CHINE ET JAPON

« Souvent on regrette l'impuissance de la parole.
Devant la profondeur de nos pensées, ce jour-là, on se regarde face à face, comment exprimer les mille plis de notre cœur ? »
(Lien Yu o)
蓮花


« La connaissance que l'homme a du principe universel, dépend de l'état de son esprit.
L'esprit habituellement libre de passions, connaît sa mystérieuse essence. L'esprit habituellement passionné, ne connaîtra que ses effets. »
(Tao-Te-King)

皇后


« Il (le monde occidental) veut se soumettre le monde, et trouve dans son action une fierté d'autant plus grande qu'il croit le posséder davantage. L'esprit oriental, au contraire, n'accorde aucune valeur à l'homme en lui-même ; il s'ingénie à trouver dans les mouvements du monde les pensées qui lui permettront de rompre les attaches humaines. l'un veut apporter le monde à l'homme, l'autre propose l'homme en offrande au monde... »
(André Malraux, La Tentation de l'Occident)


「 花は桜木人は武士 」
« Hana wa sakuragi hito wa bushi »
« De même que la fleur de cerisier est la fleur par excellence, de même parmi les hommes le samouraï est l’homme par excellence »
(Proverbe japonais)


« Quand l’homme rompt l’équilibre du monde, la forêt fait d’énormes sacrifices pour rétablir cet équilibre. »
(Hayao Miyazaki, Nausicaä de la Vallée du Vent)


« ASoTh »


Thien


UYAN : HENG : LI : TSHENG
Cause initiale : liberté : bien : perfection




Les étoiles dans leur course combattent pour l’homme juste





Il faut toujours avoir présentes à l’esprit, au moment où l’on étudie et pénètre la Tradition Primordiale, ces deux formules qui sont la base de toute la science extrême-orientale : l’abaissement de l’homme n’est pas un élément nécessaire de la grandeur du ciel : la souffrance de l’homme n’est pas un élément nécessaire de son évolution.
(Matgioi, La Voie Métaphysique)


CHINE
Trois doctrines morales règnent en Chine :
Celle de Confucius, adoptée par les gens instruits, les masses intellectuelles.
Celle de Lao-Tseu, suivie par la bourgeoisie moins instruite, mais plus attachée aux traditions. Elle représente l'idéalisme, le spiritualisme philosophique.
Et celle, de Fo, forme du Bouddhisme qui est suivie par les multitudes ignorantes. C'est un culte grossier comparable au Catholicisme.
Une science très ancienne a précédé en Chine ces 3 doctrines.
Confucius, que l'on croit, à tort, un auteur, ne fit que mettre dans un ordre nouveau les anciens documents de l'histoire primitive de la Chine, qui remontaient à plus de quinze siècles avant lui, et il vivait au VIème siècle avant notre ère (1) ; la preuve, c'est qu'on parle du mari et de la femme et que le mariage n'existait nulle part dans les temps primitifs.
Dans la rédaction masculine de Confucius, on sent régner la préoccupation d'effacer le plus possible le rôle de la femme, surtout celui de la mère.
Adoptant les idées d'Hermès, il trouvait aussi que « la femme est devant l'homme comme le cheval est devant la voiture », c'est-à-dire pour le servir.
Rappelons que le mot « Hermès » (prêtre) désigne le terme générique de la fonction nouvelle que l'homme prendra lorsqu'il renversera la religion primitive en Egypte.
Partout on voit les noms masculins substitués aux noms féminins, le père à la mère dans la famille, et on insiste avec force sur le respect du fils pour le père. On sent que l'idée d'affirmer la paternité domine là, comme nous la verrons dominer dans tous les pays, à la même époque (2). C'est le droit paternel imposé et dont on fait déjà, alors, la base du régime social, sentant bien que c'est ainsi que l'on arrivera le plus sûrement au règne de l'homme.
Les Livres réformés par Confucius n'eurent pas une longue existence. Au 3ème siècle avant notre ère, la Chine vit surgir un de ces hommes audacieux et énergiques, tels les César et les Napoléon, qui, tout d'un coup, s'imposent au pays, en l'agrandissant.
Thsin-Chi-Hoang-ti fut ce brutal fondateur de l'unité chinoise.
Il prit le titre de « 1er souverain absolu de la dynastie des Thsin ». C'est à partir de cette époque que les souverains de la Chine portent le titre d'Empereur, Ti. Jusque-là ils étaient appelés chefs (Héou) ou rois (Wang ou Ouang).
C'est le nom du primitif petit Etat de Thsin qui resta au pays : Thsina (Chine).
Ce règne de l'homme a valu à la Chine, comme à tant d'autres nations, une suite de troubles et de révolutions, qui venaient de ce que les empereurs ont toujours abusé du pouvoir et n'ont jamais considéré la puissance suprême dont ils s'étaient investis que comme un moyen de se livrer à toutes leurs « passions ».
(1) L'enseignement officiel dit : « Le cinquième empereur, Soung, proclama, l'année de son avènement au trône, que la « religion des savants » serait dorénavant la religion de l'Etat, et en 2282 il édicta de nouvelles lois pénales. Ces lois, modifiées par l'empereur wou-Wang, fondateur de la dynastie des Tchéou en 1122, sont connues actuellement sous le nom de « changements ».
(2) « Au VIème siècle avant l'ère chrétienne, il se produisit, quelle qu'en ait été la cause, des changements considérables chez presque tous les peuples ; ces changements présentèrent d'ailleurs des caractères différents suivant les pays. Dans certains cas, ce fut une réadaptation de la tradition à des conditions autres que celles qui avaient existé antérieurement, réadaptation qui s'accomplit en un sens rigoureusement orthodoxe ; c'est ce qui eut lieu notamment en Chine, où la doctrine, primitivement constituée en un ensemble unique, fut alors divisée en deux parties nettement distinctes : le Taoïsme, réservé à une élite, et comprenant la métaphysique pure et les sciences traditionnelles d'ordre proprement spéculatif ; le Confucianisme, commun à tous sans distinction, et ayant pour domaine les applications pratiques et principalement sociales. » (R. Guénon, La crise du monde moderne)

