FAITS ET TEMPS OUBLIÉS



De toute la terre, partout la douceur de l'Enfant et la poésie de l'Adolescent ont précédé la brutalité de l'homme adulte 


Les forces agissantes de la Maternité ont créé une humanité droite, docile, disciplinée.... d'abord, jusqu'au débordement des passions de l'homme. Mais, pendant cette époque primitive, quel Paradis était la Terre !... Nulle révolte ! nul mensonge ! nulle rébellion !
Dans tous les hommes, à moins qu'ils ne soient des monstres, le souvenir maternel a laissé dans l'Âme une impression profonde faite de respect et de tendresse sacrée.
Si tous les enfants étaient élevés dans la Vérité, il n'y aurait pas d'homme méchant.
La base légitime et idéale du pouvoir de la Femme réside dans sa nature spirituelle et maternelle. Elle produit l'œuvre de la création. Elle fait naître l'enfant, elle le guide, elle le soutient, elle est la source de la lumière qui l'éclaire.
En dehors de cette cause idéale, il n'en existe aucune qui légitime la domination du monde. Par la vertu de cette cause naturelle, tout enfant créé bénéficie de la nature bienfaisante maternelle, réelle, vraie, connue.


L'Âge d'Or, dont le doux éclat environne le berceau de l'humanité, n'est pas autre chose que l'âge où l'homme était Un au dedans avec lui-même, Un au-dessus de lui avec la Déesse, Un autour de lui avec ses frères, Un au-dessous de lui avec la Nature.



Le tisserand, quel beau nom ! Y a-t-il occupation plus sacrée que la sienne ? Au métier du temps qui bruisse, l’esprit de la Terre s’est assis pour tisser le vêtement vivant de la Divinité. Devenir, c’est tisser ! Sous le frêne du monde, les Normes se sont assises pour tisser le fil de la destinée. (…) O navette, toi, du moins, tu suis le chemin que tu dois suivre ! Avançant et reculant. Jusqu’à ce que la robe soit terminée. Tu es le symbole du cercle que toute activité individuelle doit parcourir ! C’est pourquoi les hommes, quand ils parlaient latin, t’ont appelée radius.
(Otto Rahn)


les livres traditionnels sont fréquemment désignés par des termes qui, dans leur sens littéral, se rapportent au tissage. Ainsi, en sanscrit, sûtra signifie proprement « fil » : un livre peut être formé par un ensemble de sûtras, comme un tissu est formé par un assemblage de fils ; tantra a aussi le sens de « fil » et celle de « tissu », et désigne plus spécialement la « chaîne » d’un tissu. De même, en chinois, king est la « chaîne » d’une étoffe, et wei est sa « trame » ; le premier de ces deux mots désigne en même temps un livre fondamental, et le second désigne ses commentaires. Cette distinction de la « chaîne » et de la « trame » dans l’ensemble des écritures traditionnelles correspond, suivant la terminologie hindoue, à celle de Shruti, qui est le fruit de l’inspiration directe, et de la Smriti, qui est le produit de la réflexion s’exerçant sur les données de la Shruti.
Pour bien comprendre la signification de ce symbolisme, il faut remarquer tout d’abord que la chaîne, formée de fils tendus sur le métier, représente l’élément immuable et principiel, tandis que les fils de la trame, passant entre ceux de la chaîne par le va-et-vient de la navette, représentent l’élément variable et contingent, c’est-à-dire les applications du principe à telles ou telles conditions particulières. D’autre part, si l’on considère un fil de la chaîne et un fil de la trame, on s’aperçoit immédiatement que leur réunion forme la croix, dont ils sont respectivement la ligne verticale et la ligne horizontale ; et tout point du tissu, étant ainsi le point de rencontre de deux fils perpendiculaires entre eux, est par là même le centre d’une telle croix. Or, suivant ce que nous avons vu quant au symbolisme général de la croix, la ligne verticale représente ce qui unit entre eux tous les états d’un être ou tous les degrés de l’Existence, en reliant leurs points correspondants, tandis que la ligne horizontale représente le développement d’un de ces états ou de ces degrés. Si l’on rapporte ceci à ce que nous indiquions tout à l’heure, on peut dire, comme nous l’avons fait précédemment, que le sens horizontal figurera par exemple l’état humain, et le sens vertical ce qui est transcendant par rapport à cet état ; ce caractère transcendant est bien celui de la Shruti, qui est essentiellement « non-humaine », tandis que la Smriti comporte les applications à l’ordre humain et est le produit de l’exercice des facultés spécifiquement humaines.
(R. Guénon, Le symbolisme du tissage, extrait)


J’ai vu tant de choses que vous, humains, ne pourriez pas croire. De grands navires en feu surgissant de l’épaule d’Orion. J’ai vu des rayons fabuleux, des rayons C, briller dans l’ombre de la porte de Tannhäuser.
Tous ces moments se perdront dans l'oubli, comme les larmes dans la pluie.
Il est temps de mourir.
(Roy Batty/Rutger Hauer, Blade Runner, Ridley Scott)


« J’observai que quand un grand ruisseau de la Mémoire en approchait un plus petit de l’Imagination, il éteignait aussitôt celui-là ; mais qu’au contraire, si le ruisseau de l’Imagination était plus vaste, il tarissait celui de la Mémoire. » (S. de Cyrano de Bergerac)
Supprimer la mémoire collective dissout la nation, laquelle fait alors place au troupeau. Peut-être est-ce cela que cherchent les meneurs occultes du jeu, aux fins d'assurer plus facilement leur domination sur les ilotes modernes dont ils rêvent ?


La « mode », invention essentiellement moderne, n'est d'ailleurs pas, dans sa vraie signification, une chose entièrement dénuée d'importance : elle représente le changement incessant et sans but, en contraste avec la stabilité et l'ordre qui règnent dans les civilisations traditionnelles. Ce règne de la « contre-tradition » est, très exactement, ce qui est désigné comme le « règne de l’Antéchrist » : celui-ci, quelque idée qu’on s’en fasse d’ailleurs, est en tout cas ce qui concentrera et synthétisera en soi, pour cette œuvre finale, toutes les puissances de la « contre-initiation », qu’on le conçoive comme un individu ou comme une collectivité. Ce sera évidemment un « imposteur », c’est le sens du mot « dajjâl » par lequel on le désigne habituellement en arabe, puisque son règne ne sera pas autre chose que la « grande parodie » par excellence, l’imitation caricaturale et « satanique » de tout ce qui est vraiment traditionnel et spirituel.
(René Guénon)


En des temps où je parcourais le Maroc en quête d'éléments pour un reportage sur l'économie marocaine, il m'arriva un soir, entre Chichaouenne, où sont de si beaux tapis, et Marrakech, d'entreprendre une conversation avec un fellah qui égratignait son champ avec un arau primitif tiré par un attelage assez bizarre d'une vache maigre au delà de la maigreur et d'un chameau qui n'était guère plus gras.
Là-bas, c'est le « bled sec », mais toutefois pas totalement aride.
Dans le champ que l'homme labourait étaient d'assez gros blocs de pierre, non point assez énormes, cependant, pour ne pouvoir être déplacés de main d'homme avec un peu de peine.
Je m'étais assis au bord de la route à contempler l'étrange attelage, m'étonnant de la peine que prenait l'homme pour guider son instrument entre les blocs.
Il vint me voir et nous fîmes les salamalecs rituels.
Avec la méticuleuse et gentille politesse berbère, il me demanda si j'étais « labès », et si tout allait bien pour moi. J'étais « labès ». Je lui demandai s'il l'était aussi. Il l'était. Ma famille également. La sienne aussi. Nous convînmes qu'Allah devait être remercié. Nous le fîmes.
Alors il s'assit près de moi et nous parlâmes de la terre, des récoltes, de ce dont parlent tous les paysans du monde avec les gestes qu'il fallait là où il les fallait pour arriver à nous comprendre. Et, sabir pour sabir, sur la question des sauterelles, du rendement de la terre, du tracteur qu'il aurait désiré, nous nous comprenions très bien.
Je lui demandai alors pourquoi il n'enlevait pas les pierres de son champ. Il me regarda comme si Allah m'avait refusé toute clarté. Et il est de fait qu'il me l'avait refusé.
Est-ce que je ne savais pas que quand Allah envoyait de l'eau, celle du Ciel ou celle de la Lune (la rosée), c'étaient les pierres qui la gardaient et que, sans pierres, son champ serait kif-kif la route ?
Je mis cela dans ma poche.
Et puis ces pierres, Allah les avait mises là pour que la terre soit bonne et que les récoltes soient bonnes… Lui n'était pas un « Fqih », un lettré, mais il savait voir la vérité des choses. Il y avait des pierres qui chassaient le mal. Celles-là en étaient… « Amdoulillah ! »
« Amdoullilah ! » Mais alors, pourquoi ne pas mettre d'autres pierres ?
Peut-être un saint saurait, mais lui, il ne savait pas quelle pierre mettre ni où.
Il me souhaita bonne route. « Slamah ! »
Or, quand il s'agit de leur terre, il ne faut jamais prendre les dires des paysans à la légère. Je retins que certaines pierres dans un champ pouvaient être bénéfiques.
(L. Charpentier, Les géants et le Mystère des origines)


« Le phénix, suivant ce qu'en ont rapporté Hérodote ou Plutarque, est un oiseau mythique, d'origine éthiopienne, d'une splendeur sans égale, doué d'une extraordinaire longévité, et qui a le pouvoir, après s'être consumé sur un bûcher, de renaître de ses cendres. Quand l'heure de sa mort approche, il se construit un nid de brindilles parfumées où de sa propre chaleur il se consume. Les aspects du symbolisme apparaissent donc clairement : résurrection et immortalité, résurgence cyclique. Le phénix, disent les arabes, ne peut se poser ailleurs que sur la montagne de Qaf, qui est le Pôle, le Centre du monde (en hiérologie, « montagne » se rapporte au chef ou tête de l'homme qui contient l'organe de la conscience illuminée.). Le phénix égyptien, ou Bennou, était associé au cycle quotidien du soleil et au cycle annuel des crues du Nil. Comme il s'agissait, en Egypte, du héron pourpré, on peut évoquer le symbole de régénération qu'est l'œuvre au rouge alchimique. »
(J. Chevalier & A. Gheerbrant, Dictionnaire des symboles)
La phonétique du nom « Bennou » provient de « ben » symbolisant un angle. De ce mot fut produite l'expression « ben-ben » qui signifie « le pyramidion », c'est-à-dire la pointe en forme pyramidale qui termine, « couronne », le sommet d'un obélisque ou d'une pyramide. La forme du pyramidion était symbolique et représentait le rayon de soleil. Les égyptiens représentaient par un triangle isocèle la lumière zodiacale divisée.
Il existait en Orient des Temples du feu qu'on appelait Pyres. Il s'agissait du Feu symbolique représentant l'Esprit ; dans l'Edda suédoise, le Feu est nommé « fyr » ou « fur » ; les Grecs prononçaient « pyr » comme nous prononçons « pur », d'où Pyramis, Pyramide, Pyramidion.
Bennou est aussi la « Pierre d'Angle » de la pyramide « bâtisse de lumière » ; Elle est la « Pierre angulaire », c'est-à-dire celle sur laquelle repose toute la bâtisse, celle qui tient tout ensemble ; si Elle s’effondre, tout s’écroule, tout devient fragile. Véritable « Clef de voûte » de l'Édifice, cette « Pierre du sommet » apparait dans certaines illustrations du moyen âge sous l’aspect d’un objet en forme de diamant, pierre précieuse symbole d’indestructibilité, d’indivisibilité et de lumière.
À ce propos, ne pourrait-on pas donner au soi-disant « Âge de Pierre » un tout autre sens que celui que lui attribuent les préhistoriens ? (Voir, entre autres, l'article de R. Guénon intitulé « L’Omphalos, Symbole du Centre », dans les « Écrits pour Regnabit » ; lire également, du même auteur, le chapitre XXV de l'ouvrage « Symbole de la Science Sacrée », et intitulé « Les Pierres de Foudre »)
On sait que le mot Phénicie vient du mot Phénix. Notons que Tyr était la principale ville de Phénicie, et que le roi de Tyr était monarque d'une ville dont le nom désigne précisément la « pierre » : Tyr c'est « tsor » en phénicien qui signifie « pierre ». Maintenant, si nous écrivons le mot Phénix avec un V au lieu du Ph grec, nous avons Venix, dont les Latins ont fait Vénus. C'est une terminaison masculine. Le féminin serait Vena. Parmi des inscriptions celtiques, on trouve « Bena, sacra Bena ». Et on donne au mot « Ben » la signification de femme. Alors, sans doute, Femme Divine. Vénus serait donc le nom même de la Femme, « Ben » ou « Ven » : dans certaines langues, le B et le V se confondent ; c'est la prononciation qui les différencie. Or nous trouvons qu'on représente Vénus par l'oiseau Vennou ou Bennou, qu'on appelle le Phénix des Grecs. Comme dérivé de « Bena » (Vena), nous trouvons chez les Celtes la Déesse Bendis ; elle a des serviteurs qu'on appelle Bendès, Bender. « Bendis » est devenue « Bhavanî » aux Indes. Chez les Israélites, nous trouvons les « Beni-Israël ».
Les Vénètes étaient les disciples de Vénus. Strabon nous donne les premières idées de cette origine en disant que les Vénitiens de l'Adriatique étaient une colonie de Vénètes gaulois. En Gaule, les vénètes avaient une importante colonie sur le territoire où l'on fondera la ville de Vannes. Ce nom, corruption de Veneta, restera dans certaines régions du Nord où la particule « Van » se mettra devant les noms pour les ennoblir. Cela indique « serviteur de Vénus ». « Van » est devenu « Von » chez les Saxons.
Nous retrouvons cet usage de mettre le nom de la Femme, « Van » ou  « Von », devant les noms propres, dans l'habitude de mettre EVA (HeVaH), divine Mère chez les hébreux (d'où Ève), devant les noms : Eva-Marie, Ave-Maria. AVE ou EVA, c'est le même nom lu de droite à gauche comme lisent les Hébreux ou de gauche à droite suivant l'usage des Européens. Les Grecs, qui copiaient tout, firent de « eva » le mot « eu » (le V et l'U se confondent dans leur langue) et mirent ce « eu », qui signifie « bien », devant certains noms comme Eu-charistie : « charité » et « charistie » expriment tous les deux le désir, l'amour, c'est le sentiment de bienveillance mutuelle qui établit un lien entre l'homme et la femme ; Eu-gène (devenu un prénom), c’est à dire étymologiquement « Eu-Genos », le « gène du bien », le fondement de l’élite ; Eu-rope : « rope », corde, cordon ; de cette « Corde » on a fait « Cordial » : Lien du Cœur.
Rompre les attaches de l'agrégat humain d'avec son Cœur c'est devenir un être « Co(eu)r-rompu ».


Cette rupture... fait entrer l'homme dans un monde inférieur, où la Femme ne peut le suivre qu'en subissant d'affreux tourments. Quand il arrive ainsi à secouer ses devoirs, Elle le considère comme marchant vers « la mort de l'âme ». Il n'est plus pour Elle qu'une ombre (ou umbra, ou sombra : qui est sombre et qui sombre). Et de ce mot ombre on fera « hombre », « homo », « homme ».
Chez les Etrusques, les hommes séparés des tribus régulières sont « perdus ». On les appelle des mânes (d'où man). Ce sont des êtres déchus vivant dans les limbes, c'est-à-dire dans un monde sans Lumière.


La Femme... Pauvre créature, née pour aimer et toujours empêchée de remplir cette fonction sainte ! Vouée par ce monde corrompu, aveugle, à une existence tourmentée, cherchant toujours ce bonheur promis et légitime, et n'y arrivant jamais. Etrangère, comme égarée, dans un monde indigne d'elle, qui a commencé par la méconnaître ou par en abuser, et qui ne cherche plus de satisfactions, aujourd'hui, que dans la licence dégradante, le luxe ridicule, l'ambition absurde ou la domination féroce.
Que tout cela est loin des joies pures que la jeune fille rêve encore, dans son ignorance de la corruption qui l’entoure !
♫ Dans tes classeurs de lycée ♪
Y a tes rêves et tes secrets 
Tous ces mots que tu n'dis jamais ♫
♪ Des mots d'Amour et de tendresse
Des mots de Femme ♪
♫ Que tu caches et qu'on condamne
Que tu caches petite Anne ♫♪
(Yves Simon, extrait de la BO du film « Diabolo Menthe » de Diane Kurys)


Celui qui pénétrera un jour dans la Forteresse n’y trouvera d’abord qu’une succession de pièces vides, longues et grises. Le bruit de ses pas résonnant sous les hautes voûtes bétonnées lui fera peur, mais il faudra qu’il poursuive longtemps son chemin avant de découvrir, enfouis dans les profondeurs du sol, les vestiges souterrains d’un monde qu’il croira avoir oublié.
(Georges Pérec, W ou le souvenir d’enfance)


Nous voulons explorer la bonté, contrée énorme où tout se tait
(Guillaume Apollinaire)


M


Quand on élève un enfant, pas quand on l'éduque, mais quand on « l'Élève », ce qui n'est pas la même chose, la femme doit faire le travail « Intérieur » et l'homme le travail « Extérieur ».
C'est la femme qui créée toute la spiritualité chez l'homme, toute la réflexion intérieure ; l'homme prend l'enfant, l'amène dans le monde, et lui fait voir ce qu'il y a à l'extérieur.
Si l'on regarde dans la langue des Oiseaux, et que l'on écrit les mots « HOMME » et « FEMME », la première chose que l'on constate, c'est qu'il n'y a que les deux premières lettres qui changent.
Le « M » veut dire « la Création » et le « E » c'est « le Monde ». Les lignes horizontales (1) figurant, de bas en haut, dans la lettre E, c'est d'abord le matériel, puis le spirituel et enfin le divin, toutes trois reliées à une ligne verticale représentant l'Unité. C'est pour ça que le E c'est le Monde. D'ailleurs, si l'on retire la « matière » du E (du monde), il reste le « F », le « Feu ». 
Donc, ça veut dire que la Femme, c'est le « F » (le « Feu ») et le « E » (le Monde). Donc, c'est la Femme qui amène le Feu dans le Monde, c'est-à-dire l'Esprit, le « Spiritus ». C'est pour ça que la Femme est toujours l'intercesseur entre les hommes et les Dieux.
Aussi, quand l'homme s'est rendu compte que c'était un pouvoir, il l'a pris pour lui. Mais à l'origine, ce sont les femmes qui sont l'intercesseur, voire les Vesta, les Pythies, etc.
Dans le mot « HOMME », le « H » c'est l'Équilibre et le « O » c'est le Corps et l'Esprit ; l'élément O est le corps dans la totalité.
En conclusion, le principe est le suivant :
« FE » c'est la Femme qui fait descendre le Feu (F) dans le Monde (E) ;
« HO » c'est l'Homme qui récupère ce Feu, fait l'Équilibre (H), et grâce à son Corps et son Esprit (O), le met dans la Matière.
Autrement dit : dans le Monde, la FEmme amène le « Feu » et l'HOmme « a chaud ».
(Merci à Patrick Burensteinas)
(1) On peut rapprocher le symbolisme de ces lignes horizontales à celui des « trigrammes » du Yi-king. 
Au Chapitre XIV intitulé « Le Médiateur », René Guénon dans son ouvrage « La Grande Triade », écrit que « Nombreux sont les symboles traditionnels qui représentent l’Homme, comme terme moyen de la Grande Triade, placé entre le Ciel et la Terre et remplissant ainsi son rôle de « médiateur » ; et, tout d’abord, nous ferons remarquer à ce sujet, dit-il, que telle est la signification générale des trigrammes du Yi-king, dont les trois traits correspondent respectivement aux trois termes de la Grande Triade : le trait supérieur représente le Ciel, le trait médian l’Homme, et le trait inférieur la Terre.


Toute la route de notre avenir s'étend du connu à l'inconnu et de l'inconnu à l'inconnaissable, ce n'est pas ailleurs que nous trouverons nos progrès et nos bonheurs humains ; et c'est en la suivant jusqu'au bout que nous deviendrons hommes.
(M. Maeterlinck, L'autre monde ou le cadran stellaire)


Il était une foi

Le premier foyer de la civilisation a été le matriarcat. La forme de ce gouvernement était logiquement basée sur cette considération, que la femme est l'élément économique, tant physique que moral du monde. La femme est née génératrice, productrice et conservatrice.
Elle fit la plus belle série d'invention qu'ait illustré une époque. Elle créa la poterie, la vannerie, le fuseau, la culture de la terre, la panification, la domestication des animaux et enfin une quantité de ressources que son esprit ingénieux inventait sans effort.
Cette époque de l'Âge d'Or, en dépit de ses détracteurs, a laissé son empreinte sur les plus vieux monuments de l'histoire.
Son action sur la civilisation antique est également manifeste. La croyance en un Âge d'Or est universelle. Elle a pris place au sein des légendes de tous les peuples. Ces voix des temps primitifs ont été entendues des poètes antiques et se sont répercutées jusqu'à nous. Toutes les religions qui ont succédé à celles des déesses (religions masculines), s'en sont inspirées tout en avilissant la femme ; étrange contradiction !... Messieurs les thaumaturges ne s'embarrassent guère de ces incohérences, la vertu des dogmes est l'obscurité :
« Credo quia absurdum » (« Je crois parce que c'est absurde ») a dit Saint Augustin.
De grands écrivains philosophes, ont écrit sur ce sujet des pages éloquentes, d'une poésie intense, qu'on pourrait peut-être égaler, mais non surpasser. Des artistes de grand talent ont illustré ces œuvres, qui sont comme l'apothéose de l'humanité primitive. Puvis de Chavanne, entre autres, a fait passer dans ses compositions un souffle héroïque ! Muses inspiratrices ! Bois sacrés ! séjour des antiques déesses combien votre vue réconforte : qu'elles sont douces les heures qu'on passe à vous contempler !... 


Le Temps altère et efface la parole de l'Homme, mais ce qui est confié au Feu perdure indéfiniment.

☆☆☆



☆☆

L'humanité affolée par des siècles de débauche aspire au bonheur et regarde en arrière vers les temps héroïques, où fut, dit-on, l'Amour, qui seul pourra régénérer le monde.

☆



Dans les Mystères de Jérusalem, on enseigne un chapitre de la science secrète, celui qui se rapporte à la Genèse primitive, l'origine végétale.
On montre le Soleil générant l'Arbre de vie qui évolue vers le genre humain, lequel se reproduira, plus tard, par génération sexuelle.
La génération s'explique par un symbole : la quadrature du cercle. Les deux sexes sont représentés par deux triangles, qui unis forment un cube ; c'est en réunissant les deux sexes (les deux triangles) qu'on réalise la quadrature du cercle, figure qui représente la génération sexuée.




LA GÉNÉRATION : Genèse - Macrocosme / Génération - Microcosme
Le fait capital des temps primitifs est certainement la reproduction de l'espèce par un moyen que jusque-là, la Nature n'avait pas employé.
L'accouplement est un fait qui n'a dû, et qui n'a pu, s'accomplir qu'à une époque déjà avancée de la vie phylogénique, époque représentée, du reste, par l'âge auquel cette fonction commence dans la vie ontogénique. Donc nos ancêtres n'ont pas acquis les caractères de leur espèce par hérédité, puisque, lorsque la reproduction commence, ils possèdent déjà tous les caractères acquis pendant l'évolution végétale. Il ne faut pas mettre l'hérédité avant la reproduction comme l'ont fait les darwinistes.
Dans la période intermédiaire pendant laquelle les humains ne se reproduisaient pas encore par voie sexuelle, il n'y avait pas de génération, il n'y avait encore que la Genèse directe, c'est-à-dire l'évolution lente des êtres issus de la vie végétale et qui arrivaient peu à peu à l'état d'enfance de l'animalité et de l'humanité (1) .
C'était les primogénitus, genitus, non factus (générés, non enfantés). Ils avaient des tailles gigantesques, c'est pourquoi la Genèse est appelée le Macrocosme.
La science officielle a retrouvé la grande taille des primitifs, aussi bien des animaux que des humains (2).
Les croyances populaires sur la taille extraordinaire des premiers hommes ont une origine scientifique. Ces dimensions fabuleuses sont une réalité que la science des origines affirme, car la fable, c'est l'histoire primitive mal comprise et mal expliquée.
Les premiers hommes étaient plus grands que les hommes actuels, et, si nous, remontons plus haut encore, nous trouvons que les arbres étaient plus grands que les hommes. La taille décroît continuellement, mais imperceptiblement. La longueur du canal intestinal donne la mesure primitive de l'arbre ancêtre puisque, primitivement droit (ce que l'embryologie confirme), il s'est replié sur lui-même (voir l'article consacré à Nos Origines).

MICROCOSME : La génération, c'est le Microcosme
L'être généré va reproduire son espèce sous des formes microscopiques, d'où le nom donné à la génération, le Microcosme (3).
Et, chose merveilleuse, ce microcosme reproduira fidèlement toutes les phases du macrocosme dont il est la réduction.
Mais c'est la Femme seule qui aura cette faculté de reproduction.
C'est elle qui sera la génératrice, la créatrice de ce petit être.
Et cela pour nos ancêtres fut un étonnement.
C'est de la Terre qu'étaient sortis les êtres par Genèse (4) .
C'est de la femme maintenant qu'ils sortent par Génération.
Dans les Stances de Dzyan, il est dit (Stance III) : « La Mère se gonfle, elle croît de dedans en dehors comme le bouton de Lotus ».
On dut croire, en effet, que l'enfant sortait de la Mère, comme le fruit tombait de l'arbre. Et la Mère fût comparée à la Terre parce que la Terre avait produit les hommes.
La naissance du premier enfant est un fait qui, pour la Mère surtout, dut avoir une importance capitale. Quel étonnement n'éprouva-t-elle pas en voyant sortir d'elle-même quelque chose qui était une réduction de la forme humaine !
« Les Dévâs donnent naissance, d'une façon immaculée, à un second moi », disent les Stances déjà citées.
Nous voudrions assigner une date à ce fait si important, mais il ne faut pas oublier que notre humanité, la dernière, avait été précédée par d'autres humanités sur lesquelles nous ne savons rien, car dans une période géologique il y a des premiers et des derniers et, quand les derniers apparaissent, les premiers sont déjà loin dans leur évolution, et ils assistent à l'animalisation de ceux qui les suivent (5).
La seule chose que l'on puisse affirmer, c'est que l'âge de la reproduction représente à peu près le cinquième de la vie totale.
Quand les hommes vivent en moyenne 75 ans, ils se reproduisent à 15 ans. Mais les périodes de longévité ont varié ; très longues d'abord parce que plus près de la vie végétale, elles ont diminué.
La vie actuelle n'est pas le type de la vie primitive.
Dans la grotte de Cro-Magnon, on a trouvé un squelette d'enfant qui n'était pas parvenu à son complet développement fœtal.
Mais la grotte a été habitée pendant de longs siècles, ainsi que le prouvent les différentes couches de débris qu'on y a trouvées ; ses premiers habitants n'étaient peut-être pas parvenus à l'âge de la reproduction, tandis que les derniers y étaient arrivés depuis longtemps.
(1) D'après les inscriptions cunéiformes de la Chaldée et de l'Assyrie, le nom de Adam, Admi ou Adami désignait sept Adam ou racines d'homme (ancêtres végétaux), nés de la Terre-Mère et du Feu astral, c'est-à-dire des progéniteurs (les Elohim).
(2) Des ouvriers opérant des fouilles en 1910 à Ballinahalla, près de Moycullen, comté de Galway (Angleterre) ont découvert un squelette complet mesurant 2 mètres 53 centimètres.
(3) Suivant la définition du Dr A. Wilder, Genèse ne veut pas dire génération, mais le fait de jaillir du sein de ce qui est éternel, pour apparaître dans le Cosmos et le temps.
(4) Platon, dans sa description de l'Atlantide, mentionne « un de ces hommes qui, à l'origine des choses, naquirent de la terre » (Critias).
(5) Les races n'arrivent pas toutes aussi vite à la génération. Nous lisons dans la Doctrine secrète (t. HT, page 7) : « Dans les inscriptions de Babylone, trouvées dans les fouilles de M. Layard, on trouve ceci : « La première race qui tomba dans la génération fut une race sombre (Zalmal-qaqali), qu'ils appelaient la Race d'Adamou ou race sombre ; la race Sarkou, ou race claire, resta encore pure ».

