VIERGE MARIE ET MYSTÈRE DE L'IMMACULÉE CONCEPTION


  


G l o r i o s a    R e g i n a    M u n d i


C, G, K, Q, X

« Vous voir, c'est voir les choses et les idées sous leur véritable aspect. Vous les inondez de la LUMIÈRE qui est en vous et qui jaillit de vous... VOUS ÊTES LA VÉRITÉ MÊME, votre amour donne la certitude et la paix. »
(Maurice Leblanc, La Robe d'écailles roses)

« Je suis la fleur de la plaine et le lis des vallées. » (Cantique des cantiques 2, 1)
« Je suis la mère du pur amour, de la crainte, de la connaissance et de la sainte espérance. » (Ecclésiastique 24, 24)


« Marie, Seuil du ciel, Porche de l'infini, Narthex de la gloire immortelle, Elixir de vie, vous êtes la patronne des Génies et des Saints, de tous ceux qu'un concept divinise et qu'un dévouement honore, de tous ceux qui, engendrant leur œuvre dans une parturition joyeuse et manifestant l'absolu, se rendent semblables à Vous. Rien ne se garde impollué sans Vous, et ceux-là seuls sont vierges qui participent de Vous, car Vous êtes la mère de tout ce qui est incontaminé et pur, le levain immaculé qui, comme un fluide s'épand dans l'universalité des choses et les soustrait à la décrépitude et la mort. Je Vous ai demandé comme le poète Thespis le phlogmos brûlant et sacré, ce premier lait qui nourrit l'âme, ce sang de la vigne du Verbe, ce vin mystérieux qui nous verse l'allégresse dans l'initiation chrétienne et nous fait monter des premiers degrés de la catéchèse aux développements splendides de la science parfaite. »
(E. Grillot de Givry, Lourdes ville initiatique)


Chez les hindous, Krishna, qu'on appelait Iça-Krishna, et aussi Çri-Krishna, était considérée comme un sage infaillible, comme la vraie Divinité. Sa révélation donnée dans la Bhagavad-Gîtâ est regardée comme l'évangile de l'Orient. On appelle « un chant divin » cet enseignement donné par une femme qui explique à son disciple le néant du monde et des hommes, le néant de tout ce qui n'est pas l'Etre en soi, l'Etre suprême, la Femme-Esprit, c'est-à-dire elle-même, puisque c'est en elle qu'elle a contemplé la grande loi de la Nature qui régit les sexes.
Au lieu du Linga et de la Yoni qui avaient servi d'emblèmes jusque-là aux partis masculiniste et féministe, Krishna prit pour emblème l'ombilic, cicatrice du cordon ombilical qui relie l'enfant à la Mère, dont elle fit le symbole d'un lien moral. Ensuite, se plaçant sur le plan spirituel et non plus sur le plan sexuel, elle renonce aux couleurs blanche et rouge que les deux partis arboraient, et qui étaient les couleurs sexuelles, et prend pour drapeau le bleu, couleur du ciel, qui va désormais représenter l'Esprit.
Et le nom de Krishna signifiera « bleu céleste ». C'est l'origine des draperies bleues dont on habillera les Déesses, jusques et y compris la Vierge Marie.



Dans les Mystères de Jérusalem, ancêtres de la Franc-Maçonnerie, pour faire comprendre la réaction spirituelle que la sexualité produit chez la femme, on représente l'esprit par une étoile : l'Etoile flamboyante, au milieu de laquelle se trouve la lettre G (ghimel en hébreu). Cette lettre est la première du mot qui indique le sexe féminin dans une multitude de langues. Cette lettre, suivant les idiomes différents, est C, G, K, Q, X.
Parmi les noms du sexe féminin qu'une de ces lettres commence, citons Gunè, femme en grec, Graal, Vase sacré (sexe) en celtique, Qvina, femme en suédois, Queen, reine en breton ; en sanscrit, Ga signifie être creux, envelopper, contenir. En annamite et dans l'Afrique centrale, Ghé exprime l'idée de cavité, de vase, de récipient.
Cette signification s'est conservée dans cette expression : Vase d'élection.
Dans les Mystères antiques, on expliquait pourquoi elle est la super-âme, l'Un suprême appelé Guhya, ou Secret. On trouve en hébreu le mot Ghilloulim, et en latin Guttin, vase à boire.
Quand vint la période de réaction, on altéra les mots, on changea leur signification ; quelquefois on les retournait.
C'est ainsi que de Ghimel on fit Melchi, comme de Carmel on faisait Melkart.
Et comme les initiés étaient appelés Tsedek, on appela les apôtres du dogme féminin Melchi-Tsedek (Melchissédec).



PRÉAMBULE
La maternité est une révolution dans l'existence de la femme, et c'est le propre des révolutions de susciter toutes les puissances de la vie. Il faudrait supposer une bien complète déchéance pour qu'en cette crise douloureuse de la nature créatrice la femme ne sentit pas l'enthousiasme du dévouement palpiter dans son sein. Le premier vagissement de son enfant est l'oracle qui lui révèle sa propre grandeur ; et le fer qui détache de ses flancs une créature immortelle en qui elle se voit revivre la détache du même coup des puérilités et des égoïsmes de sa jeunesse solitaire. Cette rude étreinte des forces génératrices, ce labeur étrange imposé à sa faiblesse, ces espérances, ces angoisses, ces effrois inouïs qui l'oppressent, l'exaltent, et éclatent en un même gémissement ; puis cette convulsion dernière à laquelle succède aussitôt le calme auguste de la nature rentrée dans sa paix après avoir accompli son œuvre suprême, tout cela n'est point, comme on l'a dit, le châtiment ou le signe de l'infériorité de tout un sexe. Loin de là ; cette participation plus intime aux opérations de la nature, ce tressaillement de la vie dans ses entrailles, sont pour la femme une initiation supérieure qui la met face à face avec la vérité divine dont l'homme n'approche que par de longs circuits, à l'aide des appareils compliqués et des disciplines arides de la science. (Daniel Stern, Esquisses morales)
La racine primitive du nom « Marie » MAR, avec l'idée essentielle de maternité, signifie, suivant Court de Gebelin, grandeur, élèvation et s'applique aux grandes distinctions et aux grandes étendues d'eau (mer). Le nom de Marie, écrit en hébreu MARIAM, et commençant par le מּ hébraïque, signe maternel et féminin par excellence, se continuant par ר, signe du mouvement, י signe d'éternité, et מּ nouveau signe féminin enveloppant le mot tout entier, ne pouvait pas mieux exprimer l'évolution constante de la vie, produite par cette Mère universelle.