LA DIVINITÉ PRIMITIVE EN CHINE
Les historiens ne nous disent pas grand chose des temps primitifs de la Chine. Nous savons, cependant, qu'avant Confucius une religion a existé, qui avait été faite par des « Génies ». Inutile de dire que c'est le nom générique qui désignait les Femmes.
Les écritures sacrées qui nous restent et qui ont été révisées et altérées par Confucius, au profit de la cause masculine, nous laissent, cependant, apercevoir encore les idées primitives qu'elles renfermaient ; il faut seulement savoir les lire en tenant compte de l'intention qu'on a eue d'en supprimer les noms féminins. Cette précaution prise, voici ce que nous trouvons :
Le principe divin, appelé Chang-ti, est considéré (avant le règne de l'homme) comme l'Esprit supérieur, qui s'élève vers le ciel, et par extension on finit par en faire le ciel même, appelé Thien (Tien, ThianTiān (1)). Quant au mot « ti », il indique la souveraineté suprême et a la même signification que le « thé » des phéniciens (2)
« Thien est redoutable, mais il est propice à ceux qui ont le cœur droit » (3).
On croyait au Chang-ti comme à un être réel et vivant, et on le faisait intervenir dans les événements de ce monde. Il représente l'action providentielle de la Femme, action collective et anonyme. On lui attribuait les plus hautes qualités qui se puissent concevoir. C'était pour les Chinois l'idéal de justice, de puissance, de sagesse, de perfection.
« Il est le maître du monde », dit le Chou-King.
« Lui seul est souverainement intelligent et éclairé, et l'homme parfait l'imite ».
Or, l'homme n'imite pas un principe abstrait qui est dans le ciel, il n'imite que l'être terrestre, réel, humain, et c'est cette imitation des qualités de la Femme qui fait progresser l'homme moralement.
Quoiqu'on donne à Thien des attributs humains, on ne le représente pas par des images ou des statues. « Il observe les hommes et veut qu'ils ne fassent que ce qui est conforme à la raison et à la justice. Ce n'est pas lui qui perd les hommes, les hommes se perdent eux-mêmes en transgressant ses lois éternelles ».
Il y a en ceci une justification qui prouve que cette phrase a été écrite à une époque où la Femme était déjà accusée de perdre l'homme.
« Il reconnaît le bien et le mal que nous faisons ; nos actions, quelles qu'elles soient, sont inscrites dans son cœur comme dans un livre de comptes ».
C'est la Femme qui lit ainsi dans l'esprit de l'homme : « ceux qui font le bien, il les comble de toutes sortes de bonheur : ceux qui font le mal, au contraire, il les afflige de toutes sortes de maux ».
De qui l'homme tient-il le bonheur ? N'est-ce pas de la Femme, dispensatrice des joies ? Mais d'elle aussi viennent les maux pour le méchant qui craint ses reproches et ses jugements. Dans le Chi-King, il est dit du Chang-ti, considéré comme la Divinité :
« Tout invisible qu'il est, il est près de nous ». C'est ainsi que la Divinité est devenue invisible, depuis qu'on n'a plus voulu la voir sur la terre, mais son action s'est toujours fait sentir.
Le Chang-ti, même pour les lettrés modernes, n'est pas une puissance céleste, c'est un Être, le premier des Êtres, l'auteur de tous les Êtres. Ils n'osent pas dire la « Mère » comme les disciples de Lao-tseu, plus près que les disciples de Confucius de la Vérité. C'est « le Suprême Seigneur qui gouverne le monde, qui perce dans le secret des cœurs, à qui rien n'est caché, qui élève ou abaisse ceux qu'il lui plaît, qu'on doit honorer ».
Tout cela est dit de la même façon dans toutes les religions théogoniques.
Les savants chinois enseignent que le mot Thien, qu'on traduit par « Ciel », n'est qu'une image employée en style noble et figuré, mais qu'il ne représente pas le ciel visible et matériel.
Le savant empereur Kang-hi (1662-1723), auquel les missionnaires jésuites demandaient des explications sur la Divinité adorée par les Chinois, répondit que par Thien les Chinois entendent, non le ciel matériel, mais le « Seigneur créateur de toutes choses », confondant dans son esprit l'action terrestre de la Femme, de la Mère qui crée l'enfant et organise la vie, avec l'action du principe cosmique, de la force radiante qui émane des astres incandescents et n'est pas un « Seigneur ». Et il ajoutait : « C'est par respect qu'on n'ose pas l'appeler par son propre nom, et qu'on a coutume de l'invoquer sous le nom de ciel suprême, de ciel bienfaisant, etc. »
Or, le respect n'empêche pas du tout de prononcer un nom ; ce qui l'empêche, c'est l'orgueil, puis la conscience d'une mauvaise action, c'est le remords. Là est le vrai motif qui fait qu'on ne nomme plus la Divinité sous son vrai nom, son nom primitif qui était féminin. Ce fait s'est produit partout. Nous le constatons ici chez un peuple qui, certainement, n'a eu aucun rapport, dans ces temps éloignés, avec le peuple hébreu, qui, lui aussi, n'osait plus prononcer le nom sacré de « lahveh », la Femme, depuis qu'il l'avait renversée de sa suprématie morale.
Cette Divinité féminine, ce Thien des Chinois, supprimé du monde terrestre, est cependant resté gravé dans la conscience de l'homme qui n'a jamais cessé de sentir une « Providence » féminine agissant près de lui, l'éternel « Esprit féminin » toujours présent devant sa conscience, et qui le juge !
Les modernes Chinois ont fait de leur Chang-ti ce que tous les peuples ont fait de leur Divinité. La même évolution des idées s'est accomplie chez tous. Partis d'un même point de départ : la Femme, ils sont arrivés à la même idée : un Etre surnaturel.
C'est que, d'exagération en exagération, on lui a donné des proportions gigantesques, en même temps qu'on lui ôtait son sexe et sa réalité terrestre.
(1) « Dans la région de la Meuse, on appelait Diane cette puissance lunaire qui, du haut des cieux, soulève les flots, leur fait remonter le cours des fleuves et donnait ainsi au culte son premier élément de purification ; cette mystérieuse divinité laissa son nom et ses légendes dans les deux mondes : à Cusco, le trône où était assis l'Inca, fils du Soleil, s'appelait Tiana ; en Chine, Thian est encore aujourd'hui la déité souveraine qui règne dans les cieux et sur la terre.
« Nous retrouvons chez les japonais tout ce mysticisme. Ces peuples reconnaissent un ancien législateur qui, venu de loin, leur donna les éléments de leur culte ; il portait deux cornes au front (*) ; il se nommait Mousa ; il avait pour emblème un Soleil rayonnant qui est resté jusqu'à aujourd'hui dans les armes du Japon. Mais la légende suivante mérite d'être remarquée. (Encyclopédie japonaise, tome XIII, feuillet 7) :
« Il y avait, non loin du Japon, une terre merveilleuse, favorisée de tous les dons de la nature ; on résolut de l'aller conquérir. Une femme inspirée commandait l'expédition ; ayant rencontré sur sa route une mer, elle y jeta la perle du reflux et passa à pied sec, puis, se voyant attaquée par des ennemis puissants, elle jeta la perle du flux et ceux-ci furent ensevelis dans les eaux ; arrivée dans un pays aride, elle fendit un rocher et en fit jaillir une source. Pour continuer l'expédition, elle prit des habits d'homme ; elle traversa miraculeusement un fleuve, soumit les peuples du roi Basan (Basan-Kin), attaqua une armée de géants, et, dans ce combat, voyant que le soleil descendait sous l'horizon, elle l'arrêta et se donna le temps d'achever sa victoire.
« Ainsi, dans cette conquête merveilleuse, c'est une Muse qui commence l'expédition et c'est un homme qui l'achève ; dans le récit biblique du même fait, nous voyons une répartition semblable, mais là, cette Muse est remplacée par Moïse et cet homme est Josué. » (T. Cailleux, La Judée en Europe)
(2) La Déesse Dercéto, auteure de la Cosmogonie phénicienne, surnommée Istar ou Isthar chez les babyloniens, qui devient Astar chez les Phéniciens, a pour racine « Star » qui signifie astre ; on y ajoute la racine thé qui veut dire « parfait », et on fait Astar-thé la Reine des cieux, la Déesse des astres.
(3) « Le mot Ciel est la traduction du caractère métaphysique « Thien », par quoi l’écriture idéographique représente l’idée totale que l’occident appelle Dieu. » (Matgioi, La Voie Métaphysique, p.10)
(*) Au sujet du mot « corne », précisons qu'il est originellement le nom donné aux hémisphères cérébraux ; quand la corne s'élève vers les lobes frontaux, l'intelligence augmente ; quand elle s'abaisse vers l'occiput, l'esprit s'affaiblit. C'est avec la corne abaissée que seront représentés les démons. On ne représentera les diables avec la corne relevée qu'au Moyen Age et par esprit d'opposition.

YAO, AUTEUR DES LIVRES SACRÉS
C'est par ce qui reste des antiques « Livres sacrés », les King, que nous savons quelque chose des doctrines antiques de ce peuple si lettré.
Ces livres ont été la base de ce qu'on appelle en Chine « la religion des savants ». Ils contiennent les lois morales et civiles rédigées en code vers 2228 avant notre ère.
Cette science primitive est considérée comme émanée de « Génies » qui ont vécu sur la terre à une époque très reculée.
Mais cette façon de mettre à l'avoir d'une collectivité des livres qui ont un seul auteur, est faite pour cacher la personnalité de cet auteur, qui s'appelait Yao.
Les modernes appellent ce personnage « Empereur » (1) parce qu'il a exercé une autorité, mais le mot empereur ne doit pas être pris dans le sens moderne, il avait une autre signification, il indiquait une autorité spirituelle et maternelle, et nous savons maintenant que c'est le masculin du mot Empérière.
Quoique les Chinois ne semblent pas admettre une « Révélation primitive » de la divinité à l'homme, ils ont cependant ce dogme au fond de leurs croyances. Bien plus, ils croient que la divinité peut communiquer avec les hommes et leur faire connaître sa volonté par des pronostics. C'est là, du reste, un résidu d'une foi primitive qui n'est plus comprise. Les livres révisés par Confucius (puis détruits et plus tard restaurés sous les Han) furent publiés pour la première fois au VIIème siècle de notre ère, par Taï-tsong, second empereur de la dynastie des Tang. Cette collection, dite des « Treize King », renfermait les livres suivants :
1. Chou King ;
2. Y King ;
3. Chi King ;
4. Tchun King ;
5. Li Ki ;
6. Ta Hio ;
7. Tchoung Young ;
8. Lun Yu ;
9. Meng Tsen ;
10. Hiao King ;
11. Y Li ;
12. Tchêou Li ;
13. Eul Ya.
Ce dernier est un vocabulaire fixant le sens qu'il faut donner aux mots employés par les auteurs anciens. C'est évidemment là que se trouvent les altérations, mais, en général, les idées restent, elles sont seulement attribuées à des hommes quand elles émanent des Femmes ; nous allons en avoir la preuve.
Ces livres étaient loin d'avoir tous la même valeur et la même autorité ; aussi un commentateur, Tchou-hi, quatre cents ans après la publication des Livres, classe séparément les six King, ceux qui ont le plus de valeur, les plus anciens, et à propos desquels on disait : « Le contenu des six King a son fondement dans le cœur de l'homme ».
Ces livres sont les Numéros 1, 2, 3, 5, 11, 12.
Les Numéros 6, 7, 8, 9, sont considérés comme des livres secondaires écrits à l'époque de Confucius, alors que les idées primitives étaient déjà altérées.
Nous allons faire quelques citations prises dans ces livres, mais en avertissant encore le lecteur que nous ne possédons que des traductions altérées, à travers lesquelles nous devons nous-mêmes chercher à restituer la vérité.
(1) « La pyramide n'est pas complète sans son sommet ; la hiérarchie n'existe pas lorsqu'elle est incomplète. S'il n'y a pas d'Empereur, tôt ou tard, il n'y aura pas de rois non plus. S'il n'y a pas de rois, tôt ou tard, il n'y aura pas de noblesse non plus. S'il n'y a pas de noblesse, tôt ou tard il n'y aura pas de bourgeoisie ni de paysan, non plus. Voilà comment on arrive à la dictature du prolétariat, de la classe hostile au principe hiérarchique qui est cependant le reflet de l'ordre divin. C'est pourquoi le prolétariat professe l'athéisme.
« L'Europe est hantée par l'ombre de l'Empereur. On sent son absence aussi vivement que l'on sentait autrefois sa présence. Le vide de la plaie « parle ». Ce qui nous manque sait se faire sentir.
« Napoléon, témoin oculaire de la Révolution Française, comprit la direction qu'avait prise l'Europe, la direction vers la destruction complète de la hiérarchie. Et il sentait l'ombre de l'Empereur. Il savait que ce qu'il fallait restaurer en Europe, ce n'était pas le trône royal de France, car les rois ne peuvent exister longtemps sans Empereur, mais bien le trône impérial de l'Europe. Ainsi décida-t-il de combler la lacune. Il se fit Empereur et de ses frères fit des rois. Mais c'est à l'épée qu'il se confia. Au lieu de régner par le « sceptre », il prit le parti de régner par l'épée. Mais « tous ceux qui prendront l'épée périront par l'épée ». Hitler, lui, eut le délire du désir d'occuper la place vide de l'Empereur. Il crut pouvoir établir « l'Empire millénaire » (« das tausendjährige Reich ») de la tyrannie au moyen de l'épée. Mais une fois encore « tous ceux qui prendront l'épée périront par l'épée.
« Non, le poste de l'Empereur n'appartient plus ni à ceux qui le désirent ni au choix des peuples. Il est réservé au choix du ciel seul. » (Auteur anonyme, « Méditations sur les 22 arcanes majeurs du Tarot », à propos de la Lame IV « L'Empereur »)