MATERNITÉ
Les premiers témoins de l'enfantement d'une femme durent éprouver un étonnement mêlé d'épouvante en face d'un fait si inattendu dans la vie de l'humanité. Ils ignorèrent d'abord complètement la cause qui l'avait produit, et du reste ne s'en préoccupèrent pas ; ce n'est que dans la période que l'on peut appeler moderne, c'est-à-dire historique, que cette cause a été connue (1).
Les rapprochements s'étaient accomplis dans la plus grande promiscuité, tous étant frères et sœurs, puisque tous étaient issus de la même Mère-Nature et du même Père-Soleil (voir l'article « La Vie »). Ces rapprochements n'avaient pas eu de résultat immédiat, les hommes ne pouvaient pas se figurer qu'il pût y avoir dans leurs jeux sexuels le germe d'une conséquence aussi éloignée et aussi inattendue ; longtemps ils ignorèrent la loi de la génération, c'est-à-dire le rapport qui existe entre la cause et l'effet.
Ils connaissaient mieux la Genèse primitive, l'origine végétale, puisque les espèces attardées avaient évolué sous leurs yeux.
Les Primordiaux qui en étaient issus étaient considérés, dans l'antiquité, comme les plus élevés dans l'échelle de l'existence, parce que longtemps ils furent doués de la virginité enfantine : « Ce sont les Archanges, ceux qui refusent de créer ou plutôt de multiplier », dit Mme Blavatsky. Et si nous citons cette phrase qui n'a pas d'importance, c'est afin que l'on voie comment les anciennes légendes religieuses interprétaient les faits, et dans quel langage on les exprimait.
L'intelligence de ces premiers humains semblait égale en développement, c'était des mentalités d'enfant. Il n'y avait pas encore parmi eux de maladies, ni de tares héréditaires, et c'est de là que naquit le sentiment intense de fraternité, c'est-à-dire d'égalité.
Dans les secondes races d'hommes, celles issues de l'enfantement de la Femme et qu'on appelait les fils des Dèvâs (les fils des Dieux, dira-t-on plus tard), des différences individuelles se produisirent, résultant des conditions de la fécondation. Ces différences déterminèrent des inégalités et par suite des jalousies.
Il n'y a de fraternité réelle qu'entre les égaux.
L'enfantement ou la « création secondaire » ne se manifesta qu'à une époque où la genèse primitive avait perdu son activité, ralenti son action évolutive.
Ce temps d'arrêt fut appelé « Noah », mot qui signifie « repos de la Nature ». De ce mot on a fait Noé.
Les premières femmes régnantes, les Dévas, les Fatas, les Génies, les Almées, les Izeds, les Archanges, etc., représentent d'abord l'Esprit universel. L'art antique leur a toujours donné des figures féminines. C'est pourquoi l'idée de maternité sera liée à l'idée de Divinité : La femme est la créatrice de l'enfant, donc c'est la Divinité qui crée l'humanité, et qui la crée mâle et femelle, car la mère enfante les deux sexes.
Ceux qui ne mettent pas la religion naturelle où elle est, c'est-à-dire au début même de l'évolution psychique, ne peuvent rien comprendre à la vie des primitifs.
Les premières naissances, qui devaient beaucoup occuper les femmes, ont laissé, dans les sciences antiques, l'empreinte de la sollicitude qui les entourait. Partout nous retrouvons l'enfant entouré de soins incessants par les Fées, les Marraines, les Anges gardiens, etc.
En Egypte, sept divinités belles et sages veillaient sur le nouveau-né et présidaient à ses destinées. On les représentait sur les maisons (quand il y en eut), dans les habitations, sur les monuments.
Elles étaient les Génies tutélaires.
Ces préoccupations nouvelles dans la vie des femmes durent amener de grands changements dans les relations des deux adolescents primitifs.
Chez la femme, ce fut l'éveil de l'amour maternel qui succéda à l’étonnement, à la curiosité des premiers moments, amour fait d'intérêt pour ce petit être qui surgissait d'une façon si imprévue et de la tendresse qui résultait, surtout, du contact intime de cette vie qui cherche l'abri maternel, la chaleur et le lait de la Mère.
Ce sentiment grandissait et devenait bientôt cette affection profonde qui domine toute la vie de la Mère et lui inspire un dévouement sans borne.
Quant à l'homme, il eut sans doute aussi un mouvement de curiosité, même d'intérêt et d'affection pour ce petit être que sa sœur naturelle venait de mettre au monde, mais cela ne l'empêcha pas de suivre les impulsions de sa nature, qui étaient autres, et, en voyant se prolonger cette préoccupation nouvelle de la Femme qui lui créait un amour dont il n'était pas l'objet, un commencement de jalousie naquit et ce fut le germe de discordes futures.
Bachofen, qui a fait une étude remarquable du primitif état social, décrit ainsi la famille primitive :
« L'amour maternel est une force mystérieuse qui régit également tous les êtres de l'Univers. Les premiers pas dans la civilisation, l'origine de chaque vertu, de chaque sentiment est due au mystère de la maternité, c'est le principe de l'amour, de l'union, de la paix. Avec les premiers soucis pour le fruit de son corps, la Mère apprend l'altruisme ; employer ses forces pour conserver et embellir l'existence d'autrui, sera désormais son but. C'est d'elle que partent tous les symptômes de civilisation, tous les bienfaits, tous les sacrifices, l'abnégation et les soins des malades.
« Etre du pays de la Mère, avoir été bercé sur le même sein maternel, constitue le lien le plus sacré, le plus indissoluble ; secourir la Mère, la défendre, la venger, prime tous les autres devoirs, menacer sa vie est un crime inexpiable.
« Le principe maternel, c'est la communauté sans restriction ni limite autre que celle de la Nature. De ce principe découle celui de la fraternité générale, de l'égalité, de la liberté. C'est le fondement des Etats gynécocratiques : l'absence de querelles, de discordes, l'aversion profonde de tout ce qui peut entraver la liberté, telles sont les caractéristiques de ces communautés. »
(1) C'est Leeuwenhœk qui découvrit le spermatozoïde mobile, dans les temps modernes.

Traditions sacrées concernant les Déesses-Mères
La Maternité occupe une place immense dans les anciennes traditions. La glorification de la Mère est restée dans toutes les religions issues de la Théogonie (1) primitive.
Les antiques Déesses sont toujours présentées comme des Déesses-Mères.
Salomon Reinach nous dit : « Les monuments nous font connaître les Déesses-Mères, généralement groupées par trois, qui s'appellent Matres ou Matronæ et portent des épithètes locales très variées, celtiques et germaniques. Elles répondent aux Fées du Folklore Celtique, nom dont la forme latine Fatæ leur est quelquefois appliquée par les inscriptions » (Orphéus, p. 173).
Partout nous voyons la Mère sous un nom collectif, représentée comme la créatrice de l'humanité, en même temps que l'organisatrice de la vie sociale.
Chez les Chaldéens, une femme appelée Amaka est la Mère Universelle. Elle enfante des filles et des fils, représentés symboliquement, plus tard, par le Ciel et la Terre.
La doctrine précède nécessairement les rites et les symboles.
Plus tard, au contraire, il arrive que, par l'enseignement, des rites et des symboles se transmettent encore lorsque déjà la doctrine est oubliée, et ils continuent de régner, en vertu de la puissance mystique que la doctrine primitive leur avait communiquée.

(1) « Petite » parenthèse :
THEOCRATIE : qu’est-ce donc ?
Les informations reprises et dévoilées ici, nous prouvent et vont continuer à nous prouver d'une façon irréfutable la suprématie féminine dans l'âge primitif de l'humanité.
Aussi, cette suprématie avait trois formes, donc trois aspects.
Elle était religieuse (Théocratie) et représentée par la Déesse.
Elle était familiale (matriarcat) et représentée par la Mère.
Elle était sociale (gynécocratie) et représentée par la Maîtresse (Reine ou Déesse-Mère) (Içwara chez les Hindous et qui donnera le nom Israël - voir l'article consacré à l'Israélisme).
La Théocratie dura ce que dura la gynécocratie, puisque ce régime, c'est le règne de la direction morale exercée par la Femme divine. Plus tard les hommes en firent une parodie ridicule.
C'est la Femme qui élève l'homme et le mène à la Vérité et à la beauté morale ; c'est la Mère qui le fait à son image, c'est la Déesse terrestre vivante qui lui enseigne la première la langue divine. C'est Elle qui a en main le gouvernement des sociétés, Elle qui les guide dans leur marche évolutive, en attendant que vienne la révolte de l'homme contre Elle.
La Théocratie féminine, c'est le gouvernement légitime ; il occupe une place immense dans l'histoire.
Jusqu'au 10ème siècle avant notre ère, la Femme a régné et fait régner la Vérité. Son verbe, c'est cette voix des temps primitifs entendue par les premiers poètes qu'elle inspirait.
La légende d'une époque de bonheur dans un Eden est répandue partout.
« Dans la vocation initiative de la Femme, dit Bachofen, la gynécocratie trouve sa profonde expression. La Justice, la Vérité, toutes les grandes vertus humaines sont d'origine féminine.
« Le principe religieux de la gynécocratie nous montre le droit maternel dans sa forme la plus digne et nous fait voir toute la grandeur de cette antiquité. Les hauts et les bas de l'histoire découlent directement de cette source divine. Sans elle nous ne comprendrions aucune page de la vie antique, la vie primitive surtout serait un mystère impénétrable ».
Il est bien entendu que la Religion dont Bachofen parle ainsi, c'est la Religion naturelle, la Théogonie, et que la déchéance sociale est venue des religions surnaturelles.
L’antique gynécocratie est le fonds du monde, ce roc des sociétés. Ecoutez Bachofen ; il vous dira :
« L'humanité doit à la Femme sa primitive élévation, ses premiers progrès, son existence réglée et surtout sa première éducation religieuse et morale, elle doit à la Femme les jouissances d'un ordre supérieur. Toute la première civilisation est son œuvre propre. C'est à elle qu'on doit la première connaissance des forces naturelles. Vue ainsi, la gynécocratie est la période éducative de l'humanité en même temps que la réalisation des lois de la Nature, qui s'appliquent aussi bien au bien de l'individu qu'à celui de l'espèce ».
Les poètes exaltent leurs sentiments d'égalité et de fraternité. C'est particulièrement chez les gynécocrates que l'on réprime sévèrement le mal fait à son prochain, même fait aux animaux.
Les signes de la plus belle, de la plus grande humanité distinguent la civilisation des mondes gynécocratiques et lui font une physionomie où se reflètent toutes les grâces, tous les bienfaits que la maternité porte en elle-même. C'est le bonheur : avec sa disparition la paix s'envola de la terre. On peut dire que l'époque gynécocratique fut la Poésie de l'histoire, par sa grandeur héroïque, par la beauté sublime qu'elle donna aux femmes, par le développement des idées de courage, de valeur, par les sentiments chevaleresques qu'elle inculqua aux hommes, par l'importance qu'elle donna à l'amour féminin, par la discipline et la chasteté qu'elle imposa à l'adolescent.
On peut se demander où sont ces héros sans peur et sans reproche, fidèles serviteurs de la Féminité ! « Tous les peuples guerriers obéissaient à la Femme », dit Aristote.
Braver les dangers, chercher les aventures, servir la beauté, telles étaient et seront toujours les vertus d'une jeunesse forte et virile.
« O poésie de ces temps passés ! Vous avez disparu avec les siècles de gynécocratie, avec les émotions généreuses, inaccessibles aux poètes de nos jours, civilisés mais énervés. »

JUS NATURALE - Théocratie, base du droit naturel
« Le Jus naturale est un événement historique, une phase de l'évolution, l'expression de la première Religion, le monument des premiers états de l'humanité, il est aussi historique que le matriarcat qui en fait partie.
« Rome, par cela même qu'elle a été fondée sur le principe d'un Imperium, a vaincu radicalement l'ancien droit et opposé à la suprématie féminine asiatique une conception toute nouvelle du droit.
« Ainsi s'explique que, de cet ancien Jus naturale, il n'a été retrouvé que le nom, comme un cadre sans image, comme une ruine étrange.
« A la fin de l'évolution règnera de nouveau le Jus naturale ; non celui de la matière, mais celui de l'Esprit.
« Un dernier Droit, universel comme l'ancien, duquel tout arbitraire disparaîtra, se rapprochera par-là du Droit primitif, basé sur l'Ordre supérieur des choses. Ce droit ne sera pas inventé par les hommes, mais viendra d'une intuition (mal appelée révélation), comme vint le droit ancestral qui fut un ordre immanent et naturel.
« Les Perses croient à l'avènement d'un seul et unique Droit régnant dans l'Univers. Quand Ahriman (l'homme mauvais) sera détruit, le monde sera droit et les hommes heureux auront tous les mêmes mœurs, les mêmes lois, le même gouvernement, le même langage. Dans toutes les Religions, l'avènement d'un royaume « divin » (féminin) avec toutes ses conséquences est attendu et doit arriver à la fin des temps, lors de la dissolution du monde actuel.
« Dans l'émancipation des principes élevés (féminins), le droit devient amour. L'amour est un droit divin (pour la Déesse). Par elle la fin ultime donnera la plus haute justice. Bona Dea est le principe maternel à qui toute vie matérielle doit son origine et sa conservation. C'est Elle qui fait naître le bien-être physique et matériel d'un peuple. Le Prætor Consul est, avec Elle, le représentant de la vie matérielle.
« L'exécution du Droit repose dans cette Mère à laquelle les biens doivent leur origine, il parle pour Elle.
« La phase de l'Evolution, qui a pour centre la maternité avec son caractère sacré, apparaît comme l'expression nécessaire de la Religion naturelle et des lois de la vie.
« Si elle est vaincue, si la domination tombe dans les mains de l'homme, c'est alors le point de vue politique ou civil auquel tout doit céder. Le Jus naturale doit s'effacer devant le principe civil, qui est une violation de l'ordre naturel. » (Bachofen).
M. Deschanel disait, dans un remarquable discours en l'honneur de la Belgique (mars 1916) : « Deux choses me remplissent d'une admiration toujours grandissante : le ciel étoilé sur ma tête et la loi morale dans mon cœur ». Cette loi morale ne vient pas des hommes, aucun ne l'a formulée, c'est la loi dictée par la Mère, et rappelée par toutes les femmes chaque fois que le conflit sexuel surgit, cette loi fut toute-puissante dans les temps primitifs.
En remontant dans l'histoire des peuples, nous avons vu que, dans la jeunesse de l'humanité, il régnait sur toute la terre des Principes de morale, basés sur la vérité absolue, c'est-à-dire sur la science.
Ces préceptes, érigés en lois morales, étaient le fondement des lois sociales.
C'est toujours à une femme qu'on fait remonter ces lois.
Cérès législatrice est suivie de toutes les Mères, dont le nom dérivera de la mère Celtique Ma (les Manou, Mènes, etc.).
Il en résulte que les mœurs de cette gynécocratie étaient bien différentes de ce qu'elles sont devenues depuis, elles représentaient cette liberté, cette noblesse, cette simplicité que le régime maternel inspirait aux hommes, avant que les institutions sociales, le luxe, l'ambition eussent altéré leur caractère.
Une chose qui prouve que la grande préoccupation de ce temps était la vie morale, c'est que le plus ancien document trouvé par les archéologues, celui qu'on appelle le Papyrus Prisse (4.673 ans avant notre ère), ne s'occupe que de cela, c'est une leçon de morale donnée par une Mère à ses fils.

La parenthèse étant fermée, nous continuons notre récit et allons découvrir, partout dans le monde, cette tradition des Déesses-Mères.



ÉGYPTE
La première Divinité est adorée sous la forme d'une Vierge-Mère, qui s'engendre elle-même, c'est-à-dire qui enfante son propre sexe.
C'est Neith, la Déesse trouvée dans les fondations les plus anciennes d'Abydos et qui appartient suivant François Mariette à la première dynastie, ce qui la rend vieille d'au moins 7.000 ans, dit-on, même suivant les Orientalistes qui sont portés à diminuer les époques.
Mais pour nous cette chronologie n'a aucune valeur.
M. Bouwich, dans son ouvrage sur les croyances égyptiennes, nous dit de cette Mère primordiale : « Neith, Nut, Nepte, Nuh, ses noms peuvent se lire de différentes manières, est une conception philosophique digne du 19ème siècle, plutôt que du 24ème avant notre ère, ou d'une époque encore plus ancienne »; et il ajoute : « Neith est ni plus, ni moins, la GRAND'MÈRE et cependant la Vierge immaculée, ou la Divinité féminine dont toute la Nature procède. »
Les Hermès (nom générique des prêtres égyptiens) sont venus, dans le cours des siècles, jeter le voile du mystère sur toutes les antiques vérités. Mais on les retrouve à travers leur symbolisme.
Paul Pierret, qui étudiait l'Egypte déjà transformée par les mythes astronomiques, nous dit : « L'espace dans lequel le soleil prend naissance est personnifié par des Déesses qui s'appellent tour à tour Nout, Neit, Nehout, Isis, Thouéris, Maut, etc. Elles renouvellent chaque jour l'enfantement de la première fois et elles ont, quel que soit leur nom, un caractère primordial, comme ayant été le commencement des naissances ; elles sont dites Mères des dieux, puisque le dieu (l'homme) qui engendre ses propres formes est issu d'elles. Neit, la grande, la Divine Mère qui enfante le soleil (symbole de la lumière de l'Esprit), Neit la Mère qui enfante, n'ayant pas été enfantée (allusion à la genèse végétale directe), est le commencement de tout enfantement, avant qu'il n'y eût eu d'enfantement quelconque. Isis est appelée « la Déesse qui a commencé les divins enfantements ». C'est un titre de divinité primordiale, analogue à celui de grand commencement du devenir, porté par Ptah (le soleil) et ses similaires. Ce dernier titre « commencement du devenir », ayant été attribué à des femmes, a dû être porté par des Déesses » (Paul Pierret, Mythologie Egyptienne).

LA MÈRE DANS L'INDE PRIMITIVE
L'importance du rôle joué par le Principe-Mère dans les premières conceptions des Hindous explique le respect religieux dont fut entourée la Femme au temps des Védas et de l'ancien Manou.
D'abord nous trouvons dans les vieilles traditions :
Mâtri-Mâtri, la Mère des Mères, et c'est de ce mot sanscrit Mâtri qu'on fera matrimonial, qui indique ce qui est maternel.
Narî était la Vierge universelle. On lui adresse cette litanie :
Narî Aditi : Vierge immortelle.
Brahmî : Mère universelle.
Hiranya garbha : Matrice d'or.
Paramâtmâ : Grande âme.
Lakshmî : Reine de l'Univers.
Çakti : Lumière céleste.
Maryama : Fécondité perpétuelle.
Akâça : Fluide pur.
Ahankâra : Conscience suprême.
Kanya : Vierge.
Tanmâtra : Les cinq éléments.
Triguna : Les trois qualités.
Kanyabâna : Virginité éternelle.
Narî est souvent désignée dans le langage kabbalistique des initiés sous le nom de Reine des Sept (1). Il s'agit des sept principes cosmiques qu'elle a expliqués (voir l'article sur la Cosmogonie). et dont plus tard on fera sept rois.
Il faut remarquer que Narî ou Aditi reçoit seule dans le principe un culte extérieur.
L'apparition des « fils des Dévâs », nés de Vierges immaculées, est une idée qui se trouve à la base d'une multitude d'allégories.
C'est un grand chapitre de l'histoire de la Virgo pariens, la Vierge qui enfante et qui est représentée par Neith, Isis, Diane, etc. Ce sont des « Déesses démiurgiques » à la fois visibles et invisibles (Esprit invisible, corps visibles), ayant leur place dans le ciel (vie de l'esprit) et aidant à la génération des espèces.
Tel est le langage symbolique qu'il faut comprendre.
Quand le mystère de la fécondation sera connu, on dira, pour exprimer le temps où la fécondation n'a pas commencé, que, « au commencement, le fils est encore caché dans la pensée qui n'a pas encore pénétré le sein divin ».
Quand plus tard l'homme qui féconde sera connu, il sera appelé Fohat.
« Fohat est le serviteur des Manous (Mères législatrices ou Dhyan-Chohans) et est cause que les prototypes idéaux s'épanouissent de dedans en dehors ».
(1) Les légendes hindoues ont gardé et consacré le souvenir des fondatrices des premières familles. On les appelle Maharchis ou grands Richis. Les sept premiers Richis de l'Inde sont considérés comme les ancêtres de l'humanité. Et comme à cette époque reculée le père n'apparaît pas dans la constitution de la famille naturelle, il est bien évident que ce sont les Mères seules qui sont ces ancêtres primitives.

LA DIVINE MÈRE DÉMÈTER EN GRÈCE
Démétra ou Da-mater (de Dia-Meter), la Divine Mère, porte comme emblème l'épi, symbole de la graine humaine (les ovules).
Comme la Mère porte en elle la graine, elle représentera la moisson et on fera d'elle une Déesse nourricière.
Sa légende et son culte expriment d'abord le bonheur, la gaîté.
Elle est la Déesse féconde et heureuse (c'est pour cela que le temps de son règne est appelé l'Âge d'Or).
Elle est accompagnée ou traînée par des lions. Sa tête est surmontée d'une couronne de créneaux pour rappeler qu'elle a fondé la cité.
On la confond avec les grandes Déesses : Rhéa et Cybèle.
Nous trouvons aussi en Grèce la Divinité maternelle représentée par d'autres grandes Déesses, telle Héré (Héra), la plus vénérée de l'Olympe, qui siégeait sur un trône d'or. On la représente tenant en main des grenades, emblème de fécondité (le fruit représente toujours la graine, c'est-à-dire l'œuf ou l'ovule, et c'est l'ovulation que l'on glorifie chez la Femme).
Cérès a la même racine que Héré, qui veut dire « Souveraine ».
Elle règne à Milet. Et ce mot Héré forme le nom de Junon, en grec.
Cérès, comme Isis, est souvent appelée législatrice.
L'invention de la charrue est attribuée par les Grecs à Cérès.
Hestia personnifie le Feu Sacré, c'est-à-dire le génie, l'inspiration.
C'est l'Agni des Hindous, la Vesta des latins. Immobile sur son trône dans l'Olympe, on en fait le foyer, c'est-à-dire le centre d'où rayonne la lumière. C'est dans cette acception que le mot « foyer » restera pour symboliser le principal attribut de la Femme.
Hestia personnifie la vie sédentaire et intellectuelle, en opposition avec la vie nomade ou extérieure de l'homme.
Le culte d'Hestia sera, dans la suite des temps, confié à la Maîtresse de la maison. Elle est représentée tenant un sceptre, son visage est austère, sa chevelure sans ornements. C'est ce sceptre de la femme au foyer qui est exprimé par le mot Maitresse.

LA MÈRE DANS LA ROME ANTIQUE
C'est d'abord Mater Matula, Déesse de l'aurore et des naissances.
Sa fête s'appelait « la fête des Mères », Matralia. Nous trouvons aussi Acca Larentia, réceptacle des semences, dont le nom devient générique dans les Lares, qui sont les bons Esprits, protecteurs des champs et des moissons.
Le Laris familiaris était le génie protecteur du foyer. On célébrait les Laralia, fête familiale, en l'honneur de ces Divinités.
Ce culte persista longtemps. On le retrouve dans les Lares publics, les Lares de carrefour (compitales ou viales), les Lares Hostilii, protecteurs contre les ennemis, etc.
Ces Lares représentaient l'Esprit providentiel de la Femme, veillant sur la demeure et pourvoyant à tous les besoins de l'existence. C'est pourquoi les Déesses personnifiaient aussi la vie heureuse de cette époque : Fortuna est la Déesse du bonheur. Elle a différentes formes : Fortuna Muliébris, Fortuna Régia, Fortuna Respicius (favorable).
Du mot sanscrit Mâtri on fait en latin : matri-monialis, matrimonium, Matrona, Maturare.
Tout cela indique bien que c'est la Mère qui est la tête de la famille et l'esprit mûri (maturalio) qui dirige avec sagesse.

CHEZ LES CELTES
Nous trouvons dans le Panthéon Celtique et en Phrygie, Cybèle, Magna Mater, Mère du Mont Ida.
C'est de Mater Magna qu'est venue l'habitude d'appeler les anciennes Mères des Grand' Mères.
Cybèle est représentée sur un char traîné par des lions, elle a sur la tête une tour à trois étages, dont on a fait plus tard la tiare, et en main une clef double. On lit sur les statues de Cybèle retrouvées chez les Galates : Matri ideæ.
Dans toute la Gaule, on a retrouvé de vieilles inscriptions disant Deabus Mœrabus (Déesse-Mère ou Dia Mater), dédiées à la Déesse He Mœra (la lumière). Ses disciples sont appelées Mœres, Mères spirituelles.
Quand on traduisit Mater ideæ dans la langue des Ibères, on fit de Madre-idæ, le nom de Madrid donné à la ville qui devint la capitale du pays.
Mère en Celtique se dit Mam.
En Hébreu (qui en dérive), c'est Aman ; on ajoute nutrio (chald), ama nutrix.

EN CHINE
Nous trouvons dans le Chi-King, troisième Livre sacré des Chinois, un poème intitulé : L'amour fraternel, dans lequel la famille primitive est dépeinte. En voici une strophe (Partie II, Livre II, Ode 1-7) :
L'Union affectueuse entre la Femme et les enfants
Est semblable à la musique du luth et de la harpe.
Lorsque la concorde règne entre les frères,
L'harmonie est délicieuse et durable.
C'est la famille dans sa première forme, sans père.

EN AMÉRIQUE
Les lois de la nature étant les mêmes sur toute la terre, la même évolution se produisit partout. C'est ainsi qu'on a trouvé au Mexique l'ancien culte de la Mère.
La Divinité qui la représentait s'appelait Maïr, Mœra ou Mana.
En Amérique, le mot « Hour » (qui vient de Houri et devenu « Houria » chez les Arabes) signifie pro-stituée (premier-état), c'est-à-dire femme de l'ancien régime (1).
Le comte Maurice de Bregny, archéologue français, a découvert au Guatemala, dans le district de Peten, les vestiges d'une immense cité de l'époque des Mayas, c'est-à-dire de Maïr (Mères).
Manco Capac dit Mama Coia
(1) Dans la mythologie grecque, les « Heures » (Heure, « Hour » en anglais) sont un groupe de déesses personnifiant les divisions du temps.


LA DIVINE MÈRE CHEZ LES HÉBREUX
La tradition à laquelle nous sommes le plus habitués est celle d'Eve, la Mère universelle. Seulement, dans les Ecritures modernes qui la concernent, on met près d'elle un homme, Adam.
Or, dans les Ecritures primitives, cet homme n'existe pas. On appelle la terre végétale qui a produit l’Arbre de vie : Terre Adamique, ou Adama, et c'est de ce mot qu'on a fait Adam, quand on a révisé l'histoire.
Mais, d'abord, la grande divinité des Hébreux, la femme bénie, c'est HeVaH, « douée d'une beauté majestueuse et sainte qui ne pouvait créer dans l'âme des enfants un sentiment autre que celui d'une religieuse vénération. »
Hévah ou Havah est « Celle qui donne la vie ».
Les Hébreux en firent une Etoile, à la lumière douce et majestueuse, chaste et voilée ; elle est le Feu Sacré, l'emblème terrestre du soleil. C'est pour cela que le Soleil devint « la demeure céleste du très-haut ». Les prêtres ont mis dans le ciel d'en haut ce que le premier symbolisme avait fait descendre dans l'Esprit très-haut de la Déesse.
Mais cette vénération du Principe-Mère, de la Reine des Cieux, de l'Intelligence universelle, fut cachée par les Juifs, qui nous diront qu'elle est restée dans le domaine élevé de la spéculation.
Cependant, les anciens prophètes (qui étaient des prophétesses) en parlent continuellement.
Jérémie constate qu'on lui a rendu un véritable culte en Israël, « mais depuis le temps que nous avons cessé de faire des encensements à la Reine des Cieux, et de lui faire des aspersions, nous avons manqué de tout et nous avons été consumés par l'épée et par la famine » (ch. XLIV).

ORIGINE DU NOM D'ÈVE
Nous trouvons le nom de la Déesse-Mère écrit dans le Sépher par les consonnes HVH. On sait que l'hébreu n'a pas de voyelles.
On pouvait entre les consonnes interposer les voyelles que l'on voulait, l'usage seul prévalait, ce qui rendait impossible la transmission écrite de la prononciation des mots. La tradition orale seule conservait cette prononciation et, en changeant le son voyelle des consonnes, on pouvait rendre un nom méconnaissable.
C'est ce qui arriva pour le nom de la Divinité primitive des Israélites. Il fut d'abord prononcé HeVaH, Hévah (d'où Ève) ; en changeant les voyelles de place on en fit HaVeH, puis Jévah, IHOAH, qui fut par la suite prononcé mal à propos Jéhovah, à cause d'une ponctuation vicieuse des Massorètes (espèces de règles ou de conventions).
A propos du nom de Iahvé, Renan écrit (Le Peuple d'Israël, p. 82) : « Rien n'incline à croire que Iahvé soit originaire d'Egypte. En Assyrie, au contraire, et en particulier dans les contrées chaldéennes aramaïsées, voisines du Paddam-Adam, le mot la ho u ou la hv e parait avoir été employé pour désigner la divinité. La racine Hawa, écrite, par un h doux ou un h dur, signifie, en langue araméenne, l'Etre ou le souffle de vie ou la vie. La mère de vie, la première femme, s'appelait Hawa. Le nom sacré se contractait en I a h o u ou I o et s'écourtait en I a h. »
On expliquait le tétragramme par le verbe haïa qui est la forme hébraïque de Hawa : « Je suis celui qui suis ». Et ce « je suis » devenait un vrai substantif.
La franc-maçonnerie, qui garde dans son symbolisme les anciennes traditions de l'Israélisme, a le IVAH parmi les quatre mots sacrés du grade de « Maître secret » et le donne comme une contraction de Jehovah. Ce nom ainsi écrit nous fait présumer que, primitivement, Héva se prononçait Ivah, ce qui rapproche ce nom de Içwara (la Maîtresse exerçant la suprématie morale).
Ce n'est que dans le second chapitre de la Genèse, alors que la création est achevée et seulement lorsque la vie morale commence, que nous voyons employer le mot Ievah, qui est pris comme le symbole de la vie et de l'autorité maternelle morale et qui joue un grand rôle dans la religion israélite, surtout lorsque de grandes luttes de sexes éclatent à propos de ce nom, le nom ineffable, le « saint nom » que les hommes blasphémaient, ce qui aboutit à la défense absolue de le prononcer.
Les rabbins et les Israélites instruits connaissent l'origine féminine de leur Divinité, mais ils la tiennent secrète. Cependant, ce secret est maintenant divulgué. Fabre d'Olivet a contribué à faire la lumière sur cette question.
Dans son remarquable ouvrage La langue hébraïque restituée, il nous donne les moyens de remonter à cette origine, puis, comme inquiet lui-même de l'effet que cette divulgation va produire, il dit :
« Comme mon intention n'est point de profaner les secrets d'aucune secte, je désire que ceux que j'ai laissé entrevoir jusqu'ici, ou que je serais amené à révéler par la suite, ne choquent personne. Si, contre mon attente, il se trouvait néanmoins des sectaires qui fussent offensés de la publicité que je donne à certains mystères, je dois répéter que, ne les ayant reçus d'aucun homme, ni d'aucune société, et ne les devant qu'à mes seules études, je puis les publier sans trahir aucun secret ».
Renan nous dit que les Samaritains prononçaient IABE et non IAVE. Cette prononciation rapproche ce nom de HeBe qui représente la jeunesse féminine.
De ce nom Hébé on fait heber, nom générique des Hébreux, des Arabes et peut-être des Ibères.
Dans le Zohar, livre masculiniste relativement moderne, qui met le mot « Dieu » au masculin naturellement, on parle de la première Mère en disant : « Le premier (première Mère), c'est l'Ancien. Vu face à face, il est la tête suprême, la source de toute lumière, le Principe de toute sagesse, et ne peut être défini autrement que par l'Unité.
« Du sein de cette unité absolue, mais distinguée de la variété et de toute unité relative, sortent parallèlement deux principes opposés en apparence, mais en réalité inséparables, l'un mâle ou actif, l'autre passif ou femelle, désignés par un mot qu'on a coutume de traduire par celui d'intelligence.
« L'intelligence, c'est la Mère, ainsi qu'il est écrit : « Tu appelleras l'intelligence du nom de Mère ».
« Le nom qui signifie : Je suis, nous indique la réunion de tout ce qui est, le degré où toutes les voies de la sagesse sont encore cachées et réunies ensemble, sans pouvoir se distinguer les unes des autres. Mais quand il s'établit une ligne de démarcation, quand on veut désigner la Mère, portant dans son sein toutes choses (les mâles et les femelles) et sur le point de les mettre au jour, pour révéler le nom suprême, le Divin dit, en parlant de Lui : Moi qui suis. Enfin, lorsque tout est bien formé et sorti du sein maternel, lorsque toute chose est à sa place et qu'on peut désigner à la fois le particulier et l'existence, le Divin s'appelle IHAVE, ou je suis celui qui est. Tels sont les mystères du saint nom » (Zohar).
Nous donnons cette littérature pour ce qu'elle vaut.

