entamer l'instruction avec l'assistance des évêques et des délégués du grand inquisiteur, qui se multipliait avec une effrayante activité. Le Saint-Siège protesta d'abord, mais Philippe le Bel résista, se contentant de promettre d'abandonner les accusés aux délégués du pape et de consacrer les biens de l'Ordre au secours de la Terre Sainte.
Mais, une fois possesseur de nombreux témoignages et d'aveux, Philippe le Bel provoqua contre les Templiers une démonstration nationale et convoqua un parlement général des trois ordres à Tours, après la Pentecôte de 1308.
La plupart des seigneurs et des prélats n'y siégèrent pourtant que par procureur, et les villes, peu sensibles à l'honneur de prendre part aux affaires du pays, ne payèrent qu'à regret les frais de voyage des députés qu'on les avait obligées d'expédier à Tours. La ville de Troyes paraît s'être exemptée de jouer un rôle odieux dans cette session, quoique des villes moins importantes y comptassent des députés, telles que Bar-sur-Aube, Bar-sur-Seine, Vandeuvre, Beaufort, Bray près Troyes, Chaource, Troy, Isle-Aumont, Rumilly-les-Vaudes, Soulaines et Villemaur.
Trop faible, Clément V finit par céder et laisser conduire à Paris le Grand-Maître et les grands dignitaires, se contentant d'instituer une commission extraordinaire composée de l'archevêque de Narbonne, des évêques de Bayeux, de Limoges et de Mende (1), et de quatre autres ecclésiastiques. Poursuivant tout à coup la mémoire de Boniface VIII, Philippe finit d'oublier les Templiers ; mais, dès 1309, il les fait comparaître devant la commission et les entasse au Temple, à Saint-Martin des Champs, à l'hôtel du comte de Savoie et dans bien d'autres maisons.
Quelques-uns d'entre eux osent accabler leurs accusateurs et dévoiler les tortures qu'ils ont subies. Le roi se hâte de faire convoquer un concile provincial à Paris par l'archevêque de Sens, Philippe de Marigny. Celui-ci ne craint pas d'assimiler les Templiers qui rétractent leurs aveux à des relaps et les livre à Philippe le Bel, qui se charge de les faire périr dans les flammes, n'épargnant que ceux qui reconnaissent les crimes qui leur sont imputés.
Guillaume de Paris, grand inquisiteur de France, lut devant une assemblée de l'Université l'acte d'accusation par lui dressé et où étaient relevés les délits d'apostasie, d'hérésie, de magie, etc.
Cinquante-quatre Templiers furent brûlés vifs sur une première condamnation prononcée hâtivement pour satisfaire le roi, le mardi 12 mars 1310. On les attacha à des poteaux et on leur mit le feu aux pieds, aux jambes, au bas-ventre, avec des torches qui les consumèrent lentement. Mais le peuple cependant murmurait et menaçait.
Philippe le Bel attendit le Concile de Vienne, qui s'ouvrit le 16 octobre 1311. Clément V n'osait désapprouver la conduite du roi ; pour couper court aux discussions interminables que soulevait cette affaire, il prononça, dans un consistoire secret, l'abolition de l'Ordre militaire des Templiers « par voie de provision plutôt que de condamnation », se réservant les chefs et abandonnant les autres aux conseils provinciaux.
Dans une bulle du 6 mai 1312, le pape annonça au monde chrétien cette grande mesure. Philippe, devenu plus audacieux, fit brûler le Grand-Maître Jacques de Molay et le Maître de Normandie à la nuit tombante, dans une petite île de la Seine, le 11 mars 1314. Les historiens impartiaux se défient des accusations contenues dans le procès. Ils savent que Philippe le Bel convoitait les trésors des Templiers et que, en même temps qu'il était besogneux, il était trop politique pour laisser debout, à la porte de son palais, une puissance aussi formidable que celle de ces infortunés chevaliers.
Quoi qu'il en soit, le roi faux-monnayeur ne jouit pas longtemps du fruit de ses rapines et de ses sanguinaires exécutions, car il mourut le 29 novembre 1314, à l'âge de quarante-six ans.
Les biens des chevaliers du Temple furent donnés à un Ordre de Chevalerie moins dangereux pour le pouvoir, les chevaliers de Malte.