LE CHOU KING (1er livre)
Ce livre est considéré comme la perle de la littérature sacrée des Chinois.
« Chou » signifie norme ou doctrine certaine. Il contient surtout Un enseignement moral, religieux, politique et social. Ce qui surprend, c'est la haute raison, le sens éminemment moral qui s'y trouve, et qui prouve que les peuples de cette époque reculée possédaient une grande culture morale.
L'auteur qui a écrit cet ouvrage, qu'on appelle « le Livre par excellence », « le Livre de la Vérité », possédait une nature droite, un esprit réfléchi.
Les annales chinoises placent le règne de ce Yao au 24ème siècle avant notre ère. C'est l'époque où, partout ailleurs, le régime féminin florissait, où la concorde régnait telle que le Livre sacré nous la représente. Aucun homme, surtout dans la jeunesse phylogénique de l'humanité, ne pouvait être doué des qualités énumérées ici ; aucun ne pouvait faire régner la paix et la concorde.
Nous voyons, au contraire, que c'est l'homme qui, partout, apporte le désordre, la Guerre.
Les Chinois se sont distingués par la violence et le despotisme, par la persécution des Femmes et des œuvres de l'esprit ; ils sont même allés plus loin que les autres dans cette voie.
Le Chou King remonte au temps de trois illustres souverains () : « Yao, Chun, et Yu ».
Nous avons vu que le sexe de Yao n'est pas déterminé ; pas non plus celui des deux autres, mais sous leur règne nous sommes encore en pleine période de paix et de prospérité, nous sommes encore sous le primitif régime gynécocratique ; la lutte des sexes est postérieure à la date du règne de ces souveraines (20 siècles avant notre ère), et le triomphe de l'homme ne devint définitif que vers le Vème siècle avant notre ère.
Dans le vieil empire chinois, les femmes régnèrent comme partout ; elles ont laissé des préceptes que nous lisons encore dans les vieux livres, telles les sentences de Yu, qui parlait au nom de la raison, et qui disait :
- « Celui qui obéit à la voix de la raison et de la nature est heureux, celui qui la viole est malheureux.
- « La vertu est la base d'un bon gouvernement et ce gouvernement consiste d'abord à procurer au peuple les choses nécessaires à sa subsistance et à sa conservation. Il faut encore penser à le rendre vertueux. Il faut enfin le préserver de ce qui peut nuire à sa santé et à sa vie ». 
Telles étaient les bases du régime maternel.
Combien les choses sont changées depuis que la Raison ne préside plus à la destinée des peuples.

LE YI KING (2ème Livre)
Ce livre, très curieux, ne contient que des lignes. On les appelle les Trigrammes du Yi King.
Ces lignes sont une représentation symbolique des deux principes de la philosophie chinoise : l'un masculin et ténébreux, le Yin, l'autre féminin et lumineux, le Yang.
Souvent le Yin est placé sur une bande obscure, le Yang sur une bande claire. Ces deux principes, base de tout ce qui est social, se retrouvent partout chez les Chinois. Le principe masculin est divisé, ce sont les deux vies de l'homme (spirituelle et sexuelle) ; le principe féminin est indivis (1).

 ‒‒       ‒ ‒
Yang    Yn

Puis ces deux principes se divisent et vont former quatre images. La division féminine se fait par en haut, la division masculine par en bas.
Ces lignes se combinent par 3 et forment 8 trigrammes. Par association, ces 8 trigrammes donnent naissance aux 64 hexagrammes qui constituent le Yi-King. 
Plusieurs savants se sont occupés de donner une signification à ces lignes, auxquelles les lettrés témoignent un profond respect en avouant, cependant, qu'ils n'en comprennent pas le sens.
« Avouons simplement, disait Carl Gustav Jung qui lisait comme beaucoup la signification inversée de ces symboles, que nous comprenons mal l'immense portée psychologique du détachement du Monde professé dans le Yi King, ce livre qui fonde la trame millénaire de la pensée et de la sagesse chinoise. L'intellect devient un ennemi de l'âme quand il veut capter le lumineux héritage de l'esprit. »
Quelques-uns font servir ces symboles aux pronostics et à la magie. Un lettré en a fait un instrument de musique. Tous en font grand mystère.
Ce King, qui est appelé Livre des transformations, a été attribué à Fo-hi (2), le premier roi.
On dira de lui « qu'il succéda au Ciel et sortit de l'Orient, qu'il était orné de toutes les vertus et qu'il réunissait ce qu'il y a de plus haut et de plus bas ».
Il y eut donc deux opinions sur son compte : celle des hommes et celle des femmes.
C'est à lui qu'on attribue le Livre qui explique la loi des sexes ; c'est le Trigramme du Yi King qui est devant lui et dont il indique les huit Koua.
Faut-il ajouter que Fo-hi a renversé les sexes et mis le masculin à la place du féminin ; ce qui a fait dire dans le Yi King :
« Le dragon s'est révolté, il a lieu de s'en repentir ; l'orgueil l'a aveuglé ; il a voulu monter dans le ciel et il a été précipité dans les abîmes ».
C'est l'éternelle légende d'Icare.
(1) À l'Ecole Pythagoricienne, on enseignait l'unité de la nature féminine, dont le principe de vie ne se divise jamais : c'était le nombre 1. Et la dualité de la nature masculine dont le principe de vie se divise en deux parties : l'une pour être conservée et l'autre pour être donnée à la génération : d'où le nombre 2.
L'unité féminine était appelée la Monade, parce que la femme est l'être indivisé, d'où le mot individu.
La dualité masculine était la dyade. En latin, on disait homo duplex pour désigner la contrariété du cœur et de la raison, la duplicité (le double), suprême mystère de l'existence de l'homme.
Ce grand mystère, c'est la loi des sexes.
(2) « Il importe de dire dès maintenant que Fohi n’est ni un homme ni un mythe, mais la désignation d’un agrégat intellectuel, comme fut ailleurs Hermès. » (Matgioi, La Voie Métaphysique, p.10)
« « Fohi » est la raison sociale d’une école métaphysique, et de quelques siècles de la pensée humaine. » (Ibid., p.13)

LE CHI KING (3ème Livre)
(Voyez traduction, ou plutôt paraphrase, de Ponthieu : Bibliothèque Orientale, 2e volume).
Livre des chants, quelque chose de comparable aux hymnes du Rig-Véda.
Ce livre remonte au XIVème siècle avant notre ère, mais on y a ajouté toutes sortes de poésies plus modernes. Si on n'avait fait qu'ajouter, ce serait insignifiant, mais ce qui est plus grave, c'est que Confucius prit le plus grand soin d'en éliminer une grande partie, qu'il déclara immorale et dangereuse.
Or ce sont justement ces chants, exhalant l'âme de la femme primitive, qui devaient contenir la grande morale, c'est-à-dire ce qui est relatif à la sexualité féminine. N'est-ce pas cela, du reste, que les hommes considèrent comme dangereux ?
Donc, Confucius fit disparaître, et livrer ainsi à un éternel oubli, tout ce qui devait renfermer les véritables bases de l'évolution morale des peuples, tout ce qui pouvait nous faire réellement connaître l'état psychique de l'humanité jeune.
Ce qu'on nous a laissé du Chi King comprend une première partie intitulée : Voix des royaumes, une autre intitulée : Petit ya et grand ya ; ce sont des louanges adressées à certaines classes de personnages et des blâmes amers adressés à d'autres personnages. Comme on ne nous a pas donné d'indication de sexe, et que nous sommes à cette époque au moment de la grande usurpation, il n'est pas difficile de comprendre que, primitivement, c'était la femme qui était louée, l'homme qui était blâmé.

CONFUCIUS
Ce sont les Jésuites qui donnèrent le nom de Confucius au philosophe que les Chinois appellent Khoung-fou-Tseu. Né vers 550 avant notre ère, il vivait sous la 3e dynastie des Tcheou.
C'était une époque de trouble, un âge de décadence. Partout la paix primitive avait disparu. L'invasion des hommes dans le domaine des Femmes avait profondément troublé l'ordre social. Le pays était morcelé en une quantité de petits Etats feudataires. Et le désordre social était compliqué de désordre moral. L'esprit de l'homme était livré aux doutes et aux terreurs.
Il adorait ou craignait des génies surnaturels, des ombres.
C'est que partout la même évolution physiologique amène le même résultat psychique. Le renversement des idées primitives était allé si loin que partout on sentait la nécessité d'une réforme, on la désirait, on l'attendait, et c'est toujours dans ces moments de trouble et d'attente que se manifestent de prétendus réformateurs, qui profitent de l'agitation qui règne pour s'imposer. Confucius fut de ceux-là ; il avait pris part d'abord aux agitations sociales, puis, n'ayant pas réussi sur ce terrain-là, il s'était retiré dans la solitude et soudain avait changé de système.
Ayant rassemblé toutes les anciennes Ecritures sacrées du pays, il prétendit les réviser.
Ces Ecritures, très anciennes, contenaient, comme celles de toutes les autres nations, des idées féminines, une explication abstraite des lois de la Nature, des chants, des hymnes, des préceptes de morale, et les bases des institutions sociales.
Confucius les modifia, ou plutôt les ordonna suivant ses idées masculines. Il supprima les Dieux et les Esprits, c'est-à-dire tout ce qui pouvait rappeler la supériorité des Femmes, trouvant qu'elles n'avaient qu'un rôle à jouer dans le monde : « être une ombre et un écho (1). »
La religion primitive étant perdue, Confucius la remplaça par une philosophie nationale.
Cette doctrine est appelée Iou Kiao (religion des lettrés) ou Ta Kiao (grande religion, religion principale). Les modernes Occidentaux l'appellent le Joukisme. En Chine, en 213 avant notre ère, l'empereur Thsin-Chi-Hoang-ti ordonna de brûler par tout l'empire les exemplaires du Chi King et du Chou King, livres sacrés des Chinois, sauf ceux qu'on laissait aux Po-Sse, officiers du savoir général.
(1) Le livre sacré des Samouraïs proclame, d'après les préceptes de Confucius, que « la femme est aussi bas que la terre, l'homme aussi haut que le ciel ».