LES PREMIÈRES FAMILLES
Après un temps plus ou moins long, la maternité plusieurs fois reproduite constitue des groupes, formés d'une Mère et de ses enfants. Ce fut la première ébauche d'une famille, un lien unissant ces nouveaux êtres à leur Mère, un autre lien, l'affection fraternelle, les unissant les uns aux autres. Ils eurent des intérêts communs, un même nid, dans lequel ils avaient passé ensemble leurs premières années, un petit coin de terre, qui avait été le théâtre de leurs ébats. La Mère vivait au milieu de ses petits, dont elle était la source de vie et le génie tutélaire, elle les couvait, les soignait, les allaitait, tant que cela leur était nécessaire, et ne les délaissait que lorsqu'ils n'avaient plus besoin d'elle.
Tous les mammifères restés à l'état de nature nous donnent encore l'image de ce groupement familial dans lequel le mâle n'a pas de rôle ; il a cherché la femelle, dans un moment de besoin physiologique, mais, après le besoin satisfait, il s'est éloigné sans se douter des conséquences de son acte.
Cette première famille, dont la Mère est le centre, a gardé sa forme primitive pendant de longs siècles.
La période pendant laquelle la Mère, toute-puissante, a régné sans trouble, est celle qui a été désignée par le mot matriarcat, mot qui est entré dans la littérature historique pendant le 19ème siècle et qu'on doit à Bachofen.
Le mot Patar, dans le sanscrit primitif, ne signifie pas celui qui féconde, mais celui qui protège.
C'est le frère de la Mère. C'est pour cela que longtemps c'est lui, l'oncle, qui s'occupe surtout de l'enfant, et, quand les hommes de cette époque parlaient de la descendance, ils ne disaient pas « nos fils », ils disaient « nos neveux ».
M. Leblois dit : « Le mot Père, qui dans notre langue a un sens précis, n'avait pas ce caractère dans la langue aryenne. Patar était moins un nom, un substantif qu'une expression descriptive dont le sens était « celui qui protège ».
« Matar voulait dire celle qui enfante. Fratar, celui qui aide. Swasar, celle qui réjouit. ».
Voici un autre témoignage :
Renan, dans l'Histoire du peuple d'Israël (T. I, p. 17), nous dit :
« Le mot Patriarche ne se trouve pas avant le premier siècle de notre ère, mais il est bien fait ; nous l'employons ».
Et il l'applique aux primitives tribus matriarcales qu'il décrit en substituant le rôle du Père à celui de la Mère. Singulière façon de faire connaître l'histoire de l'humanité ! C'est, du reste, le système employé par la plupart des historiens.
Louis Franck, dans La condition politique des femmes, nous expose comment la famille primitive se constitua. Il dit :
« L'étude des origines de la civilisation nous permet de constater combien modestes furent les débuts de la race humaine. Aux âges primitifs des peuples, a régné la plus étrange confusion dans les relations des sexes, une promiscuité informe, où les hommes d'un même groupe ont possédé en commun les femmes de la tribu. Puis les groupes se sont scindés. Quand, sous l'empire de circonstances et de besoins nouveaux, le fractionnement des tribus amena la création de clans, l'instinct d'appropriation individuelle se fit jour, succédant au collectivisme primordial.
Une civilisation rudimentaire prit naissance. La conception primitive de la famille se forma. Entre les hommes s'établirent les premières relations de parenté, basées sur la filiation maternelle, c'est-à-dire le fait certain, palpable, tangible de la naissance, de la maternité.
« De la promiscuité originelle émergea la famille utérine, se perpétuant par les femmes, et qui semble n'être qu'un prolongement indéfini du cordon ombilical. Le trait distinctif de cette famille, c'est d'être sans père. Le mari, ou plutôt le mâle, y est réduit au rôle de reproducteur. La femme n'y est pas cependant dépourvue de toute espèce d'appui, car elle trouve dans son oncle et ses frères des protecteurs naturels chargés de la défendre. Ces parents maternels occupent dans la famille utérine la place qui appartient au père dans la famille patriarcale.
« Les traces de la famille utérine se retrouvent chez tous les peuples, dans les stades primitifs de l'évolution humaine, au sein des peuplades aryennes, comme à l'origine de toutes les autres races.
« L'ancienne Egypte, au temps de sa splendeur, a ignoré notre régime de paternité, et, durant des siècles, la parenté par les femmes fut l'unique loi régissant les populations de la vallée du Nil.
« Les Cretois n'ont jamais connu que le principe de la maternité et, pour eux, la Matrie a remplacé ce que nous sommes convenus d'appeler la Patrie. Dans l'antiquité, la famille utérine a laissé des traces fort appréciables chez les Phéniciens, les Sémites, les Lyciens, les Etrusques, les Hellènes, les Spartiates, les Doriens.
« Les Celtes ne faisaient aucune distinction de sexe dans les commandements et chez eux les femmes conservèrent bien longtemps une influence considérable. Quant aux Germains, qui n'ont jamais passé pour des efféminés, ils estimaient qu'il y avait dans l'âme des femmes quelque chose de divin et de primordial ; aussi avaient-ils toujours soin de consulter les femmes et de ne point dédaigner leurs avis et leurs conseils ».
Mille excuses pour la multiplication des citations. Mais les auteurs masculins qui se sont occupés de cette question ont plus d'autorité, dans le monde des hommes, que les auteurs féminins ! C'est du reste dans leurs ouvrages que nous avons été chercher nos documents et nos preuves.
En voici encore un qui fut très écouté. C'est Louis Bridel, professeur de Droit à l'Université de Genève. Il dit :
« Les historiens et les voyageurs qui rapportent le fait de l'organisation maternelle de la famille, chez tel ou tel peuple, ont généralement ignoré qu'il se présentait ailleurs ; et, comme Hérodote pour les Lyciens, ils n'y ont vu qu'une exception, une singularité locale. Or, nous sommes en présence d'un véritable régime antérieur à celui de la famille paternelle de l'Inde, de la Grèce et de Rome, régime dont l'extension paraît avoir été considérable, si ce n'est générale, à une époque donnée. On peut se demander, en effet, si l'organisation maternelle a été commune à toute une période historique, si c'est un état familial par lequel aurait passé l'humanité dans son ensemble, ou bien s'il s'agit d'une organisation propre seulement à certaines races. De la généalogie maternelle dérive tout un système de parenté par les femmes, coutume générale parmi les tribus sauvages dans toutes les parties du monde. L'enfant étant exclusivement considéré comme l'enfant de sa Mère, toute sa parenté se trouve naturellement du côté maternel et par les femmes. C'est exactement la contrepartie du système agnatique romain, d'après lequel toute parenté provient du côté paternel. Une des conséquences les plus curieuses du régime se manifeste dans l'ordre des successions ; l'on voit alors les héritiers naturels d'un homme être, non pas ses propres enfants, mais les enfants de sa sœur, fait fréquemment observé chez plusieurs tribus africaines.
« Ainsi donc, avant d'en arriver à la période du régime paternel, la famille se serait organisée du côté maternel et féminin, le nom des Mères et leur condition descendant le cours des générations, tandis que l'homme est sans lien direct avec les générations nouvelles et sans postérité reconnue » (La Femme et le Droit).

Revenons à Louis Franck pour savoir comment la famille maternelle a été remplacée par la famille paternelle ; question qui dépasse l'époque que nous étudions, mais qui cependant trouve sa place dans ce chapitre. Il dit ceci : « L'autorité maritale n'est pas une institution naturelle et librement consentie entre les hommes, établie de propos délibéré, après mûre réflexion, en vue de permettre à chacun des sexes de remplir sa mission spéciale, au plus grand avantage de tous. Elle est le produit d'une réaction brutale. Résultante d'un ordre de choses dont le souvenir même s’est presque éteint dans la tradition de l'histoire, la puissance maritale est une institution barbare qui ne se conçoit plus, dans une période de civilisation. Vestige d'un passé à jamais disparu, elle ne peut manquer de disparaître à son tour.
« Le passage de la famille utérine à la famille agnatique ne s'est pas effectué chez tous les peuples d'une manière identique.
Chez les uns, la transition a provoqué des luttes violentes et des conflits sanglants, comme on peut d'ailleurs l'observer chez les Maoris de la Nouvelle-Zélande, où la filiation agnatique a remplacé peu à peu la famille utérine. Ailleurs, la transition s'est accomplie sans trouble et sans secousses par la voie d'une évolution lente et pacifique ; c'est ainsi par exemple que, dans l'ancienne Egypte, un simple décret royal, le prostagma de Philopator, a suffi pour opérer, sous l'influence des idées grecques, cette transformation du droit de famille » (La condition politique de la Femme).
Tout cela est confirmé par les travaux sociologiques de Morgan, de l'auteur danois Charles Kaoutski et du célèbre naturaliste anglais Henri Dumont, pour qui le principe vital de la famille gît dans la Femme ; aussi le matriarcat est, pour ces savants, le régime incontestable qui a gouverné le monde à une certaine époque de l'histoire.
Cette époque aujourd'hui retrouvée a été cachée pendant des siècles, et c'est la condamnation des historiens. Toutes les Écritures primitives qui la mentionnaient ont été altérées. C'est du 10ème siècle avant notre ère au 4ème siècle que cette œuvre de falsification a été accomplie ; on effaça de l'histoire le rôle de la Femme, son règne primitif, ses luttes, ses mérites, toutes ses grandeurs. Et quand le Droit paternel fut introduit dans le monde, vers le 11ème siècle avant notre ère, on mit le mot Père dans les Écritures révisées, partout où l'on trouvait le mot Mère.
La réalité, comme tout ce qui est très loin de nous, se perd dans les brouillards de l'histoire et semble invraisemblable, extravagante même à ceux dont la vue superficielle ne juge le passé que d'après le présent. C'est ainsi que la famille paternelle et le droit paternel de date récente sont nés d'un régime de renversement que nous, verrons plus loin commencer. Ce Droit est devenu pour les peuples dégénérés un fait si naturel qu'ils ont de la peine à concevoir et à croire que la famille maternelle n’ait jamais existé. L'esprit s'est fait au renversement, on l'a pris pour un état primitif, né de la Nature, alors que c'est un état secondaire, né d'une altération des lois de la Nature.
Figurons-nous un homme habitué à porter son habit à l'envers et que l'on n'aurait jamais vu que recouvert de ce vêtement dont la surface est une doublure ; l'œil s'y serait si bien fait que, si quelqu'un venait à dire que cet habit est retourné, qu'il a une autre face que nous ne voyons pas, personne ne le croirait et c'est la primitive surface qui semblerait la doublure.
« Chaque époque suit inconsciemment, jusque dans ses inventions poétiques, les lois organiques qui lui sont propres. Si grande même est la puissance de celles-ci que la tendance à conformer aux idées nouvelles ce qui, dans l'antiquité, s'en écarte, est irrésistible. Les traditions gynécocratiques n'y ont pas échappé et nous constaterons souvent l'influence rétrospective du présent sur le passé. Cette tentation de remplacer l'incompréhensible par le compréhensible, accommodé au goût du jour, se manifeste souvent de façon bizarre : l'ancienne esquisse est recouverte d'un coloris plus nouveau ; les majestueuses figures du monde gynécocratique sont présentées aux contemporains suivant l'esprit de leur propre époque, les formes trop fortes ou trop dures sont atténuées ; en même temps que le droit, les sentiments, les motifs, les passions sont jugés du point de vue régnant. Parfois le moderne et l'antique marchent de concert ; ailleurs, le même fait, la même personne sont présentés sous le double aspect que leur imprime la diversité des temps : ici innocents, là criminels ; ici objet d'abomination et d'horreur, là de vénération et de respect. Ailleurs encore, c'est le père que l'on substitue à la mère, le frère à la sœur, mettant ainsi l'élément masculin à la place ou à côté de l'élément féminin ; les vocables féminins sont masculinisés. Bref, les conceptions gynécocratiques cèdent, de toutes parts, aux exigences de la thèse patriarcale » (Bachofen, Das Mutierrecht, Préface).

LE NOM DE LA MÈRE
La conséquence naturelle de tout ceci, c'est que l'enfant porte le nom de sa Mère. Du reste, c'est ce nom de la Mère qui désigne la tribu, plus tard la bourgade et quelquefois s'étend même à une région très grande.
C'est ainsi que presque toutes les anciennes villes devaient leur nom aux femmes qui les avaient fondées. Les anciens Gaulois, nous dit-on, vénéraient la forêt des Ardennes parce qu'elle avait été le séjour de la Déesse Arduina, qui lui avait donné son nom.
Il est bien évident que tous les descendants de cette Déesse ont porté des noms qui se rapprochaient du sien, ce sont les Harduins, les Arduens et leurs variétés.
Si une Mère s'appelle Berthe, nous retrouvons sa descendance dans des Berthier, des Berthelot, des Bertet, des Bertillon, des Bertal, etc.
Une Mère primitive appelée Mathilde a une lignée de Mathot, Mathis, Mathieu, etc.
Si la Déesse-Mère s'est appelée Bathilde, elle a laissé à ses rejetons les noms de Barthe, Bartet, Barthou.
Et les Marie, qui furent innombrables, ont laissé des Marion, Marin, Marini, Mariani.
Les noms si communs en France de Martin, Martineau, Martinet, viennent d'une Mère primitive qui s'appelait Marthe.
Ce sont les noms primitifs des femmes qui sont devenus les noms de famille.
Zimmermann, dans son livre intitulé L'Homme, dit :
« On a constaté, chez certains peuples éloignés les uns des autres, l'usage d'appeler l'enfant du nom de sa mère, non de celui du père.
« Cela paraît étrange à nous, qui établissons la paternité sur une simple présomption, mais ne sont-ils pas plus dans le vrai, quand ils s'appuient sur le fait patent de la maternité ?
« Or cette coutume se rencontre partout où les hommes n'ont pas la prétention de disposer seuls de leurs sentiments. La jeune négresse, comme la jeune indigène des îles des Amis (Tonga), peut librement s'abandonner à ses affections et donne son nom aux enfants de ces unions passagères ».
Et Louis Bridel, dans La Femme et le Droit, écrit : « Les Lyciens (sud de l'actuelle Turquie), dit Hérodote, ont une singulière coutume. Ils se nomment d'après leur mère et non d'après leur père. Si l'on demande à un Lycien qui il est, il indique sa généalogie du côté maternel, en énumérant sa mère et les aïeules de sa mère. Si une citoyenne s'unit à un esclave, les enfants passent pour nobles, mais si un citoyen, fût-il du rang le plus élevé, prend une femme étrangère ou une concubine, les enfants ne jouissent pas des honneurs ».
Les mœurs ainsi décrites sont celles de la fin du régime matriarcal, non de ses débuts, mais il est bon cependant de les enregistrer.
Louis Bridel ajoute : « Cette singulière coutume des Lyciens a dès lors été signalée chez de nombreuses populations de l'antiquité, ainsi que chez diverses tribus plus ou moins sauvages de nos jours. Polybe la mentionne chez les Locriens (ancienne région de la Grèce centrale). Sur les tombeaux des Etrusques (centre de l'Italie), c'est l'indication de la descendance maternelle qui figure le plus souvent.
Mécène, qui était originaire d'Etrurie, portait le nom de sa mère conformément à l'usage de son pays.
Différentes traces du régime de la famille maternelle se retrouvent chez les Cariens (sud-ouest de l'Anatolie), chez les Pélasges (premiers habitants de la Grèce) et dans la Grèce primitive, chez les Cantabres (habitants de la partie du nord de la Péninsule Ibérique) et jusque chez les Basques, dans l'Egypte ancienne, qui, sous tant de rapports, paraissait aux historiens grecs un monde renversé, dans la Crète où l'on disait la Matrie pour la patrie, etc.
« De tous les documents qui nous font connaître l'existence et les bases du matriarcat, ceux qui concernent le peuple Lycien sont les plus clairs et les plus précieux. Les Lyciens, suivant Hérodote, donnaient à leurs enfants, non pas comme les Grecs le nom du père, mais toujours le nom de la mère ; ils ne tenaient compte dans la construction des généalogies que des ancêtres maternels, c'était le rang social de la mère qui seul, chez eux, classait l'enfant.
Nicolas de Damas complète ces renseignements par d'autres détails sur le droit exclusif de succession des filles qu'il fait dériver de la coutume lycienne ; droit non écrit, émané de la divinité même, suivant la définition de Socrate.
« Au droit de succession exclusif des filles, chez les Lyciens, correspond l'obligation alimentaire, qui, suivant l'usage égyptien relaté par Diodore, incombe aux filles seules à l'égard des parents âgés. Chez les Cantabres, suivant Strabon, les frères étaient établis et dotés par leurs sœurs ».
« Partout la fraternité des sœurs est sacrée, la sœur a la primauté sur son frère. La fille a la primauté sur le fils. Le dernier né a tous les droits, à la dernière naissance s'attache la succession, la durée de la vie étant présumée plus longue ». (Bachofen).
Il y a ici une erreur d'interprétation.
Quand on dit : Le dernier-né a tous les droits, on veut dire, par-là, celui qui est le dernier apparu dans la vie animée (animale).
Le dernier-né, c'est la Femme. Cependant, elle a dépassé l'homme en intelligence. Ceci ne doit pas être appliqué à la famille, mais à la race, à la Genèse primitive. C'est une façon obscure d'affirmer ce que voulait faire entendre la légende symbolique d'Esaù et Jacob : Esaù, le premier-né, cédant son droit d'aînesse, c'est-à-dire se laissant dépasser (1).
Maintenant Hésiode ne nous étonne plus quand il place au premier plan de Son récit la Mère, ses soins incessants, l'éternelle minorité du fils, dont la croissance physique n'amène pas l'émancipation, et qui jouit près de sa Mère, jusqu'à un âge avancé, du calme et de l'abondance qu'offre la vie agricole. N'est-ce pas là une peinture du bonheur perdu, dont le matriarcat fut le pivot, et n'est-il pas contemporain de ces archaïa phyla gynaïkôn (2) qui ont disparu de la terre en même temps que la paix ?
(1) L'antiquité discuta longuement sur la pro-géniture de l'homme, premier sorti de la vie végétale, mais déchu. Dans l'ancien régime, la fille seule hérite ; dans le nouveau, c'est l'homme qui hérite parce qu'il est l'aîné. Puis on perd de vue cette vieille discussion, mais l'aîné continue à hériter, d'où le droit d'aînesse. Chez les Coréens, les Hébreux, l'aîné (le garçon) a part double, c'est la justice de l'homme.
(2) Antiques races de femmes.

LA TRIBU
Le monde est divisé en tribus, et la tribu n'est que la famille agrandie.
C'est la tribu qui deviendra la bourgade, puis la cité.
L'autorité de la Mère, dans le groupement familial, n'est pas encore discutée, tous se soumettent à ses décisions.
Le gouvernement gynécocratique est une République où toutes les femmes ont la même autorité dans leur foyer, dans leur tribu, qui est le foyer agrandi. Il y a autant de Reines-Mères qu'il y a de familles. On ne connaît pas encore cette autorité envahissante qui prétend dominer par-dessus les familles et les clans.
Les tribus matriarcales pouvaient avoir de 400 à 550 âmes ; au-delà on se divisait, mais le souvenir de la primitive famille se conservait pendant de longs âges et les anciennes Mères, dont le nom restait attaché à la tribu, furent longtemps vénérées par leurs descendants, de là le culte des ancêtres.
Ceci nous explique pourquoi les villes ont toujours été symbolisées par une femme, et le sont encore.
C'est parce que la Déesse matronale avait donné son nom à la tribu que la famille issue d'elle était groupée sous le même nom.
Le régime matriarcal s'explique aussi par ce fait que le Père naturel ne s'attache pas à la Mère et à l'enfant, ne connaît, du reste, pas l'enfant né de lui ; et l'enfant qui ne porte que le nom de sa Mère, qui est le nom de la tribu, ne connaît pas son Père, ne sait même pas qu'il en a un.
Dans le monde primitif, il n'y avait pas de punition pour le parricide, parce qu'on ne connaissait pas son père.
L'enfant grandissait dans sa famille naturelle, qui était sa famille maternelle, n'ayant, quand il était homme, ni responsabilité, ni charges ; donc, pas non plus cette hypocrisie née avec les devoirs factices imposés dans le monde masculiniste. L'amour était libre, mais subordonné à la loi d'hygiène morale qui le réglementait et que la Mère avait inculquée à son fils dès son enfance.
Le monde primitif était fait pour le bonheur de l'homme ; on n'y voyait pas de misère, pas de malheur, pas de crime.
L'autorité brutale que l'homme a voulu exercer sur la femme et sur l'enfant, sous prétexte de paternité, a apporté le malheur dans le monde et désorganisé la famille. C'est la grande erreur sociale des temps masculinistes.
Faut-il rappeler encore que le droit maternel n'est pas l'apanage d'un peuple, mais régit toute une époque, qu'il n'est pas non plus particulier à une race, mais qu'il est déterminé par l'uniformité des mêmes lois primitives ?
« Les peuples régis par le droit maternel avaient la civilisation qui en résultait. Si ces peuples furent grands, généreux, ils le durent au pouvoir féminin. La féminité était arrivée à un éclat, à une splendeur qui faisait l'admiration des anciens ». (Bachofen).

LA MÈRE, PROVIDENCE UNIVERSELLE
Dans toutes les antiques traditions, la Mère est considérée comme la Providence pourvoyant à tout et distribuant aux humains toutes les choses nécessaires à la vie. Sous cet aspect, nous trouvons qu'on lui avait élevé un Temple dans l'île de Délos.
On y voyait une femme âgée et vénérable qui tenait d'une main une corne d'abondance, les yeux fixés sur un globe, vers lequel elle étendait une baguette qu'elle tenait de l'autre main, ce qui signifiait qu'elle répand l'abondance sur toute la Terre.
Ceci nous révèle à la fois son rôle universel de Mère nourricière et de Mère spirituelle enseignant aux hommes les lois de la cosmologie, toutes découvertes pendant cette époque primitive.
Les Grands Livres sacrés de tous les pays en font foi.
Nous trouvons aussi dans les archives du passé une Cérès Mammosa, ainsi nommée à cause d'une infinité de mamelles pleines, qu'elle avait autour d'elle comme une Mère nourrice de tout le monde.
Diane fut surnommée Pédotrophe (qui nourrit les enfants). On appelle « Messies » les Déesses des moissons. Il y en eut une particulière pour chaque espèce de moisson.
M. Désiré Deschamps a publié dans La Question sociale, de 1888, une série d'articles intitulés : La Femme et la Civilisation.
Nous lui empruntons les lignes suivantes :
« Le souvenir de cet Âge d'or a traversé les âges. Il vivra aussi longtemps que l'humanité.
« Du foyer où la Femme était la Mère-abeille sortit la plus belle série d'inventions qui ait illustré une époque.
« Créée la poterie, créée la vannerie, créé le fuseau, créé le métier à tisser, créée la corderie, créée la culture de la terre, créée la panification, créée la domestication des animaux, créée une quantité de ressources jusque-là insoupçonnées (1).
« ÂGE D'OR, vous dis-je ! Voyez ces instruments en pierre, hache, pointe de lance et de flèche, polissoirs, marteaux, ciseaux, couteaux, scies, etc. Voyez ces objets fabriqués en os et en corne : aiguilles à un ou deux trous, lissoirs, poinçons, haches, flèches, harpons, etc., et dites-moi si de tels produits ne décèlent pas une population éminemment industrieuse.
« Mais il faut poursuivre plus loin notre enquête. La partie fibreuse de l'écorce de certains arbres, ainsi que celle du lin, était utilisée à la fabrication des cordes et des étoffes.
« La navette, le fuseau en bois, ses disques, ses pesons percés, destinés à favoriser son mouvement rotatoire, le métier à tisser avec ses mallettes à tendre les fils de la chaîne nous émerveillent.
« Les mêmes populations étaient pourvues de meules à moudre le grain, elles pétrissaient la farine et cuisaient le pain.
« Le sol alors était d'une grande fécondité et n'exigeait pas un labour profond. Elles le remuaient avec des bois de cerf ou des branches d'arbres et y semaient du lin, des céréales (froment, orge, millet), des lentilles, des fèves des marais, des pois, etc.
« La terre défrichée lui produit des céréales et des plantes textiles, dont les fibres tissées forment de la toile, le solboisé lui fournit des fruits et l'animalité lui livre des auxiliaires dévoués.
« A quelle influence doit-on cette extension de la puissance de l'humanité ?
« A la Femme ! »
Mme de Bezobrazow, pour soutenir la légitimité du gouvernement des femmes, écrit :
« L'autorité de la Femme se soutenait naturellement par l'importance qu'elle avait dans la question du travail.
« D'abord, c'est la Femme qui la première utilisa le feu, qui la première recueillit les racines nourricières et observa qu'il suffisait, pour récolter ces mêmes herbes, de jeter leurs semences dans la terre. Par la seule observation de ce fait, la Femme ouvre une nouvelle voie et donne naissance à l'agriculture.
« La forme de l'antique matriarcat était logiquement basée sur cette considération que la femme est l'élément économique tant psychique que moral du monde. De là le culte d'Isis, de Cérès, de la Mère qui possède le germe, qui le nourrit, qui le développe, comme la terre à l'égard du grain ».
Nous voyons les travaux de cette humanité, nous voyons ses œuvres, ses sciences, ses arts et ses inventions, mais nous n'en voyons pas les auteurs. On les a cachés, et ceux à qui on attribue tout n'ont rien fait. Cependant, ce qui est difficile et merveilleux, ce qui étonne les hommes est appelé « un travail de Fée ! »
Allons, Messieurs les masculinistes, avouez que votre bâton de commandement n'était pas autre chose que la baguette des Fées, la baguette magique de Circé.
(1) Schott rappelle au XVIème siècle que les primitifs égyptiens faisaient éclore des poulets au moyen de la chaleur artificielle.