LE CULTE DE MARIE AU MOYEN AGE
Les siècles qui avaient brillé du Christianisme de Johanna avaient remis en lumière la grande Myriam, et le culte de cette personnalité, entourée du prestige des choses lointaines, s'était répandu dans tout l'Orient.
Il avait une place prépondérante dans les Mystères et devait, par cette voie, arriver jusqu'aux temps modernes.
Les Catholiques comprirent que, pour faire accepter leur doctrine, il était indispensable d'offrir au peuple la continuation de cette légende mariale, dont on connaissait si peu l'histoire réelle qu'il était facile d'y intercaler la nouvelle légende de la Mère de Jésus devenu un Dieu sauveur. On pensa même que la Mère ferait accepter le fils, et on ne se trompait pas ; le culte de Marie se propagea facilement, et c'est elle qui, pendant tout le Moyen Age, eut dans la religion nouvelle la place prépondérante.
En 608, le pape Boniface IV consacra le Panthéon de Rome à Marie. C'était rétablir le culte de la Femme. On lui rendait son nom antique « Notre-Dame », si peu en harmonie avec la pauvre femme de Judée de la légende évangélique, si peu Dame.
Sans cette réintégration de la Femme dans la religion, le culte catholique eût certainement sombré. C'était une imitation lointaine du Paganisme, en laid, car la Sainte Vierge, dont le principal mérite est de ne pas être une femme comme les autres, est présentée sous un aspect qui l'enlaidit ; enveloppée de voiles, elle cache la radieuse beauté de la Femme. Son expression de douleur, sa maternité, qui prime tout, sont des conditions qui vont créer un art spécial, dont le Moyen Age va remplir les églises, la reproduction du laid, les contorsions de la souffrance comme idéal.
C'est que le mensonge ne peut pas créer la beauté, qui restera toujours le privilège du vrai.
« Il ne faut pas croire, dit Burnouf, que le paganisme ait été promptement remplacé par la religion du Christ. Celle-ci était déjà montée sur le trône impérial depuis plus de deux cents ans, que l'on sacrifiait encore aux dieux dans plusieurs temples de la Grèce ; nous-même avons constaté, dans ce pays, que beaucoup de saints ou de personnages chrétiens n'ont succédé aux dieux d'autrefois que parce qu'ils portaient des noms pareils aux leurs, ou pouvaient être l'objet de cultes analogues. Saint Hélie a succédé à Hélios, le Soleil ; saint Démétrius à Déméter ou Cérès ; la Sainte Vierge à la Vierge Minerve, qui fut l'Aurore, et ainsi d'autres. Des traces nombreuses de l'ancien culte existent encore au sein du Christianisme, qui n'a jamais pu les effacer entièrement. Tous les faits recueillis dans ces dernières années, soit en Allemagne, soit en France ou ailleurs, prouvent que les religions ne font pas table rase quand elles se succèdent l'une à l'autre, mais qu'elles se pénètrent en quelque sorte à la façon d'un insecte qui se métamorphose, la forme nouvelle se substituant par degrés à l'ancienne et ne s'en débarrassant tout à fait qu'avec le temps.
« Ces lois générales, que tous les hommes de science admettent aujourd'hui, ont pour l'étude cette conséquence que plus une religion est moderne et universelle, plus sont nombreux les éléments qu'elle a réunis et qu'elle renferme dans son sein ; en d'autres termes, plus sont diverses ses origines. Un ignorant ou un esprit timoré peut seul s'imaginer que le Christianisme a tiré exclusivement son origine des Livres juifs ; car non seulement la doctrine chrétienne n'est pas tout entière dans la Bible, comme le pensent volontiers certains Israélites, mais encore, dans sa marche, elle a beaucoup emprunté aux idées grecques et latines, et plus tard à celles qui avaient cours au Moyen Age dans la société féodale. Si du dogme on passe au rite, on voit que la majeure partie de ses éléments ont une source orientale et une signification symbolique par laquelle il se rapproche des cultes indiens. » (Science des Religions, p. 75.)
L'Église n'a accepté et glorifié Marie qu'à l'époque où elle n'a plus craint de voir renaître le culte des anciennes Déesses.
Dans les Evangiles catholiques, on a supprimé tout ce qui glorifiait la femme. Et cependant, à l'époque où on les faisait, Marie, la grande Myriam, était célébrée en maints endroits ; elle avait des temples dans les villes et des chapelles dans les campagnes, mais les Catholiques n'en parlent pas.
Lorsque, après la conversion de Constantin, on chercha à introduire la religion nouvelle en Gaule, on comprit qu'il faudrait des siècles pour détruire le culte de la Nature (1), qui y régnait, et la glorification de Marie, l'antique Déesse égyptienne. L'Église aima mieux faire des concessions ; elle rendit un culte à Marie à cause de sa rivalité avec les Johannites, bien plus puissants qu'elle, à cette époque, malgré les persécutions. Ce fut une surenchère : l'Eglise s'appropria la Sainte et l'exalta avec exagération, tout en l'incorporant dans sa légende, pendant que les Fraternités qui, dans les Loges de saint Jean, lisaient son nom à l'envers et en faisaient « Hiram » (2), la cachaient de plus en plus ; et c'est par cette ruse que les Catholiques ont dominé le monde et que les Johannites ont disparu.
L'Église a multiplié les temples, les fêtes, les pèlerinages et les prières, pendant que les défenseurs de la Vérité se cachaient et se taisaient.
L'abbé Orsini nous fait remarquer « ce soin héréditaire et incessant des souverains pontifes, d'animer en mille manières la dévotion publique envers Marie ; cet empressement de toutes les nations à se mettre sous son patronage ; cette ardeur des anciens Pères, des saints de tous les siècles, des peuples entiers, à défendre ses prérogatives contre ceux qui les attaquaient. ».
C'est que, en effet, c'est toujours quand l'homme a tort qu'il met le plus d'acharnement à répandre les doctrines par lesquelles il se justifie.
Le culte de Marie fut une justification.
Toutes les religions de l'antiquité ont adoré la Femme. Le Catholicisme l'avait d'abord supprimée pour lui substituer un homme. Mais, comme l'homme n'adore pas un autre homme, il en est résulté que le Catholicisme n'a été qu'une religion pour les femmes faibles, qui ont adoré le Principe mâle dans Jésus.
Quant aux hommes qui ont voulu retrouver une satisfaction à donner à leurs aspirations religieuses, ils ont introduit dans leur religion le culte de la Vierge Marie, pour perpétuer l'antique culte de la Femme.
Le culte de Marie se répandit plus vite que celui de Jésus, parce que Marie représentait une Déesse antique et avait un passé glorieux depuis Myriam, tandis que la légende de Jésus, avec toutes ses invraisemblances, ne pouvait être écoutée que comme une histoire sans valeur.
Puis, dans la Gaule, déjà, on attendait la Vierge qui devait enfanter (Virgini Parituræ) ; on était donc préparé à la recevoir, mais on n'attendait pas un homme, d'autant plus qu'on voyait déjà, dans ce culte renversé des Catholiques, qui adoraient l'homme et n'adoraient pas la Femme, la cause des mauvaises mœurs qui régnaient partout et allaient prospérer.
C'est ce renversement des facultés psychiques des sexes qu'on appelait le Satanisme.
Donnant à l'homme la Divinité de la Femme, il y avait une apparence de logique à lui donner aussi le culte rendu à la Déesse, mais cette substitution fut grotesque et fit naître, pendant tout le Moyen Age, la querelle résumée dans l'histoire du Satanisme.
L'Église, qui n'a jamais été qu'une société politique, n'a pas su appliquer aux besoins moraux de l'humanité les vérités profondes des lois de la Nature. Ses prêtres sont impuissants à comprendre l'antique science et le secret des Mystères.
(1) « Quelle qu’ait été l’influence exercée par les divinités gréco-romaines sur le culte de la Vierge en général et de la Vierge noire en particulier, on ne doit pas oublier une autre influence, dont le rôle fut sans doute plus important encore, celle des divinités celtiques dont le culte était florissant particulièrement en terre gauloise. Un culte dont les origines lointaines remontaient à l’âge néolithique (à partir de 9 000 avant J.-C.) et même au-delà, au paléolithique. Les statuettes stéatopyges de ce dernier âge témoignent d’un culte à la Magna Mater présidant à la maternité et à la fécondité générale. En ce qui concerne les débuts de l’histoire nous possédons des statuettes des déesse-mères gauloises habitant des grottes, qui ont été retrouvées sur le sol français, et sont conservées au Musée des Eyzies. Il est remarquable que les figures de ces déesses ont la même attitude que celle de nos vierges, par exemple. La statue gallo-romaine découverte au fond d’un puits près du Bernard en Vendée. Les différentes entités divines que nous rencontrons dans le panthéon féminin, ne sont en réalité que les différents noms que revêt, selon les peuplades et les régions, la Magna Mater. Elle est à la fois Belisama, Régantona, Brigantia, Brigit et, surtout Ana ou Dana. Sous le nom de Belisama elle était vénérée principalement dans le Centre, l’Ouest et le Nord de la Gaule comme le signale ici encore la toponymie : Bellême (Orne), Balesmes (Haute-Marne), Blesmes (Aisne), Blismes (Nièvre), Beleymas (Dordogne). On sera particulièrement attentif à la forme réduite du nom : Belisa qui, par l’intermédiaire Belsa a donné son nom à la Beauce, car la Beauce, chère au poète Péguy, est le pays de Chartres, l’un des plus célèbres sanctuaires de la Vierge noire, ce qui donne à penser que la virgo paritura qu’y honoraient les Druides était Belisama, la Grande-Mère sous ce nom. » (J. Hani, La Vierge noire et le mystère marial)
(2) « Hiram » doit se lire de droite à gauche comme lisent les Hébreux et non de gauche à droite suivant l'usage des Européens : Hiram alors devient Myriam ou plutôt Maria. Le heth final, H, en hébreu se prononce A.