GRANDE PROSCRIPTION DES LIVRES
Depuis Confucius qui avait prétendu pacifier les hommes en supprimant ce qui restait de l'influence féminine et de la haute morale des premiers temps, le pays était la proie de déchirements intérieurs, de guerres civiles, en même temps que d'incursions des barbares.
Tout cela entretenait un état de désordre et de démoralisation qui était une belle occasion, pour un homme comme Thsin-Chi-Hoang-Ti, de s'emparer du pouvoir.
Poussant jusqu'à l'extrême tous les défauts de l'homme, il montra une insatiable ambition et un orgueil immense, aucun principe de justice, aucun scrupule. Son règne fut celui d'un fou, pliant tout devant sa folie.
Comme tous les aliénés du même genre, il voulut faire des choses extraordinaires pour faire parler de lui. Il fit édifier de gigantesques constructions et des palais si vastes que dans leur cour centrale on pouvait ranger 10.000 hommes en bataille.
Tous ces palais furent brûlés avec la capitale un ou deux ans après sa mort.
Ce monarque bouleversait tout ; mais les lettrés, mécontents ne cessaient de lui faire des remontrances. Et comme ils s'appuyaient toujours sur l'histoire du pays pour lui montrer combien ses actes différaient de ceux des anciens souverains, que tous regrettaient, il résolut de détruire les livres afin qu'on ne puisse plus lui parler de l'ordre qui avait régné avant lui.
Ce fut en 213 avant notre ère que s'accomplit cette première grande proscription des livres, et nous disons première parce que cela devait se renouveler dans d'autres pays. On fit brûler en masse tous les livres trouvés dans la capitale et dans les provinces.
La peine de mort fut prononcée contre les receleurs. Il n'était pas facile, du reste, de cacher de pareils livres, ils étaient écrits sur des tablettes de bambou et avaient de grandes dimensions.

RESTAURATION DES LIVRES
Le second empereur de la nouvelle dynastie révoqua les décrets contre les livres 20 ans après leur promulgation. On retrouva des fragments d'ouvrages et même des livres tout entiers que des lettrés dévoués étaient parvenus à cacher. Le lettré Mao-Thsang retrouva, dans les ruines d'un palais, un exemplaire du Chi King, un des livres les plus importants. Un vieux lettré, Fou-Seng, qui occupait une haute situation dans la littérature sous Thsin, avait appris par cœur un des plus importants livres, le Chou King, et, quoique âgé de 90 ans, il put dicter une grande partie du livre. Cependant, l'ouvrage resta incomplet. Sur 100 sections qu'il contenait, il ne put en dicter que 29 (1).
(1) Cf Fahrenheit 451, Ray Bradbury

