ALEXANDRE... LE GRAND ?



« Élias qui portait sur lui un joyau magique put apercevoir à la lueur des feux de la pierre précieuse le jaillissement étincelant des eaux candides. Il y jeta son poisson salé ; immédiatement celui-ci revint à la vie et s'enfuit à la nage. Élias se baigna dans la fontaine, en but l'eau. Aussi n'est-il jamais mort. Quant à Alexandre, malgré sa jument vierge, il manqua l'entrée du sentier, erra, se trompa de route et, lorsque son heure fut venue, il mourut comme tous les autres hommes. »
(Le Pèlerin Poliphile dans les Jardins antiques, la Source de Vie)




ALEXANDRE LE GRAND (356-323)
La conquête de la Perse par Alexandre ouvre une ère nouvelle pour la religion de L'Iran (de 333 à 330). Aux Achéménides succèdent des dynasties grecques sous lesquelles la religion de Zoroastre est éclipsée et une partie des Livres sacrés perdue.
C'est Alexandre qui, dans une nuit de débauche, mit de sa propre main le feu au Palais de Persépolis, dans lequel se trouvait un exemplaire de l’Avesta « écrit en caractères d'or sur des peaux de bœufs ».
Celui qui détruisait ainsi l'œuvre sacrée de la Femme antique, de la vraie Déesse, voulait lui-même les honneurs rendus aux êtres divins. Les Spartiates disaient de lui, avec dédain : « Puisqu'Alexandre veut être Dieu, qu'il soit Dieu ». Combien cela changeait les choses !...
L'histoire de ce formidable dément a une haute portée, il faut la relater, ce sera un enseignement.
Alexandre eut pour mère une Reine qui s'appelait Myrtale, mais qu'on avait surnommée Olympia. Ce devait être une femme de valeur, car elle conquit la haine des hommes.
Son terrible époux, Philippe de Macédoine, lui fit une légende, comme tous les hommes qui ont des torts et noircissent celle qui est leur victime, quand ils la quittent pour suivre d'autres amours.
Voici le conte : la veille de son mariage, elle avait conçu miraculeusement, la foudre divine avait rempli son sein ; du reste, on la disait affiliée aux rites terribles (et grotesques) que les déments de l'époque avaient institués, et ce qui le prouve, c'est qu'elle jouait avec des serpents. Philippe prétendit en avoir vu un dans son lit par le trou de la serrure. La femme avait tant assimilé l'homme au serpent que cette idée était acceptée.
Donc Alexandre eut une naissance miraculeuse ; il fut réputé « Fils de Dieu ». C'est ainsi que les hommes de cette époque se libéraient des paternités gênantes, Apollon endossait tout. Quand, au milieu des orgies bacchiques, ou apolloniennes, un fils naissait, on criait au miracle, c'était l'enfant d'Apollon ; le « fils d'un Dieu ».
L'expression restera, tous les bâtards seront des « fils de Dieu ».
Mais l'orgueil d'Alexandre ne s'accommoda pas d'une paternité aussi générale, il se déclara « Fils de Zeus-Saba » et plus tard se donna les cornes d'Ammon ; de là son surnom : le « Scander aux deux cornes » (en arabe Al-Scander, d'où Alexandre).
Dans le Coran (sourate de la Caverne), Alexandre est appelé « El-Iskandar Dhûl-Qarnein » ; « Alexandre aux deux cornes » (ou « le bicornu ») ; c'est l'épithète des conquérants « qui ont subjugué les deux extrémités du monde, l'Orient et l'Occident ».
Avant lui, Ram, le grand perturbateur et usurpateur du régime féminin en Asie, eut le même surnom. C'est pourquoi Alexandre est le second vainqueur de l'Asie dans la mémoire des Orientaux.
Rappelons que Ram est ce celte que les hindous appellent Râma. Ram était appelé le « Scander aux deux cornes » à cause du bélier qu'il avait pris pour emblème. C'est lui que le Tibet, la Chine, le Japon et les immenses régions du Nord de l'Asie honorent sous le nom de « Lama ». Il est connu sous le nom de « Fo, de « Pa », de « Pa-pa » (monarque paternel) ou de « Pa-si-pa » (Père des pères). C'est lui qu'en Perse on a appelé « Giam-Shyd » (Djamchid) et dont on a fait le premier monarque du monde. Les disciples de Ram étaient appelés « Ramsès » en Egypte.
