LES CROISADES



« En avant pour Dieu et Madame sainte Marie »



Rien autant que la luxure ne détruit les vertus de l'âme
(Saint Bernard : XIIIème sermon aux Croisés)



ORIGINE DES CROISADES
Le Culte de Marie au XIème siècle
Pendant que le prêtre ne veut plus connaître la vraie femme, en qui il craint de trouver la vengeresse et la justicière, il crée, pour imiter cette justice, un Dieu de colère et de vengeance.
Mais, si la vraie femme disparaît, celle qui la remplace, celle en qui il résume la féminité, s'élève sans cesse dans son esprit et s'idéalise dans le ciel imaginaire où il l'a placée.
Marie, reine des douleurs et des gloires, plane à une hauteur où l'imagination de l'homme ne peut atteindre dans la Vie réelle.
A chaque coin de rue, on élevait une petite niche avec une statue de la Madone grossièrement sculptée, et on l'ornait de fleurs. Pendant la nuit, des lampes brûlaient devant ces niches, qui, le samedi, étaient grandement illuminées ; ce fut le premier éclairage des rues.
Cet éclairage était un symbole, puisqu'il représentait la lumière de l'Esprit féminin. Il fut remplacé par des lumières profanes, plus brillantes physiquement, mais qui ne symbolisent plus l'Esprit qui s'éteignit avec le culte de la Femme.
Les lampes mystiques des Madones, qui brillaient de loin en loin, comme un cordon d'étoiles, à travers les fleurs, rappelaient, que l'Esprit divin féminin avait brillé sur le monde, en même temps que l'amour.
Et, quand le vagabond, égaré la nuit, apercevait cette lumière, cette image et ces fleurs, il s'arrêtait au seuil du crime, comme averti par une voix mystérieuse qu'il y a au-dessus de l'homme une pensée supérieure qui le juge, une femme divine qui peut l'aimer, une justicière qui le menace, et cela le ramenait au bien.
Le coin de terre qui entoure le petit autel de la Madone est Terre Sacrée.
En ce lieu-là, le brigand le plus farouche n'oserait tirer son poignard, et il y prie sans savoir pourquoi, sans comprendre ce qu'il dit. C'est le dernier lien qui l'attache au culte naturel de la Déesse, lien mystérieux dont les racines sont au fond du cœur de l'homme.
Ces petites chapelles solitaires, perdues au milieu des rochers ou des bois, réveillent dans l'âme du voyageur le moins religieux mille sensations lointaines, qui ressemblent au parfum, longtemps oublié d'une fleur du pays natal, qui s'offre inopinément à nos yeux dans une contrée étrangère.
Le pèlerinage le plus fameux était celui de la Santissima Casa di Loreto, la Sainte Maison de Nazareth, vénérée du temps des premiers Chrétiens. Sainte Hélène l'entoura d'un temple qui reçut le nom de Sainte-Marie.
Sous la domination des califes arabes, une foule de pèlerins Francs, restés fidèles à la doctrine johannite, venaient visiter les lieux où le premier Christianisme s'était élevé (voir l'article sur les origines et l'histoire du Christianisme).
Mais, lorsque les Turcs eurent asservi leurs anciens maîtres, les pèlerins d'Europe qui s'aventuraient en Syrie pour visiter Jérusalem et Nazareth essuyèrent des traitements barbares dont le récit enflamma de courroux l'Occident.
Un de ces hommes, maltraité par les Turcs, Pierre l'Ermite, revint en Europe raconter ces vexations et exciter toute la Chrétienté à la vengeance.
Le Concile de Plaisance, auquel assistèrent 30.000 personnes, décida la guerre contre les infidèles.
L'an 1095, sous le pape Urbain II, il fut tenu un Concile à Clermont en Auvergne où on proclama la Croisade dont Godefroy de Bouillon fut le chef.
À Naples, la fête de Notre-Dame du Carmel avait quelque chose de chevaleresque. Un spectacle appelé « Gran Festa » reproduisait la lutte des fidèles contre les infidèles.
Les masculinistes n'avoueront pas cette origine.
Les falsificateurs de l'Histoire diront que le premier prétexte de ce mouvement extraordinaire fut le bruit qui s'était répandu dans toute l'Europe que la fin du monde allait arriver.