LAO-TSEU
La seconde doctrine chinoise a pour auteur Lao-Tseu, qu'on appelle aussi Lao-Kiun, contemporain de Confucius, mais plus âgé de 50 ans.
Il est, comme lui, un « réformateur » de l'ancienne religion naturelle. On présente sa doctrine comme étant en contradiction avec celle de Confucius (1). L'objet de son culte est le Tao, mot qui a une signification très étendue : il signifie raison primordiale, intelligence, esprit, puissance morale qui régit le monde, Etre suprême.
Ses partisans se disent Tao Ssé, sectateurs de la raison.
On dit que Lao-Tseu écrivit 930 livres sur l'éthique et les religions, et 70 sur la magie, mille au total. Son grand ouvrage, cependant, le cœur de sa doctrine, le « Tao-Te-King » ou Ecriture sainte des Tao Ssé, ne contient, comme le montre Stanislas Julien, « qu'environ 5000 mots », et pourtant le professeur Max Müller trouve que le texte est inintelligible sans commentaires, et S. Julien a été obligé de consulter pour sa traduction plus de 60 commentateurs, dont les plus anciens, paraît-il, écrivaient vers l'an 163 avant notre ère, pas avant. Pendant les quatre siècles et demi qui ont précédé cette époque des plus anciens commentateurs, on a eu largement le temps de voiler la vraie doctrine de Lao-Tseu aux yeux de tous, sauf de ses prêtres initiés (2).
Les Japonais, chez qui se trouvent aujourd'hui les plus instruits des prêtres et des fidèles de Lao-Tseu, ne font que rire des suppositions et des bévues des sinologues européens, et la tradition affirme que les commentaires auxquels nos savants d'Occident ont accès ne sont pas les vraies annales occultes, mais des voiles intentionnels, et que les vrais commentaires, aussi bien que presque tous les textes, ont disparu depuis longtemps des yeux des profanes.
(1) « Laotseu sut qu’il était un homme, et ne voulut pas passer pour être autre qu’un homme. Mais il savait aussi quelle est la puissance de transformation, initiatique et supérieure, que produit sur l’homme le labeur intellectuel, dans le désir continu et ardent de la connaissance totale.
« Quand Laotseu obtint l’état de connaissance, il disparut du milieu de ses semblables, et acheva sa vie dans le silence et la solitude complète d’une retraite ignorée de tous. Il apparaît donc que, dès ce moment-là, il se jugeait inutile dans la foule. Celui-là, en effet, qui a atteint le sommet de la sagesse n’est plus assez un homme, pour pouvoir être profitable aux autres hommes. Et c’est ici que nous devons faire un peu de place au résumé de l’entrevue historique entre Laotseu et Confucius. On y verra que la sagesse moyenne peut s’acquérir par la propagande et l’enseignement, que celui qui la professe acquiert une grande réputation dans le monde et dans les gouvernements, mais que cette expansion de lui-même est un obstacle insurmontable pour sa perfection intérieure et son ascèse définitive ; on y verra au contraire que la sagesse totale ne s’enseigne et ne se diffuse pas, qu’elle ne peut s’acquérir que dans l’isolement et par le travail personnel ; que ses adeptes demeurent volontiers inconnus, et peuvent ainsi utiliser à leur évolution et à l’évolution consécutive de la postérité les ardeurs et le temps qu’ils ne consacrent pas à l’éblouissement des multitudes.
« L’entretien de Laotseu et de Confucius est absolument historique : il est relaté, dans des termes partout identiques, par les écrivains de la Chine les plus dignes de foi, de l’époque des deux philosophes, et particulièrement par Sse-ma-thiên, l’historien du Céleste Empire :
« Khongtseu, ayant entendu parler de Laotseu, voulut connaître par lui-même quel était cet homme extraordinaire ; il se rendit auprès de lui, et l’interrogea sur le fond de sa doctrine. Au lieu de lui répondre, Laotseu fit des reproches à Khongtzeu, en lui disant qu’il était trop répandu au dehors ; que la conduite qu’il tenait sentait le faste et la vanité, et que le grand nombre de ses disciples était plus propre à entretenir l’orgueil dans son cœur qu’à y faire naître l’amour de la sagesse. Le sage, lui dit-il, aime l’obscurité ; loin d’ambitionner les emplois, il les fuit. Persuadé que, en terminant sa vie, l’homme ne laisse après soi que les bonnes maximes qu’il aura enseignées à ceux qui étaient en état de les retenir et de les pratiquer, il ne se livre pas à tout venant ; il étudie les temps et les circonstances. Celui qui est possesseur d’un trésor le cache avec soin, de peur qu’on ne le lui enlève ; il se garde bien de publier partout qu’il l’a à sa disposition. Celui qui est véritablement vertueux ne fait pas parade de sa vertu ; il n’annonce pas à tout le monde qu’il est sage. Voilà tout ce que j’ai à vous dire ; faites-en votre profit. J’ai, ajouta-t-il, entendu dire que le riche renvoie ses amis avec des présents considérables et que le sage renvoie ceux qui le visitent avec quelques bons conseils. Je ne suis pas riche, mais je me crois sage en toute humilité ».
« Cette mercuriale assez sévère, que Khongtseu reçut d’ailleurs avec une patience et une gratitude qui font le plus grand honneur à ses vertus domestiques, indique profondément la réserve presque sauvage et l’austérité dogmatique où Laotseu s’était confiné et dont il ne se départit jamais.
« Par le simple récit de la fameuse entrevue que Laotseu eut avec Kongtseu, on peut voir déjà la différence des esprits des deux philosophes, la divergence, non point de leurs idées primordiales, mais des plans où ils appliquaient leurs idées, et la très incontestable supériorité de Laotseu, à laquelle Kongtseu lui-même rendait un humble et entier hommage. Passant du domaine des idées pures à celui de la pratique, et sortie de l’esprit de créateurs froids et impeccables pour entrer dans l’âme de disciples orgueilleux et passionnés, la mise en œuvre politique et sociale des deux systèmes, dont l’un aurait toujours dû demeurer au-dessus de l’autre, amena bien des troubles et des erreurs, au cours desquels les deux écoles se distinguèrent par l’exagération de leurs qualités foncières, les Confucianistes par leur verbiage et leur pusillanimité (excès de la propagande), et les Taoïstes, par leur énergie et leur intransigeance (excès de l’isolement). Offert à l’opinion, le Confucianisme eut pour premiers prosélytes et apôtres les petits lettrés, diserts fins, éloquents, sûrs d’eux-mêmes et avides de jouer un rôle dans l’État ou, faute de mieux, dans leur village (lettrés correspondant à ce que le XXe siècle appelle, en Occident des « intellectuels »). Ces lettrés, remuants et populaires, répandaient dans tout le peuple des préceptes sages et aimables dont ils devaient tirer un profit personnel. Réservé à une minorité jalousement triée, le Taoïsme eut pour adeptes les sages prudents, désintéressés, solitaires et sans faconde (que l’Occident appelle, pour les distinguer des intellectuels, des « penseurs »), qui, déterminant, sans les prêcher ni les recommander, des lois supérieures et des idées générales, ne portaient pas ombrage ; ces sages apportèrent leurs convictions parmi les lettrés et mandarins de premier rang, d’où elles s’installèrent sur le trône impérial.
« Longtemps les partisans des deux doctrines luttèrent, les Taoïstes oubliant qu’ils n’étaient point faits pour la lutte, les Confucianistes oubliant, malgré l’illustre exemple de Kongtseu en personne, qu’ils étaient faits pour obéir aux Taoïstes, dont ils ne sont qu’une émanation sur un plan de mentalité inférieure. Il en résulta ce qui arrive toujours dans les sociétés assez faibles pour se laisser imposer les intellectuels et les rhéteurs comme maîtres et comme conseillers prédominants, c’est-à-dire une ère de troubles égoïstes et confus dont les petits lettrés seuls devaient tirer de l’avantage. » (Matgioi, La Voie Rationnelle)
(2) « « Laotseu naquit le 14e jour du 7e mois de la 3e année de l’empereur Tingwang, de la dynastie Tcheou, c’est-à-dire pendant la 54e année du 34e cycle (Soit 604 av. J.-C). Il était originaire du village de Khio-jin, commune de Laï, district de Khoukien, ou Khouyang, royaume de Tshou. Son nom de souche était Li ; son petit nom, Eul ; son nom honorifique, Peyang ; son nom posthume, Tan. Laotseu, est le surnom que ses disciples lui donnèrent (Laotseu = le vieux docteur). Il occupa la charge de gardien des archives. Il s’efforça de vivre dans la retraite, et de rester inconnu. Il servit longtemps sous la dynastie Tcheou ; la voyant tomber en décadence, il se démit de sa charge, et se retira à l’extrémité du royaume, au col de Hankouflouan (Col de Hankou, district de Lingpao), dont le chef était un certain Inhi. Là, pour l’enseignement de Inhi, il composa un livre sur la Voie et la Vertu, qui comprenait un peu moins de six mille caractères. Après quoi il s’éloigna. On ne sait ni où ni comment il finit ses jours. Laotseu était un sage qui aimait l’obscurité. » Ainsi parle le Sseki, chronologie officielle de l’Empire rédigée par le chef des historiens de l’empereur Wouti, des Han, le célèbre Sse-ma-thiên (104 av. J.-C.).
« Laotseu avait soixante-dix ans quand il commença son livre sur le Tao ; il eut douze disciples, dont la plupart ne furent que des disciples intellectuels, ne le connurent pas directement, et vécurent 100 à 150 années après sa disparition ; le plus célèbre d’entre eux est le philosophe Sichoeï.
« L’extrême simplicité de cette biographie ne saurait être dépassée ; elle a été composée trois siècles et demi après la mort présumée de Laotseu. Elle renferme tout ce qu’on connaît d’exact sur la vie du philosophe. Il eût été aussi facile d’entourer sa naissance, sa vie et sa mort de phénomènes extraordinaires, qu’il a été facile de le faire pour le Bouddha, pour Moïse, pour Élie, et pour tant d’autres. Une légende, en effet, s’est établie sur Laotseu ; mais, en Chine même, on est prié de n’y pas croire, et de la considérer seulement comme une somme de symboles un peu trop éclatants. [...] Il est tout à fait permis de croire que Laotseu, après avoir passé la porte de Hankou, voyagea en Perse, en Bactriane, et, suivant une renommée locale assez accréditée, termina sa vie en solitaire sur les plateaux thibétains. Mais il n’est pas utile, en admettant que cela soit possible, de tirer au clair cette supposition. Car il faut retenir que le Tao et le Te (la Voie et la Vertu), seuls livres émanés directement de Laotseu en personne, furent écrits avant qu’il quittât l’Empire, et sans qu’il l’ait jamais quitté. Le système philosophique de Laotseu (et c’est là ce qu’il importe de déterminer) ne s’inspire donc ni du Bouddhisme, ni du Lamaïsme, ni même du Christianisme, ainsi que le prétendirent tels zélés missionnaires, et, après eux, l’excellent M. Abel Rémusat, membre de l’Institut. L’enseignement de Laotseu est issu de la seule tradition primordiale, pieusement conservée par les Jaunes, et dont l’expression la plus exacte est le Yiking. Telle est la vérité. Nous pouvons à présent nous distraire à la légende.
« La légende de Laotseu est l’œuvre d’un certain mythologue, nommé Kohong, qui vécut vers l’an 350 av. J.-C. et fit, sous le titre Chin-tsien-tchouen, une histoire des Dieux et des Immortels. Cette histoire est assez semblable aux « vies des Saints » de l’hagiographie chrétienne. Voici un résumé des prodiges dont Kohong entoure l’existence, cachée et obscure, de Laotseu : « La mère de Laotseu devint enceinte par suite de l’émotion qu’elle éprouva en voyant une étoile filante ; c’était du ciel qu’il avait reçu le souffle vital ; d’ailleurs, des sages disent qu’il était né avec le ciel et la terre, et qu’il avait reçu une âme pure émanée du ciel. Sa mère le porta dans son sein pendant soixante-douze années ; en naissant, il avait les cheveux blancs, c’est pourquoi on l’appela Laotseu. Sa mère donc le conçut sans le secours d’un époux, et il sut parler dès l’instant de sa naissance. Il avait le teint blanc et jaune, de beaux sourcils, de longues oreilles, des yeux bien fendus, des dents écartées et des lèvres épaisses. Son front était traversé par une grande raie ; le sommet de sa tête offrait une saillie prononcée ; son nez était soutenu par une double arcade osseuse. Dès le moment de sa naissance, il fut doué de la pénétration divine ; la vie dont le ciel l’anima ne ressemblait pas à celle des hommes ordinaires. Il composa neuf-cent trente livres pour enseigner à vivre. Il y est traité des neuf ambroisies, des huit pierres merveilleuses, du vin d’or, du suc de jade, des moyens de garder la pureté primitive, de conserver l’unité, de ménager sa force, de purifier son corps, de dissiper les calamités, de dompter les démons, de triompher des maux, de vaincre avec la puissance de la magie, de soumettre à sa volonté les esprits malfaisants. Il écrivit aussi sur les talismans. Il vécut plus de trois cents ans, et eut à son service, pendant près de deux siècles, un disciple du nom de Siou-Kia, à qui il avait communiqué, comme il le fit plus tard au mandarin Inhi, le secret de l’immortalité. »
« Le dithyrambe de Kohong continue longtemps sur ce ton étrange, filandreux, et même très souvent contradictoire. Et il serait tout à fait oiseux de le suivre plus longtemps dans ces historiettes adéquates à l’imagination des foules et à la crédulité des enfants. Malgré certains passages où, à travers la grossièreté du texte et des figures, on aperçoit assez bien quels sont les arcanes métaphysiques et sociaux emblématisés, il n’est pas certain du tout que les amis et les successeurs de Laotseu aient jamais témoigné beaucoup de reconnaissance au maladroit adulateur. » (Matgioi, La Voie Rationnelle)