LA VIERGE MARIE DES CATHOLIQUES ET SA LÉGENDE
Quand le Catholicisme eut accepté Marie, on s'occupa de lui faire une légende.
D'abord, il fallut établir les conditions de sa naissance ; c'est ce qu'on appela « la Nativité de la Vierge ».
Selon Baronius, Marie naquit l'an du monde 4007, un samedi, 15 ans avant la naissance de Jésus. Cette fête fut instituée le 8 septembre dans l'Église grecque et dans l'Église latine, l'an 436, selon le même Baronius. Elle fut reçue dans plusieurs Églises gallicanes en 1017, par suite d'une révélation faite à un ermite, qui entendait tous les ans, à pareil jour, une musique céleste ; comme il désirait en savoir la cause, Dieu lui fit connaître, par un ange, que la Sainte Vierge était née ce jour-là ; le Ciel s'en réjouissait.
Puis, la confondant avec une autre Marie, celle qu'on appelle Marie de Cléophas, on la fait mère de Simon, Jacques et Jude, qui ont pour père Alphée, et qui apparaîtront comme « les frères du Seigneur ».
Les Catholiques appellent le trio formé par Marie, Joseph et Jésus la Trinité de la Terre, pendant que dans leur dogme la Trinité du Ciel, celle qui ne comprend pas de femme (Père, Fils et Saint-Esprit), est représentée par trois phallus (1). Jésus, en mourant, lègue Marie à Jean, son disciple favori, ce qui va expliquer le lien intime qui existe entre Jean et Marie, puisque les Johannites ont toujours rendu un culte à Marie réhabilitée par Johanna.
Quelle perfidie ! Et Jésus dit à sa mère : « Femme, voilà ton fils », et il dit à Jean : « Voilà ta Mère. »
Quelle perversion dans cette façon d'appeler sa Mère Femme et d'expliquer les choses de manière à faire croire qu'elles viennent d'une doctrine qui n'a été imaginée que longtemps après les événements qu'on invoque !
(1) La croix n'est devenue le signe du Christianisme qu'au VIIème siècle de notre ère, lors du Concile de Constantinople qui eut lieu de 680 à 684. Jusque-là, la religion nouvelle, c'est-à-dire le second Christianisme (le faux), celui qui triompha sous Constantin au Concile de Nicée (en 325), et qui s'édifia sur les ruines du premier (le vrai), avait pour insigne trois phallus enlacés (représentant la Trinité catholique). Le culte du « Saint Graal », « Vase sacré » des Mystères, et le « Secret de Bismillah », semblent une réaction contre ces trois phallus.