Les prêtres, exploitant cet idéal, firent croire aux populations crédules que Jésus allait revenir pour juger les hommes, et que c'est pour cela qu'il fallait aller délivrer la Palestine, tombée entre les mains des Turcs.
Quand on annonça une expédition en Palestine, un immense tourbillon se produisit en Occident dans la masse masculine, avide de mouvement, de luttes, de déplacement, c'est pour cela qu'elle suit les conquérants. Elle ne leur demande pas pourquoi on la fait marcher ; elle marche, cela lui suffit, puisque c'est la vie libre entre hommes, l'action violente, brutale, développant les instincts profonds de la nature masculine, cela les grise, c'est pour cela qu'ils aiment la guerre, et nous n'ajoutons pas le plaisir de tuer, quoiqu'il s'en trouve dans la masse que ce motif séduit.
Pierre l'Ermite organisa la première Croisade, à laquelle prit part Godefroy de Bouillon. Il conduisit 80.000 hommes ignorants et fanatiques qui, pour gagner des partisans, ensanglantèrent leur route, la couvrirent de cadavres, au nom de Jésus.
Les vrais fauteurs de l'engouement des masses pour les Croisades furent l'entraînement : faire ce que font les autres ; le mouvement : s'il y a un déplacement, en être ; puis l'orgueil : porter des insignes qui représentaient une croyance pour avoir l'air de croire quelque chose, alors même qu'on ignore sur quoi la doctrine que le symbole représente est basée ; ensuite, se créer entre hommes une solidarité, dont les femmes ne seront pas, se donner à ce sujet un air de supériorité sur elles.
Le vrai motif ?
Qu'importe, pourvu qu'on se remue, qu'on parcoure du chemin, qu'on voie un pays nouveau, qu'on s'amuse, pourvu surtout qu'on se batte ? La Croisade fit une diversion à la vie monotone des châteaux.
Les auteurs contemporains disent que six millions d'hommes prirent la croix. Il s'agissait de défendre une chimère ; des flots de sang coulèrent.
Toute l'Europe se jeta sur l'Asie. Des femmes même y allèrent. La veuve d'un roi de Hongrie avait pris la croix et s'était mise à la tête d'une partie des femmes croisées.
Des pédagogues emmenèrent en Palestine plusieurs milliers d'enfants. Le fanatisme faisait son œuvre.
Cependant, Pierre l'Ermite ne parvint pas en Palestine. Il mourut avant d'y arriver, le 17 juillet 1095.
Pierre l'Ermite était né dans le diocèse d'Amiens ; il avait guerroyé en Flandre.
Godefroy de Bouillon fut plus heureux, il arriva jusqu'à Jérusalem et s'en empara le 15 juillet 1099, et y fonda un royaume passager.
Pourquoi ne déclara-t-il pas Jérusalem la capitale du monde chrétien, la ville sainte, la ville sacrée ? Parce qu'à Jérusalem il ne trouva pas l'ombre de Jésus, il trouva le souvenir de la Reine Daud, la tradition féministe toujours vivante.
On était mal à l'aise, dans cette ville où s'était déroulée la dramatique histoire de Daud (David), et où avaient régné les filles de Sion.
Rappelons que Daud, dont on a changé le sexe, est devenue le roi David. (Voir article sur l'Israélisme)

CROISADES
Il y a des pays qui sont des terres d'histoire. Tout l'intérêt qu'elles ont pour nous vient des événements dont elles ont été le théâtre. On ressent une vive émotion à la vue du cadre, témoin impassible, dans lequel un grand fait s'est accompli. En présence du ciel qui n'a pas changé, de la nature immuable, des pierres témoins muets des âges de l'humanité, on pense au résultat des choses accomplies.
En Judée, on a cherché la trace de Jésus, on a essayé de ressaisir le souvenir ambiant que laisse une grande personnalité dans l'atmosphère où elle a vécu… On n'y a trouvé que l'ombre de David, la place de son palais, la porte de fer qui porte son nom : « NABI-DAUD ». Rien n'y atteste le passage du Galiléen, dont on a fait l'histoire avec la légende de la grande Reine.
Et, en face de ce paysage, cette terre est celle sur laquelle elle a posé son pied divin ; c'est ici qu'elle a aimé les hommes qui l'ont tant fait souffrir ; les roses qui poussent dans ces jardins sont les rejetons des rosiers qu'elle a connus. Tous les Orientaux appellent Jérusalem la sainte et noble ville.