LE TAOÏSME 
Le livre sacré des Tao Ssè porte le titre de Tao-Te-King (le livre de la raison et de la vertu - 600 à 560 av notre ère). Suivant les anciens dictionnaires chinois, tao signifie un chemin, le moyen de communiquer d'un lieu à un autre ; ce chemin n'est-il pas le lien moral qui relie l'homme à la femme, et qui est bien, en effet, basé sur la raison ? De Tao on fait aussi : direction, marche des choses et condition de leur existence ; c'est bien de ce lien que tout cela dépend.
Enfin, Tao signifie « la raison se manifestant », c'est-à-dire la parole.
Le Tao-Te-King est un ouvrage qui n'a qu'une trentaine de pages. Il contient deux parties : Tao-King (livre du Tao) et Te-King (livre de la vertu). C'est de ces mots, qui sont les premiers de chacune des deux parties, qu'on a fait le titre général, Tao-Te-King.
M. Abel de Rémusat a, le premier, essayé de traduire en français le Tao-Te-King, mais sa traduction est incomplète ; M. Stanislas Julien en a fait une autre qui, depuis (1842), fait autorité et à laquelle se rapportent le plus volontiers les sinologues officiels (1).
Deux traductions de ce livre ont été faites en Allemagne, l'une par M. Victor de Strauss, l'autre par M, Reinhold de Plænckner.
Voici, d'après Stanislas Julien, la traduction du premier chapitre :
« La voie (Tao) qui peut être exprimée par la parole n'est pas la voie éternelle ; le nom qui peut être nommé n'est pas le nom éternel.
« L'Etre sans nom est l'origine du ciel et de la terre ; avec un nom, il est la Mère de toutes choses.
« C'est pourquoi, lorsqu'on est constamment exempt de passions, on voit son essence spirituelle ; lorsqu'on a constamment des passions, on le voit sous une forme bornée.
« Ces deux choses ont une même origine et reçoivent des noms différents. On les appelle toutes deux profondes. Elles sont profondes, doublement profondes. C'est la porte de toutes les choses spirituelles. »
Que de choses dans ces lignes !.... D'abord, dans le premier paragraphe, la distinction à faire entre le principe cosmique, l'Etre sans nom, et le principe moral, la Mère, l'Être suprême avec un nom.
L'Etre sans nom crée le ciel et la terre, puisqu'il est la force cosmique (voyez l'article sur la Cosmogonie dans lequel ce principe cosmique est défini).
L'Etre nommé, la Mère, crée toutes les choses d'ordre moral.
Puis la nécessité pour l'homme d'être exempt de passions pour comprendre ces choses, également profondes l'une et l'autre, puisque l'une est toute la science physique, l'autre est toute la science morale.
Un des principes fondamentaux attribués à Lao-Tseu est le non-agir.
« Le saint homme fait son occupation du non-agir. » Ceci est très vrai, car c'est seulement dans le repos des muscles que la pensée s'exerce. L'homme qui agit beaucoup pense peu.
Chap. III, il est dit : « Lorsque l'homme gouverne, il vide son cœur (il s'adonne à la débauche), il remplit son ventre (il s'adonne à l'intempérance), il affaiblit sa volonté (se livre à ses caprices), et il fortifie ses os (résultat physiologique de la débauche). »
Quelle science profonde dans ces quelques mots !...
« Il s'étudie constamment à rendre le peuple ignorant (jalousie : abêtir pour dominer), il fait en sorte que ceux qui ont dû savoir n'osent pas agir (persécution des intellectuels). »
Voilà ce que fait l'homme quand il agit, c'est-à-dire quand il gouverne !
« Il pratique le non-agir et alors il n'y a rien qui ne soit bien gouverné. »
C'est alors qu'il laisse les autres se développer intellectuellement et se manifester librement, et, quand nous disons les autres, nous disons surtout les femmes, qui, alors, font leur œuvre d'ordre et de progrès.
La doctrine de Lao-Tseu a été altérée à l'époque de l'empereur Wen-tï des Han (179-155 avant notre ère).
Depuis ce moment, l'esprit n'en a plus été compris ; on y a mêlé du surnaturel.
Un savant lettré, Ma-Touan-Lin (1245-1325 de notre ère), dit de ces écrits : « On en a de plus en plus méconnu le véritable esprit, à mesure que l'on s'éloignait de l'époque de leur rédaction. Des thaumaturges et des charlatans ont emprunté le nom de Lao-Tseu pour se donner de l'importance, mais sans rien comprendre à ce qu'il avait dit.
« Toute idée supérieure a disparu de ce culte livré à tous les préjugés, à toutes les idolâtries ; à peu d'exceptions près, on se borne aujourd'hui, dans les pagodes, à réciter des prières et à brûler de l'encens devant des statuettes plus ou moins hideuses ».
C'est-à-dire que les sectateurs de cette doctrine en sont arrivés au même point dans l'évolution morale que les Occidentaux qui prient devant des statuettes et brûlent de l'encens sans savoir pourquoi.
Cependant, les Tao Ssé comptent dans leurs rangs des hommes distingués, des philosophes, des médecins, des historiens, des savants, ce qui prouve que ces gens sentent qu'il y a quelque chose de profond caché dans cette doctrine incomprise et dégénérée ; ils préfèrent ce reste d'idéal au positivisme des sectateurs de Confucius.
C'est que, tout au fond du Taoïsme, se trouve la pensée féminine, dans toute sa profondeur primitive, et dont les lueurs brillent encore, à travers les altérations que les hommes lui ont fait subir.
Nous terminons par quelques citations pour le démontrer. La pensée philosophique qui y règne est destinée à montrer la puissance de la force morale, bien supérieure à la force physique. Comme les altérations ont surtout porté sur le sexe des personnes dont on parle, nous devons prévenir que, partout où l'on a exprimé des idées féminines, mentionné des qualités ou des actions féminines, on les a attribuées à l'homme supérieur.
Chap. VIII : « L'homme d'une vertu supérieure est comme l'eau. L'eau excelle à être utile à tous les êtres et ne lutte point. Elle habite les lieux que déteste la foule. C'est pourquoi il approche du Tao. Il se plaît dans la situation la plus humble, son cœur aime à être profond comme un abîme. S'il fait des largesses, il excelle à montrer de l'humanité ; s'il parle, il excelle à pratiquer la Vérité. S'il gouverne, il excelle à procurer la paix. S'il agit, il excelle à montrer de la capacité ; s'il se meut, il excelle à se conformer au temps. Il ne lutte contre personne, c'est pourquoi il ne reçoit aucune marque de blâme ».
Faut-il faire remarquer que tout ce qui est attribué ici à il n'existe réellement que chez Elle ?
Chap. XXII : « Le saint (homme) (la femme) saisit l'unique (comprend la vérité) et devient le modèle du monde. Il ne se met pas en lumière, c'est pourquoi il brille ; il ne s'approuve point, c'est pourquoi il se distingue ; il ne se vante point, c'est pourquoi il a du mérite ; il ne se glorifie point, c'est pourquoi il est éminent. Il ne lutte point, c'est pourquoi il n'y a personne dans le monde qui puisse lutter contre lui ».
Quel est l'homme qui ne lutte pas ? Quel est celui qui ne se met pas en lumière ? ne se vante point ? ne se glorifie point ?
Chap. XXXVIII : « La vertu suprême ne se considère point comme vertu ; c'est pourquoi elle est vertu ; la vertu inférieure se croit certainement vertu. Les hommes (les femmes) d'une vertu supérieure la pratiquent sans y songer. Ceux d'une vertu inférieure la pratiquent avec intention. »
Chap. XLI : « Lorsqu'ils entendent parler du Tao (vérité, raison, science), les hommes d'une culture supérieure deviennent zélés à le suivre ; ceux d'une culture médiocre tantôt le conservent, tantôt le perdent ; ceux d'une culture inférieure le tournent en dérision. S'ils ne le tournaient pas en dérision, il ne mériterait pas le nom de Tao ».
Chap. XLIX : « L'homme de bien, je le traite bien ; le méchant, je le traite également bien ; la vertu est la bonté. L'homme sincère, je le traite avec sincérité ; l'homme non-sincère, je le traite aussi avec sincérité ; la vertu est la sincérité. »
Chap. LIII : « Lorsque les palais sont de toute magnificence, les champs sont très incultes et les greniers très vides. Lorsque les princes se couvrent de riches vêtements, se ceignent de glaives tranchants, se gorgent de boissons et de mets, et ont en abondance des joyaux précieux, on appelle cela faire parade du vol ; certes, ce n'est point avoir le Tao ».
Chap. LV : « Celui qui possède la plénitude de la vertu ressemble à l'enfant nouveau-né qui ne craint ni la piqûre des animaux venimeux, ni les griffes des bêtes féroces, ni les serres des oiseaux de proie. »
Chap. LVI : « Celui qui possède le Tao est inaccessible à la faveur comme à la disgrâce, au profit comme au détriment, à l'honneur comme à l'ignominie. Voilà pourquoi il est honoré du monde entier ».
Chap. LXIII : « Le saint venge ses injures par des bienfaits. Il commence les choses difficiles par ce qu'elles ont de facile, les grandes par ce qu'elles ont de petit. Les choses les plus difficiles du monde commencent par être faciles, les plus grandes commencent par être petites. Le saint ne cherche point à faire de grandes choses, c'est pourquoi il peut accomplir de grandes choses ».
Chap. IX : « Si l'on est comblé d'honneurs et qu'on s'enorgueillisse, on s'attirera des malheurs. Lorsqu'on a fait de grandes choses et obtenu de la réputation, il faut se retirer à l'écart. »
Chap. LXVII : « Je possède trois trésors ; je les conserve et les estime beaucoup : le premier s'appelle la miséricorde ; le second s'appelle l'économie ; le troisième s'appelle la modestie (le texte dit, à tort, l'humilité), qui m'empêche d'être le premier de l'empire.
« J'ai de la miséricorde, c'est pourquoi je puis être audacieux ; j'ai de l'économie, c'est pourquoi je puis faire des dépenses ; je n'ose être le premier de l'empire, c'est pourquoi je puis devenir le chef de tous les hommes. (Voilà une pensée bien féminine. Elle est complétée par le tableau de ce que fait l'homme à la place de la femme).
« Aujourd'hui on dédaigne la miséricorde et, cependant, on est audacieux ; on dédaigne l'économie et, cependant, on dépense ; on dédaigne le dernier rang et, cependant, on est au premier. Voilà ce qui conduit à la mort. »
Chap. LXXI : « Savoir et croire qu'on ne sait pas, c'est le comble du mérite (c'est le cas de toutes les femmes qui connaissent les lois de leur Nature sans s'en douter). Ne pas savoir et croire que l'on sait, c'est la maladie des hommes. »
Chap. LXXVI : « Quand l'homme vient au monde, il est souple et faible ; quand il meurt, il est raide et fort. Quand les arbres et les plantes naissent, ils sont souples et tendres ; quand ils meurent, ils sont secs et arides. La raideur et la force sont les compagnes de la mort ; la souplesse et la faiblesse sont les compagnes de la vie. C'est pourquoi, lorsqu'une armée est forte, elle ne remporte pas la victoire. Lorsqu'un arbre est devenu fort, on l'abat. Ce qui est fort et grand occupe le rang inférieur ; ce qui est souple et faible occupe le rang supérieur. »
Quel est l'homme capable d'avoir dit que la force est une infériorité ?...
Chap. LXXVII : « Le Ciel (pris symboliquement pour celui (celle) qui est en haut par l'esprit) ôte à ceux qui ont du superflu, pour aider ceux qui n'ont pas assez. Il n'en est pas ainsi de l'homme, il ôte à ceux qui n'ont pas assez, pour donner à ceux qui ont du superflu.
« Quel est celui qui est capable de donner son superflu ? Celui-là seul possède le Tao. C'est pourquoi le saint fait le bien et ne s'en prévaut pas. Il accomplit de grandes choses et ne s'y attache point. Il ne veut pas laisser voir sa sagesse. »
Chap. LXXVIII : « Parmi toutes les choses du monde, il n'en est point de plus molle et de plus faible que l'eau, et cependant, pour briser ce qui est dur et fort, rien ne l'emporte sur elle. Pour cela, rien ne peut remplacer l'eau.
« Ce qui est faible triomphe de ce qui est fort ; ce qui est mou triomphe de ce qui est dur. Dans le monde, il n'y a personne qui ne connaisse cette vérité, mais personne ne peut la mettre en pratique. »
Chap. LXXXI : « Les paroles sincères ne sont pas agréables ; les paroles agréables ne sont pas sincères.
« L'homme vertueux n'use pas des artifices de la parole ; celui qui en use n'est point vertueux. Celui qui connaît le Tao (la Vérité) ne se vante pas de son savoir ; celui qui se vante de son savoir ne le connaît pas. »
(1) D'après « Palingénius » (pseudonyme de René Guénon), la traduction faite par Matgioi, des deux livres du « Tao » et du « Te », en est une bien meilleure version, car vue et approuvée, en Extrême-Orient, par les sages qui détiennent l’héritage de la Science taoïste, en garantissant ainsi la parfaite exactitude (« À propos d'une mission dans l'Asie centrale » Paru dans La Gnose, janvier, février 1910).