LA DÉESSE-MÈRE, ÉDUCATRICE DU GENRE HUMAIN
Au début de l'évolution, ce qui domine dans la société, c'est l'autorité maternelle, c'est la réglementation de la vie de l'enfant, qui devient homme, suivant les prescriptions de l'Esprit féminin.
Louis Pauwels (L'homme éternel) écrit : « On a retrouvé, dans quarante sanctuaires exhumés, de nombreuses sculptures et divers objets cultuels. Ces éléments permettent de reconstituer, partiellement, la religion des premiers citadins du monde (jusqu’à preuve du contraire). Les sanctuaires semblent avoir été tous dédiés à la Déesse-Mère. La présence de cette Déesse suggère qu’il existe un lien entre tous les cultes à l’aube de l’humanité. Ne figure-t-elle pas parmi les statuettes de l’ère solutréenne, découvertes à Vilendorf en Autriche, à Brassempouy dans les Landes comme dans la grotte de Grimaldi à Menton ? Ne la retrouve-t-on pas chez le Tchouktchi esquimau ? Là, tantôt elle s’appelle la Mère du Mort, tantôt elle porte d’autres noms selon ses attributions  multiples mais dont l’essentielle est la fécondité. En Sibérie également le Chaman ne s’adresse-t-il pas à la Maîtresse de la Terre qui le renvoie à la Mère de l’Univers pour obtenir l’autorisation de prendre au lasso les animaux qui assurent sa subsistance ? Des statuettes représentant la Déesse rudimentairement n’ont-elles pas été exhumées à Jarmo, vieilles de près de neuf mille ans ? À Eshmun en Mésopotamie, comme à Baalbek ne l’adorait-on pas ? En Égypte, elle s’identifie à Maat. En Chaldée, elle existe tantôt mince comme une sylphide, tantôt callipyge. Et n’est-ce pas elle que représentent les mères allaitant leurs enfants dans les figurines en terre cuite de Tell Obeid ? On a cru la reconnaître à Mohenjo-Daro, dans la vallée de l’Indus, et depuis l’époque védique elle occupe une place de choix dans le Panthéon indien. La Reine de l’Eau au Mexique (de l’eau, source de la vie) comme celle de la Fécondité des Minoens, d’abord stéatopyge puis élancée, tantôt nue, tantôt vêtue et parée, s’identifient à elle. Au Louristan, il y a environ cinq mille cinq cents ans, on trouve d’elle diverses représentations. Et en Anatolie quatre mille ans après la disparition de Çatal  hüyük elle demeure présente. Les chaînons manquent, mais on est tenté de la retrouver dans le culte de maya, la Mère de Gautana Bouddha comme dans la vénération de Marie, mère de Jésus. Permanence de cette Déesse-Mère de l’univers ? Dans les statues trouvées à Çatal hüyük elle est exclusivement callipyge. L’une de celles-ci la représente en train d’accoucher d’un taureau (préfiguration du culte de  Mithra ?). Des  peintures murales indiquent qu’elle avait le pouvoir de ressusciter les défunts (« mort » morale). Sa couleur comme celle de la vie était le rouge. »
La discipline maternelle a formé les hommes, c'est par elle qu'ils se sont élevés au-dessus de leur nature masculine, et nous soulignons le mot élevé pour faire comprendre que s'ils avaient suivi les instincts de leur nature, sans ce correctif, ils n'auraient pas grandi dans la civilisation, ils seraient tombés tout de suite dans la vie grossière des dégénérés et dans la folie qui en est la conséquence.
C'est quand les hommes, ou les peuples, s'affranchissent de la discipline maternelle qu'ils dégénèrent et disparaissent, car elle est un principe de vie en même temps que de vertu.
La vie morale de l'homme a été une lutte entre ses instincts d'homme et la discipline maternelle qui veut les empêcher de déborder. Le progrès ne s'est accompli que quand le devoir a triomphé de l'instinct.
Bachofen, qu'il faut toujours citer, dit : « L'humanité doit à la Femme sa primitive élévation, ses premiers progrès, son existence réglée et surtout sa première éducation religieuse et morale, elle doit à la Femme les jouissances d'un ordre supérieur. Toute la période civilisatrice est son œuvre propre, c'est à Elle qu'on doit la première connaissance des forces naturelles. Vue ainsi, la gynécocratie est la période éducatrice de l'humanité en même temps que la réalisation des lois de la Nature, qui s'appliquent aussi bien au bien de l'individu qu'à celui de l'espèce ».
L'éducation de l'homme s'est toujours continuée, et se continuera toujours, par les enseignements de la Mère, par sa direction tutélaire, par sa vertu providentielle.
La grande force éducatrice de l'enfant est dans la psychologie de la Mère. La Femme a la charge du Bien de par le fait de son instinct naturel qui l'élève sur le plan spirituel et lui révèle le Mal en lui montrant qu'il a son origine dans la nature inférieure, c'est-à-dire sexuelle de l'homme.
Quel est l'homme qui niera l'influence de sa Mère sur sa première enfance, qui reproduit l'enfance de l'humanité collective ?
La direction générale de la discipline maternelle est partout et toujours la même, elle porte sur les mêmes actes, elle produit dans la conscience naissante de l'enfant les mêmes effets.
La Mère, seule, peut imposer à l'enfant la discipline du Bien parce qu'elle l'aime et il le sait, et il lui obéit parce qu'il sent qu'elle l'aime.
« L'amour qui unit la Mère avec le fruit de son corps est ce qu'il y a de plus sublime au milieu de notre misère humaine », dit Bachofen.
Nulle personne autre que la Mère ne se trouve dans les mêmes conditions. L'homme a subi sa contrainte morale depuis sa première enfance, elle a été constante, l'a suivi dans le développement de sa sexualité, dont l'éveil est venu le troubler, mais dont il a craint les effets, parce que la Mère veillait à le maintenir chaste, et c'est ainsi qu'est entrée en lui l'idée du devoir.
La discipline maternelle laisse à l'homme toute sa liberté, mais s'adresse seulement à sa raison, en le prévenant du danger qu'il coure, du mal qu'il peut se faire à lui-même, de la folie qui le guette. La Mère instruit, elle ne contraint pas, mais elle laisse, dans le cerveau de l'enfant, une impression qui ne s'effacera pas et créera en lui la honte du Mal.
Du reste, la discipline donnée par l'autorité maternelle était appuyée sur l'instinct du Bien qui est dans la Mère. Elle ne pouvait pas être appuyée sur des raisonnements scientifiques que l’enfant n'aurait pas compris. C'est l'homme moderne qui pourrait les comprendre s'il le voulait, mais sa volonté n'est pas encore gagnée à la vertu, il lutte contre la Femme pour défendre ses instincts et il ne s'aperçoit pas que c'est ce système qui le condamne à mort, à la mort de l'Esprit, qui est la mort morale des individus et des peuples.
L'homme veut la liberté des mœurs, la liberté des vices, la liberté de toutes ses puissances physiologiques, et il a organisé la société, depuis qu'il la dirige, pour qu'elle lui facilite cette liberté.
Mais il n'a jamais demandé la liberté de la vertu, la liberté du Bien, et celle-là n'existe pas, aucun homme n'ose être vraiment vertueux, tous sont retenus par le respect humain qui est l'entraînement dans le Mal.
L'homme considère comme un bien la liberté du vice et comme un mal (ou un ridicule) la liberté de la vertu. Il met sa liberté au-dessus des principes de l'éducation maternelle et quelques-uns s'appliquent (les plus cyniques) à les contredire. Cependant, si les sociétés primitives n'avaient pas été disciplinées par les Mères, alors toutes-puissantes, les hommes auraient été des brutes grossières dès la première crise de l'adolescence.
C'est l'éducation maternelle qui tempère les instincts de l'homme en société et l'empêche d'être la bête cynique et déchaînée ; sans cette éducation, la liberté de l'homme serait un danger social.
L'homme n'est pas né pour être libre, et la liberté proclamée par ses formules : « Liberté, Egalité », est une hérésie sociale qui consacre deux erreurs :
1° La Liberté donnée à l'homme, c'est la licence de suivre ses instincts et de ne pas remplir ses devoirs, c'est le droit qu'on lui donne, ou qu'il prend, de travailler contre son propre intérêt, contre lui-même, contre son propre idéal méconnu : c'est le droit d'errer et de mal faire.
2° Parce que la liberté, que l'homme demande pour lui, est la négation de la liberté de la femme, qu'il entrave, en copiant cependant ses revendications.

LES DEUX INSTINCTS
La liberté que l'homme demande, et qu'il se donne, c'est la copie de la liberté demandée par la Femme pour l'exercice de sa nature divine, c'est-à-dire pour manifester ses instincts féminins, qui veulent le Bien, qui cherchent l'élévation spirituelle.
« Qui peut oublier que le siècle gynécocratique représente forcément tous les côtés qui distinguent la nature de la Femme de celle de l'homme, surtout cette belle harmonie, cette « harmonie féminine » comme l'appelaient les anciens, cette religion dans laquelle ce qu'il y a de plus ardent dans l'âme féminine, l'amour, a la conviction profonde de son accord avec le principe fondamental de l'univers, cette instinctive sagesse naturelle qui juge en un clin d'œil et avec la justesse d'une conscience, enfin cette immutabilité et ce conservatisme, inévitable apanage de la Femme ?
« Toutes ces manifestations de la nature, féminine sont autant de caractéristiques du siècle gynécocratique, chacune correspond à une manifestation de l'histoire, que nous pouvons juger maintenant à sa véritable valeur psychologique et historique ». (Bachofen).
Une discipline est indispensable à l'homme parce qu'il ne peut pas, par lui-même, se maintenir dans la région spirituelle et rationnelle qui est la région du Bien.
La discipline maternelle, dans la vie primitive, s'étendit de la famille à la tribu, qui ne fut que la famille agrandie. Et quand la tribu s'étendit elle-même et devint la société tout entière, le devoir familial devint la Religion, qui fut une discipline sociale, instituée par les Déesses-Mères.
Cette Religion étendit à l'homme collectif l'action tutélaire de la Mère ; c'est ainsi que l'idée du devoir s'étendit de la famille à la cité, de la cité à la Matrie.
C'est cette éducation qui créa l'Âge d'Or, qui ne put se réaliser que parce que l'homme resta à sa place d'homme et ne voulut pas encore prendre la place suprême de sa Mère.
Le Droit naturel, Droit Maternel, réglait les relations générales de l'humanité ; la Justice régnait parce qu'elle était basée sur cette vérité encore incontestée. : le Droit naturel.
Si on supprime l'éducation maternelle et l'autorité de la Mère, l'homme alors doit prendre en lui-même les éléments de sa propre discipline, à moins de s'en affranchir tout à fait et de vivre comme la brute.
Mais alors la société ne le tolère pas. Donc, par nécessité sociale, il doit se faire à lui-même une discipline et il ne peut en prendre les éléments que dans la première éducation maternelle qu'il a reçue.

GYNECOGRATIE
Salomon Reinach, faisant une conférence à la Mairie du 16ème arrondissement de Paris, organisée par le Musée Guimet, avait pris pour sujet : La lutte des Amazones dans l'antiquité.
Il commença ainsi son exposé :
« Gynécocratie est le mot qui désigne pour les savants, comme il désignait dans l'antiquité, le gouvernement des femmes ».
On a donc toujours su que les femmes ont régné, puisque le nom qui désignait leur règne s'est conservé et a toujours été employé par ceux qui connaissent l'histoire.
Comment se fait-il alors que le grand public ignore toute cette période historique et que, même parmi ceux qu'on appelle « des savants », il se trouve un parti masculiniste qui explique les origines d'une façon toute différente et contradictoire, présentant la femme comme esclave quand c'est elle qui gouverne, comme avilie quand elle est Déesse, comme infériorisée quand elle jouit de toutes les suprématies ?
C'est là le grand fait qui domine l'humanité. On a effacé des annales de l'histoire l'époque brillante pendant laquelle la femme régnait, par jalousie de sexes.
C'est l'œuvre des historiens masculinistes qui écrivirent dans le millénaire qui précéda notre ère, et qui cachèrent l'époque historique de la suprématie féminine pour lui substituer une histoire masculine qui n'a aucune réalité.
L'humanité primitive était régie par les lois de la Nature ; ces historiens voulurent y substituer la loi de l'homme, qui ne date que d'une époque relativement récente, et, pour lui donner le prestige de l'antiquité, effacèrent toute l'histoire antérieure à leur règne.

LES TEMPS OUBLIES
Littré dit dans la Philosophie Positive (1879) :
« Tous les anciens peuples ont la prétention de reporter leur origine à une très haute antiquité, mais tous aussi, quand ils sont sommés par la critique moderne de produire les actes authentiques de leur existence successive, se trouvent arrêtés bientôt dans cette exhibition, et plus tôt pour les uns, plus tard pour les autres, arrive le point au-delà duquel ils n'ont plus à alléguer que des légendes et des mythes. Celui de tous qui, pièces en mains, remonte le plus haut, est le peuple égyptien. Il sait écrire et il écrit, et de date en date il nous conduit jusqu'à quatre mille ans avant notre ère. C'est beaucoup, si l'on met son arbre historique en regard de celui des autres, mais c'est peu si l'on se reporte à la grandeur des temps que suppose l'existence avérée de l'homme quaternaire. Chose bien digne de remarque, l'empire égyptien, dans les documents les plus reculés qui en attestent l'existence apparaît non pas en voie de formation et plus ou moins rudimentaire, mais tout constitué, tout achevé, tout parfait.
« Cette Minerve ainsi pourvue, de la tête de quel Jupiter est-elle sortie, et par les mains de quel Vulcain ? Nous ne le savons et les Égyptiens ne le savaient pas plus que nous. Quand ils essayent d'exposer comment leur établissement politique et religieux s'est formé, par quels degrés il a passé, en un mot quel fut l'état antérieur à la splendeur attestée par leurs plus anciens documents, ils n'ont plus rien d'historique à nous dire et, comme les autres peuples, ils reportent toutes leurs origines à DES DIEUX qui les instruisirent et leur mirent en main les instruments de travail et de perfectionnement.
« Bien différents d'eux, ce que nous voudrions trouver ici, ce serait non une source divine, mais une source humaine. Comment est-on sorti de l'âge où la pierre polie était le plus haut point que l'humanité eût atteint ? Comment, des cavernes pour habitations et des stations lacustres pour refuges, a-t-on passé à de vraies cités, avec des défenses et des remparts, avec des lois et de la police ? Comment les premiers rudiments de gouvernement et de religion ont-ils pris corps, pour devenir une organisation politique et un culte ?
« Toutes ces questions et bien d'autres restent sans réponse. Il n'est que trop évident que ce n'est pas par les traditions des hommes que nous acquerrons des notions sur cette préhistoire. »

ARCHÉE
Il était dans l'ordre naturel des choses que, pendant cette période de l'humanité, la Femme exerçât son autorité morale sur l'homme, puisqu'elle était bien plus avancée que lui dans son évolution, Elle le dépassait en jugement, en intelligence et en raison.
Nous en avons la preuve dans l'évolution ontologique. Observons notre jeunesse actuelle, nous verrons que la jeune fille a une grande avance sur le jeune homme quand ils ont de 12 à 20 ans.
Quelle est la femme de 18 ans qui consentirait à se laisser guider et gouverner par un garçon de son âge ? Il est pour elle un enfant qui n'a pas atteint le degré de développement auquel elle est arrivée. C'est elle qui le conduit, elle est sa grande sœur, au besoin elle se ferait sa Mère et sa tutrice. Du reste, en face d'elle, il est envahi par une timidité qui annonce bien qu'il sent la distance qui les sépare.
C'est pendant cet âge phylogénique que la Femme prend les rênes du gouvernement. Elle règne dans la petite famille qui se forme autour d'Elle. Elle fonde, sans le savoir, la gynécocratie qui est, tout à la fois, la souveraineté de la famille et la souveraine de la tribu. Et c'est ainsi que commence sa royauté.
M. Eloffe, dans une savante étude, dit : « La gynécocratie, ainsi que l'indique son étymologie, était cette organisation sociale où la Femme jouissait de la plus grande autorité et occupait la première place dans la famille, dans l'Etat et dans les Temples sacrés.
« La nature de cette gynécocratie dépend en principe du culte d'une Déesse qui est conçue comme Mère du monde, car c'est en Elle et en ses compagnes sacerdotalement armées, que se personnifient toutes les forces de la Nature ».
On nous pardonnera de multiplier les citations, mais il importe de bien faire comprendre quels ont été les débuts de l'évolution humaine.
M. Louis Bridel, dans La Femme et le Droit, dit :
« De ce que la famille s'est constituée sur la base maternelle, on a pu conclure à une ère de gynécocratie ou de suprématie de la Femme et l'on a prétendu que le sexe féminin avait exercé alors une souveraineté analogue à celle qui, depuis, a été le partage du sexe masculin. Au fait familial de la généalogie et de la parenté par les femmes sont venus s'ajouter des faits de l'ordre social ou religieux ; ainsi l'existence d'anciens empires gouvernés par les Femmes (les Amazones) ; ainsi encore la donnée « féministe » de l'ancienne religion de la Nature qui reconnaissait, comme Divinité première, la Mère (Déméter), soit le principe féminin en opposition avec le principe masculin qui prévalut plus tard. Et l'on a dit : « Ce n'est pas la famille seulement qui dépendait de la Mère, mais la société tout entière était soumise à l'élément féminin alors prépondérant, le règne de l'homme a été précédé par le règne de la Femme ».
« A ceux qui objectent qu'il est difficile d'admettre un temps où la loi naturelle de la force aurait été sans effet et qu'il n'est pas croyable que l'homme ait été soumis à la Femme durant les âges primitifs, M. Bachofen répond que, dans l'enfance de l'humanité, d'autres forces étaient en jeu et avaient pu prévaloir sur la force brutale ; grâce à l'influence prépondérante de la religion dans les périodes antiques, la femme pouvait l'emporter sur l'homme avec toute l'autorité provenant d'un principe religieux universellement reconnu ».
On s'est étonné que cette souveraineté de la Femme ait pu s'exercer sans que l'homme lui ait opposé ce qu'on appelle le « droit de la force ».
Mais on n'a pas pensé que, à cette époque phylogénique de l'humanité, l'homme-adolescent ne possède pas encore la force musculaire que la sexualité développera plus tard en lui, que d'un autre côté la Femme adolescente n'a pas encore la faiblesse musculaire que la sexualité déterminera, si bien que ces deux êtres sont sous le rapport de la force dans des conditions peu différentes et, du reste, l'homme n'a pas encore appris l'usage (ou plutôt l'abus) qu'il peut faire de cette force. Du reste, s'il n'est pas encore victime des passions qu'il s'agira de défendre plus tard, il est encore trop « féminin » lui-même, pour ressembler en rien aux sauvages dégénérés dont on a voulu le rapprocher.
A l'époque qui nous occupe, rien n'existe encore qui soit comparable à l'Etat, tel que nous le verrons s'organiser plus tard.
Dans les sociétés gynécocratiques, la politique n'existe pas.
On ne trouve d'abord que des familles plus ou moins nombreuses, plus ou moins riches ; de leur agrandissement résulte la Tribu, qui est une sorte de seigneurie matriarcale. Les hymnes des Védas et de l'Iliade ne montrent que cela.
Elles s'étendent sur des contrées si petites que les Cheffesses indépendantes les unes des autres n'étaient véritablement entourées que de leur famille et de leurs amis, unis par des liens de sympathie et non par des lois.
La femme supérieure, la Déesse, est l'organisatrice de la vie sociale, le grand architecte de l'Univers.
Elle est le Démi-Ourgos (mot traduit par Thé-urgie), ce qui veut dire qu'elle est la puissance qui organise la Terre en même temps que la Mère qui produit l'homme.
Dans toutes les Ecritures primitives, il était parlé des architectes (archi-tekton, en grec, de tekton, charpente qui soutient une œuvre), synthétisés par le « Théos collectif », c'est-à-dire toutes les Déesses, toutes les Dévâs, dirigeant chacune un groupe social, une famille.
« C'est cette république de Déesses qui forme le Pan-théon. Ce sont elles qui « par une série de fondations font naître tout ce qui concourt à organiser la vie spirituelle et la vie matérielle qu'on exprime symboliquement par « le Ciel et la Terre », dit Mme Blavatsky.
C'est ainsi que Cérés est appelée « Législatrice », que Junon est représentée avec des créneaux sur la tête parce qu'elle fonda des villes. Elle est « le Ciel sur la Terre ». On l'appelle Juno-lucina parce que, du monde spirituel, elle est descendue jusqu'à l'organisation de la vie matérielle. Juno est adorée et on lui consacre des fêtes solennelles appelées les « Calendes ».
Héré aussi est appelée « souveraine ».
Vénus-Urania porte le flambeau de l'Esprit, elle dirige et organise.
Quand les Prêtres triomphants voudront plus tard cacher l'œuvre de la Déesse, ils créeront un Dieu surnaturel qui continuera à être « l'ordonnateur du monde ». Mais les féministes rectifient, montrant que le Dieu personnel et vivant, c'est la Déesse qui, dans la première forme de la religion, n'est jamais confondue avec le principe cosmique qui règne au-dessus du monde et qui est une force impersonnelle, l'oxygène à l'état radiant qui nous vient du soleil et qui génère la vie, dans son germe originel, mais ne s'occupe pas du monde créé.
Ce n'est que lorsque la Déesse devient « l'Etre caché qu'on ne nomme pas » que la question s'embrouille, et c'est dans les religions modernes que la confusion est à son comble.
Le mot créer sert à indiquer l'action qui consiste à mettre au monde une créature, un enfant, et l'on dira, quand on saura, que « du père vient l'émanation et de la mère la création ».
Quand on dit « Dieu créa », on traduit l'ancienne locution « la Déesse créa ». Créer et mettre au monde sont une seule et même chose. La Déesse, dans la doctrine de la création maternelle, demeure substantiellement séparée des êtres créés par elle.
La Déesse est l'organisatrice de la vie sociale, elle ne la crée pas matériellement, mais spirituellement par sa direction et c'est pour cela qu'elle est « l'architecte ».
Le travail matériel est fait par des hommes qu'on appelle des « remueurs », des « moteurs », en hébreu des Malakim (messagers), et ce rôle est si bien celui de l'homme que, malgré le renversement de tous les principes primitifs, ce sont toujours des hommes qui construisent les maisons, qui apportent les matériaux, qui font les rudes travaux.
Si le mot « archive » a la même racine que le mot archi-tekton, c'est parce que les Écritures, qui relataient les origines, émanaient de la Déesse.
C'est donc la vie spirituelle aussi bien que la vie matérielle que l'on doit à ces grandes femmes qui sont les directrices morales de l'homme, celles qui le dominent (d'où Domina, la Dame, Notre-Dame), Celle qui aime et qui commande, Içwara (la Maîtresse) qui tire l'organisation sociale (kosmos) du chaos. (Kosmos désigne le ciel sur la terre, la vie heureuse.)
Chaque groupe a son « Genius loci » (génie local), représenté par une femme qui explique la Nature, dont elle connaît les lois, qui a tous les pouvoirs dans son milieu familial, puisque c'est elle qui là a créé la vie et qui par sa providence la conserve : aussi sa volonté est la règle suprême des enfants qu'elle gouverne et dont aucun ne doit s'affranchir. En dehors de la règle supérieure donnée par elle, il ne peut y avoir d'ordre dans la famille, dans la Tribu. On ne concevait pas alors l'existence d'un pouvoir qui ne reposât pas sur elle, la possibilité de lois qui ne fussent pas faites par elle, de mœurs autres que celles qui résultaient de sa loi morale. Elle était la directrice des consciences, le juge inviolable et inflexible.
Tout ce qui a été fait depuis, sans elle, contre elle, n'a jamais été que des abus de pouvoir, des violations du Droit, des iniquités sociales, qui ont pu rejeter à l'arrière-plan sa puissance, mais qui cependant ne l'ont pas détruite. La police armée des Etats masculins n'a jamais atteint le fond des consciences, n'a jamais dompté les passions, n'a jamais ramené les fils prodigues dans la voie du bien.
Si nous jetons un regard sur le monde passé ou présent, nous verrons derrière nous, comme près de nous, la Déesse, cachée ou triomphante, l'intelligence universelle qui organise la vie de l'enfant, qu'elle a d'abord créé.
Quoiqu'il se trouve des hommes qui, dans les temps modernes, nient l'antique civilisation gynécocratique, il est bien certain que l'autorité de la Mère, dans le premier groupement familial, n'était pas encore discutée. Tous se soumettaient à ses décisions.
« La suprématie de la Femme sur l'homme, dit Bachofen, soulève notre étonnement parce que cela est en contradiction avec les proportions de force physique dans les sexes. Au plus fort la loi de nature donne le sceptre. Pour qu'il lui soit arraché par des mains plus faibles, il faut que d'autres forces considérables aient fait sentir leur influence. En tous temps la Femme a, par l'orientation de son esprit, exercé sur l'homme la plus grande influence. Le plus souvent initiatrices, Elles ont pris aussi souvent les armes à la main, et leur action doublée par leurs attraits et leurs charmes servait à la propagande de leur religion.
« Avant l'apostolat masculin il y eut l'apostolat féminin, l'âme de la Femme étant plus conservatrice et plus fidèle dans la foi. Quoique plus faible que l'homme, la Femme est capable de s'élever plus haut que lui, dotée de pareilles forces. Elle put entreprendre la lutte contre le sexe fort et rester victorieuse. A la plus grande force physique de l'homme, la Femme oppose l'influence puissante de sa fonction religieuse et moralisatrice, au principe de violence celui de paix, à la lutte la réconciliation, à la haine l'amour. De l'existence chaotique des temps primitifs Elle fait une société aimable et ordonnée où elle est reine, où elle incarne le principe divin.
« De là cette force magique qui apaise les passions les plus violentes, qui sépare les combattants sur les champs de bataille, qui rend sacrosaints les jugements et les prophéties révélatrices de la Femme, qui fait que sa volonté est regardée comme l'expression d'une loi divine ».

LA LANGUE PRIMITIVE
Nous venons de voir que les idées primitives étaient des idées générales, partout les mêmes, c'était toujours l'expression de la vérité simple, ainsi que la Femme la conçoit et l'énonce.
Quoi d'étonnant, après cela, que la première langue parlée ait été partout la même, sauf de légères différences de prononciation ?
C'est évidemment la Femme qui a fait la première langue, comme elle a fait la première science. Et c'est cette langue primitive, servant à exprimer des idées droites, que l'on appelle maintenant : la Langue sacrée.
Sacrée, en effet, puisqu'elle ne servit qu'à faire connaître la VÉRITÉ et ne fut pas encore l'instrument du mensonge.
Toutes les traditions qui nous parlent d'une Vérité dévoilée (on dit révélée) à l'origine des temps, nous disent en même temps que la Divinité qui enseigna les lois de la Nature créa en même temps la première langue, la langue divine, qui fut d'abord unique, mais qui fut altérée par la suite, lorsque l'homme, ne comprenant plus les idées féminines, commença à penser autrement qu'elle et à donner aux mots une autre signification que celle qu'elle leur avait donnée.
De là naquit la confusion.
Le professeur Ridgeway, dans une communication à l'Association Britannique de Dublin, a fait remarquer cette phrase bien vraie : « La langue-Mère est basée sur ce fait, conservé à travers les âges, que l'enfant apprend ses premiers mots de sa Mère et apprend par elle à parler ».
Du reste, les premières idées conçues par la primitive humanité sont appelées des idées-Mères, on n'a jamais eu l'idée de dire des idées-Pères.
De même on dit la langue-Mère, on ne dit pas la langue-Père.
Dans le travail de la formation des langues et de l'expression des idées abstraites, l'homme a reçu de la Femme bien plus qu'il n'a tiré de son propre fonds.
La petite fille bavarde, féconde en idées, loquace, invente, crée sans cesse ; le petit garçon répète les mots qu'on lui apprend, il suit l'impulsion donnée, il ne la donne pas.
Un fait prouve qu'une langue unique a pu exister. C'est la ressemblance qu'on retrouve encore entre le même terme dans les langues aujourd'hui totalement séparées et par la distance, et par la grammaire qui fut postérieurement ajoutée aux langues primitives qui n'avaient pas de règle.
La langue primitive qui a formé toutes les autres est perdue, dit-on. Elle est perdue parce qu'on l'a supprimée. C'était l'ancien Celte. La langue comme la civilisation était venue du pays compris entre l'Escaut, la Meuse et le Rhin.
Burnouf dit : « La philologie a constaté des analogies très nombreuses entre les idiomes (anciens) et en a conclu leur parenté et leur commune origine. De là est née cette étude comparative des langues qui porte le nom de philologie comparée. La langue-Mère n'est plus parlée nulle part, mais la science en reconstitue le fond et les formes essentielles ».
Voici un exemple de cette antériorité de la langue celtique.
Le nom de la Mère, un des premiers que l'enfant ait appris (peut-être le premier), est Ma dans la langue Celte. Répété par l'enfant, cela fait Mama quelquefois Mè-Mè.
Mais, transportée dans différents pays, cette racine Ma a fait en sanscrit Mâtar, en grec Mêter, en latin Mater, en allemand Mutter, en anglais Mother, en espagnol Madre, en français Mère (mais l'antique Mama est resté : c'est Maman).
Tous ces mots se ressemblent. On en a conclu qu'ils viennent tous du sanscrit Mâtar, c'est une erreur. Ils viennent d'une langue primitive qui a formé le sanscrit comme les autres idiomes et qui partout a porté les mêmes racines. C'est la langue Celtique.
Quand des émigrés aryens vinrent en Europe, ils y trouvèrent le mot Ma pour dire Mère, existant dans le pays, avant qu'ils y aient importé le mot Mâtar, qui leur avait été donné. C'est ce terme primitif Ma qu'il fallait connaître pour savoir s'il ressemblait à celui que les émigrants apportaient. La lettre hébraïque Mena, d'après Fabre d'Olivet, signifie la Femme, et indique tout ce qui est fécond et formateur.
Le Ma celtique a fait aussi Manu (Manou) et Manès ou Menés, dont on fait le premier Roi et le premier législateur. Et, en effet, c'est la Mère seule qui règne et qui fait des lois dans la première famille.
Manu vient de Man (penser), d'où Mens (Minerve).
De Ma aussi vient Mena, Manas, Minos.
Minos était venu du Nord. C'est Mina altéré par la terminaison grecque (Mina est le féminin, Minos le masculin).
Les Grecs font de Minos le législateur de la Crète et de Mina, masculinisée, le Minotaure.