Dans l'article consacré aux hindous, nous rappelons que les masculinistes, vainqueurs des luttes entre les Vishnouïtes (féministes) et les Çivaïtes (masculinistes), sont appelés « Esk-wander » (peuple égaré, peuple errant, tourbillon). De là le nom de « Scander » donné à tous les grands perturbateurs. Et nous venons de voir qu'en ajoutant l'article arabe « al » au mot « Scander », on a l'origine du nom « Al-exandre ».
Quand l'homme eut vaincu le pouvoir féminin, il nous raconta lui-même son histoire qu'il fit glorieuse, mettant le mérite dans le triomphe de la force sur l'esprit.
Alexandre, qui était bien le fils de Philippe de Macédoine, en eut de bonne heure la folie. Terrible hérédité ! Il avait en germe tous les vices, buveur comme Bacchus, emporté comme Hercule, rusé, comme Hermès, capable de tous les crimes et aussi de toutes les faiblesses, on le vit, quand il était dans les brouillards de l'ivresse, tuer son meilleur ami, sans aucune hésitation.
Il se fit portraiturer, mais, craignant d'être ressemblant, se donna un type conventionnel et défendit à son artiste, le fondeur Lysippe, de le représenter autrement ; il avait conscience du triste effet que ferait sur l'opinion le stigmate de ses vices. C'est ce portrait conventionnel qui nous est resté.
Aristote, son précepteur, le dirigea de 13 à 17 ans.
Fils d'un père guerrier, que les hommes admiraient parce qu'il savait vaincre, c'est-à-dire triompher du Droit des autres, que pouvait faire Alexandre, sinon continuer l'œuvre de son père ?
Il commença par une vengeance. Le jour de la mort de son père, il vendit à l'encan trente mille Grecs, des Thébains qui avaient soutenu la maison de Philippe. C'est ainsi qu'il inaugura son règne. Ce début le posa. Tout ce que le monde renfermait de gens pervers, de révoltés, se tourna vers lui, et fut tout de suite le « Dieu du Mal », incarnant la force, l'audace, la folie.
Alors, retournant l'idée messianique, les déments virent en lui un rédempteur.
Dès lors il put tout faire, d'avance il était applaudi ; aussi, mauvais guerrier autant que mauvais fils, il fit prendre à ses troupes des routes absurdes, à travers des déserts sans eau, mais qu'importe ? il les mène à l'infaillible victoire sur les droits les plus sacrés. Du reste, il avait conscience lui-même de la valeur des troupes qui le suivaient, car il disait d'elles : « Ne dirait-on pas que les Grecs parmi les Macédoniens sont des esprits parmi les bêtes ? »
C'est à Babylone, la ville de toutes les perversions, qu'Alexandre échoua, non en conquérant, mais en admirateur ; son ambition fut de prendre à ce foyer de pourriture morale tous les résidus d'une ancienne civilisation : les filles, les devins, les Mages charlatans. Tout cela fut accueilli par lui et remplit son palais. Puis, quand il sévit si fort, il voulut être l'objet d'un culte, car, à cette époque de luttes religieuses, l'Etre suprême est celui qui se fait adorer. Se faire Dieu, se faire Femme est le but de tous les déséquilibrés. Michelet apprécie ainsi cette phase de la mentalité de l'homme :
« Ce n'était pas, comme on dit, chose puérile, de vanité pure. C'était chose perverse et calculée. L'adoration était la pierre de touche pour l'abdication du bon sens et de la dignité humaine. Les Mages, ses maîtres, sentirent que là serait la Limite de l'obéissance grecque, qu'arrêté à ce pas, il haïrait la Grèce et serait Perse entièrement.
« Quand, plus tard, les Césars firent ces choses, le monde était si bas, tellement amoindri, que tout était facile. Mais au temps d'Alexandre, devant la Grèce encore vivante, dans cette haute lumière de génie, de raison, précipiter l'homme à la bête, c'était un crime fou, par-delà les Caracalla ». (La Bible de l'humanité, p. 353).
La folie d'Alexandre amusait les Grecs, on en riait, et l'on disait en badinant qu'on l'adorait, puisqu'il le voulait, mais quelle ironie ! Du reste, on pouvait jouer cette comédie, on en avait joué tant d'autres !