LES ANGES GARDIENS, LES ESPRITS
Les Tao Ssé admettent des esprits intermédiaires entre la puissance cosmique et l'homme ; cette conception, qui est partout, tant elle est naturelle à l'homme, est ici représentée par les Chen. Comme les Izeds des Perses, ce sont des génies bienfaisants qui président aux jours, à la Nature, et qui gardent les hommes. C'est une forme de l'ange gardien, la femme bienfaisante qui veille sur l'homme. Les Chinois disent que les Chen sont amis de l'homme, ils protègent tout ce que renferme l'Etat.
Mais l'homme ingrat se révolte contre eux, ou plutôt se révolte contre la vraie femme, que ce symbole représente, et dans une de ces révoltes on brisa toutes les statuettes qui la représentaient.
Depuis, les Esprits, restés dans la tradition cependant, n'ont plus de sexe. Actuellement ils sont, en Chine, quelque chose d'analogue aux esprits des spirites occidentaux.

L'ÉVOLUTION MORALE EN CHINE
Confucius, dans le Li Ki (traduction Calleri de Turin, 1855, p. 40), nous fait un tableau idéal des temps primitifs en Chine ; ces temps héroïques qui, partout, ont précédé le désordre que la grande révolte de l'homme a engendré.
Il dit :
« Le règne de la grande vertu, les grands hommes (lisez les grandes femmes) des trois dynasties, sont des merveilles qu'il ne m'a pas été donné de voir, mais vers lesquelles mes pensées se portent sans cesse. Sous le grand règne de la vertu, l'empire était la chose publique. On choisissait pour le gouverner les hommes (ou les femmes) éminents par leurs capacités ; on disait toujours la vérité et on cultivait la bonne harmonie (entre l'homme et la femme).
« Les hommes (et les femmes) ne bornaient pas leurs affections aux parents, ni leur tendresse aux enfants ; les vieillards trouvaient toujours qui les secourait jusqu'à la fin de leur carrière ; les hommes à la fleur de l'âge trouvaient qui les employait ; les jeunes gens trouvaient les moyens de devenir des hommes ; les veufs et les veuves avancés en âge, les orphelins, les vieillards sans enfants et les infirmes trouvaient tous qui les nourrissait.
« Les hommes avaient leur besogne, les femmes avaient la leur.
« Quant aux objets matériels, ceux qu'on n'aimait pas, on les abandonnait aux personnes qui en avaient besoin, sans les mettre en réserve pour soi. Les choses dont on était capable, on regardait comme fort mauvais de ne pas les faire, lors même que ce n'était pas pour soi. Aussi, il ne se formait pas de projets coupables et il n'y avait ni voleurs ni malfaiteurs ; la porte extérieure de la maison même n'était pas fermée. Voilà ce qu'on appelait la grande union.
« Aujourd'hui la grande vertu est cachée, l'empire est un patrimoine de famille, chacune n'affectionne que ses parents, chacun ne chérit que ses enfants. Les biens, on les réserve pour soi. Les princes regardent comme chose fort convenable de laisser l'empire à leurs fils (lors même qu'ils sont incapables ou vicieux) et, afin d'affermir leur pouvoir, ils fortifient les villes, et les faubourgs en construisant des murailles et en creusant des fossés ».

L'impression qui reste de l'étude de la grande philosophie chinoise, celle de Confucius, c'est qu'on n'y trouve qu'une morale composée de banalités, dont quelques-unes sont très belles, assurément, mais la vraie morale, celle qui s'occupe des devoirs de l'homme envers la femme, en est exclue. On n'y trouve pas un mot de ce qui est essentiel à la vie morale de l'homme, la femme en est éliminée, elle y est à peine mentionnée, quoique Confucius parle beaucoup du saint des derniers temps et de la nécessité de voir apparaître le Messie chinois. Donc rien d'humain chez les Chinois, si ce n'est l'orgueil, qui y est aussi développé que chez les Occidentaux.
Mais ils les ont peut être dépassés en hypocrisie. N'est-ce pas en Chine qu'un empereur promulgua ce décret : Défense aux femmes de sortir sans souliers. En même temps, une autre ordonnance disait : Défense aux cordonniers de faire des souliers pour les femmes.
C'est avec ce même esprit de partialité que les Ecritures sacrées ont été interprétées (1) ; aussi les savants chinois s'en méfient. L'un d'eux, le savant Ko, écrivait au XIXème siècle : « Les King et les monuments les plus authentiques, très difficiles à entendre non seulement à cause du laconisme de notre langue et de l'hiéroglyphisme de nos caractères, mais encore à cause de l'éloignement des temps dont ils traitent et de la profondeur de la doctrine qu'ils contiennent, ont été obscurcis et brouillés horriblement par les gloses et les commentaires de ceux qui ont voulu les expliquer. Aussi les meilleurs lettrés de la Chine professent-ils la maxime pleine de justesse : Sin King, pou sin tcheou, attachez-vous au texte et laissez le commentaire » (Mémoire concernant l'histoire des Chinois, T. I, p.19).
M. Leblois, dans son grand ouvrage : Les Bibles (T. III, p. 304), dit : « Les versions occidentales des livres sacrés de l'Orient, lorsqu'elles s'appuient sur les commentaires qui en ont été faits, expriment, non le sens original de ces livres, mais celui que la tradition leur a donné.
« L'idéal serait de remonter à travers la série successive des commentaires, au sens primitif, comme on remonte un fleuve jusqu'à sa source.
« Mais une telle entreprise ne pourrait être tentée, avec quelque chance de succès, qu'après des travaux préliminaires difficiles et compliqués. Quel service rendraient aux traducteurs futurs les savants capables de composer pour chaque langue un dictionnaire où se trouveraient les acceptions successives d'un même terme philosophique, dogmatique ou moral, aux différents siècles où ce terme a été en usage ! »
Aucune nation autre que la Chine ne garda, avec un plus inviolable respect, les lois et les coutumes de ses ancêtres, dont le culte ne s'éteignit jamais complètement, malgré les altérations survenues au profit de la domination masculine. C'est encore aujourd'hui un fragment du primitif empire universel, qui a surnagé presque intact sur le torrent des âges, tandis que toutes les autres nations, ruinées, dispersées, ont disparu dans le tourbillon et la chicane masculine ; en Chine, un empereur, si intelligent soit-il, devait rester sous la dépendance d'une impératrice « Mère constitutionnelle »
Les impératrices chinoises ont été brillantes, c'est l'une d'elles qui a trouvé l'art d'utiliser le ver à soie. C'est en Chine que l'on dit ceci : « Faire vivre la femme dans l'esclavage et l'homme dans la liberté, c'est comme semer du riz dans un sol aride et planter de la vigne dans un marais. » Et, malgré ces traditions, pas de peuple qui ait plus asservi la femme, tout en l'imitant. Le Chinois a pris à la Chinoise son costume, ses longs cheveux, son visage imberbe. C'est parce que l'amour maternel y avait été si développé qu'on y a tant prêché le respect paternel.
Rappelons ces vers d'un poème intitulé l'Amour fraternel (inséré dans le Chi King) :

L'union affectueuse entre la femme et les enfants
Est semblable à la musique du luth et de la harpe ;
Lorsque la concorde règne entre les frères,
L'harmonie est délicieuse et durable.


C'est la famille matriarcale, sans l'intervention du père, qui, alors, ignorait sa paternité.
(1) La forme actuelle des Livres sacrés de la Chine ne remonte pas au-delà du second siècle de notre ère.

LE DIEU DES CHINOIS (suite)
Confucius, en supprimant la Divinité féminine, établit à sa place un principe divin sans sexe : Chang-Ti.
Si nous remontons aux origines de la religion, nous trouvons que Chang-Ti, c'est l'Esprit qui s'élève vers le ciel ; aussi, par extension, on en fait le ciel même, Thièn, tout en en faisant le Seigneur, Ti.
Quand les hommes veulent dénaturer l'idée divine qui exprime la puissance morale de la Femme, ils la confondent avec la puissance cosmique. C'est ainsi que Confucius nous dit que « c'est l'ordre de la Nature, c'est la marche des événements, qui est l'expression de la volonté de Thièn ». C'est parfait si Thièn exprime la Puissance cosmique, mais cela n'est pas, et il s'embrouille dans ses explications quand il ajoute que c'est par des phénomènes extraordinaires, des inondations, des sécheresses, des tremblements de terre que Thièn déclare que sa loi a été violée. Il mêle le physique et le moral. Ce qu'on peut violer, c'est la loi morale, non les lois cosmiques. Les troubles qui en résultent ne sont pas d'ordre physique, mais d'ordre psychique, ils amènent un dérangement mental qui a troublé l'esprit de tous les fondateurs de religions.
La vérité, c'est que c'est par des troubles psychiques produits dans l'homme que s'annonce la violation de la loi de Thièn, loi morale dictée par la Femme (voir l'article sur Le Bien et le mal : Loi morale).
La Divinité primitive était représentée par une Femme ayant cent sommets sur la tête. Depuis la grande réforme, cette Femme est devenue un Dieu.