Burnouf a fait remarquer « que les noms et les termes usités dans les religions n'ont aujourd'hui presque aucune signification étymologique dans les langues qui les emploient. Une personne qui ne sait pas le latin et même un peu de grec, ne comprend rien à la plupart des mots en usage dans l'Eglise romaine. Parmi ces mots, il n'en est presque pas qui viennent de l'hébreu, et pourtant il y en a un certain nombre qui ne sont ni grecs, ni latins. D'où viennent-ils ? Les termes sacrés usités chez les Latins et les Grecs de l'antiquité sont presque tous dans le même cas. Les noms des divinités grecques ne sont jamais grecs, les noms des divinités latines ne sont jamais latins. Il faut donc en chercher ailleurs l'étymologie.
« Ces mots représentent des choses et des idées. Les mots sont donc venus avec les choses qu'ils représentent. D'où sont-ils venus ?
« Pour l'antiquité, ces mots d'origine étrangère composent presque tout le domaine de la langue sacrée. »
Burnouf nous dit encore : « Le latin n'est pas venu du grec, non plus que l'allemand le slave ou le lithuanien, la langue médoperse. Le Zend n'est ni fille ni mère de la langue sanscrite, et il en est de même des langues européennes. Très peu de noms mythologiques ont leur origine dans la langue grecque.
« Tout ceci prouve qu'une nation-Mère avait fait la langue sacrée avant toutes les autres, et cela justifie cet axiome :
« Pour comprendre l'histoire d'un peuple, il faut connaître ses dieux. »
Quant à l'idée d'une origine unique de l'humanité et d'un couple primitif créé sur le mont Pamir, ou ailleurs, et dont les descendants se seraient dispersés dans tout l'univers, en y portant leur langue primitive, c'est là une fable que nous avons souvent réfutée et que l'histoire de notre origine végétale ne peut pas laisser subsister.

LES SURVIVANCES PHILOLOGIQUES DU MATRIARCAT
Sous ce titre, M. H.-P. Legrand-Menynski a fait une étude sur l'origine et la transformation des langues, qui présente un intérêt capital pour la thèse que nous soutenons. En effet, les langues changent chaque fois que le régime social change. La langue primitive devait donc être l'expression de la psychologie féminine, quand la femme dirigeait le monde ; cette langue primitive se modifia par la suite. Il y a donc un grand intérêt à suivre ces modifications. Nous laissons la parole à M. Legrand-Menynski qui va nous dire le but de son travail et ses conclusions :
« La présente étude n'a d'autre but que de grouper quelques-uns des faits qui établissent le rôle prépondérant, de la Femme. Elle est une page de cette grande Charte du Féminisme, à laquelle de toutes parts savants et philosophes travaillent avec une admirable communauté d'idées et l'enthousiasme des grandes causes.
« C'est un fait que, dans les périodes primitives de l'humanité, le matriarcat fut le principe d'organisation des sociétés. Les travaux de Bachofen, ceux plus récents de M. Durkheim, les études de M. Espiard, entre autres, confirment cette théorie de la façon la plus éclatante et la plus précise.
« Mais ces juristes, ces philosophes, ont surtout, autant que je sache, cherché à interpréter les lois, les coutumes, les récits mythologiques et légendaires.
« Les documents empruntés à la philologie sont peu nombreux et étudiés beaucoup plutôt au point de vue du droit qu'avec un véritable esprit philologique.
« Il en est résulté que bien des faits grammaticaux ont passé inaperçus, qui pouvaient servir d'appui à la thèse défendue.
« J'ai abordé cette étude sans aucune idée préconçue. Je dois même dire que je ne suis arrivé au féminisme que par des sentiers de lisière.
« Au cours de mes recherches grammaticales, j'ai constaté dans les origines et même le développement linguistique du grec et du latin, des traces de façons de parler propres à une civilisation purement matriarcale. Je n'indiquerai ici que les résultats sommaires de mes études, car seules les conclusions importent.
Et ces conclusions, les voici :
« Après avoir cherché à déterminer les conséquences pratiques de cette étude, il me reste à mettre en lumière un fait dont la valeur spéculative est grande. La Femme a eu une action prépondérante dans la formation des idiomes primitifs. C'est elle, en particulier, qui a fixé et précisé par des vocables les premières idées abstraites. Elle a constitué le trésor de la première réflexion philosophique, mais que ne devait-il pas en sortir dans la suite ?
« Lorsqu'il s'agit du développement de la pensée humaine, les débuts sont particulièrement décisifs, ils donnent une direction et impriment un élan : l'avenir suit dans la voie tracée. Le matriarcat a contribué à orienter l'activité humaine vers le travail de la pensée, réagissant sur elle-même. Sans doute le langage n'évoquait alors que des concepts assez élémentaires et frustes, pâles lueurs dans l'ombre enveloppante, mais c'était l'appel de la lumière et de la réflexion pure.
« Là est la dignité et la grandeur de cette civilisation. La Femme peut revendiquer pour elle-même l'origine du langage et de la pensée humaine, elle en a, en quelque sorte, la propriété. La langue primitive de l'humanité était réellement la langue de la Femme, et la langue de la Femme a été créatrice de vie. »

LA LANGUE MATERNELLE LANGUE SACRÉE
Parmi les objections des partisans de la Révélation masculine se trouve celle qu'ils tirent de l'origine du langage.
Les théologiens, suivant la tradition, mettent toutes les perfections au commencement (qui fut le régime féminin), tandis qu'ils ne voient maintenant, et avec juste raison, que décadence et corruption. Ils soutiennent que l'homme primitif était en possession d'une langue parfaite qui lui avait été enseignée par Dieu lui-même. Et pour soutenir cette assertion, ils affirment qu'il eût été impossible à l'homme d'arriver à trouver le langage par ses propres forces et sans une intervention divine.
Nous admettons tout cela, mais nous affirmons que ce n'est pas un Dieu surnaturel qui a appris à l'homme à parler, c'est une Divinité naturelle, la Déesse-Mère, c'est-à-dire la Femme, plus avancée que l'homme dans l'évolution psychique et mentale, ce que tout le monde peut constater chez nos adolescents. Déjà la petite fille parle plus tôt que le petit garçon, mais, à l'âge de la maternité, c'est bien elle qui enseigne à ses enfants la première langue.
Ceux qui ne comprennent plus les origines et qui nient l'action maternelle dans la formation des sociétés primitives, ont expliqué l'origine du langage par une évolution lente, faite de tâtonnements.
Cette opinion a rencontré beaucoup d'adversaires, notamment de Humboldt, qui refuse d'admettre la marche informe et mécanique des langues.
Mais si le Dieu surnaturel des Théologiens avait été le révélateur du langage, il n'existerait qu'une seule langue comme il n'existe qu'un seul Dieu. Si les langues sont multiples, c'est parce que les Mères furent multiples et partout remplirent le même rôle éducateur, mais avec des différences de races, donc de prononciation, puis de langues.
Ces langues primitives sont partout la langue sacrée ; quoiqu'elles ne soient plus, nulle part, la langue vulgaire, elles sont cependant conservées comme langues-mères, langues-racines des idiomes que les hommes ont greffés sur ces formes primitives.
La langue est intimement liée à la pensée. La parole ne se conçoit pas sans le secours de la pensée préexistante, tandis qu'au contraire, la pensée se conçoit existant avant la parole. M. de Bonald disait : « Il faut penser sa parole, avant de parler sa pensée ».
Si Platon a dit que la pensée est le discours que l'esprit se tient à lui-même, cela vient de l'habitude que nous acquérons en naissant de parler notre pensée, habitude devenue tellement forte en nous que nous ne pouvons pas concevoir la pensée imparlée et, dès qu'une pensée se forme dans notre cerveau, elle se présente tout de suite à notre entendement sous la forme de mots. Si intérieurement nous parlons notre pensée, c'est tout simplement parce que nous avons appris à parler en même temps qu'à penser.
Lorsque Descartes voulut faire table rase dans son entendement, la première phrase qu'il aurait dû dire, pour reconstruire l'édifice de ses croyances, au lieu d'être son fameux : « Je pense, donc je suis », aurait dû être : « Je parle, donc je pense », car cette phrase qu'il prononçait mentalement, il la prenait dans sa connaissance qu'il avait du langage dont il avait oublié de se défaire comme de ses autres connaissances.

LA PREMIÈRE ÉCRITURE
La première écriture, la proto-graphie, fut universelle comme la première langue fut universelle.
Tous les vestiges archaïques se ressemblent.
L'écriture fut d'abord formée de signes idéographiques.
Il est si naturel que l'écriture ait été, au début, la représentation d'une idée par un dessin, d'un objet par l'image de l'objet, qu'on ne conçoit même pas que cela ait pu commencer autrement.
D'autant plus que ce système d'écriture existe encore dans certains pays, notamment en Chine.
Mais il restait à savoir comment l'écriture idéographique est devenue alphabétique.
Une des choses qui ont le plus frappé les premiers humains, c'est la différence des sexes. Il est bien certain qu'ils ont représenté le garçon par le signe « I » et la fille par le signe « O » ; et ces deux signes primordiaux qui ont servi à désigner le masculin et le féminin sont l'origine des lettres ; ils sont arrivés, en se modifiant de différentes manières, à former l'alphabet. Les lettres sont faites de « I » et de « O » combinés.
Le système d'écriture ionien, en les combinant de 25 manières, en forma un alphabet, le même dont nous nous servons.
Quand la pudeur sera née, beaucoup plus tard, on dira que ces deux signes représentent une baguette et une bague.
On les retrouve partout sous cette idée nouvelle et ils deviennent des symboles.
Le système du symbole féminin (la bague) se développe puissamment en Europe.
Annules (anneau) est un mot dérivé du nom d'une grande Déesse : Ennia.
Sortija (en espagnol) signifie sortilège des magiciennes. Ring (en anglais) vient de Rhénus, le pays où naquit la civilisation gynécocratique.
La bague servira à sceller les décrets (ceux du pontife Janus, diront les auteurs masculinistes).
Dans certaines langues, comme l'hébreu, le « I », devenu le « Y o d », servira à représenter le sexe masculin.
C'est cette lettre « I » qui sera représentée plus tard par les Obélisques, alors que le « O » sera représenté par les arcs de triomphe.
Oros, la lumière en hébreu, Horus en égyptien, le fils d'Isis, dans le Tarot les or sont les symboles de l'Esprit féminin.
En Asie, on relia ces deux signes « I » et « O » par un trait, un lien, mettant d'un côté la pointe de « I », de l'autre l'anneau. Ainsi rattachés, cela forma une flèche effilée par un bout, et arrondie par l'autre en forme d'anneau.
Ces flèches se disaient en saxon Log, d'où dérive le mot pélasgique Logos.
Le système d'écriture assyrienne se fonda sur ces signes.

LES LETTRES CUNÉIFORMES
Quoi d'étonnant que la différenciation sexuelle ait été la grande préoccupation de ces primitifs, et que toute la symbolique s'y soit rapportée ?
Les lettres carrées semblent dérivées aussi des signes par lesquels les Orientaux désignaient les sexes.
Le triangle la pointe en bas y représente le sexe féminin, c'est le pubis, et la pointe en haut le sexe masculin. Puis on les réunit, ce qui déjà devient un signe plus compliqué.
Les deux natures masculine et féminine sont représentées unies dans un signe « N » formé de deux branches unies par un trait qui va de haut en bas, de l'esprit au sexe. C'est la lettre Aleph des Hébreux. C'est cette même lettre qui deviendra le « H » quand la ligne qui unit les deux branches sera mise horizontalement (dans le régime de l'égalité des sexes).
Dans notre alphabet européen, nous la retrouvons dans le « A » majuscule formé de deux branches reliées par un trait.
Dans l'alphabet samaritain, le daleth (D) représente le vagin.
Les premiers signes idéographiques « I » et « O » sont restés longtemps dans les usages pour désigner les sexes.
On les retrouve dans les glyphes du tarot. Le masculin est représenté par « I » (une épée qui pénètre) et, comme conséquence physiologique, la force symbolisée par une massue (la massue d'Hercule), qui devient un bâton dans les cartes modernes.
Le sexe féminin est symbolisé par une coupe et, comme conséquence, l'or.
Il s'agit du primitif jeu de cartes égyptien, encore en usage en Espagne. (Le jeu français a fait de l'épée le pique et de la massue le trèfle, de la coupe le cœur et de l'or le carreau.)
On appelle Semnothées ou poseurs de signes les premiers écrivains de l'humanité. Ce sont eux qui essayèrent de manifester l'idée par un dessin qui la représentait. Le hiéroglyphe est partout le même, puisqu'il représente des choses partout les mêmes et vues partout sous le même aspect.

LA DÉESSE, MÈRE DES LETTRES
Donc la Déesse-Mère a fait la langue, puis après cela elle a fait les lettres.
Hésiode dit : « Les Muses ont reçu le don des lettres ».
C'est parce que ce sont les femmes, les Muses, qui ont écrit d'abord, que les hommes plus tard ont nié l'existence de l'écriture à cette époque, ne la reconnaissant comme existante que lorsque eux-mêmes ont écrit, c'est-à-dire plusieurs millénaires après, ce qui fait dire à Mme Blavatsky :
« Dans leurs efforts pour réunir les nombreux écheveaux de l'histoire non écrite, nos orientalistes font un pas bien hardi en niant a priori tout ce qui ne s'arrange pas avec leurs conclusions spéciales. Ainsi, tandis qu'on découvre tous les jours l'existence, reculée dans la nuit des temps, de sciences et d'arts importants, on refuse à quelques-unes des nations les plus anciennes la simple connaissance de l'écriture et on traite leur culture de barbarie.
« Partout les traces d'une immense civilisation, même dans l'Asie centrale, peuvent encore se retrouver. Cette civilisation est incontestablement préhistorique. Et comment pourrait-il exister une civilisation sans une littérature de forme quelconque, sans annales, sans chronique ? »
Si nous consultons les traditions lointaines, nous voyons, d'après le Dictionnaire de la Fable, qu'on attribue l'invention des vers héroïques à Panothée, célèbre prêtresse qui vivait du temps d'Abas en Acrice.
Quant à la prose, elle fut introduite dans les lettres par la Déesse Prosa ou Prorsa, dont le nom signifie Droit, mot latin fort ancien ; de là vint prose qui signifie recta oratio, discours uni.
C'est le contraire de la poésie qu'on appelle en latin versa oratio, discours tourné, et de là le mot vers.
On représentait celles qu'on appelait les Muses Sicélides (siciliennes) avec un rouleau en leurs mains. Elles avaient inspiré Théocrite qui publia leurs poésies pastorales, c'est-à-dire qui les copia.
Dans ces poèmes, on décrit des lieux enchantés qui auraient été les demeures des Fées ; c'étaient des jardins délicieux, ce que la tradition a rendu par le mot Eden.
Dans ces âges primitifs, on chante les îles fortunées, les séjours bienheureux qu'on appelle les Champs-Elysées, on mentionne le jardin des Hespérides comme étant un séjour enchanteur, ainsi que l'île des Hyperboréens, les Cassitérides.
Tout cela prouve non seulement que la Terre est cultivée, mais qu'on en a fait un jardin. Du reste, les fleurs jouent un grand rôle dans le symbolisme antique.
Strabon, parlant de l'ancienne Ibérie, dit des Andalous : « Les peuples qui habitent la vallée du Bétis sont les plus civilisés de toute l'Espagne, ils ont des lois fort remarquables, des annales anciennes, des poésies qu'ils chantent depuis six mille ans. »
Ceux qui ont fait la mythologie (qui est l'histoire primitive masculinisée) attribuent à Cadmus, le frère de la belle Europe, l'introduction de la culture orientale en Grèce et notamment de l'écriture phénicienne. Pourquoi serait-ce le frère inconnu et non la sœur glorifiée qui aurait eu ce rôle ?
D'autant plus que celle qu'on appelle Europe nous semble être la Déesse Hémœra, l'auteur caché des poèmes attribués à Homère.

LA SCIENCE PRIMITIVE
Les hommes qui ont écrit l'histoire ont toujours fait remonter les idées primitives à une puissance surhumaine, c'est-à-dire au-dessus de leur nature.
Cette puissance révélatrice, qu'ils attribuent à la parole d'un Dieu mystérieux, qui, à ce moment de l'évolution humaine, n'a pas encore été conçu par la pensée, c'est l'Esprit féminin.
Si nous remontons à cette époque éloignée de la vie ancestrale et cherchons à comprendre l'état mental des femmes qui vivaient alors sur la terre, nous comprenons que, dans cette brillante jeunesse, elles voyaient l'Univers sous un autre aspect que nous.
Leur esprit était un terrain neuf sur lequel s'imprimaient profondément les impressions reçues. A ce moment, elles n'avaient pas de souvenirs héréditaires pour encombrer leur cerveau, pas d'erreurs ancestrales à vaincre, pas non plus d'intérêts pour les préoccuper, ni de luttes à soutenir.
Toute la vie intellectuelle plonge par ses racines dans la réalité, dans la grande Nature qui livre ses secrets à la jeune humanité qui l'interroge. Mais s'ils observent tous les deux, Elle et Lui, c'est Elle, la Femme, qui déduit et comprend le mieux. Son esprit progresse rapidement, étonnamment. L'intuition qui lui fait apercevoir les choses cachées se manifestait alors librement.
Aussi, à la fin de la période néolithique, au commencement des temps fabuleux, Elle a tout entrevu, tout compris. Ce premier épanouissement de l'esprit féminin crée la science primitive.
Dans le domaine de la pensée abstraite, elle commence par où la science des hommes finira. Du premier bond Elle voit tout, Elle explique tout. C'est une succession ininterrompue de découvertes.
Dans les sombres forêts silencieuses, Elle étudie la vie végétale, dont l'évolution s'accomplit sous ses yeux ; sur les plages, Elle contemple l'océan, Elle interroge les astres resplendissants dans la profondeur des cieux, sonde l'air impalpable qui engendre l'ouragan, Elle observe le chêne aux vastes branches, la fleur qui s'épanouit, l'insecte qui voltige, la source qui murmure, l'animal qui vit près d'Elle et par tant de points ressemble à l'homme.
Enfin, Elle découvre qu'il existe dans la nature une force qui organise l'univers et dont l'action radiante est éternelle, une force principe qui émane des astres incandescents et réside dans leur élément comburant. Et voilà l'origine de la science physique du feu trouvée, du feu dont le principe est en même temps le générateur de la vie. Elle comprend que là est la source du monde organisé, le germe de l'esprit, l'élément qui vivifie et qui règne avec tant de puissance sur la Terre, et Elle enseigne que l'âme émane du principe de vie caché dans le rayon qui nous vient du soleil. C'est ce principe physique qui agit sur toute la Nature.
On lui donne mille noms. Les Hindous l'appellent Brahma, les Israélites désignent les forces radiantes par un pluriel, les Elohim, en attendant que les modernes retrouvent l'un de ces principes, sans en comprendre la grandeur et l'activité, et l'appellent : Oxygène.
Et sur cette donnée, conçue à l'aurore de la jeunesse humaine, la Femme fonde un système complet, où se trouve expliquée la nature des éléments comburants et vivifiants. Elle connaît leurs actions, leurs effets, elle explique la relation qui existe entre eux et les créatures vivantes. Elle aperçoit les causes réelles de tous les phénomènes physiques et biologiques. Elle sait la place que l'homme occupe dans le monde, Elle chante les harmonies de la Nature, l'éternité de l'élément de vie, son action radiante, sa puissance créatrice, l'amour qu'il fait naître chez la Femme. Tout cela lui est connu et reste comme le fonds de la science antique, cet héritage lointain des connaissances humaines.
Si nous étudions le langage archaïque, qui est l'expression de la première pensée humaine, la manifestation des idées naissantes, nous trouvons que les langues primitives nous donnent, dans les mots mêmes, la clef de toutes les origines. Ainsi on aspire le Principe de vie, comme on aspire l'air ; le mot « Esprit », le mot « Lumière » s'emploient en même temps pour parler du principe supérieur de l'Etre et du principe qui règne dans l'espace et engendre des phénomènes physiques.
La radiation, cette force qui se propage avec une effrayante rapidité, est représentée par l'oiseau qui fend l'air, par l'aigle, emblème de force et de vitesse. Dans l'écriture hiéroglyphique, cette pensée s'exprime idéographiquement par un point dans un cercle.
L'âme, l'anima, est un souffle (l'influx nerveux), c'est pourquoi il fut appelé « le feu vivant ».
Selon les Hindous l'Akâsha (l'éther-azote), pénètre toute chose ; lorsqu'il est fécondé par le soleil lumineux, âtmâ, il engendre la cellule primitive, l'œuf d'or, qui commence un corps dans lequel se formeront les cinq prânas, les sens.
L'humanité adolescente connaissait la véritable évolution des astres et savait que le monde actuel finira par le feu. Ces vieilles traditions ne sont pas tout à fait perdues, car dans les Niebelungen il est question du grand incendie de la fin du monde.
Mais il n'y a pas que des soleils dans l'espace, il y a aussi des planètes qu'on appelle « les étoiles qui ne se reposent jamais ».
Par la suite des temps, lorsque les connaissances enseignées par les Femmes ne furent plus comprises des hommes, on vit dans le langage primitif des allégories, des métaphores, alors qu'il fallait toujours y voir la simple réalité.
La science des premiers temps n'est pas analytique comme celle des savants modernes, elle est synthétique comme celle qui émane de l'Esprit Féminin. Ce sont des lois, des idées générales trouvées par intuition et émises avec l'audace de la certitude.
Les procédés de l'esprit féminin sont si différents des procédés de l'esprit masculin que les hommes n'ont pu expliquer la science primitive qu'en faisant intervenir le surnaturel. « Une vaste littérature, d'un caractère mythico-scientifique, dit Lenormand, avait la prétention de raconter l'origine du monde et de l'humanité. D'interminables histoires de Dieux et de géants charmaient l'imagination populaire. ». (Les Dieux sont les Femmes-Déesses, les Géants sont les hommes).
Et Renan dit dans son Histoire du Peuple d'Israël :
« Mais un esprit des plus singuliers se mêlait à tout cela. Ce n'était pas la mythologie naïve se jouant dans les mille équivoques des mots et suivant à perte de vue les capricieuses fusées des métaphores, c'était déjà des velléités d'hypothèses scientifiques partant d'observations vraies, généralisant parfois avec un rare bonheur et exprimant les premières aperceptions de la raison en formules qui nous paraissent ambitieuses depuis que nous avons appris à ne procéder dans la recherche des causes que par la méthode analytique. »
Répétons que cette méthode analytique est celle des hommes, les femmes ne l'ont jamais employée, et ceci nous donne une preuve certaine du sexe des premiers révélateurs.
« L'intelligence est une arme de combat, de séparativité, d'égoïsme. Nécessaire à l'homme pour forger son instrument et le rendre conscient de l'effort accompli, elle se retourne contre lui, est cause qu'il s'attarde en chemin et s'accroche désespérément à des détails qui lui font perdre de vue ce sens supérieur de la vie, la synthèse. Sans la synthèse, l'homme est perdu dans l'immensité des chocs qu'il détermine sans lien et sans cause. » (Th. Darel, L'Expérience Mystique et le Règne de l'Esprit, p.35)

ANCIENNETÉ DE L’ASTRONOMIE
La première science qui régna sur la Terre, c'est l'Astronomie.
Bailly dit dans ses Lettres sur l'Atlantide de Platon :
« Lorsque j'ai étudié l'histoire de l'astronomie, j'ai vu que les temps qui ont précédé Hipparque et Ptolémée nous offraient de grandes vérités, mais isolées et qui dominaient sur l'ignorance générale, comme ces arbres laissés debout sur le terrain des forêts abattues. On y reconnaît la main du temps et les traces de sa faux destructrice : en marchant il frappe sans choix et il épargne avec indifférence. J'ai dû recueillir ce qui lui était échappé. J'ai vu que ces restes appartenaient à une masse de connaissances détruites et dispersées en débris. Cette masse recomposée fait concevoir la plus haute opinion de l'état primitif des sciences.
J'en ai donné les preuves dans mon histoire de l'Astronomie ancienne, je les ai multipliées dans l'histoire de l'Astronomie moderne que je vais publier incessamment. J'ai vu que ces sciences n'étaient point l'ouvrage des peuples existants, des peuples connus de l'Asie, et que, malgré l'ancienneté des Indiens, il fallait rapporter ces belles inventions à un peuple antérieur et plus industrieux. ».

COSMOGONIE
Ce mot Cosmogonie indique bien qu'il s'agit de la première science faite par la Femme, puisque gonia (ou gunia) signifie femme. C'est le Cosmos expliqué par la Déesse.
On a retrouvé d'antiques monuments druidiques formant, par leur disposition, l'image du monde astral. Ce sont, peut-on dire, des cartes en pierre représentant les évolutions du Ciel. Dans ces assemblages de pierres, le soleil est l'astre central, il est au milieu du cercle, et le mouvement de la Terre et des autres planètes se fait autour de lui.
On connaît son pouvoir physique, chimique, biologique, et on lui donne le grand rôle qu'il a en réalité. C'est pour cela que, dans les mythologies qui remplacent la science primitive, il est encore l'astre suprême, celui dont on donne le nom à ceux que l'on veut glorifier, magnifier.
Dans les anciennes langues matriarcales, on retrouve la trace des anciennes croyances basées sur la cosmogonie. Ainsi sol est resté en latin et solium désigne son trône, c'est-à-dire le dolmen central autour duquel roulent les périodes séculaires, les années, les mois, les jours.
En Bretagne, les constructions druidiques étaient de véritables cadrans, qui, en conséquence, s'appelaient Dial, indicateur. Ce tableau du Ciel était entouré d'un retranchement sacré appelé Mound, d'où le mot Mundus pour désigner l'Univers.
Les temples de dolmen étaient de vastes cadrans qui servaient à régler les périodes religieuses ; les grands monuments décrivaient les révolutions séculaires et annuelles.
Chez les Chaldéens, nous retrouvons ces divisions qui servent à calculer le temps. Ils avaient trois grandes périodes qu'ils nommaient Sos, Nere, Sare, d'origine Celtique.
Les Celtes comptaient par générations de 30 années. Or, les trois périodes chaldéennes sont des multiples exacts de ce chiffre.
Il fallait 2 générations pour un Sos (60 ans), 20 pour un Nèré (600 ans) et 120 pour un Sar (3.600 ans).
Les Mexicains : pour mesurer leurs siècles, avaient aussi un grand cercle composé de 52 pierres ; le soleil était au centre, une aiguille qui avançait d'un degré chaque année les avertissait de l'espace déjà parcouru.

LE MOIS
Dans toute l'antiquité, la mesure du temps fut en concordance avec le mouvement des astres.
Le mois lunaire fut adopté partout. Et de bonne heure la Déesse sut que c'est à la lune qu'est due la différenciation sexuelle.
Aussi un vaste système symbolique en garda le souvenir. Il représente la lune créant deux mouvements (les deux polarisations sexuelles) qui résultent de ce que les êtres commencent leur évolution en période de pleine lune ou de nouvelle lune. La polarité inverse qui en résulte est représentée par le flux et le reflux des Océans. De là l'idée que la lune est pour quelque chose dans les marées, ce qui est absurde.
Dans les Mystères, on représentait la marée lunaire et on expliquait que c'est elle qui décide de la destinée des êtres, puisque, selon qu'elle les pousse à droite ou à gauche, « leur âme périt ou est reçue dans la région des bienheureux. » Ce qui veut dire qu'elle est mâle ou femelle. Cette façon de s'exprimer est symbolique. L'âme qui périt est celle qui est soumise au péché dit mortel, celle qui occupe la région bienheureuse est celle que la déchéance n'atteint pas et dont le péché est dit véniel.
Dans plusieurs monuments de Mithra, on voit deux jeunes gens, tenant chacun un flambeau, Tœda et Tidt, l'un élevé (l'esprit), l'autre baissé (le sexe), et cela figure la marée haute et la marée basse.
C'est ainsi que la physiologie du sexe féminin se trouve liée à l'action lunaire, et cela explique pourquoi ce symbolisme fut universel.
Dans la langue celtique, Ma signifie Mère, et Bog embouchure fluctuante, ce qui veut dire : Mère soumise au flux. L'altération de Ma-bog, qui devint le nom d'une Déesse, a fait Maubeuge.
Mær signifie marée. Nous retrouvons souvent ce mot. Le flot avançant et reculant est aussi représenté par Janus ayant deux visages, l'un qui regarde en avant, l'autre qui regarde en arrière.
L'escarpolette est la figure mystique du flux et du reflux.
Chez les Hindous, une de leurs cérémonies religieuses montre encore une escarpolette ; on y place un jeune garçon et une jeune fille, et les brahmanes, pendant un temps marqué par le rituel, font balancer ces deux enfants au milieu de la foule qui assiste avec recueillement à la cérémonie, sans comprendre qu'il s'agit de l'origine des sexes.
Ces deux enfants représentent le flux et le reflux.
Dans la Rome de la décadence, à la naissance d'un enfant, les Eubages cherchaient l'aspect du ciel pour se donner l'air très savant, et, en combinant les différents symboles, prédisaient son horoscope.
C'était absurde et prouvait leur ignorance des lois de la Cosmogonie, à laquelle ils ne comprenaient rien, mais ils voulaient avoir l'air de connaître la science antique.