Nous avons vu que le vrai motif de la Croisade ne fut pas du tout, comme le dit l'Église, la délivrance du Saint Sépulcre, que ce fut l'idée de défendre le sanctuaire profané de Marie.
C'est pourquoi on l'appelle la Déesse des Croisés, on lui adresse des chants d'amour et d'espérance.
Le cri de guerre des chevaliers était : « En avant pour Dieu et Madame sainte Marie ».
Lorsque Godefroy de Bouillon eut été proclamé roi de Jérusalem, Tancrède, dont le Tasse a chanté les hauts faits, fut nommé gouverneur de la Galilée. Ce prince fit de somptueuses offrandes à l'église de Nazareth, consacrée à Notre-Dame de Jérusalem.
Donc, le but des Croisades fut complexe. Pendant que les sincères allaient protester contre la profanation du régime des Déesses, les prêtres de Jésus y allaient pour affirmer leur dieu et rechercher sa croix, qui n'avait jamais existé.
Pierre Loti, qui a visité la Palestine, y a cherché le fantôme de Jésus, mais il avoue qu'après avoir forcé sa pensée par autosuggestion, après s'être efforcé de se remettre en présence des souvenirs du dieu chrétien, il n'a pas vu apparaître l'émotion que donnent les réalités, il est resté insensible et froid, et, s'en rendant compte, il s'en excuse au début de son livre sur la Palestine.
Palestine. Ah ! s'il avait connu l'histoire de David, comme tout son être aurait tressailli dans ces lieux saints, quelle grande émotion vraiment religieuse il aurait ressentie ! S'il n'a pas « trompé » Jésus en Galilée et à Jérusalem, c'est parce que, bien réellement, jamais il n'y a été, aucun souvenir atavique n'en a conservé le souvenir vivant... Et l'un des critiques qui analysaient son livre disait dans le Journal des Débats :
« Il a préféré être loyal, il n'a pas cherché à nous en imposer. Nous sommes prévenus. Les efforts que le voyageur a faits pour « se mettre au ton » ont été vains. Il a parcouru le pays sans en rien apercevoir que l'aspect extérieur. La Galilée qu'il nous peint est une Galilée sans Christ. »
La lutte des Musulmans contre la civilisation, c'était un aspect de la lutte de l'homme contre la Femme, lutte qui prenait alors un singulier degré de violence et de vandalisme.
Lorsque Pierre l'Ermite et saint Bernard prêchèrent les Croisades, c'était inconsciemment pour défendre le pouvoir de la Femme attaquée qu'ils s'armaient.
M. Schlumberger a fait un rapport à l'Académie des Inscriptions sur les découvertes faites dans l'église d'Arvougesh près Jérusalem, l'ancien tombeau de la Vierge, l'ancienne abbaye de Notre-Dame de Josaphat des Croisades, par les Bénédictins qui se sont établis en ce lieu à la suite de la cession faite par le gouvernement turc à la France.
L'histoire ne les a pas mentionnés, parce que c'était avouer le vrai motif de la lutte.
Ils ont retrouvé entre autres un vaste ensemble de peintures décoratives du plus haut intérêt pour l'histoire artistique et archéologique du royaume chrétien de Jérusalem à l'époque des Croisades.
L'Église, qui masculinisait tout, prétendit qu'il s'agissait de la délivrance du Saint Sépulcre. Mais, puisque Jésus était monté au Ciel le jour de l'Ascension, il n'était dans aucun sépulcre, il était au Ciel près de son père, Dieu le Père.
Nous savons bien que Marie aussi était montée au Ciel le jour de l'Assomption, et que sa personnalité n'a pas plus de réalité que celle de son fils, mais Marie représente l'ancienne Myriam, la femme réelle, elle est devenue un symbole. Et puis encore, c'est la seule que l'Église accepte, elle est devenue la représentation mystique de la féminité, celle à laquelle il faut adresser son adoration et sa prière, principal bonheur de l'âme masculine depuis que la profanation du prêtre a tué son élan en avilissant l'Amour.
Le résultat des croisades fut double : si les féministes revinrent en possession de la tradition antique cachée dans les Mystères (1), les masculinistes revinrent plus mauvais qu'ils n'étaient partis ; ils se corrompirent au contact et à l'exemple des Musulmans ; ils revinrent imprégnés de leurs mœurs. Et, pendant ce temps, le progrès de l'erreur changeait la France et transformait l'Europe.