Cependant, il y avait encore des gens sensés en Grèce. Callisthène (le neveu d'Aristote) refusa de se prêter à cette mascarade, et cela lui coûta cher, Alexandre le fit mettre en croix, supplice usité, car déjà, quand il eut pris Gaza et le chef de la ville, il le traîna derrière son char attaché par une corde et les pieds percés.
Le fait est raconté par Ptolémée, historien et roi d'Egypte, ami et contemporain d'Alexandre. Plutarque le répète et dit qu'Alexandre dès lors recula. Callisthène, par cet acte de courage, sauva la Grèce qui, sans cela, serait tombée dans la folie macédonienne. Ce fut « la défense héroïque de l'âme et de la conscience, de la raison, écrasée sous les Dieux », dit Michelet.
Les historiens d'Alexandre qui se donnaient la tâche de fausser l'histoire, ne nous diront pas ces choses. Michelet, qui leur rend la justice qu'ils méritent, dit d'eux : « Le pire est Arrien (le seul que suit Montesquieu). Arrien vint, après des siècles, pour fausser cette histoire, pour y mettre sottement du bon sens. Il faut la laisser ce qu'elle est réellement, absurde, romanesque et folle » (La Bible de l'humanité, p. 354).
L'expédition d'Alexandre en Asie est une aventure guerrière dont on ne comprend pas le but. Que voulait-il, ce dément ? Soumettre toute la terre à sa folie ? C'est ce qu'il essaya, mais l’Asie se raidit, résista, l'accueillit avec mépris, avec horreur.
Du reste, l'armée, victime de ses aberrations, refusa, de le suivre et, sans le consulter, revint sur ses pas. C'est pendant ce retour que nous voyons cet aliéné se livrer aux pires extravagances.
Il bâtit une ville à la gloire de son chien ; il élève un superbe tombeau à son cheval. Puis il donne des fêtes, s'habille en Bacchus, prend le thyrse, fait endosser le costume des bacchantes à ses soldats, enguirlande de lierre et de roses ces hommes laids et barbus, basanés, mal bâtis, à tout cela il mêle des raffinements de débauche, toutes les infamies y figurent.
Il crée une morale militaire que ne dédaigneront pas les Césars. Puis, comme l'amour masculin a des réactions terribles, il tue les médecins, brûle le temple d'Esculape. Et les brutes qui le suivent applaudissent à tous ses exploits ; plus c'est infâme, plus c'est drôle, et l'on voit éclater une joie sauvage de se sentir libéré de toutes les contraintes, d'avoir une liberté entière dans l'outrage, pas de femmes pour protester ; le carnaval moral est devenu la règle. C'est l'homme, et le plus vil, qui est devenu... La Déesse !
« Tous sont émancipés par toutes les ordures de la guerre, dit Michelet, chacun pour l'infamie sera Bacchus, Saba, chacun Alexandre le Grand ».
Et il termine en tirant de ce règne des conclusions. Nous les résumons :
Vaste est son héritage, il consiste en trois choses :
1°) Il a tué l'espoir, la dignité humaine ; partout des pleurs, partout des mains levées au ciel.
2°) Alexandre tua la raison. Le fait prodigieux de son expédition rendit tout croyable, acceptable. On fut stupéfié. A toute chose absurde, insensée, chimérique, dont on aurait ri jusque-là, on baissa tristement la tête en disant : Pourquoi pas ?... C'est moins qu'Alexandre le Grand !
3°) La sotte imitation est la loi de ce monde. Bacchus Alexandre sera imité par les César, les Charlemagne, les Louis XIV, etc. Mais le vrai fondateur de toute sottise monarchique est plus que tous autres Alexandre ; de lui date, pour notre Europe, la mécanique royale, conservée, imitée servilement.
L'idée du roi moderne, la cour et l'étiquette, nous viennent de lui. L'ancien roi d'Orient, sacerdotal, a l'onction, le sceptre de prêtre plutôt que l'épée (il a encore les caractères de la suprématie gynécocratique, il se fait femme). Le tyran grec est un chef populaire.
Deux genres d'autorité qui pour la première fois s'unissent en Alexandre.