LES SOURCES DE LA LÉGENDE
Une question se pose ici : où le Catholicisme a-t-il pris le culte de Marie, puisqu'il n'est pas indiqué dans les Évangiles qu'il a acceptés ?
Il a tout simplement continué le culte de Myriam et a pris dans l'histoire de cette grande femme des données qu'il a introduites dans l'histoire de la Vierge Marie. C'est le prestige qui s'attachait au nom de la grande Myriam (voir l'article sur l'Israélisme) qui donna tout de suite de l'autorité et de la sainteté à la nouvelle Marie qu'elle allait représenter. Les souvenirs de Marie l'Égyptienne, ses légendes, furent introduits dans l'histoire de la Vierge Marie.
L'abbé Orsini dit (dans l'Histoire de la Vierge Marie, t. I, p. 288) : « Marie fut la colonne lumineuse qui guida les premiers pas de l'Église naissante. L'Étoile des mers réfléchissait encore ses plus doux rayons sur le monde renouvelé et versait de bénignes influences sur le berceau du Christianisme. »
Or le Christianisme qui s'est occupé d'une Marie, c'est celui de Johanna ; ce n'est pas, celui de Paul, qui était venu combattre la Femme et qui, loin de glorifier Myriam la grande, en fit la Magdeleine pécheresse et repentante, suivant la tradition haineuse de la Synagogue.
Marie de Magdala, c'est Myriam calomniée, avilie, outragée ; on la fait repentie et humiliée. Quelle profanation !...
L'histoire de Jésus ayant été copiée sur celle de Jean, la mère de Jésus fut d'abord la copie d'Elisabeth, mère de Jean.
Les Arabes et les Musulmans donnent comme père à Marie Amram, qui fut père de la Myriam dont on fait la sœur de Moïse. Sa mère se nommait Hannah, qui veut dire gracieuse, et aussi louange.
Ce nom Hannah devint Anna, Anne. Il semble être la moitié de lo-hanna.
Un historien de Marie, Christophe de Castro, Jésuite d'Ocagna, a trouvé d'après les rabbins, saint Hilaire et d'autres Saints Pères, que le père de Marie s'appelait Héli ou Joachim.
On fait de sainte Anne, mère de Marie, une femme âgée, parce que dans l'Ancien Testament Sarah était une Mère âgée, et aussi parce qu'Elisabeth, mère de Johanna, n'était plus jeune quand elle eut sa fille.
Dans la salutation de l'Ange à Marie, on dit de Jésus : « Il sera grand ; Dieu lui donnera le trône de David, il régnera éternellement sur la maison de Jacob (cette maison représente le sexe féminin), et son règne n'aura point de fin. »
Or le trône de David, c'est le trône de la Déesse, de la Reine, usurpé par l'homme. Ce n'est pas à un Dieu mâle qu'on peut dire qu'il occupera le trône de la Déesse et que la maison féminine régnera éternellement.
On a copié ces phrases dans l'histoire de Johanna sans en comprendre la signification.
C'est si bien Johanna et non Jésus qui doit relever le trône d'Israël, que les Catholiques eux-mêmes en font une sorte d'aveu inconscient. L'abbé Orsini, dans son Histoire de la Vierge Marie, dit (p. 22-9) :
« Jean, plus jeune que Jésus et dont la douce figure, reposant à côté de celle de son frère (Jésus), semblait personnifier l'agneau d'Isaïe, vivant en paix avec le lion du Jourdain. »
Ce n'était donc pas Jésus qui était l'agneau, c'était Jean. Le premier Christianisme est si bien Marial et non Jésuiste, qu'on ne dit pas « l'incarnation du Verbe divin », on dit « l'annonciation à la Vierge ».
C'est dans le second Évangile que la sanctification de Jean le Précurseur est venue remplacer la Visitation. La présentation de Jésus au Temple a été inspirée par la purification de Marie.
Dans tout le premier dogme, Jésus n'est rien, Marie est tout.
La tradition orientale, que les Musulmans ont reçue des premiers Chrétiens, dit que saint Jean l'Évangéliste était l'époux (c'est-à-dire l'épouse) des noces de Cana (D'Herbelot, Bibliothèque Orientale, t. II, Baronius, t. I, p. 106, Mald. in Joan., adoptent cette opinion).
C'est pour cela que, dans l’Évangile des néo-chrétiens, Marie assiste aux noces de Cana, et c'est là que ces tristes imposteurs la font insulter par son fils Jésus qui lui dit : « Femme, qu'y a-t-il de commun entre vous et moi ? »

LA FUITE EN ÉGYPTE
C'est pour justifier les souvenirs de Marie l'Égyptienne qu'on inventa la fuite en Egypte.
II fallait trouver quelque chose qui obligeât Marie à aller là où tant de souvenirs de la grande Myriam existaient encore ; puis le retour était une occasion de parodier la sortie d'Egypte et d'introduire dans la nouvelle légende ce qui avait été dit de cet événement, tel ceci : « Ainsi fut accomplie la parole du Seigneur : J'ai rappelé mon fils de la terre d'Egypte. »
Dans la première sortie d'Egypte, il y avait : « J'ai rappelé mon peuple ». On y fait séjourner Marie pendant 7 ans, pour avoir le temps de mêler à sa vie les légendes qui existaient encore dans les souvenirs populaires.
En Egypte, à l'endroit qui est aujourd'hui le grand Caire, se trouve une ancienne fontaine antérieure au Christianisme, et appelée depuis une haute antiquité « Notre-Dame de Matarieh ».
On n'a pas manqué de la mentionner dans l'histoire de la Vierge Marie ; c'est là, dit-on, qu'elle lavait les langes de Jésus. Comment peut-on savoir cela ?
Du reste, on parle dans l'Évangile d'une autre Marie, « altéra Maria ».

LES EMBLÈMES
On donne à Marie comme emblème la fleur de lys. Or cette fleur, appelée en hébreu nazar (d'où nard, nardo, et aussi azucena en espagnol), est, selon le docteur Carlhe, l'origine du nom de Nazar-eth.
Comme emblème, elle joue le même rôle que le lotus des Hindous. C'est le symbole du sexe féminin.
Le lys, qui semble venir des Celtes Gallois, ornait la bannière de Notre-Dame de Nazareth, avant Jésus, et cela signifiait Vierge de la Fleur Nazar, Vierge du Lys.
On sait que les Catholiques ont mis cet emblème du sexe féminin dans les mains de Joseph, qui, du reste, tient sur ses bras l'enfant Jésus.

L'ICONOGRAPHIE NOUVELLE
Après le 2ème Concile de Nicée, où le culte des images fut rétabli, on décerna à Marie des couronnes d'or, on ne la représenta plus qu'avec des robes de pourpre, des bandeaux de perles et le diadème des Impératrices. C'est sous ce costume que Marie est représentée sur les médailles de Zimiscès et de Théopabie. Il existe encore en Sicile des images où elle est vêtue à la grecque.
On mit son effigie sur les monnaies ; on frappa des médailles en son honneur, et on combattit sous ses auspices. En un mot, on lui donne le rôle de l'ancienne Déesse-Mère.
Dans les États du pape, on voit sur l'écu romain en argent la Vierge portée sur les nuages et tenant d'une main les clefs et de l'autre une arche ; autour se lit cette inscription : Supra firmam petram (sur la pierre solide).
La ville de Gênes présente aussi sur ses genovines d'or la Vierge portée sur des nuages et tenant l'enfant Jésus sur un de ses bras. L'inscription est : Et rege eos (guide-les).
En Autriche, il y a des maximiliens d'or sur le revers desquels est la Vierge portant l'enfant Jésus, lequel tient en sa main le globe du monde. L'inscription est : Salus in te sperantibus (le salut à ceux qui espèrent en vous).
Le Portugal met sur ses cruzades d'or le nom de Marie : Maria, surmonté d'une couronne et entouré de deux branches de laurier ; de l'autre côté se trouve une croix avec cette inscription : In hoc signo vinces (vous vaincrez par ce signe).
Le culte de la Vierge par l'Église est la copie du culte de la Déesse dans le monde païen ; tout cela était dans les Mystères antiques, dans toutes les chevaleries et dans tous les féminismes.
On n'a jamais mis l'effigie de Jésus sur les monnaies.
C'est ainsi que l'homme, par un atavisme tenace qui lui rend le besoin du culte de la Femme, le rétablissait en le mettant dans une personnalité chimérique qui répondait à son besoin d'adoration sans porter ombrage à son orgueil.
Les images de Marie se multiplièrent, en fresques à fond d'or, sur le pourtour des basiliques de Constantinople, où ceux qu'on appelait les Mosaïstes (mot qui vient de Mosa, Moses, qui signifie Muse) luttèrent d'effort et de talent avec les peintres pour les reproductions de ces tableaux.
On va transporter dans le culte de Marie toute la loi du sexe féminin que les Mystères propageaient, mais sous une forme surnaturelle qui empêchera le public d'y rien comprendre.
Nous trouvons dans les images qui lui sont consacrées la Rose des Rose-Croix, et le Lys des Celtes.
Et non seulement la Rose, mais aussi la couronne d'épines. Puis la Colombe des Chevaliers du Saint Graal.
Enfin, jusqu'au symbolisme qui représente le sexe masculin, dans une image que l'on interprétera en disant que c'est le Pélican qui se crève le flanc pour nourrir ses enfants. Symbolisme qui cache la déchéance sexuelle de l'homme dans la procréation.