De vastes confréries masculines mettaient en commun leurs efforts et leurs richesses et s'organisaient pour élever des cathédrales qui allaient étonner le monde.
(1) Le Chevalier du Serpent d'Airain (25ème degré de la Franc-Maçonnerie)
Pendant les Croisades, on avait retrouvé la tradition sacrée, l'histoire réelle du Sinaï, le Buisson ardent et la personnalité de HeVaH. Le 25ème degré des Mystères fut créé par des chevaliers qui, étant en Palestine, avaient trouvé des Israélites captifs des Musulmans et les avaient délivrés. Ceux-ci, en reconnaissance leur firent connaître la tradition du Serpent d'airain, qui s'était perpétuée en Judée, et alors ces croisés, émerveillés de cette lumière apportée à leur esprit, abandonnèrent leurs anciens préjugés et se dévouèrent à l'étude des sciences antiques et au culte de la vraie Divinité HEVAH, en même temps qu'à la délivrance des captifs. Ce fut l'origine de la fondation de l'Ordre des Templiers.
Le Serpent d'airain représente la tyrannie, l'intolérance et la superstition ; il entoure le T, symbole de la Divinité féminine ; c'est la persécution sous toutes ses formes, il est l'ennemi de l'Ange de lumière Hévah-Lucifer. Mais la vertu triomphera fatalement du vice, les persécutions prendront fin, et la vérité sera connue.
Dans ce grade, on rappelle l'éternité du Cosmos et on précise l'œuvre du grand Architecte : la Déesse-Mère, qui crée l'enfant et organise le monde.

LES HOSPITALIERS DE SAINT-JEAN ET LES TEMPLIERS
C'est Raymond Dupuy qui créa l'Ordre des Hospitaliers de Saint-Jean, dont le siège était à Saint-Jean d'Acre (1). Puis, en 1118, Hugues de Paganis, Geoffroy de Saint-Adhémar et sept autres chevaliers français, qui avaient suivi Godefroy de Bouillon en Palestine, fondèrent le premier noyau de l'Ordre du Temple, qui était tout à la fois militaire et religieux, quoique, par le mot religion, on n'entendît pas une adhésion au Catholicisme romain, mais l'obéissance à une règle de morale dirigeant la vie.
Baudouin II, roi de Jérusalem, leur accorda pour demeure un palais construit sur l'emplacement de l'ancien Temple de David (dit de Salomon). C'est ce qui leur fit donner le nom de Chevaliers du Temple, ou Templiers. Par la suite, ils appelèrent « Temple » toutes leurs maisons.
Ils étaient pauvres au début, ce qui leur avait valu le surnom de « Pauvres de la Sainte Cité ». Cependant, les fondateurs de cet Ordre ne pensaient pas, au début, se mettre en opposition avec l'Église ; au contraire. Hugues de Paganis se présenta en 1128 devant le Concile de Troyes, y exposa le plan de sa société et en obtint la confirmation. Il parcourut ensuite la France, l'Angleterre, l'Espagne, l'Italie, et recueillit partout de nombreux adhérents et de riches donations. Quand il revint en Palestine, il était suivi d'une véritable armée de prosélytes.
L'Ordre était divisé en 4 classes : les Chevaliers, les Écuyers, les Frères lais, et les prêtres chargés des cérémonies religieuses. Les principales dignités étaient celles du Grand-Maître, des Précepteurs ou Grands-Prieurs, des Visiteurs, des Commandeurs, etc.
Le Grand-Maître, pris, ainsi que les autres dignitaires, dans la classe des chevaliers, tous nobles de naissance, avait rang de prince et se regardait comme l'égal des souverains, l'Ordre étant affranchi par ses statuts de toute juridiction temporelle. A leur réception, les Chevaliers du Temple prononçaient les trois vœux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance. Lors de leur fondation, ils les prononcèrent aux pieds de Garimond, patriarche de Jérusalem. En recevant un nouveau chevalier, on lui disait : « Vous allez prendre de grands engagements. Vous serez exposé à beaucoup de peines et de dangers. Il vous faudra veiller quand vous voudrez dormir ; supporter la fatigue quand vous voudrez vous reposer ; souffrir la soif et la faim quand vous voudrez boire et manger ; passer dans un pays quand vous voudrez rester dans un autre. »
Jusqu'en 1186, époque de la ruine de Jérusalem, ils ajoutaient un quatrième vœu à ceux que nous avons mentionnés ; ils s'obligeaient à défendre les pèlerins et à tenir les chemins libres pour ceux qui entreprendraient le voyage en Palestine. Ils devaient renoncer à tous liens de famille et ne pouvaient rien posséder en propre ; c'était l'Ordre qui se chargeait de leur entretien.