Dès lors la double tyrannie en un seul pèse sur la terre et pèsera.
Car le roi moderne, aux temps chrétiens, tout en portant l'épée, a la chape, le caractère du prêtre.
Et Michelet poursuit :
« C'est par là que les Mages prirent si aisément Alexandre. Son entrée triomphale à Babylone est curieuse comme idolâtrie politique, divinisation de la royauté.
« Par un chemin jonché de fleurs, entre deux longues files d'autels d'argent où fumaient les parfums, l'énorme Babylone tout entière, richesse et plaisir, sciences et arts, musique, astronomie, femmes et lions, léopards privés, jolis enfants fardés, mignons de Milytta, tout cela vint se prosterner. Il en est ébloui, enivré à ce point que ses maîtres et corrupteurs en font tout ce qu'ils veulent. Ils lui font accepter les purifications des Mages (si impurs !). Ils lui font accepter leurs puérilités solennelles, lui constituent un sérail de 365 femmes, le nombre des jours de l'année. Ils l'affublent du citarim, le diadème (de Mithra, de Bacchus), oint de la myrrhe, qui des rois fait des dieux. Maison d'or, trône d'or, sceptre d'or, le bric-à-brac royal, ils lui imposent tout cela, avec la comédie de l'aigle, l'aigle-lion, le griffon, tout ce que les Césars ont mis plus tard sur leurs enseignes ». (La Bible de, l'humanité, pp. 358 et suiv.).
Arrivons au fait capital de la vie d'Alexandre, la destruction de l'Avesta, le livre sacré des Perses, qui, malgré les altérations que lui avaient fait subir les prêtres, était le dépôt des vérités antiques, la base de la grande religion Mazdéenne.
Cette histoire a été racontée de différentes manières : par les Perses, victimes du conquérant macédonien, et par les Grecs qui l'ont célébré avec exagération. Il faut lire les différentes versions en tenant compte de l'état d'esprit de ceux qui les ont écrites. Nous verrons dans la version des Parsis (qui font d'Alexandre un Romain) la partialité du prêtre qui veut prêcher sa cause quand même, mais qui, n'ayant pas de motif pour flatter Alexandre, nous raconte ses crimes sans les atténuer. Dans Diodore de Sicile, nous verrons un parti pris de justifier Alexandre qui nous rendra suspect tout son récit. Enfin, une troisième version due à Arrien est écourtée, sans portée. Les voici toutes les trois.

RENSEIGNEMENTS PARSIS SUR LA DESTRUCTION DE L'AVESTA PAR ALEXANDRE
D'après M. Haug : Le livre Ardai Vîraf, Bombay, 1872, chap. I :
« On raconte que le pieux Zoroastre, à l'époque où il reçut la religion, la propagea dans le monde. Elle resta pure durant 300 ans, et les hommes n'avaient aucun doute. Mais après ce temps, l'Esprit malin, pour faire douter les hommes de la religion, instigua le détestable Alexandre, le Romain, qui demeurait en Egypte, à venir dans l'Iran, traînant avec lui les cruautés, la guerre et la dévastation. Il fit périr le roi de l'Iran, détruisit la capitale ainsi que l'empire et les dévasta.
« Or la religion, tout l'Avesta et le Zend étaient écrits avec de l'encre d'or sur des peaux de vaches, déposées aux archives à Stâklar Pâpakân (Persépolis). L'hostilité du détestable Ashemok (Ahriman), le malfaiteur, amena donc Alexandre, le Romain, qui demeurait en Egypte, et qui les brûla.
« Il tua plusieurs destours, juges, nesbeds, mobeds (prêtres) et soutiens de la religion (étudiants de l'Avesta), les hommes instruits et sages de l'Iran. Il sema la haine parmi les hommes, les nobles et les gouverneurs de l'Iran, et enfin, s'étant détruit lui-même, il s'enfuit en enfer.
« Après cela il y eut la confusion et le désaccord entre les habitants de l'Iran. Ni roi, ni gouverneur, ni chef, ni destour ne connaissait la religion ; et l'on douta de Dieu. Des cultes de toutes sortes, des manières diverses de croire et de nier, et des codes de lois différents furent promulgués dans le monde. Cela dura jusqu'à ce que parut le béni et immortel Aberdad Mârspendân, sur la poitrine duquel, comme le raconte le Dînkart, on versa du cuivre fondu.