ORIGINE DE L'IMMACULÉE CONCEPTION
Marie fut appelée pure et immaculée bien longtemps avant l'introduction de ce dogme dans l'Église. En cela, elle ne fit que bénéficier de la loi qui s'étendait à tout le sexe féminin. Mais il fallut une circonstance pour que l'on affirmât avec tant d'exagération et de louanges inusitées une qualité que toutes les femmes possèdent dans l'ancienne religion.
Cette circonstance, c'est l'offense que lui firent les prêtres de la Synagogue en la déclarant pécheresse ou impure et en l'empêchant sous ce prétexte de pénétrer dans leur Temple. C'est cette accusation que le second Christianisme mettra dans la légende de Marie Magda, devenue Marie-Madeleine, la pécheresse repentante.
L'indignation causée parmi les premiers Chrétiens, qui avaient fait refleurir l'enseignement de la loi des sexes, base de la morale naturelle, détermina un entraînement dans une voie de réaction contre les outrageurs.
Un auteur fort ancien, Chrysippe, dont on fait un prêtre de Jérusalem, mais sans doute du premier Christianisme, après avoir donné à Marie le titre d'immaculée, ajoute qu' « elle n'a rien de commun avec son peuple pervers, elle qui, de sa nature sans reproche et sans péché, ressemble à la rose plantée sur un sol hérissé d'épines ».
Ce qui prouve que cette question était discutée, c'est cette phrase de saint Jean Chrysostome, à propos de la conception de Marie : « Ne poussons pas plus avant dans ce mystère et ne demandons pas comment le Saint-Esprit a pu opérer cette merveille dans la Vierge ; cette génération divine est un abîme très profond, que nul regard Curieux ne peut sonder » (Serm. IV). Il appelle Marie « Vierge Très Sainte, immaculée, bénie par-dessus toutes les créatures ». Il affirme que tout a été sauvé dans la Vierge : Merito ergo Virgini. Une fois cette voie ouverte, tous les autres Pères de l'Église ne firent plus qu'amplifier l'idée qui leur était suggérée ; c'est toujours ce qui arrive.
L'abbé de Celles dit : « Tu es toute belle en ta conception, ayant été créée le temple de Dieu. La tache du péché, soit mortel, soit véniel, soit originel, n'a jamais infecté ton âme. »
Saint Jérôme la compare à la nuée du jour qui n'a jamais connu les ténèbres.
Saint Ambroise (IVème siècle) la compare à une tige droite et luisante où il ne s'est jamais trouvé ni le nœud du péché originel ni l'écorce du péché actuel : Virgo in quâ nec nodus originalis, nec cortex actualis culpae fuit.
« Par quel éloge pourrais-je exalter ta virginité sainte et sans tache ? », dit l'Église dans un cantique.
La conception immaculée de la Femme était une croyance universelle, elle se retrouve chez tous les peuples, elle est partie intégrante de toutes les religions ; bien plus, on ne peut pas faire de religion sans elle, puisqu'elle implique la connaissance du divin et le sacrifice de l'orgueil de l'homme. Mais cette connaissance était déjà en partie perdue, altérée, malgré tous les enseignements donnés pour en conserver le souvenir, malgré les précautions prises pour éviter les équivoques. Ainsi, les premiers Chrétiens représentaient les Vierges enceintes, et même aussi les chérubins qui les accompagnaient, pour faire bien comprendre que la Virginité de la Femme n'est pas dans le sexe, mais dans l'Esprit, et que toutes ont en elles la sagesse incréée qui est le Verbe.
On sait ce que les Catholiques ont fait de ce dogme, un fait surnaturel, alors qu'il n'y avait là qu'un fait naturel concernant toutes les femmes.

L'IMMACULÉE
Dans toutes les Écritures antiques, la Maternité est considérée comme immaculée et les Déesses-Mères sont dites Vierges-Mères.
Ce cas n'est pas une exception, il s'applique à la généralité des femmes.
C'est que, dès cette haute antiquité, on connut la loi du Sexe féminin (voir l'article sur la psychologie et la loi des sexes), et ce qui le prouve, c'est qu'elle est expliquée dans tous les Livres sacrés.
Il n'est pas étonnant qu'à une époque où l'on faisait à la femme un crime de sa sexualité, on ait donné à celui dont on voulait faire un Dieu une Mère Vierge, croyant ainsi rehausser sa valeur morale. Cela prouve l'ignorance de ces hommes, qui ne savaient pas que toute femme est pure dans la conception, ainsi que l'exprimaient les quatre mots cachés sous les initiales I. N. R. I.
La Maternité est immaculée parce que le sexe féminin ne participe pas à la chute dans le péché, et cela parce que son élément de vie n'est jamais donné à la génération ; elle le garde en elle. C'est pour cela qu'elle est l'Être en soi. Ses actes sexuels ne portent pas la vie au dehors, mais la portent en elle-même ; en remontant suivant sa polarité spéciale, elle féconde son propre esprit.
Et c'est cela qu'indique le mot Vierge.
Quand on parle devant des libres-penseurs de l'Immaculée-Conception, ils s'esclaffent et répondent : « Quelle bourde ! comment peut-il y avoir une conception immaculée, c'est-à-dire opérée autrement que par les procédés des modernes ? »
Cette réponse prouve qu'ils ne connaissent pas la loi des sexes, pas plus du reste que l'évolution des langues. S'ils connaissaient cette dernière évolution, ils sauraient que le mot Vierge signifie intégrité de l'Esprit. La première religion ne s'occupait que du plan spirituel. C'est dans les religions masculinistes qu'on a mis la psychologie féminine sur le plan sexuel, et alors le mot virginité est devenu intégrité du sexe.
La question n'est donc pas de savoir si la femme, vierge ou non, est plus ou moins sexuée, mais de savoir qu'elle est autrement sexuée, et c'est ce que toute l'antiquité théogonique savait.
Les religions masculinistes, qui ont supprimé toutes les lois de la Nature, se sont figuré que la vie sexuelle de la Femme la rapproche du sexe masculin, alors que c'est tout le contraire, elle l'en éloigne.
Cette question fut un sujet de dispute au Concile d'Éphèse, en 431, quand Marie fut déclarée Mère de Dieu.