Phrases relevées dans l'acte d'accusation contre les Templiers : « Qu'ils ne croyaient pas fermement en Dieu ; qu'ils le reniaient même, adorant en sa place une fausse idole, en qui ils mettaient leur très vile foy et créance : que, à la réception d'un nouveau frère, on le faisait aller et passer par-dessus la croix et cracher en la douce figure du Christ ; qu'ils renonçaient à la Vierge, à tous les saints et saintes, et blasphémaient Jhesus, disant qu'il n'était pas Dieu, mais avait été faux prophète et crucifié, non pour la rédemption du genre humain, mais pour ses propres crimes ; qu'ils étaient infectés du péché d'hérésie et habitaient l'un à l'autre charnellement ; que si nul Templier en son idolâtrie bien affermi mourait dans la malice, on le faisait ardoir et de la poudre de lui donnait-on à manger aux autres ; qu'encore faisaient-ils pis, car un enfant nouvel engendré d'un Templier en une pucelle était cuit et rôti au feu, et toute la graisse ostée, de laquelle estait sacrée et ointe leur idole ; finalement qu'ils adoraient le Diable, qui leur apparaissait en leurs réunions sous la forme d'un chat. »
« Lorsqu'ils recevaient des suers (sœurs) en bas-âge, les Maîtres en faisaient leurs volontez et en avaient enfants, dont ils faisaient frères de religion. »
Michelet veut expliquer les chefs de l'acte d'accusation en disant que c'était une pantomime empruntée aux Mystères du paganisme et aux rites mêmes de l'Église primitive. D'autres disent que les Templiers étaient des Gnostiques.
Un Templier, dans sa déposition, dit de « la statue à double face » qu'on lui avait fait croire que cette tête barbue et d'aspect terrible était la tête d'une des onze mille Vierges de l'Évangile. Quant au chat qui apparaît dans le procès, des témoins affirment l'avoir vu. Les uns disent que le Diable apparaît sous la forme d'un chat, d'autres disent sous celle d'une femme, ce qui ne leur paraissait pas contradictoire, la femme et son animal favori se mêlant dans leur imagination.
Quand les chevaliers du Temple subirent la persécution, quelques échappés vinrent se réfugier en Ecosse, dans le petit village de Kilwinning, dans les Etats de Robert Bruce, qui les accueillit favorablement.
Ils fondèrent une Loge, dans laquelle ils conservèrent secrètement les mystères des Templiers, le dépôt sacré des vieilles traditions. Ce sont ces Templiers qui devinrent les fondateurs du Rite écossais. Le plus ancien Rite, celui d'Hérodom, possède à son siège central une charte octroyée par le roi Robert Bruce à la Loge de Kilwinning, la première du Rite écossais, la Loge-Mère.
(1) Mende provient du mot phénicien « Meniah » qui signifiait « Tribut ». En effet, l'un des trois chemins tracés par les phéniciens pour exploiter les mines d'or et d'argent des Cévennes, était celui qui mène de Ganges au Vigan, en suivant le cours de l'Hérault. Celui-ci était destiné à percer les Cévennes, et à conduire à travers les montagnes de la Lozère, jusqu'à Mende, lieu ainsi nommé à cause du tribut qu'il payait. Le nom de la Lozère, qui est aussi phénicien, vient des mots « Lôz-artz », qui expriment une tortuosité de la terre, un accès difficile, un obstacle. (Fabre d'Olivet, Mes souvenirs)

À PROPOS DU RITE D'HÉRODOM
Il existe encore dans la Franc-Maçonnerie moderne un Rite dit d'Hérodom, qui est considéré comme la continuation directe du Rite qui a précédé tous les autres. On l'appelle aussi Rite de Kilwinning, et encore Rite ancien et de Perfection.
On a beaucoup cherché l'étymologie du mot Hérodom, sans rien trouver parce qu'on n'est pas remonté assez loin dans l'histoire des sociétés secrètes. On y retrouve le mot latin hœres, héritier, au génitif pluriel hœredum, et, pour comprendre la réelle signification de ce mot, il faut se rappeler que Junon est appelée Souveraine, Hera, en grec, et que ceux qui avaient hérité étaient appelés Hérès. Ceux qui servaient Junon étaient les Hérésides, et c'est de ce mot qu'on a fait héritier.
Des représentations symboliques en l'honneur de Junon étaient appelées Héréenes, d'où Hérodom.
Les initiés de Kilwinning donnaient le nom de Très-Sage à leur président.
Ragon, ayant à parler de la légendaire montagne d'Hérodom, l'appelle une « montagne fictive ». (Rituel du Maître, p. 72,)
Ida est la montagne consacrée à Cybèle, quelquefois appelée Idæe, ou surnommée Idéenne. Les Corybanthes, qu'on trouve dans les Mystères, sont appelées Idéennes.