LES DIEUX ANDROGYNES
Mais il y a eu d'abord des dieux androgynes : Kwan-Schaï-Yin est identique à l'Avalokiteshwara sanscrit et, comme tel, est une Divinité androgyne comme le Tétragrammaton de tous les Logoï de la même époque.
Il n'est personnifié que par quelques sectes en Chine et est représenté alors avec des attributs féminins ; sous son aspect féminin, il devient Kwan-Yin, la Déesse de Miséricorde, appelée aussi « la voix Divine ». Cette dernière est la divine protectrice du Tibet et de l'île de Puto en Chine, où les deux Divinités ont plusieurs couvents.
Les Dieux les plus élevés de l'antiquité sont toujours « les Fils de la Mère » avant d'être « les Fils du Père ». Les Logoï comme Jupiter ou Zeus, fils de Kronos-Saturne, « le temps infini » (Kâla), étaient originairement représentés comme mâles-femelles. Zeus est nommé la « belle vierge » et Vénus est représentée avec la barbe. Apollon était d'abord bisexuel comme l'est aussi Brahmâ-Vâch dans Manou et les Pourânas. On peut changer Osiris et Isis l'un pour l'autre, et Horus est des deux sexes.
Les Chinois ne sont pas inventifs, ils copient ce qu'ont fait avant eux d'autres peuples. Ils prennent aux Juifs les 72 Docteurs qui, soi-disant, auraient traduit le Sépher en grec, ce qu'on appelle la version des Septante, et en font « les Sentences dorées de Hoangti-Xao », l'un des 72 plus excellents disciples du sage roi des lettres touchant les droits de l'homme (1).
C'est leur célèbre Confucius qu'ils appellent ordinairement le sage roi des lettres, et ils disent qu'il avait soixante-douze principaux disciples du nombre desquels était Hoangti-Xao. Ils prennent aux Hindous un de leurs symboles obscènes ; le pilon dans le mortier, qu'on est étonné de trouver parmi les images qui constituent l'écriture chinoise.
On y trouve aussi le iod hébraïque devenu Y.
Si en Chine la femme est désignée par le vocable Yu (2), en Grèce elle est appelée Io (mot qui du reste désigne la vache).
A l'époque où partout on célèbre des Mystères, Confucius mêla la divination à sa philosophie. Voici ce que dit son biographe :
« Les huit symboles déterminent la bonne et la mauvaise fortune et ils conduisent aux grandes actions. Il n'y a pas d'image que l'on puisse imiter qui soit plus grande que le Ciel et la Terre. Il n'y a pas de changements plus grands que les quatre saisons. Il n'y a pas d'images suspendues plus brillantes que le Soleil et la Lune. Pour préparer les choses en vue de leur usage, personne n'est plus grand que le sage. Il n'y a rien de plus grand que les pailles divinatoires et la tortue »
Or cette tortue qu'il mentionne sans en comprendre la signification symbolique, est prise dans la Bhagavad-Gîtâ où elle est l'emblème de la chasteté, et c'est pour cela qu'elle soutient le monde.
Confucius croyait à la magie et la pratiquait, ainsi l'affirme le « Kia Yû ». Dans le « Yi King », ce faux sage porte la magie aux nues.
Comme tous les fondateurs de religions masculinistes se soutiennent, l'Eglise Romaine a canonisé Confucius il y a près de 300 ans.
Il existe (peut-être encore) au Musée Guimet deux anciennes gravures qui se rapportent à la lutte de sexes en Chine. Dans l'une on voit les femmes d'un côté, les hommes de l'autre ; sur le premier plan ils sont à genoux, sur le second plan ils sont debout.
Les femmes cherchent à enlacer les hommes à l'aide de cordes qu'elles essayent de leur passer autour du cou ; les hommes s'en défendent, ceux du second plan font des grimaces et des signes de menace. Cette corde est l'image du lien moral qui unit l'homme à la femme, que la Femme veut établir, que l'homme veut rompre.
Dans l'autre gravure, une Femme gigantesque est couchée sur une pierre, elle est morte, c'est l'antique Déesse.
Autour d'Elle et sur Elle, une multitude de petites femmes éplorées gisent dans des attitudes de désolation.
Ces gravures sont accompagnées d'inscriptions en chinois.
(1) Morceau d'un auteur chinois vivant 500 ans avant l'ère chrétienne, communiqué à Léguât (protestant français chassé par la révocation de l'édit de Nantes) par un missionnaire jésuite se trouvant à Java où Léguât était arrivé après mille aventures. (Léguât, Voyages et Aventures, imprimé à Amsterdam en 1708 ; t. II, pp. 104-113).
(2)  « Il est au moins curieux de constater la ressemblance singulière qui existe entre le nom et l’épithète de Yu le Grand et ceux du Hu Gadarn de la tradition celtique ; faut-il en conclure qu’il y a là comme des « localisations » ultérieures et particularisées d’un même « prototype » qui remonterait beaucoup plus loin, et peut-être jusqu’à la Tradition primordiale elle-même ? Ce rapprochement n’est d’ailleurs pas plus extraordinaire que ce que nous avons rapporté ailleurs au sujet de l’« île des quatre Maîtres » visitée par l’Empereur Yao, dont précisément Yu le Grand fut tout d’abord le ministre. » (R. Guénon, La Grande Triade, Ch. XVI, Le Ming-tang)

TRADITIONS JAPONAISES
On enseigne au Japon que sept Divinités régnèrent dans le passé, pendant une longue suite de siècles.
La dernière de ces Divinités eut pour fils un demi-Dieu nommé Tensio-Daï-Dsin, qui fut le Père des hommes.
Après de longs siècles écoulés dans la paix et la prospérité, de grandes discussions survinrent pendant le règne de l'homme et de longues guerres. Le Japon fut en proie à mille calamités. Au milieu du désordre, un imposteur se dit envoyé du ciel, c'est Sin-nou (Jinmu ou Jimmu) vers 660, l'époque des réformateurs religieux. Cet homme audacieux s'empara du pouvoir sacerdotal et royal et arriva à se faire accepter. Sa dynastie dura dix-huit siècles.
La doctrine de cet homme établit une pluralité de paradis situés dans les astres et que chacun peut choisir à son gré, comme on choisit un lieu de villégiature.
Mais tout le monde ne va pas en paradis, il y a aussi l'enfer, où vont les pécheurs endurcis pour y souffrir éternellement.
« Figurez-vous une boule en acier grosse comme la ville de Paris ; supposez que tous les mille ans une hirondelle l'effleure de son aile... Eh bien, cette boule sera usée avant que le supplice du damné ait pris fin ! Et quel supplice ! Plongeons dans l'eau bouillante, station prolongée sur un gril chauffé à blanc, ongles arrachés, chairs brûlées, muscles tordus, corps en lambeaux, qui sans cesse se reforme pour souffrir encore.... et pas une seconde de répit ! Ah ! tu as soif, brigand ? Bois du plomb fondu ! Une fois l'an, paix aux misérables ! sur 365 jours, pendant vingt-quatre heures (c'est toujours ça), on cesse de bouillir, de rôtir, et de se lamenter. Ce jour-là, les diables éteignent les feux infernaux, remisent leurs fourches barbelées et fraternisent gaiement avec leurs victimes ».
Depuis que les hommes qui inventent de pareilles doctrines règnent sur la Terre en se faisant appeler « Fils du Ciel », la femme est humiliée.
Le signe idéographique de l'esclavage est une femme tenue par la main.
Les Japonais décidèrent, à une époque difficile à déterminer, que la Divinité ne devait plus être représentée par des images. C'est ainsi qu'on supprima les Déesses.
M. Guimet, qui voulut bien un jour faire visiter son Musée à une Dame, avant qu'il fût ouvert au public, lui expliqua, en lui montrant une vitrine consacrée au Japon, qu'on aurait remplacé les figures des Déesses par des espèces de tire-bouchons en papier découpé.
Si l'on ne sait pas ce que cela signifie, on ne peut rien comprendre à l'histoire religieuse du Japon.



Épisode de l'Exode et le drapeau du Japon
« C'est alors qu'en masse les Israélites quittèrent l'Egypte. Et c'est Myriam (ou Marie l'égyptienne devenue Moïse) qui conduit le mouvement. Ils étaient 600.000 d'après le Pentateuque ; 240.000 d'après Manéthon ; enfin 6.000 d'après Volney. C'est plus probable et c'est peut-être même encore exagéré. Si nous supprimons encore un zéro et mettons 600, nous serons peut-être plus près de la vérité.
« Le passage de la Mer Rouge que Myriam fit effectuer à ses compagnes à marée basse loin des côtes aurait fait périr les Égyptiens qui les poursuivaient, parce que, arrivant 5 ou 6 heures après et ne connaissant pas le passage, ils furent surpris et entraînés par la marée haute.
« A peine sur l'autre rive, en sûreté, un cri d'allégresse, de soulagement, s'échappe de la poitrine de ces femmes libérées et s'exhale en un chant poétique qui nous a été conservé. Ce chant commence par ces mots : « Je chanterai un cantique à l’Éternel, car il s'est hautement élevé, il a jeté dans la mer le cheval et celui qui le montait. Il ne s'agit donc pas d'une armée, mais d'un seul homme. Du reste, les Égyptiens n'avaient pas de cavalerie. La Mer Rouge s'appelait alors la mer de Suf ; on l'appelait aussi Madian. Elle prit le nom de Mer Rouge depuis cet événement parce que la couleur rouge était celle de l'étendard féministe.
« Le Dr Ebers, qui a écrit un ouvrage sur le Mont Sinaï, nous apprend que, dans une inscription antique, on désigne cette mer en ces termes : « les eaux du pays rouge ». Toute l'antiquité a dû connaître cet événement, car nous en trouvons le récit, sous forme de légende, dans l'Encyclopédie japonaise. Et parlant des Japonais, M. Cailleux dit : « Ces peuples reconnaissent un ancien législateur qui, venu de loin, leur donna les éléments de leur culte. Il se nommait Mousa, il avait pour emblème le soleil rayonnant qui est resté jusqu'aujourd'hui dans les armes du Japon. ».

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