HÉLOÏSE (1101 - 1164) ET ABÉLARD (1079 - 1141)
Le Catholicisme n'a que cinq siècles d'existence, et déjà le rationalisme s'élève pour le combattre.
Malgré tous les obstacles que l'Église ne cessait d'accumuler pour étouffer la pensée, la foule avide de connaître, de savoir, est à chaque instant prête à rompre les liens qui l'attachent à Rome quand elle croit entendre quelque part la parole de vérité.
Au XIIème siècle déjà, nous en avons la preuve dans l'ardeur avec laquelle elle se précipite sur les pas d'Abélard pour entendre sa parole inspirée. De toutes parts on accourait : les voyages, si difficiles alors ne sont rien. Abélard, le brillant apôtre devant qui toutes les éloquences pâlissent, devait naturellement porter ombrage à l'Église ; ses adversaires, saint Bernard et les autres, humiliés du triomphe de ce hardi rationaliste et blessés dans leur amour-propre par cette supériorité, ne pouvaient lui pardonner son éclatant succès. L'Église assemble le Concile de Soissons en 1122 pour le juger, et le condamne, à brûler lui-même son traité dé la Trinité. Il échappa une première fois à ses juges, mais, ayant recommencé, au désert, son ardente propagande, il fut arrêté une seconde fois et amené devant ses juges, ou plutôt ses ennemis, réunis en Concile à Sens ; il se déclara orthodoxe, il veut seulement que la discussion des dogmes soit soumise à la raison. L'École qu'il fonde est celle de la libre interprétation !
Avant Héloïse, bien des femmes vaillantes avaient suscité des hérésies ; avant Abélard, bien des hommes les avaient suivies et défendues hardiment en face de l'Église ; mais aucune femme n'avait laissé un nom aussi célèbre que celui d'Héloïse, peu d'hommes ont eu une aussi grande renommée qu'Abélard ; cela vient de ce que la révolte de leur conscience et l'affranchissement de leur esprit furent idéalisés par un roman d'amour, et le public, qui est romanesque, prête plus d'attention et d'intérêt à ceux qui se sont aimés sans mystère, surtout lorsque leurs amours et leurs actes ont été une révolte contre la contrainte imposée par la morale catholique.
Mais, si le roman d'Abélard est célèbre, si l'histoire de ses amours est populaire, on ne connaît pas assez l'histoire du redoutable enseignement que ce roman d'amour entrecoupait, de ses pouvoirs, des paroles ardentes où la libre pensée moderne brillait de ses premières lueurs et qu'un peuple d'écoliers, pressé sur l'étroite berge du fleuve, écoutait avidement.

ABÉLARD
Abélard était né dans le bourg de Palais près de Clisson, dans le diocèse de Nantes, en 1079, d'une famille noble ; son père s'appelait Bérenger, sa mère Luce.
Ayant achevé ce qu'on appelle aujourd'hui ses humanités, il vint à Paris terminer ses études sous Guillaume de Champeaux.
Il avait reçu les ordres et se trouvait pourvu d'un canonicat, ce qui ne l'empêchait pas de séduire toutes les femmes ; ces équipées libertines contribuaient à le rendre célèbre. Mais Abélard lui-même nous raconte qu'il voulait posséder une femme bien à lui. Et voici ce qu'il imagina : ayant entendu parler d'une jeune et savante fille, nommée Héloïse, il offrit au chanoine Fulbert, chez qui elle demeurait, une assez forte somme s'il consentait à le prendre chez lui. Héloïse était la fille de Fulbert, mais passait pour sa nièce. Le chanoine fut enchanté de cette proposition et l'accepta avec joie. Abélard avait déjà une grande renommée ; le chanoine eut l'idée de lui demander de donner quelques soins à l'instruction d'Héloïse, déjà si profonde. Abélard ne put s'empêcher d'exprimer la surprise qu'il en ressentit : « Je ne pouvais pas assez m'étonner de sa grande simplicité, et je demeurai en moi-même aussi stupéfait que si j'avais vu confier une tendre brebis à un loup affamé. »
Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, nous donne une idée de ce qu'était Héloïse à cette époque ; il lui disait plus tard : « Je n'avais pas encore franchi les bornes de l'adolescence et n'étais pas encore un jeune homme lorsque j'ai entendu célébrer, non pas votre religion, mais vos glorieuses et louables études. J'entendais dire aussi qu'une femme encore enchaînée dans les liens du monde s'adonnait avec ardeur à l'étude des lettres et de la philosophie, étude où vous avez surpassé toutes les femmes et vaincu presque tous les hommes. »
Héloïse possédait complètement trois langues, le latin, le grec et l'hébreu, et c'était toute sa science qui allait se communiquer à l'esprit d'Abélard venu pour chercher une femme, mais qui y trouva en même temps un Esprit saint, qui le rendit immortel.
On sait que le chanoine Fulbert, pour le punir d'avoir séduit sa fille, le livra à quatre forts gaillards, qui lui enlevèrent... sa virilité.
C'est alors qu'il reprit sa vie de propagande, momentanément interrompue par ses amours, et se montra supérieur à tous ses contemporains ; aussi il excita une jalousie qui révèle la supériorité qu'il avait sur les autres.
A cette époque régnait la querelle des nominalistes et des réalistes.
Les nominalistes, représentés par l'évêque Roscelin, n'accordaient aux idées générales, hors de l'entendement masculin, que le nom dont on se sert pour les exprimer (exemple : la science est un mot, rien de plus).
Les réalistes, soutenus par Guillaume de Champeaux, tenaient ces idées pour réelles (substances réelles, disait-on ; exemple : science veut dire réalité cachée dans l'esprit féminin).
Abélard créa un système intermédiaire. Il chercha à introduire l'autorité du raisonnement philosophique dans la théologie (système féminin). Il fut un novateur, parce que l'homme qui ose. Il parla en femme, c'est-à-dire en exprimant les idées d'Héloïse, qui s'étaient gravées dans son cerveau.
Son amour ardent, que son état rendait plus pur et plus spirituel, lui avait fait découvrir l'Esprit de la Femme. Et cependant il reste galant, quoique châtré.
Héloïse lui écrit : « Avec quelle facilité faites-vous les vers les plus galants du monde ! Il n'est pas jusqu'à vos moindres chansons qui n'ont de charme. Combien toutes ces galanteries m'ont-elles fait de rivales ! Combien en ai-je vu à qui l'amour-propre faisait croire, après une seule de vos visites, qu'elles étaient la Sylvie de vos vers ! ».
Quant à elle, elle nous révèle en elle la vraie femme. Elle écrit : « Vous savez bien que dans le temps même que nos amours pouvaient n'être pas si pures, je n'ai jamais aimé l'homme en vous. Combien vous ai-je témoigné de répugnance pour le mariage ! Quoique je connusse bien que le nom de femme était auguste parmi les hommes et saint dans la religion, je trouvais plus de charme dans celui de votre maîtresse. » 
Cousin dit qu'Héloïse aima comme sainte Thérèse et qu'elle écrivit comme Sénèque.