Les chevaliers portaient une armure et, par-dessus, un manteau blanc de laine orné d'une large croix rouge. Les prêtres avaient un costume blanc ; celui des frères lais était gris et noir. Tous portaient une ceinture de lin qui devait leur rappeler leur vœu de chasteté.
C'est saint Bernard qui avait rédigé leur règle. Dans son admiration pour les Templiers, il disait d'eux : « Ils vivent sans rien avoir en propre, pas même leur volonté. Vêtus simplement et couverts de poussière, ils ont le visage brûlé par le soleil, le regard fier et sévère ; à l'approche du combat, ils s'arment de la foi au dedans et du fer au dehors ; leurs armes sont leur unique parure ; ils s'en servent avec le plus grand courage dans les périls, sans craindre ni le nombre ni la force des barbares ; toute leur confiance est dans le Dieu des Armées, et, en combattant pour sa cause, ils cherchent une victoire certaine ou une mort sainte et glorieuse. »
Qu'est-ce que les Templiers entendaient par le Dieu des Armées ? Quelle était leur pensée en s'abritant dans des Temples, dont la dénomination même devrait rappeler le premier Temple de Jérusalem, celui de David (Daud) ? Quelle était, en réalité, la Religion pour laquelle ils allaient combattre ? C'est ce que l'avenir va bientôt nous apprendre. Disons seulement ceci : les Templiers voulaient reconquérir le monde pour y faire renaître l'ancienne Vérité perdue, dont ils conservaient le symbolisme. On ne la connaissait pas tout entière, mais en avaient des aperçus très étendus. Les pièces frappées sous leur influence au temps de Richard Cœur-de-Lion et de Jean sans Terre portent toutes les symboles de l'antique tradition : l'Étoile à six branches, la Croix grecque, le Sceau de Salomon, un croissant de lune.
Richard Cœur-de-Lion fut l'homme-lige des Templiers et, à son retour de Terre Sainte, obtint du Grand-Maître de l'Ordre le droit de porter le costume des moines guerriers sans prononcer les trois vœux ostensibles qu'on exigeait des initiés.
Les Templiers sont des hommes d'affaires, des financiers. Dès le milieu du 12ème siècle, ils sont les seuls banquiers. L'Ordre du Temple, sous Philippe-Auguste, est déjà une grande puissance internationale. Il a partout des commanderies et des forteresses, malgré l'esprit de la règle donnée par saint Bernard en 72 articles, et qui pouvait se résumer dans ce mot du célèbre abbé de Citeaux aux premiers Templiers : « Pas un pan de mur, pas un pouce de terre ! »
Mais c'est le pape qui avait donné l'ordre de rédiger ainsi cette règle avec l'assentiment du Concile de Troyes. Il faut croire que les ordres des papes ne les embarrassaient guère, car on les vit bientôt devenir des courtiers de banque et des agents d'affaires (c'est du moins ainsi que leurs ennemis les représentent).
En 1185, les Temples de Paris et de Londres, immenses domaines enclos et fortifiés, situés au cœur de ces villes, sont devenus des établissements publics de crédit. Au début du 13ème siècle, ils inspirent une si grande confiance par leur intégrité et la forte organisation financière de leur Ordre, que c'était une coutume prise, par tous les souverains et barons d'Europe, de confier leurs trésors aux Templiers. Leurs couvents étaient de véritables banques, où l'on faisait des dépôts et où l'on avait des comptes courants.
Les Templiers apportaient dans leurs rapports avec leurs clients une affabilité et une probité exemplaires. C'est ce qui leur valut leur grand prestige et leur assura le monopole des transactions.
Le bon renom de la comptabilité permit bientôt effectivement aux Templiers d'étendre le champ de leur activité financière et de diriger pour le compte des rois, des princes et des hauts barons, leurs clients, les opérations de trésorerie les plus compliquées.