« Plus tard il y eut d'autres mages et destours de la religion.
Une réunion fut convoquée dans la demeure du victorieux feu Frôbâg (le Temple). Il y eut des discours et des propositions de toute sorte sur la question de savoir comment on trouverait quelqu'un d'entre nous pour chercher et apporter l'intelligence qui vient des Esprits, afin que les gens de ce siècle sachent si les cérémonies et les prières, les ablutions et les purifications offertes et accomplies sont agréées par Dieu, ou si elles vont au diable, si elles sauvent nos âmes ou non ».
Après cela on nous raconte que le choix tomba sur Vîraf. On lui administra un narcotique et, pendant son sommeil, il parcourut les cieux et les enfers, d'où il rapporta l'assurance que l'unique voie de la vérité était celle des Mazdéens et qu'il fallait rester dans la foi donnée par Ormuzd à Zoroastre.
O impuissance de l'esprit masculin ! Tant de merveilleux, d'assemblées, d'expédients pour aboutir au néant !

RENSEIGNEMENTS DES GRECS
Diodore de Sicile écrit un siècle avant notre ère, c'est à dire en pleine réaction contre la gynécocratie, et, en mal de justification, il attribue toutes les fautes de l'homme à des femmes ; voici :
« Alexandre, célébrant les victoires qu'il avait remportées, offrit aux dieux de pompeux sacrifices, et prépara à ses amis de splendides festins. Des courtisanes prirent part à ces banquets, les libations se prolongèrent, et la fureur de l'ivresse s'empara de l'esprit des convives. Une des courtisanes admises à ces banquets, Thaïs, née dans l'Attique, se mit alors à dire qu'un des plus beaux faits dont Alexandre pourrait s'illustrer en Asie, serait de venir avec elle et ses compagnes incendier le palais des rois, et de faire disparaître ainsi, en un clin d'œil, par des mains de femmes (ceci sent trop la justification), ce fameux monument des Perses. Ces paroles s'adressant à des hommes jeunes, auxquels le vin avait déjà ôté l'usage de la raison, ne pouvaient manquer leur effet ; l'un d'eux s'écria qu'il se mettrait à la tête et qu'il fallait allumer des torches et venger les outrages que les temples des Grecs avaient jadis reçus de la part des Perses.
Les autres convives y applaudirent, s'écriant qu'Alexandre seul était digne de commettre un tel exploit. Le roi se laissa entraîner (justification du roi), et tous les convives, se précipitant hors de la salle du festin, promirent à Bacchus d'exécuter une danse triomphale en son honneur. Aussitôt on apporta une multitude de torches allumées et le roi s'avança à la tête de cette troupe de Bacchantes, conduite par Thaïs : la marche s'ouvrit au son des chants, des flûtes et des chalumeaux de ces courtisanes enivrées. Le roi, et, après lui, Thaïs, jetèrent les premières torches sur le palais ; les autres suivirent cet exemple, et bientôt tout l'emplacement de l'édifice ne fut qu'une immense flamme. »
Autre récit ; il est d'Arrien (2ème siècle de notre ère) (Expédition d'Alexandre, L. III, chap. IV) :
« Alexandre établit Phrasaorte satrape des Perses, et brûle le palais des rois, contre l'avis de Parménion, qui demande en vain qu'on l'épargne. C'était, disait-il, ruiner sans aucun avantage ses conquêtes ; c'était aigrir les Asiatiques, qui s'imaginaient qu'Alexandre n'avait d'autre but que de ravager l'Asie, sans vouloir la conserver. Mais celui-ci : « Une armée perse est venue en Grèce, a détruit Athènes, brûlé nos temples, dévasté tout le pays ; je dois cette vengeance aux Grecs ».
Donc il y avait préméditation.

ALEXANDRE CONTRE CANDACE
Alexandre, comme Dionysos, Bellérophon et Thésée, lutta contre les femmes. Son adversaire fut la Reine Candace. Mais on nous dit que ce ne fut pas un combat à mains armées comme les Amazones en soutenaient alors, mais plutôt une lutte sur le terrain de l'esprit, un combat moral. Et Bachofen nous le raconte à peu près en ces termes : « Il est intéressant de suivre ce combat. Il s'engage pendant une visite dans les appartements intérieurs du palais royal. La première remarque par laquelle Alexandre cherche à cacher son étonnement sur toutes les splendeurs étalées devant ses yeux, surprend la Reine.