LA SEMAINE
Partout on se sert pour mesurer le temps :
1° De la durée de la révolution terrestre autour du soleil qui prend le nom d'année ;
2° De la révolution lunaire qui sert à sous-diviser l'année en mois, qui sont eux-mêmes divisés en semaines de sept jours.
(C'est pour ne pas garder le système féministe que plus tard des hommes changèrent la division en mois.)
Dans les monuments celtiques, une aiguille parcourait successivement des degrés formant différentes figures ; ainsi les pierres qui retraçaient circulairement les sept jours de la semaine, et qui sont encore connues dans le Cornouailles sous le nom de Seven stones, portaient chacune l'image d'une divinité.
Les pierres qui figuraient le mois avaient des signes tirés de l'ancien Zodiaque.
Celles qui marquaient les années avaient des signes qui rappelaient certains événements survenus dans ces années, mais qui n'ont pas de signification pour nous, tel un caillou, un roseau, une maison, un lapin.
Il y avait à Avebury des petits cercles formés de 42 pierres qui servaient à déterminer les 42 jours de pénitence (devenus le carême) et de joie qui, chez les Celtes, en Egypte, à Ninive, à Mexico, dans tout le monde druidique, précédaient et suivaient la grande fête de l'expiation et de la réconciliation.
Cette fête s'appelle encore en Bretagne un Pardon. Sur chacune de ces 42 pierres, on avait inscrit un emblème moral.
Nous venons de voir que les pierres qui représentaient les sept jours de la semaine portaient chacune le nom d'une Divinité.
Ces noms ne nous ont pas été conservés ou, s'ils sont connus dans le Cornouailles, nous les ignorons.
Cependant, nous trouvons dans la tradition celtique le souvenir de sept Fées qui présidaient aux jours de la semaine. Ce sont :
1° La Fée Morgane.
Mélusine, la fée de Lusignan.
Viviane, la dame du lac, la bonne Fée de l'ordre et des forêts, la protectrice des chevaliers.
Mélanie, la fée aux cheveux d'or.
Urgèle, la rêveuse, au front ceint de fleurs champêtres.
Alcine, l'enchanteresse (Elle représente le jour du Sabbat).
7° La Dame Abonde, la douce messagère.
La légende nous dit que durant six jours elles apparaissent sous la figure d'une jeune femme richement parée, mais, en expiation d'un crime ancien, elles étaient condamnées à se changer en vipère le jour du Sabbat. Il était dit qu'on ne pouvait sans danger la contempler sous la forme reptilienne (sexuelle), mais elle était clémente les autres jours.
Le Sabbat, c'était le jour de l'union. Alcine l'enchanteresse qui y présidait est dite la sensuelle, qui donnait à boire, aux chevaliers que ses charmes captivaient, un philtre magique qui leur ôtait toute résolution, ou les changeait en rocher (Prométhée).
Ceci prépare l'histoire de la chute dans le péché, la légende de la femme tentatrice, et aussi toutes les accusations portées contre les sorcières qui vont au Sabbat.
Les noms des jours ont varié et sont devenus astronomiques, quand on a confondu le Cosmos avec la vie terrestre.
Peut-être voulut-on alors représenter le septénaire cosmique formé des sept principes actifs qui régissent l'Univers, et que, dans les temps d'ignorance, on a remplacé par les noms donnés aux planètes. Peu importe.

Voici les noms anciens venus jusqu'à nous. Ils sont de l'époque mythologique :

1°) Chez les Hindous
Adityadinam ou Soûryadinam (jour du Soleil).
Somadinam ou Tchandradinam (jour de la lune).
Mangaladinam.
Boudhadinam.
Brihaspatidinam.
Çoukradinam.
Çanidinam.

2°) Chez les Babyloniens
Adar, Mérodach, Nergal, Samas, Istar, Nébo et Sin .

3°) Chez les Germains
Satur, Thor, Tsivis, Sonne, Fraya, Wodan et Mond.

4°) Chez les Grecs
Kronos, Zeus, Ares, Hélios, Aphrodite, Hermès et Séléné.

5°) Chez les Latins
Solis dies (jour du Soleil, dont les chrétiens ont fait Dies Dominica).
Lunæ dies (jour de la lune).
Martis dies (jour de Mars).
Mercurii dies (jour de Mercure).
Jovis dies (jour de Jupiter).
Veneris dies (jour de Vénus).
Saturni dies (jour de Saturne).

LES ÉCLIPSES DE LUNE
Les éclipses de lune furent découvertes par les anciennes druidesses, dans l'île de Grande-Bretagne, bien avant la période mythologique.
Dans le Cornouailles était le fameux circle of stone de Biscawen, qui se compose de 19 pierres druidiques. Ce Cromlech servait à mesurer les mouvements luni-solaires, au moyen d'une aiguille qui avançait d'une pierre chaque année : de là le mot Meten (mesurer).
(Le Meten celtique a fait Mathein en grec, mot qui signifie mesurer astronomiquement, d'où Mathèse et Mathématique.)
La dix-neuvième et dernière année était célébrée par des fêtes, ou, comme disaient les Saxons, par des Guildes, et, comme ce dernier mot signifie aussi doré, la période de 19 ans fut appelée nombre d'or.
Voici maintenant ce que la mythologie des hommes en a fait.
Elle nous dit ceci :
Les Grecs connaissaient à l'Occident une île des Hyperboréens ; cette terre merveilleuse était située, d'après les auteurs anciens, dans l'Océan en face de la Celtique, et par conséquent, dit Malte-Brun, répondait à la Grande-Bretagne. Dans cette île, selon Diodore de Sicile, Apollon descend tous les 19 ans, durant lesquels les astres achèvent leur révolution, la lune s'y montre à peu de distance de la terre, de sorte qu'on distingue des montagnes sur son disque.
Selon d'autres, le dieu a dans ce même pays un monument formé de grosses pierres, et les Celtes racontent que l'ambre que les Hyperboréens y recueillent, ce sont les larmes que le Dieu verse en pleurant son fils Esculape qu'il avait eu de Coronis. Ce dernier nom est celui du Cornouailles. (Cailleux, Origine celtique)
Puis, après l'époque mythologique, vint le temps des rhéteurs et des faux savants. Ce sont ceux-là qui masculinisèrent tout.
Du mot celtique Meten (mesurer), ils firent le nom d'un astronome : Méton, lequel aurait découvert la périodicité des éclipses de lune, qui fut appelée par eux le cycle de Méton (1).
Et voilà comment on a fait l'histoire.
Tout le monde sait qu'à l'aide du cycle de Méton, qui reproduit les mêmes éclipses dans une période de 19 ans, un enfant peut retrouver celles des temps passés et déterminer le jour où elles ont eu lieu.
Les astronomes modernes n'ont donc pas eu beaucoup de peine à trouver, ou plutôt à retrouver, la périodicité des éclipses, puisqu'elle était connue dans les temps reculés de la préhistoire.
Des fêtes étaient instituées aux époques des grands événements astronomiques. Ainsi il y avait les fêtes des solstices et celles des équinoxes.
On retrouve le souvenir de ces fêtes dans toutes les anciennes religions, elles sont même arrivées jusqu'à nous (chez les Juifs, l'équinoxe est représenté par l’urim du Grand-Prêtre).
Un calcul a été fait qui nous permet de faire remonter à 7.000 ans l'institution de la fête de Noël par les Celtes, c'est-à-dire pendant la période gynécocratique : On appelle Nuit-Mère la première nuit après le solstice: New-heyl, nouveau salut, nouvelle santé (c'est Noël).
Il paraît que le mois était composé de 30 jours et l'année de 365 jours et 6 heures et les siècles de 30 et 60 ans.
La fête de New-heyl qui devait avoir lieu la première nuit du solstice d'hiver, se trouvant reculée de 45 jours au temps d'Olaüs Magnus, l'an 1.000 de notre ère, et cela par la raison que l'année celtique étant plus longue que la révolution du soleil donnait un jour d'erreur en 132 ans, ces 45 jours de retard répondent à 5.950 ans et font remonter par conséquent l'établissement du calendrier celtique à près de 5.000 ans avant notre ère, en supposant même qu'il n'y ait eu aucune réformation.
Nul doute que la Cosmogonie fut entièrement faite pendant le régime gynécocratique, elle avait un caractère féminin indéniable et les noms des Déesses qui firent cette science, tels Uranie, Istar ou Astarté, etc., sont restés des dénominations astronomiques.
Du reste, toute la tradition antique nous montre les Muses expliquant les lois de l'Univers. C'est la première révélation faite aux hommes.
On sait aujourd'hui qu'une science grandiose a régné dans les temps primitifs, puis a été persécutée et détruite dans les époques suivantes. Ce seul fait prouve qu'elle fut faite par des femmes.
Pourquoi les hommes l'auraient-ils supprimée, si elle avait été faite par eux ? Et pourquoi, par la suite, l'ont-ils remplacée par tant d'erreurs, au lieu de la refaire dans sa splendeur première ?
(1) Higgins dit de ce cycle (Anacalypsis, vol. I, p. 4.) : « Dans plusieurs passages, l’évêque Doyley, dans ses Remarques sur l’ancienne Judée, établit d’une façon très suffisante la preuve que le Zodiaque n’avait pu être inventé ni par les Chaldéens, par lesquels il entend les Babyloniens, ni par les Égyptiens, ni par les Grecs. Il est absolument certain que les inventeurs du Neros et du Cycle Métonique doivent avoir été infiniment plus instruits qu’aucun de ces trois peuples, à une période quelconque de leur histoire, avant la naissance du Christ. Il est également démontré, d’après les autels des cercles Druidiques de la Bretagne, que leurs constructeurs devaient avoir été au courant de ces cycles. Les Chaldéens s’assuraient de la durée de l’année par la méthode très artificielle de la mesure de la longueur d’un mât dressé debout. Les Égyptiens aussi réglaient leurs années uniquement en observant les levers et les couchers des astres. » (Voir Astronomie de Lalande, vol. I, p. 93.) Cet auteur pense que ces derniers ont été surfaits dans leur réputation de science astronomique, parce que nous n’en avons entendu parler que par les Grecs, qui étaient comparativement ignorants. Il assigne très modérément à l’astronomie des Égyptiens une date de six cents ans avant Jésus-Christ. Tout cela montre que la science des Babyloniens et des Égyptiens n’était formée que des débris de systèmes antérieurs, perdus à cette époque déjà par eux, comme l’on sait qu’ils ont été perdus dans des temps plus rapprochés par les Indous. 

MÉDECINE
Dans une autre branche de connaissances, nous voyons les prétendues découvertes médicales modernes connues de toute antiquité, telle la circulation du sang.
L'hygiène et la médecine étaient enseignées et pratiquées dans les temples. Elles sont représentées par des Déesses telles que Angita qui était adorée par les Marses au bord du lac Fucin et qui opérait des guérisons par l'emploi des simples. On l'identifie avec Circé et Médée (1), et aussi avec Marica de Minturnes. Eileithya est encore une Déesse de la médecine, elle préside aux accouchements.
La Déesse Hygie donne son nom à la science qu'elle crée : l'hygiène.
Hygie fut chantée par les Grecs, les Latins, glorifiée par les Rubens, les Marot :
Il est une jeune déesse
Plus agile qu'Hébé, plus fraîche que Vénus,
Elle écarte les maux, les langueurs, les faiblesses.
Sans elle la beauté n'est plus !
Les Amours, Bacchus et Morphée
La soutiennent sur un trophée
De myrte et de pampres orné,
Tandis qu'à ses pieds abattue
Rampe l'inutile statue
Du dieu d'Epidaure enchaîné.
Epioné est celle qui adoucit les maux. On lui rend un culte dans les lieux salubres. On la représente tenant un bâton autour duquel un serpent est enroulé (symbole de l'envahissement de l’homme dans les fonctions de la Femme). C'est de cet emblème qu'on fera le caducée.
Salus est une Déesse de la guérison.
L'ordre des Prêtresses auquel appartenaient les Guérisseuses était appelé les Pastophores.
De savantes recherches bibliographiques nous ont appris que, plus de huit siècles avant notre ère, les Indiens provoquaient L’anesthésie, sans aucun danger, au moyen d'une préparation de chanvre, cannabis indica (Stanislas Julien, Rapport à l'Académie des Sciences), et pratiquaient alors les opérations les plus graves : ouverture des parois abdominales, suture des intestins.
Les anciens pratiquaient le magnétisme humain pour guérir les maladies et le considéraient comme étant le seul remède propre à produire sur un membre deux effets opposés en apparence, tels que de relâcher une articulation trop rigide et de resserrer une articulation trop lâche ; ils l'employaient aussi pour dissoudre les tumeurs en les malaxant, etc.
L'ancienne Déesse Thoth est considérée comme celle qui inventa la médecine. Ses doctrines sont exposées dans le Pœmander (Poimandrès) et l'Asclepius (l'Asclépios). De là vient que les femmes qui exercent la médecine en Grèce sont appelées les Asclépiades. C'est de ce mot que, plus tard, on a fait Esculape.
Dans la mer Égée se trouve l'île de Cos, dont le nom a une origine curieuse. Il vient du mot celte , qui signifie vache, c'est-à-dire Mère-nourrice. Mais les Mères ne sont pas que nourrices, elles sont aussi Prêtresses, et le mot Koïa signifie Prêtresse. De Koé-hele on a fait Cy-bele (hele signifie Fée ou Déesse).
Cette île était un centre d'enseignement médical et voici comment la mythologie en rend compte : Ovide dit :« Dans cette île, des femmes ayant déplu aux dieux furent métamorphosées en vaches ». C'est là qu'on fit naître un homme dont on va faire le Père de la médecine, Hippocrate, qui aura autant de réalité que Méton.
Au Pérou, les deux sexes sont désignés par les mots Manco-Capac (l'homme), Mama-Koïa (la femme).
(1) « La science médique avait pour but l'adoucissement des peines physiques et morales de l'homme, en même temps qu'elle lui enseignait les moyens de conquérir la vie. La mythologie s'en est emparée, et nous raconte que Médée était magicienne, c'est-à-dire qu'elle guérissait par la vertu des simples, et qu'elle donna à Jason le moyen de surprendre le dragon gardien de la Toison d'or.
« Il est aisé de découvrir le sens profond qui se trouve caché sous le voile de ce récit. Médée est la personnification de la science qui enseigne aux hommes l'art de conserver la santé de corps et d'esprit. Etre magicienne (mag-kennan) c'est être familiarisée avec les propriétés thérapeutiques des plantes et des substances ; c'est connaitre les secrets de la nature ; c'est mettre l'homme en rapport avec le corps des savants (griffers), dépositaire de la connaissance que l'or représentait, d'après la symbolique des anciens.
« Médée, jason, mag-kennan, griffers appartiennent en propre aux débris des idiomes galliques qui se sont conservés dans le morinien (peuple de la Gaule-Belgique). Cette langue en renferme toutes les racines ; et ce concours ne nous est même pas nécessaire. Appuyé sur la signification du premier de ces mots, nous dirons que dans l'origine le nom de Mèdes n'était autre que celui des missionnaires gallois qui allèrent au loin répandre leur croyance, jusque dans la contrée de l'Orient qui a plus particulièrement retenu le nom de la science que ces sages enseignaient. » (Godefroy de Roisel, Études anté-historiques : les Atlantes)

LE PARTHÉNON
Le Parthénon, magnifique temple élevé sur l'Acropole d'Athènes à la gloire de Minerve, n'est généralement regardé que comme un édifice religieux. Il avait cependant, à côté de l'enseignement qu'on y donnait, une destination plus pratique. C'est là qu'on venait consulter les Asclépiades et c'est là que se faisaient les accouchements. Et le nom même du Parthénon vient de Partus, enfanter.
Salomon Reinach, dans la séance du 9 mai 1908 de l'Académie des Inscriptions, lut un mémoire sur l'origine du nom du Parthénon, montrant qu'on a trouvé des parthénons dans plusieurs villes, où ils désignent des temples consacrés à une Divinité maternelle : Déméter, Cybèle, Artémis, Leucophryné. « Un Parthénon, dit-il, est un temple spécialement affecté à des rites, à des cérémonies exécutées par des jeunes filles ». Ces jeunes femmes Sont celles qui exerçaient la médecine et pratiquaient les accouchements ; on les appelle Parques (de Partus), parce que ce sont elles qui coupent le cordon ombilical.
C'est plus tard, par jalousie, que les misogynes feront des Parques les Déesses de l'enfer.
On a trouvé à côté de chaque temple un petit édifice nommé Mammisi (d'où Cérès mammosa), le lieu d'accouchement, qui offrait sur ses murs le tableau de la naissance de l'enfant (on dira du Dieu-enfant Horus).
La Déesse Carmenta présidait aux enfantements, dit-on (Dictionnaire de Pictet), et prédisait l'avenir des enfants. Mais ceci est une signification détournée.
La Déesse reconnaissait peut-être les caractères physiques et physiologiques des enfants et en déduisait ses aptitudes et sa psychologie futures. C'est pour cela sans doute qu'elle est restée, dans la tradition, représentée comme une prophétesse annonçant l'avenir, ce qui fait que plus tard son nom Carmen désigna « un chant prophétique ». Mais c'est aussi un chant de louange, et c'est du reste de ce nom que sont dérivés les mots charme, charmant, charmer.
Dans leurs pratiques médicales, les paysans grecs d'aujourd'hui gardent aussi la tradition de leurs ancêtres : les recettes et les charmes sont presque toujours le secret d'une famille et, dans cette famille, ce sont les plus vieilles femmes qui procèdent à ces rites, exactement, comme leurs ascendants d'il y a 30 ou 40 générations.
On trouve ainsi dans chaque village une ou deux femmes appelées sorcières, en possession de la fonction médicale et du pouvoir de guérir les malades.
Le livre chinois Nue-Kingi, est, au point de vue historique de la médecine, le plus curieux qui existe. Hoang-Ti, 2.637 ans avant notre ère, y fit consigner toutes les découvertes faites à partir du règne de Ching-Hong (3.300 ans avant notre ère), d'après M. Dabry, consul de France qui a écrit La Médecine chez les Chinois (1863). Ce livre chinois donne, comme l’Ayur-Véda des Hindous, des préceptes sur l'alimentation et l'hygiène, les frictions, l'hydrothérapie, le massage, les divers modes de gymnastique respiratoire pour entretenir la circulation du sang, sa recomposition, etc., etc.
Telles sont les traces qui nous restent des idées primitives qui constituèrent la première science, et qui furent révélées par la Femme à l'homme, dans la première jeunesse de l'humanité, alors qu'il ne pensait pas encore à la discuter, à nier sa parole ; l'heure du scepticisme et de la révolte n'avait pas sonné. Il l'écoutait parce qu'il l'aimait, parce qu'il l'admirait et parce que, son esprit étant encore droit, il comprenait. Le monde gynécocratique aura toujours le mérite d'avoir été pour l'homme le premier Maître dans la pénétration des secrets de la Nature, d'avoir été le temps de la formation de l'intelligence humaine.
La civilisation antique est l'expression des sentiments, des pensées, des actions de la Déesse, de la Mère. Elle a régné pendant toute la longue jeunesse humaine et y a creusé un sillon, qui est devenu un atavisme tenace qui tourmente l'homme et lui donne la nostalgie de l'idéal suprême, du Divin absolu.

INDUSTRIE CONSTRUCTIONS TRAVAUX
Ce qui caractérise la préhistoire, c'est la grandeur en tout, élévation des idées, monuments grandioses, immensité des travaux entrepris et réalisés.
L'époque gynécocratique est l'âge de la magnificence parce que c'est l'âge de la magnanimité maternelle.
La Déesse est magnanime (rappelons que de Maja-Magna on a fait Majesté) non seulement parce qu'elle conçoit de sublimes projets, mais parce qu'elle montre dans ce qu'elle fait une incomparable grandeur.
L'homme suit, imite, mais rapetisse et particularise.
La magnificence de la Déesse Mater Magna se reconnaît à la splendeur et à l'utilité de ses œuvres qui ont toujours une signification spirituelle ou morale. D'où la civilisation ; ce qui prouve qu'il faut à celui qui dirige une perfection intérieure qui porte à entreprendre de grandes choses, à réaliser de vastes et brillants dessins extérieurs en employant des moyens somptueux en rapport avec le but poursuivi. Le propre des grands esprits est de faire les choses avec la grandeur qu'elles comportent.
L'harmonie entre la vaste conception de l'esprit et la réalisation matérielle n'a pu se produire qu'à l'époque où la force, c'est-à-dire le travail, était au service de la raison qui dirigeait.
L'homme ne fait bien que ce que la Femme lui fait faire, c'est ce qui explique la grandeur des œuvres de la période gynécocratique.
Les noms les plus illustres de l'antiquité sont unis aux travaux les plus extraordinaires.
Sémiramis fonde Babylone.
Nitocris fait creuser le lac immense où se déverse le trop-plein de l'Euphrate.
Les canaux du Nil sont dus à une Reine masculinisée, Séti ou Sota, que les Grecs appellent Séthos.
Vénus fonde Venise. Minerve fonde Athènes.
Carthage est fondée par Didon.
Persépolis, Thèbes, Memphis, Ninive ont aussi une origine gynécocratique.
Les fouilles pratiquées en Egypte nous révèlent l'état de son industrie à une époque extrêmement reculée.
M. de Morgan, directeur général des antiquités de l'Egypte, a découvert sur la lisière du désert, près de Négadah, dans le Saïd, une construction qu'il appelle « une sépulture royale ». Elle est construite en briques crues, comme le sont les plus anciens mastabas que l'on connaisse et que l'on place dans la troisième dynastie ; elle se compose de 21 salles renfermant un nombre considérable d'objets. Mais, par malheur, un incendie en a détérioré la majeure partie.
Cependant, de précieuses trouvailles ont pu être faites, parmi lesquelles quantité de longues lames de silex, taillées avec une habileté surprenante, un lion en cristal de roche, un autre lion, des chiennes et des poissons en ivoire, des pieds de meubles très artistiquement sculptés en ivoire aussi, des flacons de cristal de roche et d'obsidienne, de nombreux vases de pierre dure et plus de 300 jarres de terre cuite, enfin une partie de collier en or ciselé.
Un emblème est gravé sur les vases et sur les plaques d'ivoire ; une bannière est imprimée aussi sur les cônes qui coiffent les jarres et sur plusieurs sceaux d'argile.
Cette bannière représente un épervier tenant dans ses serres un bouclier et une massue, ce qui indique une époque de lutte déjà engagée entre l'esprit (l'épervier) et la force (la massue).
On n'a pas su déchiffrer les courtes inscriptions trouvées dans cet endroit, tant les caractères sont archaïques.
M. Victor Loret, directeur général des services des antiquités égyptiennes, a, de son côté, entrepris des fouilles dans les environs de la pyramide de Têta et des Mastabas de Mera et de Kabin.
Il a déblayé tout un coin de la nécropole memphite, avec ses rues, ses places, ses carrefours.
En plus de quatre Mastabas fort riches, appartenant à de simples particuliers, il a trouvé la tombe d'une Reine dont il met le règne au commencement de la VIe dynastie. Elle est appelée « Mère royale ».
Le nom de cette Reine est Apou-it.
Le tombeau, auquel donne accès une porte de granit rose, est fort intéressant en lui-même, tant par ses bas-reliefs portant des figures royales si rares à cette époque, que par la finesse et l'originalité des autres représentations qui le décorent.
Nous enregistrons encore une autre découverte faite dans la Haute-Egypte. On a découvert à Girga des momies d'un grand intérêt.
L'Égypte historique telle que nous la connaissons date de 4.000 ans en moyenne. Les momies exhumées à Girga étaient dans leur tombeau depuis sept ou huit mille ans. Leur état de conservation est admirable et supérieur de beaucoup à celui des corps que nous connaissons. L'iris des yeux, lui-même, semble intact.
Le nombre des tombeaux dans la région de Girga est considérable et les documents qu'ils renferment pourraient certainement nous révéler une époque ancienne que nous ignorons.

MOYENS DE TRANSPORT
Les aqueducs, les ponts, les grandes voies de communication existent partout à cette époque de l'histoire.
La flotte phénicienne a des navires à voile dont la mythologie attribue l'invention à Dédale.
Le transport des matériaux pour les grandes constructions entreprises alors étonne ceux qui se rendent compte de la hardiesse de ces travaux. Les anciens avaient des machines capables de transporter des poids énormes par terre et par mer. Du reste, l'art nous a conservé l'image de toutes espèces de chars.
Il n'est pas jusqu'à la navigation aérienne qui, croit-on, fut essayée, sans remonter à Icare qui est un symbole.
On a trouvé, en effet, le dessin d'un homme volant sur le bracelet d'or de la Reine Merœ que l'on place dans une des antiques dynasties égyptiennes, bracelet conservé au musée des antiquités de Berlin. Et ce dessin n'est pas une fantaisie, une imagination d'artiste. Le détail de la construction des ailes est des plus précis.
L'homme tient dans ses mains les prolongements d'un aviateur très intelligemment compris et chargé d'actionner deux grandes ailes. Et l'appareil semble aussi bien conditionné et aussi pratique que celui employé au douzième siècle par un moine anglais qui, du reste, se cassa les jambes dans son expérience.
Ce moine, qui passait pour un des premiers navigateurs aériens, avait, comme on le voit, eu bien d'autres précurseurs.
L'art de voler dans les airs est mentionné par Lucien et Suétone. Architas avait fabriqué un pigeon qui volait, roucoulait, mangeait et même digérait.
On a trouvé dans les ruines d'Herculanum et de Pompéi des machines ressemblant à nos vélocipèdes.
Drehellius, de Marsenne et, plus tard, un chevalier de Malte ont construit des bateaux sous-marins.

TISSAGE ET TEINTURE
Les procédés employés pour la fabrication des tissus et pour leur teinture devaient être arrivés à une grande perfection, car nous voyons, dans les fouilles entreprises, apparaître des momies recouvertes d'étoffes de tous genres, de fabrication aussi soignée que celle des modernes.
Les procédés de teinture donnaient la pourpre des Phéniciens, le bleu d'ocre que les modernes n'ont pas su retrouver.
Les vêtements sont ornés de magnifiques broderies en couleur ou en or. On exécutait des dentelles d'une finesse remarquable.
C'était là le travail des fées, et la mythologie, du reste, nous a conservé le nom d'Arachné qui en fut l'inventrice.
Des tissus brodés se retrouvent dans les débris de nos cités lacustres. Ils ont donc été fabriqués au temps des rennes et des Mammouths.
Sur une tablette de grès provenant du temple de Nippour, en Chaldée, il est question d'une fourniture de 92 robes et tuniques, dont 14 parfumées à la myrrhe, à l'aloès et à la cassie. Le caractère archaïque des hiéroglyphes et le système de numération en fixent la date, sauf erreur de quelques siècles, à l'an 2.800 avant notre ère.
Faut-il rappeler que, dans la littérature classique, Andromaque est occupée à tisser un grand-voile « dont elle nuance avec art les couleurs », quand elle apprend qu'Hector vient de succomber ?
Dans l'Odyssée, Circé se montre d'abord aux compagnons d'Ulysse comme une femme « aux accents enchanteurs » qui, « soit Déesse, soit mortelle, travaillait aux ouvrages de son sexe ». Et n'est-ce pas à ses talents de brodeuse que Pénélope doit de symboliser à jamais la fidélité ?

L’INDUSTRIE
« Tout ce qui est primordial, tout ce qui est indispensable dans une civilisation, tout ce qui est la base sans laquelle l'édifice croule, remonte à des époques si reculées qu'on n'ose prononcer des chiffres ».
Ainsi parlait en 1908 M. Rémy de Gourmont. Et il continue :
« Ce que les hommes inventèrent à ce moment de l'histoire du monde est prodigieux. Ils inventèrent, en quelques milliers d'années, à peu près tout, jusqu'au luxe, puisqu'ils arrangèrent des colliers, des bracelets, des pendeloques. Ils inventèrent l'agriculture, ils firent du pain. Pensez au premier pain ! Il n'était assurément qu'une galette assez grossière, mais il avait fallu recueillir le blé, le broyer, le mettre en pâte, le cuire sur une pierre brûlante.
Oui, ils inventèrent cela aussi et nous n'avons guère trouvé mieux : le four n'est qu'une pierre brûlante perfectionnée.
« Puis des hommes se répandent sur le monde et en achèvent la conquête. Le commerce naît et se fait du premier coup universel ; on a trouvé, dans les stations mégalithiques de la Bretagne et lacustres de la Suisse, des objets d'un certain jade qui ne se rencontre qu'en Chine.
« Enfin voici le métal. Traiter le minerai, en tirer du cuivre, du fer, cela nous paraît tout simple, nous avons des méthodes pour cela, mais songez au génie de cet homme nu qui martèle avec une grosse pierre le premier morceau de métal. Le premier fondeur, le premier forgeron, voilà des ancêtres que notre siècle de fer devrait honorer avec quelque ferveur.
« Après cela tout est trouvé. L'humanité ne fera plus que perfectionner les découvertes primitives. Son génie à travers les siècles perpétue le génie des premiers âges, il ne le dépasse pas.
Réfléchissez encore à tout ce trésor des anciens temps, le feu, le couteau, l'arc, la poterie, l'aiguille, le levier, le tissage, la roue, la rame, la voile, la première voile ! Et un peu plus tard, l'écriture.
« Oui, pensez seulement à l'écriture, et vous trouverez comme moi, je l'espère, qu'il semble bien y avoir une loi de constance intellectuelle et que nos plus belles découvertes ne sont que la preuve de la perpétuité du génie humain ».
En architecture, en sculpture, en peinture, les anciens sont toujours nos maîtres. Tout cela nous démontre l'existence d'une civilisation préhistorique bien plus complète que la nôtre.