Rappelant les traditions passées, on montre que la grande Déesse des Galates portait le nom de Mater Idæa, que ses fidèles lui prêtaient serment sur le dolmen (eedt signifie serment, et hito pierre noire), et que de Madre Idæa on a fait Madrid. Enfin, sur les pierres qui formaient cette enceinte olympienne étaient les momies, c'est-à-dire les Grandes Déesses, oor-ahn (oor, grand, ahn, parent), ce qui fit donner au ciel symbolique le nom de Ouranos (Dictionnaire Celtique).
Nous trouvons encore une autre façon de représenter le Mont Ida. Le pays Kymris se disait aussi Cimmérien, et de ce mot on fit cime ; comme de Kaldée, qu'il avait formée, on fit crête ; une élévation, une montagne, une cime.
De là cette métaphore : « entasser montagne sur montagne pour escalader le ciel ».
Et pour prouver que ce sont bien les Kymris qui ont cette supériorité, on rappelle qu'un prêtre de Bélénus, d'après Ausone, est appelé Beleni Ædituus (professeur). Or les prêtres de Bélénus, ce sont les Druides.
Rappelons que les Kymris ou Belges, et les Gallois d'Armorique sont les deux grandes divisions du rameau celte gallois (Galls, Galli, Galates, Galatæ). Ce rameau diffère essentiellement du rameau gaélique d'Ecosse et d'Irlande.
Le rite d'Hérodom se compose actuellement de 25 degrés ; mais sa première classe, qui fut sans doute la primitive, comprend trois degrés comme les Mystères druidiques. Ce sont les trois degrés de l'Ecole Pythagoricienne.
Si nous rapprochons maintenant le nom de Junon de sa forme première, nous voyons que c'est un dérivé du nom de Ana (Jana) qui signifie ancien.
Hera représente donc l'héritage de la science ancienne, celle qui fut formulée dans l'A-Vesta par Ardui-Ana-ita.
Le mot as (ans ou hans), qui signifie ancien (d'où ancêtre), est le titre honorifique des Mères (les anciennes). De là, la hanse germanique et les villes hanséatiques.
La Mère, appelée aïeule, donne l'idée du culte des ancêtres. On honore la Voluspa (Edda) et Taoth, la première révélatrice.
C'est ce qui irrite l'orgueil des masculinistes. Pourquoi honorer une femme et pas un homme ? Et c'est là le premier germe de l'idée qui fit créer des dieux mâles.
Nous trouvons ces nouveaux Mystères en Egypte, d'où ils passent à Corinthe où Isis porte le surnom de Pélasgique.
En l'honneur de Cybèle, on célébrait les Phrygies. Cette Déesse est la Mère de la Phrygie, la Mère Phrygienne (Mater Phrygia), la bonne Mère, Mâ, appelée Dindymène par les Grecs. (N'est-ce pas de ce mot qu'on a fait dinde ?) De la Grèce, ces Mystères passent à Rome vers le temps de Sylla, dit-on.
Les Mégalésies étaient des fêtes et des jeux solennels en l'honneur de la Grande Mère des dieux.
Les Matralies étaient des fêtes en l'honneur de Matuta. La fête des Dames romaines était appelée Matronalies.
Il y avait aussi les Matères ou les Mères, qui étaient symbolisées par des Déesses révérées à Engyon, ville de Sicile.
On célébrait aussi des Mystères à Samos, île de la mer Méditerranée, vis-à-vis de l'Ionie, en l'honneur de Junon qui y était adorée et qu'on avait surnommée Samienne.
On appelait lustration une cérémonie religieuse très fréquente chez les Romains. Elle se faisait ordinairement par des aspersions, des processions, des sacrifices d'expiation. Les plus solennelles à Rome étaient celles des fêtes lustrales, qui se célébraient de cinq ans en cinq ans, d'où vient l'usage de compter par lustres (comme les Olympiades). C'était la période de renouvellement des unions consacrées pour cinq ans.
Le mot lustration, qui éveille une idée de propreté, rappelle le mot sabéisme (voir l'article sur la Perse) qui contenait la même idée ; ce qui prouve que les hommes n'ont gardé que ce souvenir, alors que toute la partie abstraite de l'enseignement donné dans les Mystères avait disparu. Les ministres de Cybèle se nommaient Galli, ainsi que les ministres de Mabog. (Voir Cailleux, Or. Celt., p. 298.)
On ridiculisa Cybèle et les Sibylles.