Aux Templiers, les papes confiaient presque toujours le soin de recevoir, de garder et de délivrer aux porteurs de chèques les sommes levées au profit de saint Pierre ou pour les préparatifs des Croisades.
Le Temple de Paris fut, pendant plus d'un siècle, depuis Philippe-Auguste jusqu'à Philippe le Bel, le centre de l'administration des finances françaises.
Les Templiers encaissaient les produits des tailles, acquittaient beaucoup de rentes et de gages dont le budget était grevé, avançaient de l'argent au roi et remboursaient les emprunts faits par lui .
(1) Saint-Jean d'Acre, en Syrie, à 120 kilomètres Nord-Ouest de Jérusalem et à 40 kilomètres de Sour, près d'une baie circulaire formée par les ramifications du mont Carmel, avec un port sur la Méditerranée. Au Moyen Age, on l'appelait Ptolémais. Pendant les Croisades, Saint-Jean d'Acre était comme le dernier boulevard de la Chrétienté contre les Musulmans ; c'était le point de débarquement des Chrétiens et le siège de l'Ordre des Chevaliers de Saint-Jean, d'où vint le nom qu'elle porta depuis. Les Templiers la défendirent contre les Sarrasins jusqu'en 1291.

FIN DES CROISADES
En 1206, Gengis-Khan, le Grand Roi, étendit la puissance des Tartares, et la Chrétienté fut repoussée de toutes parts ; ce fut la fin des Croisades, qui n'eurent plus par la suite que des insuccès, tandis que ceux qu'on appelle les infidèles marchèrent de succès en succès.
Les Templiers rapportèrent d'Orient la Doctrine secrète des Ismaéliens, qui s'était propagée en Egypte et en Syrie. Ce sont eux qui, d'après les Catholiques, pervertirent les Templiers, c'est à-dire leur firent connaître la vérité cachée.
Aladin, un des chefs connus sous le nom de Vieux de la Montagne, régnait sur les Ismaéliens au 13ème siècle (voir l'article sur l'Islamisme et les Ismaéliens).
L'Église les combattit à outrance. On les appelait Assassins. Cet Ordre secret avait été fondé par Hassan ben Sabah, et quelques-uns croient que c'est ce nom mal prononcé qui est devenu le mot Assassin. Mackensie assure qu'ils professaient l'ésotérisme de l'Islam (1) et qu'ils ont produit de bons travaux en philosophie et en mathématiques. Le chef de l'Ordre s'appelait Sheikh el-Jebel (le Vieux de la Montagne) et possédait le droit de vie et de mort. Ceci nous explique que c'est sous l'influence des Croisades que la réflexion s'éveilla.
Après l'expédition désastreuse de saint Louis (1226-1270), ce coin de terre, que l'on regardait comme le berceau du vrai Christianisme, est défendu pied à pied par les braves Chevaliers du Temple. Ces impétueux guerriers s'indignent à la vue des Saints Lieux profanés par les Sarrasins, mais ils s'emportent également contre le Dieu des Catholiques qu'on y a fait naître. Ces deux haines mêlées nous sont révélées par un servant d'un Templier, qui, traitant le Dieu masculin comme un allié infidèle, lui demande avec amertume s'il veut absolument que le Turc fasse une mosquée de l'église de Sainte-Marie.
La Galilée devint musulmane. Alors les Catholiques inventèrent encore un miracle. Ils racontèrent que la maison de Marie fut transportée par des anges en Esclavonie et, de là, dans la Marche d'Ancône, au milieu d'un bois appartenant à une noble dame nommée Lauretta. On y éleva l'église de Loreto, une des plus belles de l'Italie.
Les Croisades répandirent, sur cette époque, une influence mystique, grâce à la sagesse des doctrines arabes et israélites, qui reparurent, et aussi à l'interprétation de l'Ancien Testament.
Sous cette influence, les Cordeliers, au 13ème siècle, composèrent un Évangile éternel suivant lequel le règne du Saint-Esprit devait être substitué à celui de Jésus.
(1) Le Coran connaît l'histoire réelle de Myriam, la Déesse égyptienne. Les Arabes l'avaient mise solennellement au nombre des 360 divinités des trois Arabies. Les Arabes gardaient la science de Myriam.

À suivre : LES TEMPLIERS