CIVILISATION DES TEMPS GYNÉCOCRATIQUES
Il ne faut donc pas mettre la barbarie au fond de l'histoire et la civilisation chez les modernes.
Nos aïeux ont eu le mérite de toutes les inventions, de toutes les découvertes, dont les modernes ont profité sans se donner d'autre peine que celle qui consiste à apporter des perfectionnements.
Mais le grand élan primitif, le mérite de l'initiative est à ceux que leurs descendants ont plus tard dénigrés.
Si, dans une certaine école moderne, on voit le progrès en avant et la barbarie en arrière, ce qui est contraire à la réalité, c'est que cette école obéit à un esprit troublé par l'orgueil, qui a grandi dans l’évolution masculine et donné à l'homme un instinct qui le porte à affirmer une supériorité qu'il n'a pas ; il nie les progrès de sa dégénérescence et les représente comme une marche en avant, de là l'erreur. Avouer que ses ancêtres ont eu une intelligence qu'il n'a plus, c'est reconnaître que l'homme s'est amoindri, c'est jeter du discrédit sur le monde moderne dont il est l'auteur et dont il assume toutes les responsabilités.
Les représentants de cette école sont dans le même cas que ces pères despotes, qui prétendent avoir toujours raison et imposent silence à leurs fils, dont l'intelligence est supérieure à la leur.
Ainsi donc il y a plusieurs manières d'entendre le mot civilisation, plusieurs significations à donner au mot progrès.
Les générations primitives pensaient en agissant, les générations modernes agissent sans penser, elles se reposent sur ce qui a été fait avant elles et c'est ce passé qu'elles invoquent toujours, mais sans le connaître, sans le définir, sans savoir que les historiens l'ont dénaturé.
Ce sont les idées de ces lointains aïeux qui se sont perpétuées dans toutes les traditions, monuments aussi indestructibles que les plus solides édifices de pierre, aussi durables que les plus hautes pyramides, car, après tant de siècles passés, nous sommes forcés de constater que ces traditions sont arrivées jusqu'à nous, à titre de fables, ou de préjugés populaires, si l'on veut, mais enfin elles sont arrivées. Or c'est là un fait très remarquable, la propagation d'une idée, une chose aussi subtile, à travers tant de générations !
Tandis que tout passe, tandis que tous les monuments subissent l'action destructive du temps, les œuvres de la pensée restent, elles résistent à la destruction et sont aussi impérissables que l'humanité dans le cerveau de laquelle elles sont enfermées.
L'antiquité a été longtemps perdue pour nous, on commence à nous la restituer. Les sciences physiques et naturelles, qui marchent en même temps, nous ramènent à la connaissance de la Nature, si bien que nous allons nous trouver, dans un avenir prochain, ramenés par la science moderne à la hauteur de l'Esprit antique.

UNIVERSALITÉ DU DOGME DE LA CHUTE
Toutes les traditions nous retracent l'histoire de la chute de l'homme, partout il est représenté comme un « ange déchu », devenant par cette déchéance « l'esprit du mal ».
Dans le Shâstra d'Holwel, la chute est racontée suivant la version de l'Inde.
C'est Moisassour (Mahishâsura, grand Asura) qui représente l'homme méchant, le Satan de l'Inde. Son règne sur les Dévas, ses luttes contre les femmes y sont racontées, enfin sa défaite finale est annoncée.
Dans le Rig-Véda, Abi, le serpent, est le père ou chef des Asouras ou Râkshasas. C'est l'Ahriman des Perses.
Puis, quand on introduit le surnaturel dans les traditions, on raconte que la Femme est préservée de la chute par une intervention miraculeuse contée dans la légende du patriarche Adjigarta (laquelle a été copiée par la légende d'Abraham). Pârvatî (la Sarah de cette légende) est restée longtemps stérile (ce temps représente l'époque antérieure à la puberté chez la femme-enfant).
Elle devient enceinte par intervention divine, elle a un enfant, il lui est ordonné de le sacrifier à 12 ans. (Origine de la première communion). Mais Vishnou, sous la forme d'une colombe (l'esprit), se pose sur la tête de l'enfant et empêche l'accomplissement du sacrifice. L'enfant qui n'est pas sacrifié, c'est la fille.
L'esprit de Vishnou (l'Esprit féminin) se pose sur sa tête au moment du sacrifice et détourne ses effets.
Dans la légende d'Abraham, on fera de cette fille un fils, et alors cela ne signifiera plus rien.
Telle est l'origine de l'idée que l'âme est immortelle (dans la Femme), tandis qu'elle devient mortelle par le péché dans l'homme.
Les catholiques ont gardé ces idées, mais, comme ils ont supprimé la différence des sexes, ils enseignent que l'âme est immortelle dans les deux sexes, mais ils ajoutent que le péché est la mort de l'âme (toujours pour les deux sexes).
Alors ils se contredisent en enseignant qu'elle est mortelle et immortelle. (Le péché qui n'est pas mortel est celui qu'on appelait véniel, péché de Vénus.)
L'homme maléficiant est représenté en Egypte sous la forme d'un serpent géant nommé Apap. Les dieux mauvais se soulèvent contre les Dieux bons. Leur chef, que les monuments représentent sous la figure d'un long serpent sinueux, Apap, « essaye d'anéantir l'œuvre divine ».
La bataille s'engage entre les « Dieux lumineux » et les « Fils de la rébellion » ennemis de la lumière et de la vie. Terminée à l'avantage des bons, elle n'amène pas de résultat décisif. Tant que le monde durera, les monstres seront vaincus, affaiblis, mais non détruits.
Toujours en révolte contre le pouvoir qui les accable, ils menacent sans cesse l'ordre de la Nature. Afin de résister à leur action destructive, le « Bon Principe » doit pour ainsi dire créer chaque jour à nouveau le monde.
Dans la Doctrine Secrète, le commencement du mal est décrit dans le langage symbolique de l'hermétisme (page 130) :
« Dans les temps primitifs, à l'époque des Dynasties Divines sur la terre (les temps gynécocratiques), le reptile aujourd'hui redouté (l'homme méchant) était considéré comme le premier rayon de lumière qui eût jailli de l'abîme du mystère divin.
« Jusqu'alors l'Arbre resta toujours vert, car il fut arrosé par les eaux de la vie. Mais l'Arbre poussa et ses branches inférieures finirent par toucher les régions infernales, notre Terre (allégorie).
C'est alors que le grand serpent Nidhôgg, celui qui dévore les cadavres des méchants dans « la salle de misère » (c'est-à-dire la vie humaine), dès qu'ils sont plongés dans le chaudron bouillonnant (des passions humaines), rongea l'Arbre renversé du monde. (L'arbre renversé, c'est l'embryon humain, renversé dans la vie végétale.)
« Les vers de la matérialité couvrirent les racines autrefois saines et puissantes et montent maintenant de plus en plus haut sur le tronc.
« Durant ce temps, le serpent Nidgad, enroulé sur lui-même dans les profondeurs de l'Océan, entoure la Terre et, par l'influence de son souffle vénéneux (le mensonge et la calomnie), la rend impuissante à se défendre. ».
Il ne faut pas s'étonner de voir, après ces grandes luttes, les femmes représenter les hommes qui les ont attaquées sous des formes injurieuses, avec des têtes d'animaux, etc., créant ainsi un nouveau symbolisme qu'on a appelé la Zoolâtrie. Ce n'est pas parce qu'on adorait les animaux qu'on les représenta comme des dieux, c'est parce que les femmes outragées se vengeaient de leurs ennemis par des comparaisons avec les êtres repoussants comme le serpent, rusés comme le renard, forts comme le taureau.
La Déesse avait été « le Dieu de Paix ». Mais la paix des époques lointaines ne devait pas toujours durer. Elle allait disparaître du monde par la perversion qui allait naître en même temps que le développement de la force musculaire, qui allait donner à l'homme des instincts de lutte, de l'audace et un germe de mépris pour la souffrance des autres.
Sa vie sexuelle qui s'affirmait, dédoublait physiologiquement sa personnalité en lui donnant deux aspects, l'un encore rationnel, l'autre passionnel.
Une évolution contraire s'accomplissait chez la Femme, sa force musculaire diminuait, pendant que son esprit s'élargissait.
Elle allait vers la pensée, quand lui allait vers l'action ; elle affirmait ce qu'il niait, ils n'étaient donc plus unis dans une entente absolue, ils n'étaient plus un se comprenant, mais deux qui se contredisaient.
« L'Âge d'or, dont le doux éclat environne le berceau de l'humanité, n'est pas autre chose que l'âge où l'homme était un au dedans, avec lui-même, un au-dessus de lui avec la Déesse, un autour de lui avec ses frères, un au-dessous de lui avec la Nature »
La séparation mentale des sexes, qui se produisit alors, est ainsi déplorée dans les antiques légendes (d'après la Doctrine Secrète) :
« C'est Eumonia qui créa le monde, Eumonia la pensée divine, l'Esprit féminin. Elle confia aux anges le gouvernement de la Terre, mais ceux-ci ne gardèrent pas la sérénité qui convient aux Maîtres. D'elle (d'Eumonia), naquit une race violente qui couvrit la Terre d'injustices et de cruautés. Et Eumonia fut saisie d'une tristesse infinie ! « Voilà donc ce que j'ai fait », soupira-t-elle en contemplant ses fils, « et maintenant je suis impuissante à leur rendre leur pureté primitive, la création est à jamais manquée. Du moins je n'abandonnerai pas mes créatures. Si je ne puis les rendre heureuses comme moi, je puis me rendre malheureuse comme elles. Puisque j'ai commis la faute de leur donner des corps qui les humilient, je prendrai moi-même un corps semblable au leur et j'irai vivre parmi elles ». Et l'esprit féminin enfermé dans un corps s'appela Hélène en Grèce, Isis en Egypte, Vishnou aux Indes, Myriam, etc. Soumise aux travaux de la vie, la Déesse grandit en grâce et en beauté et devint la séduction des hommes. Désirée des lascifs et des violents, elle se dévoua, subit le rapt et l'adultère, subit toutes les violences, toutes les souillures, tous les crimes, fut prostituée aux héros, aux bergers. Les poètes devinaient sa divinité, car, au milieu des passions humaines, elle gardait sa sérénité, « âme sereine comme le calme des mers ». Elle fut entraînée par l'homme dans le mal et dans la souffrance. Mais, à travers les âges, l'Esprit n'a cessé de s'incarner dans un corps de femme qui reçoit sur elle les péchés de l'homme, éternelle sacrifiée pour la luxure masculine, bouc émissaire aimant et pleurant, elle opérera sa rédemption et celle des hommes le jour où ils comprendront ».
Donc, la Femme crée l'homme, mais ne le fait pas à son image.
Elle lui donne les caractères d'un psychisme inférieur qu'elle n'a pas.

RÉBELLION
Le doute était entré dans l'esprit de l'homme et avec lui le premier instinct de révolte contre la parole de vérité de la Femme, sa Déesse. La chute amena la rébellion de l'homme contre la femme. Une inquiétude le hantait, agitait son esprit, il avait maintenant pour elle des alternatives d'admiration et de dédain qui commençaient à l'inquiéter. C'était un nouvel état psychique pour elle incompréhensible. Il la fuyait, se faisait désirer. Elle qui l'aimait, le cherchait, le ramenait, s'inquiétait de son trouble, en cherchait les causes, elle voyait que son amour pour elle n'était plus le même, il s'y mêlait de l'envie, il profanait ce qu'il avait adoré, en avait presque honte. Elle ne comprenait pas cela, Elle qui ne changeait pas, qui n'avait en elle ni trouble ni honte, et se sentait toujours pure. Elle n'apercevait pas encore tout le mystère des sexes.
Parmi les hommes, un « mauvais esprit » commençait à régner.
Aucun d'eux n'osait encore prononcer le premier mot de rébellion, mais déjà l'idée en avait surgi.
Il fallut de l'audace au premier qui osa mentir en face de la Femme, au premier qui osa nier son verbe jusque-là respectueusement écouté. Ce fut d'abord l'ironie, le persiflage, premier sentiment de jalousie, puis le rire C'est en riant qu'il osa jeter le premier doute au front de la Déesse. Elle' s'étonna, lui répondit naïvement, croyant à un malentendu, mais quand d'autres après le premier revinrent au défi, une poignante tristesse l'accabla, sa poitrine se gonfla, ses larmes coulèrent.
C'est dans cette période de l'histoire que nous allons voir se produire la première réaction masculine contre l'ordre de choses primitivement établi. C'est le commencement de la révolte de l'homme contre la femme, c'est le début de son opposition aux idées primordiales qui avaient créé la primitive science. Il allait briser le premier lien qui les avait unis.

JALOUSIE
Une intuition vague de la pureté de la femme lui apparaissait.
Le rayonnement de sa beauté divine l'inquiétait, il ne pouvait la définir, mais il en souffrait parce qu'il s'apercevait que tandis qu'elle embellissait, lui enlaidissait.
Il voyait que ce qui donnait à sa compagne une intelligence supérieure engendrait chez lui la brutalité ; ce qui provoquait ses rires francs et sa joie de vivre, lui donnait au contraire des tristesses et des amertumes.
Alors il maudit la Nature d'avoir fait les choses ainsi et il voua à la Femme une jalousie féroce. Toute sa conduite, à partir de ce moment, révéla ce sentiment : une haine, un désir de vengeance.
Il devint « le serpent qui la mord au talon », c'est-à-dire la fausseté, l'hypocrisie qui l'attaque lâchement.
Cette jalousie était un sentiment singulier : un mélange de la honte qu'il éprouvait en apercevant sa déchéance, en même temps qu'une poussée de dépit de voir la Femme grandir pendant qu'il s'abaissait. Il la regarda d'abord avec un sourire étrange, mêlé de tristesse et d'envie, sourire de dépit, qui se voile dans la raillerie et que nous retrouvons toujours sur les lèvres de l'homme en face de la femme qui s'élève et le dépasse, rire plus triste que les larmes. Puis il se révolta contre la Nature même ; il se souvenait de son état antérieur, encore si près de lui, de la lucidité première de son esprit, et ne voulait pas avouer qu'il en avait perdu quelque chose ; il devenait orgueilleux pendant que sa force musculaire augmentait et que son jugement se pervertissait.
C'était tout ce qu'il fallait pour faire de lui un tyran. Étonnée de le voir ainsi, la Femme eut l'imprudence de lui montrer sa déchéance, de lui témoigner du mépris, du dégoût il s'exaspéra et, pour lui ôter les moyens d'user d'une supériorité qu'il redoutait, il l'opprima.
Cette jalousie des premiers hommes, dont nous allons étudier dans ce chapitre toutes les phases historiques, a laissé sa trace atavique dans l'âme de nos jeunes gens. C'est ce sentiment qui met au fond de leur caractère un germe de tourment intime qui se révèle dès la première jeunesse par la taquinerie. Le jeune garçon qui sent entrer en lui « l'esprit malin » cherche à blesser ou à vexer sa petite sœur, à lui infliger des souffrances qui lui font verser ses premières larmes. Cette tendance grandit avec le développement de la sexualité masculine et aboutit à cette jalousie sombre, la misogynie, dont les manifestations ont rempli l'histoire.

LA GRANDE PERSÉCUTION
Vainement les femmes avaient essayé d'opposer une digue à la révolte des hommes contre Elles, aux erreurs naissantes dans leur esprit. De toutes parts les luttes surgissaient et menaçaient la science primitive des Déesses. Les masses masculines liguées se ruaient contre « la race habélique ». Partout le sang coula.
Ce fut la grande lutte des Titans contre les Génies, des Caïnites contre les Habélites et plus tard les Séthites (deuxième race de femmes).
Le motif principal de cette attaque était bien réellement celui que donne la Bible, le « sacrifice » de la Femme plus favorable à son développement que celui de l'homme, c'est-à-dire ayant des suites spirituelles, tandis que celui de l'homme avait des suites bestiales. Pour cela il voulut l'entraver. Ce fut une rage et la Femme, révoltée d'abord contre ce pouvoir qu'il voulait prendre sur elle, contre ce droit qu'il se donnait d'intervenir dans les lois de sa nature, lutta vaillamment pour affirmer sa liberté sexuelle et défendre l'honneur de son sexe outragé. Mais lui devenait fort, Elle commença à craindre sa brutalité et, apeurée, se cacha dans les lieux retirés, où il ne pouvait la surprendre.
Deux partis ennemis se formèrent qui adoptèrent des signes et des symboles.
Mais les Kaïnites, qui portaient partout leur jalousie, renversaient les signes et les symboles des Habélites ou parodiaient les emblèmes féminins. Il fallait porter leurs signes pour être épargné par eux ; ils forçaient les faibles à les suivre, à les aider, à les glorifier.
Ces hommes, qui étaient de jeunes vauriens, s'emparaient de tout ce qu'ils trouvaient en la possession des femmes, leurs récoltes, leurs fruits, les animaux domestiqués ou élevés par elles.
Leur folie, leurs hallucinations perverses, leur méchanceté montraient en eux de jeunes déments précipités, au début des entraînements passionnels, dans l'abîme que le vice engendre.
Cette période de la vie primitive nous les montre subissant la crise que la science moderne a appelée « la folie de l'adolescence ».
Dans ce désordre, ils avaient rompu le lien moral qui les unissait à la Femme, ils avaient outrageusement nié sa parole, étaient devenus impies et sacrilèges et, les premiers, inventèrent le mensonge qu'on a appelé plus tard le blasphème (1).
La vie était devenue terrible pour les femmes. Retirées dans leurs possessions, sans cesse aux aguets, séparées les unes des autres par des chemins semés d'embûches et de périls, Elles ne savaient comment se réunir pour se soutenir. Elles n'étaient pas organisées pour la lutte.
C'est alors que l'on vit surgir quelques courageuses qui, prenant la direction d'un mouvement, s'érigèrent en directrices.
Leurs premiers soins furent de graver sur la pierre, ou le bois, la science que les hommes voulaient détruire. Elles la résumèrent tout entière dans des signes idéographiques qui devinrent des Symboles.
Mais à leurs signes, les hommes en opposaient d'autres. Ils parodiaient tout ce qu'elles faisaient, renversant toutes leurs idées, et déjà donnaient à l'homme les noms et les qualités de la Femme. Ils osèrent soutenir les plus formidables erreurs sur les choses sexuelles, méprisant tout ce qui est vénérable, demandant le respect pour ce qui était exécrable. Les choses sacrées furent confondues avec les choses profanes, tout fut embrouillé à dessein.
Il s'en suivit une grande perturbation morale qui finit par gagner le monde entier et produisit comme contrecoup des fuites, des émigrations, des guerres, Partout les Femmes furent traquées par les hommes qui les poursuivaient pour satisfaire leurs passions envahissantes. Elles s'en allaient par bandes affolées, se cachaient dans des cavernes, cherchaient des vallées désertes, des plages inconnues pour se soustraire à la fureur des mâles ; tout était en désordre, des tribus errantes fuyaient leur lieu natal, suivies de ce qu'on appela plus tard le « pandémonium » en marche qui les poursuivait.
C'étaient des avalanches humaines qui se précipitaient sur les domaines, semant partout le pillage, la ruine, la mort ; elles roulaient de plaines en plaines et jusqu'aux rivages de la mer, elles voulaient tout dompter et mettre la terre entière sous la domination du plus fort.
(1) Le mot blasphème vient de phèma, parole, et blapto, nuire.
Le blasphème, c'est l'outrage, le juron, qui d'abord est toujours une insulte à la Déesse.
Le blasphème commis au nom de la Divinité était pour les Juifs une telle honte que, pendant la déposition des témoins et pendant la discussion qui la suivait, on ne prononçait pas le nom de la Divinité. Seulement à la fin de la délibération, on faisait sortir tout le monde pour ne pas répéter le blasphème devant le public et on le faisait répéter par le témoin. Les Juges en l'entendant se tenaient debout et faisaient à leur vêtement la déchirure de deuil qui ne devait jamais Être recousue (Mischna).

LES HAUTS LIEUX
Alors, se sachant épiées partout et partout poursuivies et traquées, les Femmes adoptèrent pour leur séjour les hauteurs d'où l'on dominait le pays. Ainsi elles pouvaient voir de loin venir l'ennemi. Elles s'installèrent donc sur les plateaux, où elles élevèrent des retranchements « sacrificiels » appelés Hiérons (1), « autels en terre ou en pierre, sortes de sanctuaires ou de tabernacles, qui leur valurent le nom d'allophiles (ami des pierres) et où le culte séthite se perpétua à l'abri de toute souillure, mais menacé de toutes parts. »
En effet, cette précaution ne leur assura pas la paix. Les récits de ces grandes luttes de sexes nous parlent du Hiêron chaldéen, où toute la lignée des Mères Séthites fut renversée et tuée sur ses autels, où Baal prenait la place d'Istar.
Le Hiéron égyptien fut culbuté de fond en comble ; le Hiéron mexicain eut le même sort, et le Hiéron équatorial fut pris d'assaut par des religions masculines qui ne purent être refoulées. On retrouva partout des remparts ébréchés.
La Bible nous parle en maints endroits des Hauts Lieux où se pratiquait le culte saint.
Ces mêmes luttes de sexes se produisaient en Chine et nous sont révélées par le Chou-King, où il est parlé de barrages élevés dans les principales vallées donnant accès à de hauts plateaux dans la Mandchourie et le Tibet.
C'est après ces luttes contre la Femme que commencèrent les règnes des trois premières dynasties masculines en Chine.
(1) Hiéron, autel ou sanctuaire, résidence considérée comme un refuge sacré, une ville sainte, lieu où se réfugiaient les populations menacées par l'ennemi. (D'après M. F. GABUT, dans son étude d’Archéologie préhistorique.)

LE DÉLUGE UNIVERSEL
C'est de ce grand cataclysme moral que la symbolique a fait un déluge universel, quand on a tout caché sous des allégories.
Ce soulèvement est devenu une grande inondation parce que, dans le symbolisme antique, on représentait l'Esprit de Vérité par le feu qui brille, par la torche qui éclaire, et l'erreur qui est son contraire par l'eau qui éteint le feu.
Les Déesses cherchèrent donc à cacher leurs Ecritures pendant que les Femmes se réfugiaient sur les Hauts Lieux, émergeant ainsi de l'abîme, c'est-à-dire des plaines laissées aux hommes, où, dit la légende, ils se noyèrent, c'est-à-dire où ils perdirent la Vérité, se noyant dans l'erreur.
La Femme émergeant de l'eau, surnageant à l'erreur que l'eau représente, se trouve dans toutes les mythologies.
Aphrodite, qu'on fait naître de l'écume de la mer, était dite Anadyomène, « l'Emergeante ». Elle flottait sur une conque marine.
Aux Indes, Vishnou est appelée Djalaçaya (qui repose sur l'eau) ou Çankhabhrit (qui porte la conque). Elle est aussi surnommée Nârâyana ; on la montre dans une nacelle sur un fleuve, c'est une Déesse flottante.
On la représente aussi montée sur un animal figuratif du flux, pour se sauver des eaux.
C'est parce que la Femme divine émerge de l'eau du déluge, que tous ceux qui depuis ont prétendu apporter la vérité ont été représentés comme « sauvés des eaux »
Dans un mythe ancien, nous voyons le monstre diluvien qui va engloutir une jeune fille attachée au rivage.
Cette légende venue des Chéviens à Joppé passa en Grèce, où on en fit l'histoire d'Andromède, fille de Céphée, roi de Joppé.
Puis peu à peu, le mythe prenant corps avec l'histoire, on arriva à chercher la date réelle de l'événement.
L'art sous toutes ses formes a représenté ce symbolisme de la lutte des sexes, depuis les dessins naïfs des anciens jusqu'à l'art moderne.
Le souvenir du déluge chez les Chaldéens, d'après un cylindre ou cachet assyrien conservé au Musée Britannique de Londres, montre l'homme Hasisadra à tête d'animal, ramant sur l'eau.
La Femme est au-dessus de lui, suspendue dans l'air, elle tient dans ses mains le soleil et la lune pour indiquer sans doute qu'elle s'élève vers le ciel, ou peut-être qu'elle enseigne l'astronomie.
La légende du déluge universel a inspiré Raphaël qui nous a montré les hommes dans l'eau cherchant à y entraîner les femmes.
Donc, à son époque, on savait encore ce que signifie le symbolisme.
Dans les tablettes chaldéennes, on mentionne le vaisseau d'Ea, Déesse de la mer, qui serre le cou du serpent à sept têtes. Dans les Védas, Indra lui tient la tête basse sous les flots écumants (Rig-Véda, VIII, 17-134).
Krishna, incarnation de Vishnou, danse sur les sept têtes du Nâga.
Les Dravidiens de l'Inde avaient une tradition semblable.
Manou, ayant été remorqué par Vishnou, arrive à la montagne du Nord, où sa barque s'arrête et y attend la fin du déluge.
Les Frisons appartiennent à la race « de la chute de l'homme » ou « Déluge de Lao », que quelques symbolistes font remonter à 12.000 ans environ avant le submergement de l'Atlantide.
Les Védas font remonter le déluge à 1.500 ans avant leur époque. Voici les paroles que Vishnou adresse au roi Satyavrata, dans cette version révisée, car à l'époque de la première révolte il n'y avait pas encore de rois : « Dans sept jours les mondes périront submergés, mais au milieu des ondes dévastatrices surnagera un vaisseau que je conduirai moi-même et qui s'arrêtera devant toi. Tu y déposeras toutes sortes de plantes et de semences et un couple de tous les animaux, puis tu y entreras aussi. »
Le déluge des Brahmanes fut appelé Dinapralaya. Les Guèbres parlent du même désastre comme ayant eu lieu à la même date.
Ces traditions existent aussi en Chine, quoique les commentateurs les aient dissimulées.
L'homme révolté, le Caïn chinois, c'est Tchi-Yéou, le premier des rebelles ; on lui donne des ailes de chauve-souris. Il a manifesté sa puissance de destruction dans la période de la grande sécheresse et il a laissé à Kong-Kong, qui a la face d'homme et le corps de serpent, le soin de détruire l'humanité par le déluge.
Ce qui nous montre bien que le déluge, au lieu d'être un cataclysme physique, est le symbole d'un cataclysme moral, l'envahissement du mal.
Les Tchi-Mœi sont les mauvais génies de la Chine, les Ly ou les noirs et les 72 frères de Tchi-Yeou sont les anges déchus qui entourent le Satan chinois et composent « l'alliance des hommes » qui combattent le pouvoir féminin.
Confucius commence l'histoire de la Chine en parlant d'un empereur nommé Yao, qu'il représente occupé à faire écouler les eaux qui s'étaient élevées jusqu'au Ciel, baignant encore le pied des plus hautes montagnes, couvrant les collines moins élevées et rendant les plaines impraticables ; mais Confucius a oublié de nous dire dans quoi cet empereur déversait cette eau qui était montée jusqu'au Ciel.
La Chine aurait eu deux déluges : celui de Yao et celui de Peyrun.
Selon Fréret, l'un des savants qui ont le mieux connu les annales de la Chine, les temps historiques de cet empire remontent jusqu'à l'an 2.145 avant notre ère, première année du règne de Yao.
Si l'on veut remonter plus haut dans les temps mythologiques, on trouvera qu'Hoangti, bisaïeul de Yao, aurait régné dès l'an 2.385, et Fohi, aïeul de Hoangti, vers l'an 2.640, époques qui devancent de plusieurs siècles la date du déluge selon la chronologie hébraïque, mais qui sont renfermées dans la chronologie samaritaine.
La Bible fait remonter le déluge universel, appelé Mabboul, à 15 ou 18 cents ans avant Moïse. La femme sauvée des eaux y devient Noé (1).
Bérose, historien chaldéen, qui écrivait à Babylone au temps d'Alexandre, a écrit une histoire de la Chaldée dans laquelle il remonte « jusqu'à la naissance du monde », croit-il, et il parle du déluge universel dont il place l'époque immédiatement avant Bélus, père de Ninus. Tous les historiens ayant copié les mêmes sources, il n'est pas étonnant de retrouver l'histoire du déluge partout.
En Grèce, on a le déluge d'Ogygès, celui de Deucalion et de Pyrrha.
En Scythie, celui d'un autre Deucalion.
Chez les Hindous, celui de Satyavrata.
Chez les Mexicains, celui de Coxcox.
Chez les habitants de la Floride et les Apaches, celui de Massou.
Le « déluge de Ram » est resté célèbre aux Indes (Ram est également connu sous le nom Ramachandra). Ce fut un grand soulèvement de l'homme contre la Femme, sous la conduite de Râma, le Mâle-Bélier-chef.
Ce déluge d'animalité, ainsi que disent certains théosophes, inaugure un cycle nouveau, « la maison de Ram ».
« Le cycle de Ram, dit M. O. Susan, fut le cycle de la brute, du mâle maléfiant, de l'homme-bélier-chef. Ce fut le cycle de l'asservissement du faible par le fort. Ce fut le cycle de la négation de la Femme. Ce fut le cycle de la chute morale de l'homme ».
Ram venait du Nord 7 ou 8 siècles avant Krishna, dit-on.
Michelet, dans La Bible de l'humanité, dit, p. 53 :
« Dans un transport maternel, la Mère de Râma indignée de son exil dit au roi : « Rappelez-vous, roi puissant, ce tant célèbre distique : J'ai jeté dans ma balance, d'un côté la vérité, de l'autre mille sacrifices, mais la vérité, l'emportera ».
La légende de Xisuthrus, qui nous a été révélée par les tablettes de la Bibliothèque d'Assourbanipal trouvées dans les ruines de Ninive, nous montre ce grand événement sous une forme qui semble se rapprocher des premiers récits.
(1) D'après Fabre d'Olivet, Noé veut dire « Repos de la Nature » et représente l'époque pendant laquelle s'arrête la Genèse naturelle.