De Cybèle on fit Cyboleth, en attendant les Catholiques qui en feront Saint Sabadius, et comme les Sibylles avaient rétabli la loi de la communion sanctifiée et réglementée, la Sibylle devint le vase d'élection, ce qui fera donner le nom de ciboire au vase dans lequel les prêtres catholiques conservaient les hosties consacrées, image des anciens épis de la Déesse Cybèle.
La Sibylle garda le prestige mystérieux de la femme cachée comme l'antique Schyl (Achille) d'Homère, dont elle semble une résurrection. Faisons remarquer que les Mystères sont toujours fondés par trois femmes : un triangle. Et c'est de là que vient l'idée du tré-pied des Prêtresses. Dans la langue germanique, trois se dit drey et pied fus. Voilà donc un nom, Dreyfus, qui a une haute signification mystique.
La Prêtresse, pour enseigner, s'asseyait sur un trépied sacré, ordinairement d'or ou d'argent, devenu une espèce de petite table triangulaire qui existe encore dans les Loges maçonniques.

LA DÉFAITE DES TEMPLIERS
Au 14ème siècle, on fit emprisonner le même jour tous les banquiers du royaume.
Cette mesure fut exécutée avec une ponctualité surprenante par tous les baillis, auxquels Philippe le Bel fit parvenir des plis cachetés que chacun d'eux devait ouvrir le 13 octobre 1307, le jour de la fête de saint Edouard, patron du roi d'Angleterre. (Quatre ans plus tard, à la même date, eut lieu la suppression canonique de l'Ordre du Temple.)
On a voulu voir, dans le procès des Templiers, une question économique et sociale, laissant au second plan la question d'hérésie. Mais nous croyons que le vrai motif fut justement celui auquel on donnait le moins d'importance, et c'est cette diplomatie qui donna à ce procès un caractère mystérieux. Les Templiers cherchaient à asseoir leur domination sur l'administration de la fortune des grands. C'était très adroit ; ainsi seulement ils auraient pu prendre la direction du monde.
Le pouvoir des Templiers contrebalançait celui de Rome, ils avaient avec eux des rois et des puissants. Les Templiers cherchaient à centraliser, dans le Temple de Londres, les annates (taxe ou redevance que devaient payer au pape les titulaires de bénéfices conférés en consistoire, lorsqu'ils recevaient leurs bulles). Ils auraient aussi centralisé les encaisses métalliques qui constituaient la richesse mobilière de la France ; s'ils avaient atteint ce but, la puissance de Rome aurait été remplacée par celle de Londres, et le Catholicisme aurait sombré devant le Johannisme.
Ce furent les hauts barons anglais qui firent échouer ce projet.
L'origine des barons d'Angleterre doit être rappelée.
Quand, en 1066, Guillaume le Conquérant amena avec lui du continent des aventuriers et des mercenaires, il y eut, parmi ses compagnons, des gens pratiques et rusés qui, pour spolier les biens des Saxons d'une façon qui semblait leur donner un caractère d'honnêteté, demandèrent simplement à épouser une Saxonne ; ainsi ils prenaient possession de la femme et des châteaux.
C'est l'escroquerie au mariage ; leurs enfants légitimes par ces mariages se virent possesseurs du sol, et dès lors ces nouveaux barons rendirent inaliénable, dans leurs familles, la propriété de ces biens fonciers.
L'origine de ces barons nous les montre donc comme des gens peu scrupuleux, ne voyant dans la femme qu'un moyen d'arriver à leurs fins, instituant des privilèges monstrueux, c'est-à-dire des gens qui étaient en tout l'opposé des Templiers, qui gardaient le principe de la Justice, de l'honnêteté et du respect de la Femme. Il devait donc y avoir lutte entre eux.
Ces barons, qui étaient des aventuriers dans leur pays, établirent en Angleterre le régime masculiniste, c'est-à-dire l'asservissement de la femme par le mariage, qui laissait à l'homme l'administration de ses biens et tous ses droits.
Les Templiers fournirent de l'argent à Jean sans Terre pour lutter contre ses barons.
Le pape Innocent III dépendait des chevaliers du Temple qui étaient ses banquiers et ses administrateurs. Les Templiers conseillèrent à Jean sans Terre de réclamer l'assistance du pape contre les barons masculinistes.
Les Templiers avaient eu cette grande adresse de chercher à gagner les rois et même les papes pour faire triompher leurs idées, car le Christianisme, depuis sa fondation, avait toujours flotté entre ses deux formes primitives, celle de Pierre (le Johannisme) et celle de Paul (le Jésuisme).