ENCORE L'IMMACULÉE CONCEPTION
Décidément, il se faisait un mouvement de retour vers la Femme. Était-ce l'influence de la Chevalerie ? Était-ce le dégoût de la vie bestiale, ou simplement la voix si puissante du cœur de l'homme qui réclamait sa consolatrice ?
Tout cela peut-être, et aussi le réveil du sentiment religieux dans l'âme de l'homme jeune.
Abélard, qui demandait le libre examen des dogmes, n'avait pas osé s'élever jusqu'à la révision de l'idée divine, et cependant, sans le savoir lui-même, il niait le Dieu des Chrétiens et affirmait l'ancienne Déesse quand il écrivait à Héloïse : « Je vous trouve toujours entre Dieu et moi. »
Il disait aussi : « Si, dans le temple, je fais ma prière à la Vierge, dont j'implore le secours, en contemplant la Mère de mon Dieu, je crois voir en ses traits divins ceux de ma chère Héloïse, je lui jure un amour éternel. »
Héloïse ne croyait pas non plus à ce Dieu de néant, car elle écrivait à Abélard : « Je crains plus d'offenser un homme que d'irriter un Dieu. »
Tous les jeunes moines, enfermés dans les couvents à l'âge où les passions s'éveillent, jetaient vers la Femme le cri d'amour, et c'est la Vierge, en face d'eux, qui recueillait leurs hommages. C'est Elle qui abaissait sur eux son regard tendre, Elle qui leur tendait les bras, Elle en qui ils voyaient « la Maîtresse ». Debout sur l'autel, en sa robe de pierre, elle leur semblait frémissante de vie, et suffisait, dans leur solitude monastique, pour éveiller en eux l'idée séduisante de l'Éternel féminin.
Avec ce retour de la Femme, on remettait en discussion la loi des sexes, dont l'écho avait rempli les siècles de l'antiquité. Mais, pour le prêtre, la Femme réelle n'existe plus, sa jalousie la supprime, il détourne la tête quand Elle passe ; la seule qu'il ose regarder en face, qu'il ose encore prier, c'est celle qu'il a donnée pour Mère à son Dieu, celle, justement, qui n'est pas Femme ; malgré lui, il remet en Elle l'Esprit féminin, les perfections divines des Minerve, des Vénus, des Astarté. C'est dans Marie seulement que le prêtre va remettre, timidement, la pureté immaculée dans la conception (pour être plus exact, il faudrait dire dans l'ovulation), pureté qui est le privilège de toutes les femmes. Ce dogme, si ancien, renaissait toujours (Bouddha était né d'une vierge ; le Bœuf Apis était un veau né d'une vache vierge, fécondée par un souffle divin ou par un rayon de soleil).
Le Christianisme, qui avait réédité sous une forme nouvelle la plupart des grands principes de la Religion primitive, dut, pour ne pas rompre ouvertement avec la tradition antique, encore si forte alors, introduire dans son culte le souvenir de la Femme divinisée. Ce fut la Vierge Marie qui joua ce rôle, malgré le peu d'opportunité de cette personnification, le peu de prise que donnait la pauvre femme de Judée à cette grande idée. Mais il fallait conserver le principe de la Vierge-Mère, la tradition de la Déesse primordiale, Mère des Dieux, et représentant le triomphe de l'Esprit sur la force, sur la matière.
Le culte de la Femme se serait sans doute perpétué, et elle aurait continué à occuper, dans l'Olympe et dans le monde, la place privilégiée que ses facultés lui avaient assignée, si l'interversion d'esprit de certains hommes n'était venue déranger l'ordre primitivement établi.
Cependant, les traditions ont trop de force pour qu'on puisse les détruire. Au milieu du désordre qui a remplacé la justice primitive, nous retrouvons des empreintes profondes qui semblent gravées dans le cerveau des générations d'une façon ineffaçable. Ces empreintes nous révèlent les Vérités premières dont le souvenir se perpétue dans les sociétés par des légendes, des symboles, des usages. Le culte de la Femme, chaste et mère, n'était pas absolument effacé ; on le voyait renaître dans les hommages rendus par les chevaliers et les gentilshommes à la Dame.
Le Catholicisme devait le reprendre aussi. Déjà, saint Augustin avait déclaré qu'il excepte toujours la Mère du Sauveur quand il parle du péché. C'est que, quand il parle de choses sexuelles, c'est la nature masculine qu'il sous-entend, non la nature féminine qu'il ignore ; aussi avait-il, comme tous les Pères de l'Église de son époque, doté la Femme du péché masculin.
C'est Paschase Radbert, au IXème siècle, qui, dans son livre De Partu Virginis, commença à parler de Marie comme n'ayant pas contracté le péché originel, sans préciser encore le sens rigoureux d'une telle formule.
En 1140, on voit l'idée formelle de l'Immaculée Conception faire son apparition à Lyon par l'initiative de quelques chanoines qui instituèrent une fête en son honneur. Bertrand de Clairvaux les combattit vigoureusement dans sa 174ème épitre.
La discussion renaissait donc sur cette grave question qui devait tant faire divaguer les esprits troublés ; témoin ce que disait le pape Félix, qui tenait pour certain que « la Vierge avait conçu par son oreille avant de donner naissance au Christ par la porte d'or ».
Sans doute on se rappelait vaguement que, dans toutes les mythologies, le rôle sacré de la Femme était de se livrer a l'amour féminin (l'amour cérébral qui élève). « Les femmes d'Orient faisaient du plaisir une dévotion, un office, un rite, amoureuses et dévotes », dit Michelet.
Ce que l'antiquité avait sanctifié dans la Femme, c'était sa sexualité. Ce sont toutes ces antiques traditions qui venaient se fondre dans le Catholicisme en ce dogme de l'Immaculée Conception, c'est-à-dire de la conception sans déchéance morale.
Et l'on vit alors ce spectacle bizarre, la Femme vivante condamnée comme une pécheresse dans un acte déclaré pur quand la Femme-type, Marie, le commet. C'est qu'on garde pour Elle l'antique et éternelle Vérité. 
Pour l'autre, la Femme vivante et gênante, on institue l'erreur afin de la mieux dominer. La glorification de la virginité féminine était une ruse du prêtre. Il glorifiait celle qui s'abaissait volontairement en abdiquant sa grandeur sexuelle, tout en se soumettant aux caprices du mâle, celle qui se faisait son esclave ; il feignait de mépriser celle qui gardait toute sa liberté d'action, celle que l'antiquité avait honorée pour sa grandeur morale et spirituelle, se doutant bien que sa vie intellectuelle est liée à sa vie sexuelle.
« La virginité est le cloître de la Divinité. », dit Florimond de Raimond dans son Anti-Christ.