LA « CHUTE » DANS LA VIE ONTOGÉNIQUE
C'est un héros de Tolstoï qui parle (La Sonate à Kreutzer, p. 40) :
« Je suis tombé, dit-il, ce malheur m'est arrivé, comme il arrive aux neuf dixièmes des hommes, je suis tombé, non séduit par les charmes d'une femme, mais parce qu'on se plaît à voir dans cette chose un soulagement légal et utile pour la santé, un passe-temps naturel, excusable, innocent même pour un jeune homme. Qu'on pût appeler chute cette action faite de besoin et de plaisir, je ne le comprenais pas. Ma jeunesse s'y laissa aller comme elle s'était laissée aller à boire et à fumer.
« Et cependant il y avait dans cette première chute quelque chose de particulièrement touchant. Je me rappelle que dans la chambre même, tout de suite après, une tristesse profonde m'envahit et que les larmes vinrent presque à mes yeux en songeant à la perte de mon innocence, à la perte éternelle de mes relations normales avec la Femme.
« Oui, mes relations avec la Femme étaient à jamais perdues. Impossible dès ce moment d'avoir des rapports purs avec une femme. J'étais un homme perdu. Etre un homme perdu, c'est être tombé dans un état physique semblable à celui d'un fumeur d'opium ou d'un ivrogne. De même qu'un fumeur d'opium ou un ivrogne ne vivent plus de la vie normale, un homme qui a goûté le plaisir avec plusieurs femmes n'est plus un être normal, il est perdu, fini. Comme on reconnaît à sa manière d'être le fumeur et l'ivrogne, on reconnaît à la sienne un homme perdu. Cet homme peut se contraindre, lutter contre ses passions, les rapports simples, purs et fraternels avec une femme lui sont à tout jamais interdits, Dès qu'il jette son regard sur une jeune fille, on le reconnaît. J'étais un homme perdu et je le suis resté. »
Appliquons cela à la vie masculine collective, manifestée à un moment donné de l'évolution sociale, et nous comprendrons ce qu'a été « la chute ».
Nous verrons dans les âges suivants quelles conséquences elle a entraîné.

LES PLUS ANCIENS DOCUMENTS (4.673 ans avant notre ère)
Le plus ancien de tous les documents connus, c'est le Papyrus Prisse (de E. Prisse d'Avenne).
Cet écrit renfermait plusieurs traités, mis à la suite les uns des autres. Le premier est en partie détruit. Il en reste seulement deux pages ou feuillets.
Après ces deux feuillets se trouve un intervalle de 1 mètre 33 centimètres où l'écriture a été effacée. Ce papyrus est continu, suivant l'usage antique. On suppose qu'il y avait là un second traité que quelqu'un a eu intérêt à faire disparaître.
Qui ? quand ? et pourquoi ?
Enfin, les quatorze dernières pages contiennent un traité intitulé : « Livre du gouvernement de la ville, signé Ptah-hotep sous la majesté du roi Assa toujours vivant, etc. »
Assa est un Pharaon, mis dans la Vème dynastie, et les Pharaons sont les Prêtresses qui remplissent les fonctions sacerdotales (voir l'article sur l'Egypte)
On suppose que les trois parties de cet ouvrage ont été écrites à des époques différentes par des auteurs différents et que le papyrus Prisse est une copie du tout, faite sous le roi Assa, c'est-à-dire la Prêtresse Assa.
Les autres parties sont très anciennes. La première a pour auteur Kakemni, qui vivait sous les rois, dit-on, alors qu'il n'y avait que des reines, Houni et Snefou.
Le second ayant été effacé, on ne sait rien de son auteur, ni de sa date.
Un intervalle de plusieurs siècles sépare chaque partie.
Ces traités ont été composés environ deux à trois mille ans avant le temps où l'on place Moïse (XIVème siècles avant notre ère).
Il est curieux de voir ce que disaient les êtres qui vivaient à une époque si éloignée de nous. Comme nous l'avions prévu, ce sont des idées féminines qui sont exprimées dans cet antique écrit.
Voici la version du premier feuillet. Elle a été faite par le professeur J. Dumichen.
Premier feuillet :
« Un chant relatif à ce qui est juste ouvre l'arcane de mon silence. Pour laisser échapper des paroles munies de glaives, contre celui qui transgresse la droite voie.
« Lorsque tu te trouves dans une société de personnes qui détestent les mets que tu aimes, c'est pour toi un court instant de tourment. Mais fuis l'intempérance, car une tasse d'eau (1) suffit pour apaiser la soif et une bouchée de melon pour restaurer le cœur.
« Souvent une richesse supérieure remplace la richesse, mais souvent aussi l'indigence remplace une grande fortune.
« Méprisable est celui qui est au service de son ventre et qui passe son temps dans l'oisiveté.
« Si tu es assis avec un mangeur qui mange jusqu'à être obligé d'ôter sa ceinture, ou que tu boives avec un buveur qui t'a reçu et qui satisfait son goût, comme le crocodile sur la viande, accepte ce qu'il t'offre ; ne le refuse point.
« Mais qu'il est répugnant de voir un homme perdre ses pensées et n'être plus maître de ses paroles !
« En vérité, il est la honte de sa Mère et de ses proches. Tout le monde s'écrie : O ! puisses-tu t'en aller ! »
Telle est cette littérature naïve qui prouve que la personne qui en est l'auteur avait près d'elle un homme déjà intempérant.
La gourmandise est un défaut de jeunesse, elle n'attend pas le nombre des années.
Ce document est donc bien réellement l'expression d'idées jeunes, de vices naissants qui provoquent les premiers dégoûts de la Femme se manifestant à la vue des premières faiblesses de l'homme.
(1) Cette expression : une tasse d'eau, semble indiquer que ceci a été écrit avant l'invention du verre.

FIN DE L'ÂGE D'OR
Ici s'arrête l'Âge d'Or chanté par tous les échos de la haute antiquité. Les Ecritures sacrées lui donnent une durée de 6.000 ans.
Ovide, dans ses Métamorphoses, le décrit ainsi : (L. I, p. 6) :
« L'Âge d'or naquit le premier : sans la peur du supplice, spontanément et sans lois, il garda la bonne foi et la justice, le châtiment et la crainte étaient ignorés. On ne lisait pas encore de menaçantes paroles gravées sur l'airain, et la foule suppliante ne tremblait pas en présence de son juge, les humains vivaient tranquilles sans le secours des magistrats, des fossés profonds n'entouraient pas les villes, la trompette, le clairon recourbé, le casque, l'épée n'existaient pas encore, et, sans l'appui des armées, les peuples au sein de la sécurité coulaient d'heureux loisirs ».
A ce document nous ajoutons ce renseignement donné par M. Fossey, professeur de langue assyrienne au Collège de France. Il dit : « Dans l'ancienne langue des Kaldéens, il n'y a pas de terme pour dire guerre, la chose étant inconnue ».
Enfin, nous voulons aussi citer cette page de M. Désiré Deschamps, qui écrit dans la revue La question sociale (1888) sous ce titre : La Femme et la Civilisation, un grand Problème historique : « Qu'est-ce que l'Âge d'or ? » et dit : « La croyance en un âge d'or est universelle, elle a traversé les ombres du passé. Elle a pris place au sein des légendes de tous les peuples. Questionnez les religions. Ecoutez ce que disent discrètement à leurs initiés les sages des Mystères. Ces voix des temps primitifs ont été entendues des poètes antiques et des premiers réformateurs sociaux...
« Les socialistes ne sont pas seulement partisans de la justice dans la société, ils la veulent aussi dans l'histoire.
« Fouiller le passé, ressusciter les civilisations éteintes, montrer les efforts de nos aïeux, c'est une œuvre digne de passionner ceux qui ont consacré leur vie au triomphe de l'Equité et de la Vérité.
« L'Âge d'or a laissé son empreinte sur les plus vieux monuments de l'histoire. Son action sur la civilisation antique est également manifeste. C'est à la Femme qu'est due la force mère de la civilisation, si brillante, nul ne l'ignore, dans l'Etrurie et l'Egypte matriarcale. Rendons justice à ce sexe si opprimé, si vilipendé, si volé dans ses œuvres passées et dans son labeur actuel.
« Montrer sa puissance et l'immensité de son rôle historique, établir la part qui lui revient dans nos splendeurs présentes, armer pour les guerres sociales de l'avenir le prolétariat féminin que crée l'instruction bourgeoise, sonner la diane aux femmes d'élite qui dorment sur des projets de lois, impuissants à les émanciper, tel est le but que nous nous sommes proposé d'atteindre ».
Louis Bridel, qu'il faut citer parmi les précurseurs de la rénovation sociale par les femmes, dit : « Le régime actuel est un régime incohérent et profondément injuste, plein de larmes et de misères ».
Il importe en effet de le changer le plus tôt possible si l'on veut sauver l'humanité des catastrophes qui la menacent. Et il n'y a qu'un moyen pour cela : rendre à la Femme son autorité morale et sa part dans la direction intellectuelle des peuples.
Faire des projets de gouvernement masculin sans tenir compte de l'existence des femmes, c'est l'art de faire marcher l'humanité sur une seule jambe. Nous ne pouvons pas nous y intéresser, sachant qu'une société, pas plus qu'un homme, ne peut se tenir en équilibre dans ces conditions. Les béquilles qu'on y ajoute (1) ne sont que des palliatifs qui ne remplaceront jamais l'équilibre naturel qui consiste à marcher sur deux jambes, donc à vivre dans un monde où il y a deux sexes. Et nous terminons en rappelant ces mots de Goethe :

« TU L'AS BRISÉ, LE CIEL MAGNIFIQUE, DE TON POING DESTRUCTEUR PUISSANT FILS DE LA TERRE, REBATIS-LE PLUS SPLENDIDE, CE MONDE DIVIN, BATIS-LE AU FOND DE TON CŒUR ! »

(1) In bacula, en béquille, est une expression latine d'où est venu le mot imbécile.

ATAVISME
L'histoire des luttes de l'homme contre la femme, que nous venons de retracer, est un chapitre du livre de la vie que tout jeune homme refait dans son existence actuelle. Il ne peut pas mettre dans ses passions la même violence, se laisser aller aux mêmes brutalités que ses aïeux, parce que les lois et les mœurs actuelles s'y opposent, mais un instinct secret le pousse à approuver les actions des héros qui bravaient les droits sacrés de la femme et lui imposaient leur amour et leur volonté, sa raison ne lui dit pas que ce triomphe est une chute, il n'en prévoit pas les conséquences, il marche en aveugle dans la mauvaise voie, sans savoir que les conséquences funestes de ses actes retombent sur toute sa descendance.
Il ne faut pas le nier, le mal que les hommes font leur survit, il se grave dans les anfractuosités de leur cervelle pour être transmis, comme un germe mauvais, à toute leur descendance.
Tous, en repassant par cet âge phylogénique, sont sollicités à refaire ce que leurs ancêtres, dans chaque âge, ont fait avant eux.
C'est fatal.
Le procédé une fois ancré dans la mémoire de la Nature ne demande plus ni tâtonnements, ni retour en arrière.
L'atavisme, cette suggestion qui nous vient de l'ascendance, et semble être hors de notre conscience actuelle, nous suggère des actions que notre raisonnement n'a pas prévues et pesées, elle fait de nous, au moral, des automates, agissant en dehors du domaine de notre vie consciente actuelle.
Les convictions acquises par nos aïeux dans le cours de leur évolution, qu'elles soient vraies ou fausses, nous dominent à notre insu, sollicitent notre adhésion, créent en nous une suggestion que notre moi conscient discute souvent et même rejette comme un facteur d'erreur.
La substance nerveuse possède la propriété de garder presque indéfiniment les traces de tout ce qui l'a impressionnée une fois.
C'est ce qui explique la mémoire. La moindre de nos actions s'enregistre dans notre substance médullaire et, pour peu qu'elle se répète, s'y grave. C'est pour cela que ce qui est difficile au début devient facile, puis spontané, puis involontaire. Cette loi contient toute l'histoire de la mentalité humaine, elle explique la persistance des habitudes ancestrales.

L'ATAVISME DE CET AGE
Nous avons vu qu'en remontant aux premiers âges de l'humanité nous trouvons le couple humain constitué par deux enfants, chez qui la sexualité commence seulement à se manifester. C'est en les suivant à travers leur évolution physiologique dans l'histoire, que nous reconstituons toute la vie sociale de l'humanité. Si nous suivons les humains dans leur évolution ontologique, c'est-à-dire dans leur existence actuelle, nous y trouvons la même évolution récapitulée dans une vie.
La vie de l'individu explique la vie de l'humanité. Il repasse à chaque époque de son existence par les phases de la vie physiologique, psychique et sociale de ses ancêtres.
Les actions qu'il accomplit, en vertu de l'atavisme, cette force qui l'oblige à refaire ce que ses aïeux ont fait avant lui, ces actions sont l'image fidèle de celles accomplies par les générations qui se sont succédé sur la Terre.
Nous ne sommes, en résumé, que la récapitulation de l'existence des hommes et des femmes qui ont peuplé notre planète avant nous.
C'est pour cela qu'il est si intéressant d'étudier l'état des esprits à chaque période de la vie. Ainsi l'adolescence repasse par l'état d'âme et d'esprit de l'adolescence primitive ; dans un corps jeune on ne trouve qu'un esprit jeune. La jeunesse ne comprend spontanément que les choses qui ont été connues des ancêtres de cette époque ; le reste, la civilisation acquise par la suite, ne l'intéresse pas, cela répond à des idées postérieures à son état présent et pénètre difficilement dans les cerveaux adolescents : de là l'indifférence de nos jeunes gens et de nos jeunes filles pour tout ce qui ne se rattache pas à leur vie sentimentale, intense à cet âge, l'âge religieux dans le sens primitif du mot. De là aussi leur dégoût et leur mépris pour les vices nés plus tard, fruits de passions qu'ils n'ont pas encore, laideurs aperçues, mais non comprises à cet âge de supériorité morale. Plus tard, leur nature changera et des idées différentes surgiront en leur esprit. Alors le désaccord naîtra entre eux et ceux qui surviendront après eux dans l'évolution humaine, ils seront les anciens et, en vertu de leur action plus développée, voudront imposer leur manière de voir aux plus jeunes qui ne se laissent dominer que parce qu'ils n'ont pas encore en eux les facultés nécessaires pour la lutte, mais une protestation tacite régnera en eux ; ils ne la formuleront pas parce qu'ils craindront la critique ou le châtiment que leurs aînés sont toujours disposés à leur infliger, mais ils mettront dans leur vie une réserve que l'humanité primitive n'a pas connue.
L'atavisme est différent dans les deux sexes. Pour le comprendre, consultons la jeunesse et voyons ce qu'elle nous répond.

LA FEMME ONTOGÉNIQUE
Savoir ce que pense la jeune fille de 13 à 18 ans n'est pas facile dans nos sociétés modernes, où, continuellement blessée par tout ce qui l'enserre, elle prend l'habitude de concentrer ses pensées, de les murer, pour ainsi dire, dans sa délicate enveloppe matérielle, ne laissant paraître d'elle-même que ce qu'elle juge de nature à ne pas la mettre trop violemment en désaccord avec le monde corrompu qui l'entoure.
Nous avons cependant un document qui va nous aider à mettre en évidence l'esprit ontogénique de la jeune fille : c'est le Journal de Marie Bastkirchef, cette jeune artiste russe, dont le remarquable talent fut consacré par l'opinion des maîtres lorsqu'elle n'avait encore que 20 ans et qui reste connue dans le monde des arts par son chef-d'œuvre, « un Meeting », tableau acheté par le gouvernement français et exposé à Paris au Musée du Luxembourg.
C'est à 13 ans qu'elle commence son journal et, à partir de ce moment, elle nous dit presque jour par jour le fond de sa pensée, jusqu'à l'âge où la phtisie l'emporte. Elle avait alors 24 ans.
Voici quelques extraits de ce journal :
A treize ans (tome I, p. 66). Après une description de la Nature :
« Quand je suis à ma fenêtre tranquille, seule, je ne demande rien, je me prosterne. Oh ! non, on ne comprendra pas, parce que l'on n'a pas éprouvé. Non ! ce n'est pas cela ! c'est que je suis désespérée, toutes les fois que je veux faire comprendre ce que je sens ! c'est comme dans un cauchemar, quand on n'a pas la force de crier. D'ailleurs, aucun écrit ne donnera la moindre idée de la vie réelle. On a beau sentir en écrivant, il n'en résulte que des mots communs, bois, montagne, ciel, lune, tout le monde dit la même chose. Et, d'ailleurs, pourquoi tout cela, qu'importe aux autres ? Les autres ne comprendront jamais, puisque ce ne sont pas eux, mais moi, moi seule. Je comprends, je me souviens. Et puis les hommes ne valent pas la peine qu'on prendrait pour leur faire comprendre. Je voudrais arriver à voir les autres sentir comme moi, pour moi ! C'est impossible, il faudrait être moi. »
Voilà donc une enfant qui sent sa supériorité psychique sur les autres et tâche de l'exprimer sans y arriver, parce que le vocabulaire des langues modernes, mis à sa disposition, n'a pas de termes pour exprimer ces idées féminines.

A 14 ans (tome I, page 72).
« J'aime la solitude devant une glace pour admirer mes mains si blanches, si fines, à peine rosées à l'intérieur.
« C'est peut-être bête de se louer tellement, mais les gens qui écrivent décrivent toujours leur héroïne et je suis mon héroïne à moi. Et il serait ridicule de m'humilier et m'abaisser par une fausse modestie. On s'abaisse en paroles quand on est sûre d'être relevée ; mais en écrit chacun pensera que je dis vrai et on me croira laide et bête, ce serait absurde.
« Heureusement, ou malheureusement, je m'estime un tel trésor que personne n'en est digne, et ceux qui osent lever les yeux sur ce trésor sont regardés par moi comme à peine dignes de pitié. Je m'estime une Divinité et ne conçois pas qu'un homme puisse avoir l'idée de me plaire. A peine pourrais-je traiter d'égal un roi. Je crois que c'est très bien. Je regarde les hommes d'une telle hauteur que je suis charmante pour eux, car il ne sied pas de mépriser ceux qui sont si bas. Je les regarde comme un lièvre regarde une souris. »
« Je ne suis réellement royaliste qu'en me mettant à la place du roi ».
Ceci, c'est l'atavisme féminin de l'époque théogonique et gynécocratique. La femme adolescente, se sent Déesse et Reine.

A 15 ans (tome I, page 78).
« Je méprise profondément le genre humain et par conviction. Je n'attends rien de bon de lui. Il n'y a pas ce que je cherche et espère, une âme bonne et parfaite. Ceux qui sont bons sont bêtes et ceux qui ont de l'esprit sont rusés, ou trop occupés de leur esprit pour être bons. De plus, chaque créature est essentiellement égoïste. Or, cherchez-moi de la bonté chez un égoïste ! L'intérêt, la ruse, l'intrigue, l'envie ! Bienheureux ceux qui ont de l'ambition, c'est une noble passion ; par vanité et par ambition, on tâche de paraître bon devant les autres et par moments, et c'est mieux que de ne l'être jamais.
« Eh bien ! ma fille, avez-vous épuisé toute votre science ? Pour le moment, oui. Au moins, ainsi j'aurai moins de déceptions... Aucune lâcheté ne me chagrinera, aucune vilaine action ne me surprendra. Il arrivera sans doute un jour où je penserai avoir trouvé un homme, mais ce jour-là je me tromperai laidement. Je prévois bien ce jour. Je serai aveuglée... mais à ce compte pourquoi vivre puisque tout est vilenie et scélératesse dans ce monde ? Pourquoi ? Parce que je comprends que c'est ainsi, moi, parce que, quoi qu'on dise, la vie est une fort belle chose, et parce que sans trop approfondir on peut vivre heureusement. Ne compter ni sur l'amitié, ni sur la reconnaissance, ni sur la fidélité, ni sur l'honnêteté, s'élever bravement au-dessus des misères humaines. Prendre tout ce qu'on peut de la vie et vivement, ne pas faire de mal à ses semblables, s'élever absolument et autant que possible au-dessus des autres, être puissant, oui, puissant ! puissant ! Par n'importe quoi... Alors on est craint ou respecté. Alors on est fort et c'est le comble de la félicité humaine, parce qu'alors les semblables sont muselés, ou par lâcheté, ou par autre chose, et ne vous mordent pas.
« N'est-ce pas étrange de m'entendre raisonner de la sorte ? Oui, mais ces raisonnements chez un jeune chien comme moi sont une nouvelle preuve de ce que vaut le monde... Il faut qu'il soit bien imbibé de saleté et de méchanceté pour qu'en si peu de temps il m'ait tellement attristée. J'ai quinze ans seulement. »
Ces raisonnements sont d'une profonde portée philosophique, ils montrent la distance morale qui sépare une âme primitive de femme (c'est-à-dire jeune) de l'âme des foules actuelles, dégénérées, et montrent aussi l'instinct de domination morale, pour le Bien, qui règne chez la jeune fille.
« Je m'élève mentalement, toujours mentalement, mon âme est grande, je suis capable d'immenses choses, mais à quoi tout cela me sert-il ? puisque je vis dans un coin sombre, ignorée de tous ».
C'est cette grandeur mentale qui fit faire aux âmes primitives de si grandes choses quand nulle entrave n'arrêtait leur essor dans la vie. Il est impossible de mieux affirmer le souvenir atavique de la Théogonie que ne le fait cette enfant, qui à quinze ans se sent Déesse, qui inconsciemment cherche à exercer la royauté de la Femme et souffre de ne pouvoir reprendre la place qui est due à sa supériorité morale dans une société où tout est corruption. Les gens à vues étroites verront là-dedans de l'orgueil, parce qu'ils jugent la Femme d'après l'homme (un homme qui parlerait ainsi serait un insensé), mais les esprits plus larges y verront au contraire l'épanouissement de la nature féminine qui affirme sa grandeur.

L'HOMME ONTOGÉNIQUE
Il n'est pas non plus facile de savoir ce que pense le jeune adolescent. Peu d'entre eux se manifestent et, quand ils le font, c'est en cherchant à imiter ceux qui sont plus avancés qu'eux dans la vie.
Cependant, il en a été consulté un sur ce sujet et voici sa réponse :
« Dans mon adolescence, j'avais des idées si étranges et si différentes de celles des personnes de mon entourage qu'à la moindre parole un haussement d'épaules me fermait la bouche. Si j'essayais d'insister, on me répétait sur tous les tons que j'étais fou, à un point tel que je commençais d'abord à me taire, ensuite je doutais de moi-même.
« Cela se comprend. J'accordais à toute ma famille l'autorité de l'expérience et, comme tous à l'unanimité me déclaraient insensé, je commençais presque à croire que je l'étais réellement.
« Il en est ainsi de tout le monde à mon avis. Tous, nous naissons en ayant l'âme préparée à suivre les lois naturelles de la vie. Si ces aspirations n'étaient pas étouffées à l'aurore, le monde serait parfait.
« Des caractères plus faibles que le mien ont pu avoir les mêmes idées inspirées par la solitude et la réflexion, mais qui ont été détruites avant leur complet développement ; chez d'autres, elles ont été anéanties dès le premier âge, et l'adolescent, toujours disposé à singer l'homme fait, s'empresse d'imiter ses mauvais penchants et de se mêler à la décadence générale.
« Le Matriarcat, parmi toutes ses beautés et ses réformes, nous en offre une qui est certainement la plus appréciable, étant celle sur laquelle repose l'union intime de l'imagination de l'homme et de la pensée de la Femme.
« C'est l'amour, non pas la débauche autorisée ou tolérée, mais l'amour vrai, dicté par les lois naturelles, celui qui naît chez la Femme d'un besoin absolu d'aimer et chez l'homme d'une nécessité incontestable, celle d'être aimé. Ce sera par cet amour libre et réel que la Femme sera délivrée de l'outrage que l'homme fait à ses sentiments et à sa nature. »

LES TITANS CONTRE LES DIEUX
La grande lutte de l'homme, devenu grand et fort, contre la Femme restée, et devenue, faible, est un fait universel que toute l'antiquité a relaté. Si les savants modernes n'ont pas compris qu'il s'agit de la lutte des sexes, c'est parce qu'ils ont traduit partout le mot qui indiquait la supériorité morale de la Femme par le mot moderne « Dieu », mettant le masculin où il fallait mettre le féminin, et ainsi faisant commencer l'humanité par un monde sans femmes.
Hésiode nous raconte l'Âge d'Or, puis nous parle de combats des Dieux (disent les traducteurs) et de leurs ennemis les Titans, jetés au fond du Tartare. Il dit que pendant l'âge d'airain, qui succéda à l'âge d'argent, apparurent des hommes dont le cœur était plus dur que le diamant ; armés d'airain, ils étaient entièrement livrés à la guerre. Monstrueux par leur grandeur, revêtus d'une force extrême, des mains invincibles descendaient de leurs épaules sur leurs membres robustes. (Hésiode, I, 14).
Cette race de Titans est représentée comme « ingénieuse », mais hypocrite ; c'est une race de Caïns, mais de travailleurs (de Tubal-Caïn, on fait Vul-Caïn, Vulcain).
Chez les Etrusques ce sont les mineurs de Tubal-Caïn, représentés comme des génies infernaux, armés de marteaux. C'est que c'est l'époque où l'homme commence à travailler les métaux.
Les Femmes, restées petites pendant que la croissance des hommes continuait, sont souvent appelées des nains, des Pygmées.
Les Pygmées, qui n'avaient que la hauteur d'une coudée, selon l'exagération de la Fable, luttent contre les grues qui venaient les attaquer.
Nous allons expliquer plus loin pourquoi les hommes ennemis des femmes sont appelés des grues (graïa).
Sanchoniaton nomme les géants de la Bible les Réphaïm ou descendants de Raphas, hommes de grande stature (1). « Usoûs, l'un d'eux, tailla un arbre et se recommanda à la mer ». C'est le commencement de la navigation.
Chez les Chaldéens, nous trouvons une déesse Anu (qui deviendra la divinité cachée). Son nom en sanscrit signifie « atome », pour deux raisons ; comme Déesse, elle n'est pas divisible ; pour les hommes ses ennemis, elle est « ce qu'il y a de plus petit ».
Sur les carreaux babyloniens, Anu est une divinité passive et son ennemi Ain-suph est l'homme créateur (générateur) qui représente l'eau.
La différence de taille se retrouve chez les Hindous. Parabrahman y est représentée comme le plus petit des atomes, parmi lesquels il est un Anîyâmsa, qui est le plus petit de tous. Ses ennemis Anagraniyas et Mahâturovat ont des noms qui signifient « plus grand que le plus grand globe de l'univers ».
Nous trouvons aussi les Femmes désignées par le mot souris (maus en celtique), et cela nous explique bien des légendes, telle celle du mont Hélion (la montagne du soleil) qui accouche d'une souris ; telle celle du combat « des rats et des grenouilles », la Batrachomyomachie d'Homère.
Nabo, d'où Nabi, (celui qui parle) est le Dieu des Oracles ; c'est encore la femme petite, et on dira un petit nabot.
Nabahas est la Divinité des Helviens.
Partout les anciennes légendes nous montrent la tendance de l'homme grand à déprécier ses ennemis (les femmes petites), et à se montrer méprisant dans sa haine, lui que l'on montre cependant comme « le Père de tous les maux ».
Les « grands » sont partout les « esprits malfaisants », alors que la miséricorde est la puissance des « bons » qui sont les petits.
Aucun récit mythologique, aucun événement traditionnel des légendes populaires n'a jamais été, à aucune époque, une pure fiction, mais chacun de ces récits repose sur un fond historique réel. Si on les étudie suivant les idées qui régnaient dans la première forme religieuse, on retrouve leur signification vraie. Mais il faut bien se garder de les interpréter, comme le font certains auteurs, suivant les idées des prêtres qui les ont altérées dans la deuxième période religieuse et ont créé un symbolisme destiné à cacher les vérités enseignées dans la religion antérieure à la leur.
Dans la Mythologie, on appelle gigantomachie le combat des géants contre les Dieux (les Déesses), et l’on considère ce mot comme le titre de l'immense poème dont ce combat est le sujet.
C'est que, en effet, nous allons voir les femmes entrer en guerre contre ces hommes.
On raconte que Cybèle repoussa l'attaque des Titans, prit Minos pour son pontife et s'enfuit chez Janus.
Minerve est surnommée Gigantophontis, meurtrière des géants.
En Phénicie, Minerve est appelée Ogga parce qu'elle aurait vaincu le géant Og-Gean, d'une taille immense, qui combattait en Syrie.
Du temps d'Ogygès, un déluge submergea la Grèce.
Apollon et Bacchus furent surnommés Ogycius.
Quelques-uns croient que de Titan on a fait Teuton.
Les Titans construisaient des engins de guerre d'une dimension colossale, dépassant en hauteur les remparts les plus élevés ; ceux de Démétrius valurent à ce prince le nom de Poliorcète (preneur de villes). Du sommet de ces tours roulantes, on abaissait un pont qui permettait aux assiégeants d'entrer dans la place, ou bien l'on manœuvrait un immense bélier qui détruisait les murs les plus épais.
Un mécanicien d'Alexandrie inventa une vaste machine (sorte de pompe aspirante et foulante) qui noyait les assiégés.
Archimède en imagina plusieurs d'une puissance incroyable ; l'une d'elle consistait en une énorme main de fer qui, sortant des remparts lorsque les vaisseaux romains voulaient s'en approcher, les saisissait, les disloquait et les mettait en pièces.
Porphyre décrit l'artillerie de Constantin Porphyrogénète ; Valérianus nous montre les canons de bronze des Indiens ; Ctésias, le feu grégeois mélangé de nitre, de soufre et de charbon employé (avant Ninus en Chaldée) dans les Indes sous le nom de Bharawa, nom qui fait allusion au premier législateur de l'Inde, à la race rouge, et dénote à lui seul une immense antiquité.
Nous voyons l'emploi de la poudre dans Hérodote, Justin, Pausanias ; Marcus Græcus parle des mines qui engloutissent sous une pluie de pierres et de projectiles les Perses et les Gaulois envahisseurs de Delphes.
(1) « En ce temps-là, il y avait des géants sur la terre, ce sont ces puissants hommes qui de tout temps ont été des gens de renom » (Bible, Genèse, chap. VI, 4.).


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« Ils reviendront, ces Dieux que tu pleures toujours ! Le temps va ramener l'ordre des anciens jours »
(G. de Nerval, Delfica)



À suivre : ÉGYPTE ANCIENNE ET RÉVOLUTION RELIGIEUSE