Le pape Innocent III soutenait la cause des Templiers et défendait envers et contre tous le fidèle Jean Plantagenet. Il lança l'anathème de l'Église contre les barons masculinistes révoltés. Et alors ces hommes, qui n'avaient rien de divin, donnèrent à leur armée le nom de milice de Dieu (leur Dieu). Les barons cherchaient les moyens de supprimer les Templiers, à cause de leurs idées et à cause de leur intervention comme banquiers.
Ce sont eux qui, pour créer un pouvoir en face des chevaliers tout puissants, firent discuter par des légistes les prérogatives de la couronne, en affirmant les droits des Parlements que la monarchie britannique devait désormais subir. Ils mettaient dans ces Parlements masculins leur espoir de Voir se consolider définitivement le pouvoir de l'homme.
En France, ce fut autre chose, le Parlement était créé par le monarque contre les seigneurs. Les rois de France suivaient la même politique masculiniste que les barons anglais. Ils poursuivaient le même but : établir le droit de l'homme sur la ruine de l'ancien régime celtique basé sur le droit de la Femme. Des alliances occultes se faisaient autour de ces deux partis qui agissaient sourdement, sournoisement.
C'est ainsi que les Templiers soutenaient secrètement les Flamands. Les monnaies frappées par Jean sans Terre dans son comté de Poitou portent comme estampille une faucille suspendue, comme couperet, au-dessus de la fleur de lys. C'était significatif : la fleur de lys, le pouvoir celtique féminin, menacé par le couperet masculiniste.
Cependant, ce sont eux qui devaient triompher le jour de la défaite des Templiers.
Les Templiers furent supprimés brusquement de l'échiquier politique au moment où ils s'y attendaient le moins. Un coup de foudre les frappa en 1307, en plein triomphe. L'Ordre religieux fut détruit grâce à la décision du Concile de Vienne. Ce fut ce que, dans le langage moderne, on appelle un krach formidable ; leurs maisons de banque s'effondrèrent en France ; mais le Temple de Londres capitalisa ses richesses et se prépara silencieusement à une nouvelle lutte : à partir du jour où la trahison obligea les Templiers à agir dans l'ombre, ils jetèrent les immenses capitaux qui leur restaient dans l'industrie. Et ce fut en Flandre, à Bruges et à Gand, qu'ils établirent leur centre d'opération, donnant au pays une impulsion vers l'industrie en employant leurs capitaux à la fondation d'usines ; et ce furent les ouvriers flamands qui apprirent aux hommes d'Outre-Manche les arts et les métiers qui florissaient alors dans la Flandre. Si ces hommes ne portaient pas le costume des Templiers, ils propageaient leurs principes.
Après la suppression officielle de l'Ordre, les chevaliers du Temple qui créèrent l'industrie furent appelés chevaliers d'industrie, et leurs ennemis prirent bientôt ce titre en mauvaise part.
Cependant, ils jouissent de privilèges conférés par le roi d'Angleterre, en vertu desquels ils sont créés chevaliers bannerets, acquièrent le droit de sceau, prennent place au Parlement et nomment 12 membres sur 24 dans le grand Conseil du monarque. Ils composent une oligarchie financière en lutte avec les hauts barons catholiques, qui créent une aristocratie territoriale.
Cette lutte de caste, dont nous voyons ici les commencements, dure encore ; c'est l'hostilité des Whigs et des Tories, des libéraux et des conservateurs, des masculinistes et des féministes, qui se perpétua à travers la guerre des Deux Roses.
Les Whigs représentent toujours la noblesse des chevaliers du Temple (1).
L'Ordre des Templiers s'est depuis fondu dans la Franc-Maçonnerie.
(1) « Le parcours du Parti whig est assez similaire à celui du Parti radical français : qualifié de « libéral », prospère au XIXème siècle et considéré alors plutôt comme à gauche du spectre politique, puis rejeté de plus en plus vers le centre par l'apparition de nouveaux partis, avant de quasiment disparaître. Cette disparition presque totale de la représentation Whig au parlement, au profit du Parti travailliste, eut lieu pour l'essentiel dans les années 1930. » (Wikipédia)


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« Le monde s'est divisé entre Conservateurs et Progressistes.
L'affaire des Progressistes est de continuer à commettre des erreurs. L'affaire des Conservateurs est d'éviter que les erreurs ne soient corrigées. »
(G. K. Chesterton)


À suivre : LES CATHARES