« C'est à elle à démontrer sa supériorité. Elle aborde le roi en l'appelant par son véritable nom et lui montre son portrait. Le vainqueur du monde se voit dépassé par la finesse, la prudence de la femme. Le roi paraît vaincu. Dans le sentiment de sa victoire, la Reine prononce des paroles moqueuses, mais cela donne à Alexandre l'occasion de démontrer son inépuisable esprit (?).
Candace reste muette d'étonnement et n'a plus qu'un désir, celui d'être unie au roi par une affection profonde et par des rapports de Mère, afin d'arriver à posséder par lui l'empire de l'Univers ».
C'est ainsi que Bachofen raconte toujours les luttes de l'homme contre la femme ; il leur donne toujours ce dénouement invraisemblable : la femme subjuguée par l'homme tombe dans ses bras, fait absolument contraire à la psychologie féminine ; Il continue : « Alexandre est reconnu immortel et orné de la couronne par Candace. Il se subordonne aux principes gynécocratiques, reconnaît la maternité comme source supérieure du pouvoir et de la souveraineté. Sous Alexandre, la suprématie féminine avait encore toute son importance. La preuve en est dans la légende d'Ada. Dans la maison des Ptolémée nous trouvons le sacerdoce féminin, et, dans les derniers temples de l'empire grec, nous retrouvons les anciennes notions sur le mariage des frères par les sœurs et la désignation supérieure de la femme, de telle façon qu’Antonius y voit un danger qui est détourné par la bravoure de César et d'Auguste.
« Par son attachement aux idées, aux mœurs, au culte orientaux, le conquérant macédonien a été mis dans l'impossibilité d'unir à la chute des dynasties indigènes la chute du principe religieux féminin et de la prépondérance du Matriarcat.
« Le Macédonien ne veut pas se poser en ennemi en face des femmes. Partout il se soumet à l'importance supérieure de la maternité ; il honore dans Sisygambis le principe féminin tenu en si grand honneur chez les Perses ; il remplit ce devoir, donné par une vieille coutume, de donner à chaque femme enceinte une pièce d'or. Il se subordonne à la volonté d'Olympia (sa mère) ; les larmes d'une mère peuvent tout. C'est la vénération du féminin qui explique le cadeau d'or aux matrones (voir Plutarque). Dans cette vénération du principe fécondé, repose la grande importance symbolique de cet œuf dans lequel le roi boit l'eau mélangée de vin : c'est l'œuf ancestral d'où est sortie toute la création tellurique, terre et ciel. Le jour de la naissance est particulièrement fêté, la loi commande de prier, pour tous les Perses comme fils d'une même Mère.
« Dans ce régime matriarcal, les enfants sont éloignés des pères qui ne les connaissent qu'à l'âge de 5 ans. Kyros épargne Astyages, le père de sa Mère, Mandane. Cambyse entreprend pour sa Mère une guerre. La coutume de défendre aux femmes de filer vient de ce qu'on ne veut pas traiter des reines comme des esclaves.
La primauté du frère (1) sur l'époux, l'union avec les femmes royales comme expression du pouvoir et comme cérémonial pour prendre possession du trône, toutes ces manifestations nous révèlent la conception que l'on se faisait de la maternité, conception semblable à celle qui régnait en Egypte, où on donnait à la femme procréatrice une dignité religieuse supérieure à la majesté des rois eux-mêmes.
« Dans cet ordre d'idées, la rencontre d'Alexandre avec les Amazones a une importance toute particulière. Beaucoup d'écrivains en parlent. » (Bachofen, Das Mutterrecht).
(1) Dans les temps gynécocratiques, la femme appelait « frère » celui que dans les temps modernes elle appelle son « mari ». Rappelons, à cette occasion, que le mariage tel que les religions masculines l'ont institué ne pouvait pas exister avant le règne de l'homme. L'union n'était pas imposée, réglementée par des lois, mais seulement par l'amour et le libre choix de la femme éclairée par la science.

Alexandre mourut à 32 ans des suites d'une orgie ou des effets du poison.

À suivre : CHINE ET JAPON