ORIGINE DU MYSTÈRE DE L'IMMACULÉE CONCEPTION
Si nous cherchons la signification qu'on donnait au mot « Vierge » dans les primitives religions, et même dans la Bible, nous voyons que la femme vierge, ce n'est pas la jeune fille, qui est appelée pro-stituée (premier-état), mais la jeune femme, celle qui est ou peut être mère. Si on la glorifiait, c'est parce qu'elle avait fait preuve de « sexualité ». C'est à elle qu'on rendait un culte, qu'on adressait des hommages. On la représentait comme le type de la chasteté ; elle est pure (pulchra), mais Mère cependant ; on montrait, par tous les symboles antiques, comme les Épis de Cérès, de Cybèle ou le fruit du grenadier dont les innombrables pépins symbolisent la graine humaine, l'ovule, que la fonction spéciale à son sexe, l'ovulation, est une sanctification qui la grandit ; symbolisme que l'on retrouve dans certains tableaux de Sandro Botticelli, comme « La Madone à la grenade », et dans « La Vierge à la grenade » de Léonard de Vinci.
La femme mère est vierge, c'est-à-dire intacte dans son entité spirituelle. Ainsi, ce mot exprimait bien l'admirable phénomène qui se passe en elle : l'acte sexuel (ovulation ou conception) sans que son âme soit atteinte de la déchéance.
Le culte rendu à la Femme, dans les religions primitives, c'est le culte de la femme sexuelle, et, pour qu'il n'y ait aucun doute à cet égard, le symbolisme antique lui met toujours un enfant dans les bras (quelquefois elle tient deux épis qui représentent ses deux ovaires).
En la représentant ainsi, c'est-à-dire pure et mère en même temps, on voulait perpétuer l'idée du grand mystère, si bien connu dans la jeunesse de l'humanité. On voulait que toutes les générations à venir sachent bien que la femme n'est grande que par la fonction de son sexe : l'ovulation, qui est le premier mot de la maternité.
Lorsque les prêtres renversèrent la loi morale, ils changèrent la signification des mots, qui, d'altération en altération, arrivèrent à signifier tout autre chose que ce que primitivement ils signifiaient.
Au moyen âge, les masses populaires, qui vivaient dans l'ignorance de la Nature et de l'histoire, ne connaissent plus que la signification renversée des termes qui s'appliquaient à la morale sexuelle. La signification primitive de ces mots était tout à fait ignorée, de même que la connaissance des lois naturelles qui les avaient fait adopter.
C'est ainsi que le nom de Vierge, pour le prêtre du XIIème siècle, est donné à la femme qui n'est pas femme, qui n'est pas mère.
Bien plus, confondant, dans son ignorance, l'ovulation et l'accouplement, il étend la culpabilité qu'il met dans l'accouplement à l'ovulation, condamnant ainsi les deux actes en même temps, et il emploie le mot Vierge, resté sacré, à glorifier la femme qu'il considère comme ne remplissant aucun des deux actes sexuels. Il résulte de cette altération de la signification des mots un galimatias étrange.
C'est ainsi que toutes les Vérités premières, ayant été renversées, ne peuvent plus être proposées à la foi populaire qu'à titre de mystères ou de miracles. Pour les comprendre, il faut sauter par-dessus tout ce que les religions ont fait et dit et remonter jusqu'aux temps de la Théogonie, ou bien consulter l'Esprit de la Femme, qui a conservé le dépôt atavique de la Vérité antique et peut, dans certaines circonstances, restituer toutes les Vérités premières.
Mais, à l'aide de la théologie des prêtres, des spéculations philosophiques, ou de la science des empiriques, il est impossible de rien retrouver. C'est là un fait qu'il faut s'habituer à considérer comme positif. Il ne faut pas demander aux hommes de refaire la Vérité, puisque ce sont eux qui l'ont défaite, et ils n'ont pas aujourd'hui des facultés différentes de celles de leurs ancêtres, qui leur permettent de faire ce que les autres hommes n'ont pas fait.
Cependant, ces dogmes formulés aux premiers jours de l'humanité ont une telle force que, malgré tout ce qu'on a fait pour les détruire, ils se sont propagés à travers toutes les religions, tous les systèmes. Il semble qu'il y ait au fond de l'esprit de l'homme (de quelques hommes au moins) une voix secrète qui l'avertit qu'il y a là une Vérité sacrée, à laquelle il ne faut pas toucher.
Ainsi, ce dogme de la sainteté de la femme dans l'ovulation, malgré son apparence absurde, n'a pas pu être aboli. Plusieurs fois l'Église, qui n'en comprenait ni l'origine ni la signification, tenta de l'effacer de son symbole. Au XIIème siècle, saint Bernard commence à attaquer cette idée, qui lui semble étrange, de l'Immaculée Conception. Il ne comprend pas la signification de ces deux mots accouplés, il ne sait pas que la femme est immaculée dans la fonction génésique, fonction qui est le premier mot de la conception. Il faut toute la science moderne, bien plus, il faut toute la science de la femme pour comprendre la signification de ce mystère.




« Nous ne pouvons plus croire à l'existence d'une Providence extérieure à nous, qui nous ait créés, qui veille sur nous, et qui dirige nos vies comme un Père miséricordieux. Mais qu'il existe un esprit-Saint émanant de toutes choses animées et qui trouve sa plus haute expression, pour les hommes dans l'amour et pour les fleurs dans la beauté, nous pouvons en être aussi absolument certains que de n'importe quoi en ce monde. Cette flamme spirituelle qui est au centre et à l'origine de toutes choses, qui brûle continuellement en nous, est le facteur essentiel de notre existence. Elle ne réussit pas toujours à se manifester extérieurement : des obstacles trop forts lui barrent le chemin. D'autres fois elle n'y réussit qu'à moitié. Mais parfois elle jaillit en une lumière rayonnante. Ils sont peu nombreux ceux qui, dans un moment divin de leur vie, n'ont point été conscients de sa présence. Nous ne savons pas toujours l'exprimer, mais nous savons qu'elle est là. »
(Sir Francis Younghusband, Within)


À suivre : CELTES ET LATINS